Les sanctions disciplinaires font l’objet d’un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation quant à leur proportionnalité et d’un contrôle normal quant au respect des exigences procédurales.
Le prononcé de sanctions administratives continue encore de soulever de vifs débats comme en témoigne la récente décision du Conseil constitutionnel (Cons. Const., 12 oct. 2012, n° 2012-280 DC, Sté Groupe Canal plus et autres : à propos de l’organisation et du pouvoir de sanction de l’Autorité de la concurrence) .
Constitue une sanction administrative, toute « décision unilatérale prise par une autorité administrative agissant dans le cadre de prérogatives de puissance publique [et qui] inflige une peine sanctionnant une infraction aux lois et règlements » (Etude et documents du Conseil d’Etat, Les pouvoirs de l’administration dans le domaine des sanctions, La Documentation française, 1995, p. 35) .
A cet égard, les fédérations sportives – en tant que délégataires d’une mission de service public et titulaires de prérogatives de puissance publique (CE, 22 nov. 1974, FIFAS, R. p. 577, concl. THERY) – peuvent être habilitées à prononcer des sanctions disciplinaires dont le contentieux relève de la compétence du juge administratif (CE, 22 nov. 1976, Fédération française de cyclisme, R., p. 513 ; AJDA, 1977, p. 139, concl. GALABERT, note F. MODERNE ; CE, 20 oct. 2008, Fédération française de football, n° 320111) . Il faut toutefois noter que les instances collégiales fédérales infligeant les sanctions disciplinaires ne constituent pas des organes juridictionnels de par leur nature privée (CE, 19 déc. 1980, Hechter, R., p. 488) .
C’est ainsi que la Fédération française d’équitation (FFE) a prononcé une sanction de suspension de sa licence de compétition pour une durée de trois ans, dont deux ans avec sursis, à l’encontre du dirigeantd’un centre équestre pour avoir méconnu les obligations qui s’imposaient à lui en sa qualité de licencié dirigeant de la Fédération. En effet, il n’avait pas avisé la Fédération de l’utilisation frauduleuse de sa licence alors qu’il était au courant de telles pratiques. Le Tribunal administratif de Grenoble avait, par un jugement en date du 16 septembre 2011, suspendu la sanction prononcée par la commission disciplinaire d’appel de la FFE eu égard à son caractère excessif. Saisie en appel par la Fédération sportive, la Cour administrative d’appel de Lyon annule le jugement du Tribunal administratif de Grenoble et confirme la sanction prononcée par la Fédération. La proportionnalité de la sanction a fait l’objet d’un contrôle poussé et d’une analyse motivée de la part de la Cour administrative d’appel (1). Le juge d’appel a, par ailleurs, apprécié la régularité de la procédure suivie (2).
1. Un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation de la proportionnalité de la sanction
Bien que l’existence de recours contre les sanctions administratives soit consacrée explicitement par le Conseil constitutionnel (Cons. Const., 17 janvier 1989, n°088-248 DC), ce n’est qu’en 2009 que le Conseil d’Etat a, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH, 23 oct. 1995, Umlauft c/ Autriche, n° 15527/89), jugé que le recours contre les sanctions administratives infligées par l’administration à ses administrés relevait par principe du contentieux de pleine juridiction (CE, ass., 16 février 2009, Société ATOM, n° 274000) .
Le recours de pleine juridiction permet au juge administratif de procéder à un entier contrôle de proportionnalité de la peine prononcée par rapport au manquement invoqué (pour les sanctions du Conseil supérieur de l’audiovisuel : CE, 20 mai 1996, Société Vortex, n° 167694, R., p. 189) . Ainsi, dans son arrêt Société Atom de 2009 (préc.), la Haute juridiction a-t-elle d’ailleurs rappelé que « qu'il appartient au juge du fond, saisi d'une contestation portant sur une sanction que l'administration inflige à un administré, de prendre une décision qui se substitue à celle de l'administration et, le cas échéant, de faire application d'une loi nouvelle plus douce entrée en vigueur entre la date à laquelle l'infraction a été commise et celle à laquelle il statue ; que, par suite, compte tenu des pouvoirs dont il dispose ainsi pour contrôler une sanction de cette nature, le juge se prononce sur la contestation dont il est saisi comme juge de plein contentieux ».
La Cour administrative d’appel de Lyon a appliqué avec rigueur, à une sanction disciplinaire, le principe ainsi posé par le Conseil d’Etat et procédé à une analyse approfondie de la sanction prononcée par la FFE. La Cour, après avoir rappelé les textes en vigueur et les sanctions applicables en cas de méconnaissance des statuts et règlements fédéraux nationaux et internationaux des activités équestres, a particulièrement examiné la sanction infligée au requérant. Le juge d’appel a mis en évidence l’ensemble des circonstances de fait qui ont conduit la Fédération à prononcer une sanction ainsi que le comportement fautif du dirigeant équestre ; ce qui justifie pour la Cour la sanction disciplinaire.
Le principe de personnalité des sanctions (Cons. Const., 17 janvier 1989, n° 88-248 DC) est par ailleurs respecté, la Cour relevant que les fautes sont « personnellement imputables » au dirigeant. Cette analyse du juge d’appel peut apparaître de prime abord surprenante puisque le dirigeant n’a commis qu’indirectement une faute. En effet, ce n’est pas le dirigeant qui a lui-même participé indument aux compétitions équestres, mais sa compagne. De plus fort, l’utilisation frauduleuse du compte personnel est imputable non pas au requérant mais à la personne qui est chargée de l’administration du centre équestre. Le dirigeant a uniquement fait preuve de négligences en laissant perdurer de telles pratiques. La Cour reprend ici une position classique du juge administratif qui admet la sanction pour le fait d’autrui ( par exemple, un club peut être sanctionné du fait du comportement de ses supporters : CE, avis, 29 oct. 2007, n° 307736, Sté sportive professionnelle LOSC Lille métropole ; de même pour la faute commise par un préposé : CE, 6 juin 2008, Sté Tradition securities and futures, n° 299203) .
2. Un contrôle normal du respect des exigences procédurales
La Cour administrative d’appel de Lyon, après avoir apprécié le caractère proportionnel de la sanction, a examiné la régularité de la procédure de manière tout aussi systématique.
Le prononcé d’une sanction administrative doit respecter le principe des droits de la défense consacré d’ailleurs à l’occasion d’un recours dirigé contre une telle mesure (CE, 5 mai 1944, Dame Veuve Trompier-Gravier, R., p. 133) . Dans le cadre de « sanctions ayant le caractère d’une punition », le Conseil constitutionnel exige des garanties procédurales spécifiques (Cons. Const., 27 juillet 2006, n° 2006-540 DC) .
Ces exigences se traduisent, en ce qui concerne les sanctions prononcées par les fédérations sportives, par le respect d’une procédure contradictoire, la possibilité d’exercer un recours contre la sanction et la motivation de la sanction. De manière classique (voir en ce sens : CE, 10 juin 2011, Union sportive Avranches Mont Saint-Michel, n° 327158), la Cour a apprécié la régularité de la procédure à l’aune de ces éléments et n’a relevé aucune irrégularité. Un élément mérite toutefois d’être souligné. En effet, le règlement disciplinaire général de la FFE, à l’instar de l’exigence désormais posée à l’encontre des juridictions disciplinaires (CE, ass., 14 fév. 1996, Maubleu, n° 132369), prévoit la publicité des débats. En l’espèce, bien que la salle d’audience soit restée fermée, la Cour considère qu’il n’y a pas eu violation du principe de publicité des débats. L’approche retenue par le juge d’appel en matière de débats publics est donc très libérale.
Par ailleurs, bien que les instances disciplinaires des fédérations sportives ne soient pas considérées comme des juridictions relevant des dispositions de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, leurs membres sont toutefois tenus à une obligation d’impartialité (CE, 5 mai 1995, Burruchaga, n° 155820) . Depuis la jurisprudence Didier et Caisse de Crédit mutuel de Bain-Tresboeuf, toutes les autorités administratives siégeant en formation disciplinaire doivent respecter le principe d’impartialité (CE, 3 déc. 1999, Didier et Caisse de Crédit mutuel de Bain-Tresboeuf, n° 197060) . Le manque d’impartialité du président de la commission disciplinaire soulevé par la requérante n’a pas été retenu par la Cour administrative d’appel.
Enfin, le juge d’appel a considéré que le principe général du non-cumul des sanctions administratives a été respecté (CE, 5 mars 1954, Banque alsacienne privée et Dupont, R., p. 144), un même manquement ne pouvant donner lieu qu’à une seule sanction (CE, 29 oct. 2009, Sté Air France c/ ACNUSA, n° 312825) . En effet, le fait que la commission disciplinaire ait précisé que la sanction faisait obstacle à la participation du dirigeant aux compétitions françaises sous couvert d’une licence étrangère ne pouvait être assimilé à une deuxième sanction mais devait être considéré comme la conséquence de la sanction.
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon est donc extrêmement motivé, rejoignant ainsi une mouvance plus générale de motivation des décisions de justice (V. « La motivation », Réflexions croisées, Lamy droit civil, 1er janv. 2012, p. 89). L’exercice du pouvoir répressif de l’administration est ainsi soumis à un régime juridique très encadré passant par un contrôle complet du juge administratif.