L’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) a formé le 28 juillet 2009 un recours gracieux auprès du Président de l’Université Joseph Fourier Grenoble 1 pour contester les frais d’inscription complémentaires réclamés aux étudiants de cette université et en demander le remboursement. Cette demande étant restée sans réponse, l’UNEF a porté le litige devant le Tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande, comme irrecevable, par le jugement n° 0905357 du 16 juillet 2010, dont elle interjette appel.
Ce jugement est motivé de la manière suivante : « Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er des statuts de l'Union nationale des étudiants de France (UNEF) : « Il est fondé entre les adhérents (…) une association régie par la loi du 1er juillet 1901 et le décret du 16 août 1901 ayant pour titre : "Union nationale des étudiants de France dite UNEF" » ; qu’il ressort notamment de l’article 3 de ses statuts que l’UNEF est composée au plan local d’associations générales des étudiants qui doivent constituer une association et qui sont ses unités de base ; que, d’autre part, bien que le Tribunal ait informé les parties qu’il était susceptible de soulever d’office le moyen tiré du défaut d’intérêt à agir de l’UNEF, celle-ci ne conteste pas que l’association générale des étudiants de Grenoble, qui défend les intérêts des étudiants grenoblois, était habilitée à demander l'annulation de la décision attaquée portant rejet du recours gracieux contre la délibération du conseil d’administration de l’université Joseph Fourier Grenoble I qui fixe les montants des droits spécifiques exigés des étudiants de cette université ; qu’eu égard à la portée de cette décision, qui ne concerne que la politique de l'établissement et les étudiants inscrits à l’université Joseph Fourier Grenoble I, l’UNEF, organisation nationale, n'avait pas qualité pour se substituer à l'une de ses associations adhérentes, en vue de la défense en justice des intérêts propres que cette association locale était en droit de faire valoir ; qu’ainsi, alors même qu’elle invoque sa mission générale de défense des droits des étudiants, l’UNEF ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité à agir pour contester la décision attaquée ; que, dès lors, la requête est irrecevable et, par suite, doit être rejetée ».
Ce faisant le Tribunal administratif de Grenoble a appliqué la jurisprudence habituelle du Conseil d’Etat qui juge de manière constante qu’une association, ayant un objet général, n’a en principe pas intérêt pour contester une décision dont la portée est limitée, surtout s’il s’agit d’une association regroupant des associations plus spécialisées. Vous pourrez voir en ce sens CE 29 avril 2002 n° 227742 Association « En toute franchise », mentionnée au Recueil, jugeant qu’une association nationale dont l’objet est défini en des termes d’une grande généralité ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation d’une décision de la commission nationale d’équipement commercial qui n’a d’effets que dans une aire géographique limitée, ou CE 9 juin 1995 n° 106732 et suivants, Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment et autre jugeant qu’une fédération nationale de syndicats ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour attaquer une décision qui n’est susceptible d’intéresser qu’un seul des syndicats qu’elle regroupe ou encore CE 15 janvier 1986 n° 48271 Fédération française des sociétés de protection de la nature, jugeant qu’une fédération nationale regroupant des associations départementales ne peut se substituer à l’une d’elles pour contester une décision qui ne concerne que cette association.
L’UNEF conteste cette irrecevabilité en soutenant qu’elle a pour mission de défendre les intérêts de tous les étudiants et que la violation d’une législation nationale par l’Université Grenoble I est de nature à porter atteinte à tous les étudiants en dissuadant des étudiants d’autres universités de venir étudier à Grenoble 1.
Le caractère national de la réglementation des droits d’inscription ne nous paraît pas de nature à remettre en cause la jurisprudence précitée, puisqu’on trouve de nombreux exemples où une association se prévalant de la méconnaissance de dispositions nationales par des dispositions locales ou particulières ne s’est pas vue reconnaître un intérêt suffisant pour lui donner qualité pour agir contre ces dispositions locales ou particulières.
Il ne reste donc que l’argumentation selon laquelle la décision de l’Université Grenoble 1 serait susceptible d’avoir des effets nationaux en dissuadant les étudiants d’autres universités de venir s’inscrire à Grenoble 1 mais cet intérêt, purement hypothétique, ne nous paraît pas suffisant, faute de quoi il faudrait admettre que tout requérant a un intérêt suffisant pour contester le prix de l’eau dans une commune parce que toute personne est susceptible de vouloir s’installer dans cette commune et d’en être dissuadée par le niveau du prix de l’eau. La mesure concernant uniquement les étudiants qui s’inscrivent effectivement à l’Université Grenoble 1, il nous semble qu’il appartenait à l’association locale de Grenoble de la contester et que l’association nationale n’avait pas un intérêt suffisant pour le faire à la place de cette association locale ou des étudiants d’autres universités souhaitant venir s’inscrire à Grenoble 1.
Dès lors, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres fins de non-recevoir opposées par l’Université Grenoble 1, nous vous proposons donc de considérer que l’UNEF n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
L’Union nationale des Etudiants de France n’ayant pas un intérêt suffisant pour contester ces droits complémentaires, nous vous proposons de rejeter sa requête, y compris ses conclusions tendant au remboursement des droits perçus et celles présentées au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative.
Il vous restera alors à statuer sur les conclusions présentées au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative par l’Université Grenoble 1.
Vous savez naturellement que les droits de scolarité pour les diplômes nationaux sont fixés par arrêté, en l’espèce, un arrêté du 30 juillet 2009 qui était encore en cours de signature à la date du recours gracieux de l’UNEF, et que les universités ne peuvent les majorer par des contributions complémentaires pour services rendus que si ces contributions correspondent à des prestations supplémentaires clairement identifiées et facultatives, la jurisprudence sur ce point n’ayant pas évolué depuis une décision du Conseil d’Etat du 10 décembre 1993 Université Jean Moulin Lyon III. En l’espèce, il ne ressort pas clairement des pièces du dossier que les contributions complémentaires correspondaient à des prestations facultatives et l’Université ne saurait utilement faire valoir que les contributions perçues ne lui seraient pas propres mais qu’elles seraient perçues au niveau interuniversitaire local. Dès lors, il ne nous semblerait pas inéquitable de laisser les frais exposés par l’Université Grenoble 1 pour sa défense à sa charge.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête et au rejet des conclusions présentées au titre de l’article L761-1 du code de justice administrative par l’Université Grenoble 1.