DECISION CE
Oléoducs d'intérêt général - Obligation de déplacer les conduites à la demande des autorités dont relève le domaine public emprunté par elles (art. 28 du décret du 16 mai 1959) - 1) Personnes concernées - Bénéficiaires d'une autorisation de construction et d'exploitation d'un oléoduc situé, au moment de la demande de déplacement, dans l'emprise du domaine public - Circonstance qu'au moment de sa réalisation, l'ouvrage traversait des terrains privés - Incidence - Absence - 2) Frais de déplacement de l'ouvrage - Mise à la charge du bénéficiaire de l'autorisation dans les conditions prévues par l'article 28 du décret du 16 mai 1959 - Existence (1) - Perte des servitudes de passage constituées, pour construire l'ouvrage, sur des terrains initialement privés et qui sont devenues incompatibles avec l'affectation du domaine public du fait du projet d'aménagement - Droit à l'indemnisation du préjudice en résultant - Existence.
Aux termes de l'article 28 du décret n° 59-645 du 16 mai 1959 portant règlement d'administration publique pour l'application de l'article 11 de la loi de finances du 29 mars 1958 relatif à la construction dans la métropole des pipe-lines d'intérêt général destinés aux transports d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés sous pression : " Le bénéficiaire est tenu de déplacer ses conduites à toute demande des autorités dont relève le domaine public emprunté par elles, ou de l'un des ingénieurs en chef chargés du contrôle. / Le déplacement ou la modification des installations sont exécutés aux frais du bénéficiaire de l'autorisation, s'ils ont lieu dans l'intérêt de la sécurité publique ou bien dans l'intérêt de l'utilisation, de l'exploitation ou de la sécurité du domaine public emprunté par les canalisations ou affecté par leur fonctionnement (…)."1) Dès lors qu'en vertu de son article 1er, ce décret a pour objet de fixer les conditions relatives à la fois à la construction et à l'exploitation d'une conduite destinée aux transports d'hydrocarbures liquides ou liquéfiés sous pression, les dispositions de son article 28 sont applicables au bénéficiaire d'une autorisation de construction et d'exploitation d'un oléoduc si, au moment où il est saisi d'une demande de déplacement de cet ouvrage, celui-ci se trouve dans l'emprise du domaine public, alors même qu'au moment de sa réalisation, il traversait des terrains privés. 2) En vertu de ces dispositions, le bénéficiaire de l'autorisation est tenu de déplacer l'ouvrage et supporte les frais de ce déplacement dans les conditions qu'elles prévoient. Cependant, s'il a, pour construire l'ouvrage, constitué des servitudes de passage sur des terrains initialement privés en indemnisant leurs propriétaires, il peut prétendre à l'indemnisation du préjudice qui résulte alors de la perte de ces servitudes, devenues incompatibles avec l'affectation du domaine public du fait du projet d'aménagement qui exige le déplacement de l'ouvrage.
ARRET CAA Lyon : annulé partiellement
Une société ayant conclu, en vertu d’un décret, des servitudes sur des fonds privés ultérieurement incorporés au domaine public se trouve en situation d’occupant de fait du domaine public ; elle est, dès lors, placée dans l’obligation de déplacer ses installations afin de permettre des travaux réalisés par le propriétaire des dépendances domaniales ; elle justifie en outre, d’un droit lésé et est fondée, dès lors, à être indemnisée à hauteur du coût des travaux exposés dans l’intérêt de la dépendance domaniale.
Par décret du 8 mai 1967 sont autorisées la construction et l’exploitation d’une conduite d’intérêt général destinée au transport d’hydrocarbures liquides de Fos-sur-Mer à la vallée du Rhône et à Genève. Conformément aux dispositions du décret du 16 mai 1959 d'application de la loi de finances du 29 mars 1958, la Société du pipeline Méditerranée Rhône conclut des servitudes de passage avec les propriétaires des fonds privés traversés par le tracé du futur oléoduc sur le territoire de la commune de Gières. En 1987, soit postérieurement à l’implantation de l’ouvrage, les fonds grevés de ces servitudes se trouvent incorporés au domaine routier de la commune de Gières. Dans les années 1990, le prolongement d’une ligne du Tramway par le syndicat mixte (SMTC) rend nécessaire le déplacement des réseaux souterrains de transport d’hydrocarbures implantés sous les terrains concernés. Qui, de l’exploitant de l’oléoduc ou du constructeur, doit prendre en charge le coût de tels travaux ?
En raison de sa situation d’occupant de fait du domaine public, la société SPMR a été placée dans l’obligation de déplacer sa canalisation préalablement au prolongement de la ligne du tramway de l’agglomération grenobloise. Elle justifie en outre, d’un droit lésé et est fondée, dès lors, à être indemnisée à hauteur du coût des travaux exposés dans l’intérêt de la dépendance domaniale.