M. X. est architecte en charge d’une mission de maîtrise d’œuvre portant sur l’aménagement de la traversée de la commune de Nolay aux abords de l’ancienne Poste confiée par la commune par acte d’engagement du 9 décembre 2002,
Le litige porte sur l’exécution du marché et, plus précisément, sur une facture d’honoraires n°11, émise le 16 août 2016 et reçue le 19 août suivant par la mairie pour un montant de 17 157,63 euros TTC.
Ce montant recouvrirait des prestations du marché de maîtrise d’œuvre et la réparation de préjudices nés de la résiliation d’un autre marché, celui passé le 15 novembre 2012.
Devant le refus de la commune de l’honorer, M. X. a saisi le tribunal administratif de Dijon d’un litige d’exécution tendant à condamner la commune à lui verser cette somme. Le tribunal a rejeté cette demande par un jugement dont M. X. interjette appel.
Devant vous, M. X. a actualisé à la hausse les montants demandés à une somme de plus de 19 000 € qui se décompose en deux postes distincts :
- une large part de ces sommes recouvre l’actualisation des prix du marché initial pour un peu plus de 14 000 € ;
- le reste consiste au paiement de l’exécution de la prestation « assistance aux opérations de réception » sur le marché du 15 novembre 2012.
En premier lieu, vous écarterez la fin de non-recevoir soulevée par la commune en appel contre les conclusions indemnitaires de M. X., tirée de la tardiveté de la demande contentieuse, laquelle serait intervenue plus d’un an après la notification de son refus de payer, notifié pour la première fois à M. X. par lettre recommandée avec AR du 12 septembre 2016, soit au-delà du délai raisonnable prévu par la jurisprudence Czabaj (CE, Assemblée, 13 juillet 2016, n° 387763, p. 340 au recueil Lebon).
Toutefois, comme vous le savez, le refus de l’administration de payer une facture adressée par son co-contractant ne saurait être qualifié de « décision ayant un objet purement pécuniaire » dont la légalité ne peut être discutée que dans le délai de recours de deux mois comme le prescrit l’article R. 421-1 du code de justice administrative (voyez CE, 21 octobre 2024, Département de la Seine-Maritime c\ SNCF Réseau, n° 474443, C).
Ensuite, vous pourrez écarter comme non fondé toute demande de paiement afférente au marché de maîtrise d’œuvre du 15 novembre 2012.
En effet, ainsi qu’il en a été longuement exposé dans deux autres affaires inscrites au rôle, il résulte du procès-verbal des opérations préalables à la réception du lot n°3 du marché de travaux « revêtement de sols scellés », que des réserves ont été émises, le 18 décembre 2014, par M. X. et que ces réserves n’ont pas été levées, si bien que l’ouvrage n’a pas été réceptionné. M. X. n’est donc pas fondé à soutenir qu’il a réalisé la mission « assistance aux opérations de réception », laquelle implique d'assurer le suivi des réserves formulées lors de la réception des travaux jusqu'à leur levée, comme le prévoit l’article 11 du décret du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé et applicable au contrat en cause.
Enfin, contrairement à ce que soutient M. X., cette mission ne peut être considérée comme pleinement réalisée à la suite du jugement rendu par le tribunal administratif de Dijon le 26 avril 2023 qui le condamne à indemniser la commune de ses préjudices relatifs au montant des travaux de remédiation sur la place Joseph Cattin. Le requérant ne peut donc pas prétendre à un paiement en vertu de l’article 3 de l’acte d’engagement du 20 décembre 2002.
Il restera à statuer sur la demande d’actualisation ou de révision, selon la portée que vous donnerez aux écritures de M. X..
En effet, les deux notions ne se recouvrent pas et remplissent des objectifs différents : l’actualisation n’a lieu qu’une fois dans la vie du marché et permet de tenir compte de l’évolution des conditions économiques s’il s’est écoulé plus de trois mois entre la remise de l’offre et le début d’exécution des prestations ; tandis que la révision peut être opérée plusieurs fois durant la vie du marché et permet de tenir compte de l’évolution des conditions économiques selon une périodicité à fixer par le contrat.
Or, le requérant n’a pas toujours fait preuve d’une grande clarté quant au fondement juridique précis de sa demande puisqu’il invoquait tant dans ses écritures de 1e instance que dans la facture en cause le bénéfice d’une révision des prix tout en faisant référence à l’article V du CCAP marché du 20 décembre 2002, lequel stipule au point 5.1 que les prix sont fermes mais actualisables.
Le tribunal administratif lui a répondu qu’étant titulaire d’un marché à prix ferme, il ne pouvait pas bénéficier d’une révision de prix, qui n’était pas prévue contractuellement. Le tribunal a ensuite exclu tout indemnisation au titre d’une actualisation des prix, faute pour l’intéressé d’en remplir les conditions prévues au marché : par un calcul, le tribunal arrivait à un coefficient d’actualisation égal à 1. Autrement dit, le tribunal a estimé qu’il n’y avait pas matière à actualiser faute d’évolution des indices entre le mois d’établissement des prix et le commencement de la prestation.
Devant vous M. X. détaille et motive mieux sa requête. Il ne se positionne plus sur le terrain de la révision mais demande uniquement l’application de l’actualisation des prix en application des stipulations contractuelles du point V du CCTP, applicable à deux contrats, celui du marché initial conclu en décembre 2002 et celui du marché complémentaire conclu nous l’avons vu en novembre 2012. A l’appui de sa demande, il joint deux tableaux détaillant ses prétentions indemnitaires.
Tout d’abord, il est recevable à le faire étant entendu que le litige demeure sur le terrain de l’exécution contractuelle et qu’il peut invoquer tout préjudice nouveau sur cette cause juridique dans la limite du quantum de 1e instance.
Il vous faut donc examiner si l’article V du CCAP s’appliquait aux deux contrats de maîtrise d’œuvre sachant que les deux contrats ont été exécutés successivement, le sinistre à laquelle fait allusion la commune ne portant pas sur l’exécution de ces prestations mais sur l’effondrement du bâtiment implanté place Joseph Cattin.
Dans ses conclusions sur l’arrêt CE, 31 octobre 2024, Société Routière de Haute-Corse et Société Corse Travaux, n° 491280 en B, M. Pichon de Vendeuil précisait que :
« La raison d’être de l’actualisation est en effet de circonscrire autant que possible le risque – qui n’est pas purement théorique auquel s’expose le titulaire d’un marché dans l’hypothèse où ses coûts de revient viendraient à augmenter sensiblement après qu’il s’est lui-même engagé sur des prix fermes. Cette logique protectrice se comprend dès lors qu’en pratique, le début de l’exécution des prestations dépend en général de l’envoi d’un ordre de service par le maître d’ouvrage, donc de sa décision unilatérale, et qu’un délai supérieur à trois mois pour lancer l’exécution d’un marché signé apparaît excessif, de sorte que ses éventuelles conséquences négatives pour le titulaire ne doivent pas rester à sa charge. ».
La stipulation de l’article V du CCTP s’inscrit dans cette logique mais n’est pas des plus précises : elle prévoit l’actualisation du prix ferme dès lors qu’un délai supérieur à 3 mois s’écoule entre le mois d’établissement des prix du marché et la date de commencement des prestations.
Le contrat précise que le mois m à prendre en compte au-delà de ce délai de trois mois est soit celui de l’AR par le titulaire de la notification de son marché, soit celui de la décision prescrivant le commencement de la tranche du marché, soit de la date de commencement portée sur la décision d’attribution.
Par ailleurs, la jurisprudence est venue confirmer que, lorsqu’il y a négociation avec le maître de l’ouvrage et prix fermes, c’est la date de dépôt de l’offre dont il faut tenir compte comme date de fixation du prix (voyez, l’arrêt précité du 31 octobre 2024, Société Routière de Haute-Corse et Société Corse Travaux).
Il faut comprendre que l’indice « m » à retenir est celui en vigueur le mois au cours duquel est notifié le marché ou est ordonné le début de la prestation si l’un de ces évènements est postérieur de plus de 3 mois au mois de la fixation des prix, ce dernier correspondant au mois de la dernière offre ferme.
Qu’en est-il en l’espèce ?
S’agissant du 1er contrat de 2002 nommé contrat initial
L’acte d’engagement est intervenu le 20 décembre 2002 mais l’offre a été finalisée le 9 décembre 2002 (cf. p. 17 DPI). L’acte d’engagement a été reçu par M. X. le 7 février 2003, soit deux mois après. M. X. soutient en avoir commencé l’exécution dans sa requête en mai 2002 puis dans son mémoire en réplique en mai 2003.
Tout d’abord, entre la fixation des prix et la fin de l’exécution du marché, M. X. demande une actualisation à chaque commencement de mission de maîtrise d’œuvre. Ce raisonnement devra être écarté et la possibilité d’actualisation appréhendée à l’échelle de la totalité des prestations du marché puisque l’article V qui prévoit l’actualisation ne stipule pas qu’elle porte sur chaque élément de mission contractuellement confié par ce même contrat. Les retards dus au séquençage des phases suivantes sera indemnisé par le biais des intérêts moratoires et, le cas échéant, par une demande indemnitaire.
Ensuite, moins de trois mois se sont écoulés entre l’offre finale et la notification du marché seule date à retenir à notre sens car, s’agissant du début des prestations, rien au dossier ne vient conforter les dates au demeurant contradictoires figurant dans les écritures du requérant : le requérant ne peut avoir commencé l’exécution de ses missions avant l’acte d’engagement et s’agissant du début de ses prestations, M. X. mentionne la date de sa première facture en mai 2003 alors qu’à cette date il avait déjà réalisé les missions « études préliminaires et AP », le début de ces missions étant intervenu nécessairement après un ordre de service antérieur….
Quant au second marché dit complémentaire
M. X. n’est pas fondé à demander une actualisation à compter de décembre 2002 dès lors que le délai séparant la notification de ce marché complémentaire, fut-il un avenant ou un nouveau marché passé par le biais d’une nouvelle mise en concurrence, a nécessité dans l’acte d’engagement signé en novembre 2012, une autre « offre finale », différente de celle de 2002. Le raisonnement tendant à faire partir le délai d’actualisation du mois de décembre 2002 est donc erroné, il faut retenir le mois d’octobre 2012, date de l’offre finale de ce nouveau marché.
De même, le raisonnement de M. X. consistant à actualiser les prix lors du début de l’exécution de chacune des composantes missions du marché est tout autant erroné, pour les mêmes motifs que ceux que nous avons déjà relevés.
Enfin, vous constaterez que vous n’avez pas l’accusé de réception de la notification du marché mais pour ce marché, le requérant admet lui-même qu’il a commencé l’exécution dès décembre 2012. Par conséquent, moins de trois mois se sont écoulés entre le début de l’exécution et le dépôt de l’offre finale, aucune actualisation des prix n’a lieu d’être sur ce second marché.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.