Le dossier de création d’une zone d’aménagement concertée (ZAC), dépourvu de valeur réglementaire, ne peut justifier un refus de permis d’aménager portant sur des terrains situés dans son périmètre. En revanche, il demeure possible de surseoir à statuer, sur le fondement des articles L. 311-2 et L. 424-1 du Code de l’urbanisme pour une durée qui ne peut excéder trois années en cas de sursis successifs, étant précisé que la durée d’un sursis annulé définitivement ne doit pas être comptabilisée.
Le 6 novembre 2017, la commune de Daix a approuvé le dossier de création d’une ZAC sur un tènement appartenant intégralement à la société Le Domaine de Cym et décidé de la réaliser en régie.
Le 30 avril 2021, cette même société déposait une demande de permis d’aménager en vue de la création d’un lotissement de vingt-cinq lots dans le périmètre de la ZAC. Le 1er juin 2021, la commune opposait un sursis à statuer à cette demande pour une durée de deux ans. À la demande de la société pétitionnaire, cette décision était annulée par le tribunal administratif de Dijon en raison de l’insuffisance de sa motivation1.
Dans son jugement, ce dernier enjoignait à la commune de réexaminer ladite demande de permis d’aménager.
La collectivité s’exécutait mais opposait encore un sursis à statuer à la société pétitionnaire le 2 août 2023, pour une durée de deux ans, motivé par le fait que le projet était de nature à compromettre l’exécution de la ZAC Le Parc dès lors qu’il recouvrait l’intégralité de son périmètre. Par un arrêté du 15 septembre 2023, elle refusait finalement de délivrer le permis d’aménager sollicité.
Saisi par la société Le Domaine de Cym d’un recours dirigé contre ces deux nouveaux arrêtés, le tribunal administratif de Dijon annulait la décision de refus de permis d’aménager mais rejetait les conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté de sursis à statuer.
D’une part, la commune interjetait appel pour demander l’annulation du jugement en tant qu’il avait annulé le refus de permis d’aménager.
D’autre part, la société pétitionnaire saisissait la cour administrative d’appel de Lyon afin d’obtenir l’annulation du jugement en tant qu’il avait rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de l’arrêté du 2 août 2023 du maire de Daix portant sursis à statuer pour une durée de deux ans et qu’il soit enjoint au maire de lui délivrer le permis d’aménager en cause.
Par son arrêt du 17 avril 2025, la cour administrative d’appel de Lyon rejetait ces deux requêtes. Elle confirmait la légalité de la décision de sursis, l’annulation du refus de permis d’aménager et rejetait les conclusions à fin d’injonction présentées par la société pétitionnaire.
I. La création de la ZAC ne peut motiver un refus de permis d’aménager
Il est de jurisprudence ancienne et constante, que l’acte de création d’une ZAC n’a pas de portée réglementaire2. Il en va de même des décisions relatives à sa réalisation3.
La cour en déduit, après avoir cité les dispositions de l’article L. 421- 6 du Code de l’urbanisme visant les normes opposables à une demande d’autorisation d’urbanisme, à savoir, les « dispositions législatives et réglementaires relatives à l’utilisation des sols, à l’implantation, la destination, la nature, l’architecture, les dimensions, l’assainissement des constructions et à l’aménagement de leurs abords », que les actes créant une ZAC et décidant de sa réalisation en régie ne peuvent justifier un refus d’autorisation d’urbanisme.
En l’occurrence, la commune de Daix soutenait que ces principes ne valaient qu’en matière de permis de construire et non de permis d’aménager.
Il est vrai que l’article L. 311-5 du Code de l’urbanisme prévoit que l’aménagement et l’équipement de la ZAC relèvent soit de la personne publique à l’initiative de la zone, soit de la personne à laquelle cette mission a été concédée. Néanmoins, ces dispositions, qui sont avant tout relatives aux modalités de réalisation de la ZAC, n’organisent pas le régime des autorisations d’urbanisme délivrées dans son périmètre. Les aménagements autorisés par un permis d’aménager ne se confondent donc pas avec l’aménagement de la ZAC.
La cour écarte ainsi le moyen en renvoyant aux articles L. 311-2 et L. 424-1 du Code de l’urbanisme, qui permettent seulement d’opposer un sursis à statuer au propriétaire d’un terrain situé dans le périmètre d’une ZAC, lorsque les conditions fixées par ces textes sont réunies.
La commune ne peut donc pas pallier son absence de maitrise foncière du périmètre de la ZAC par des refus d’autorisation d’urbanisme. Si elle souhaite la réaliser, elle devra alors user du temps que lui offre le sursis pour acquérir les terrains par voie d’expropriation, préemption ou de façon amiable.
II. Durée du sursis à statuer : pas de prise en compte d’une décision annulée
Après avoir rejeté les conclusions présentées par la commune de Daix, la cour s’est prononcée sur la requête de la société Le Domaine de Cym dirigée contre le rejet de ses conclusions demandant l’annulation de la seconde décision de sursis lui ayant été opposée.
À défaut de conférer à l’autorité compétente le pouvoir de refuser une autorisation d’urbanisme dans le périmètre d’une ZAC, les articles L. 311-2 et L. 424-1 du Code de l’urbanisme prévoient en substance qu’il peut être sursis à statuer pour une durée de deux ans à compter de la publication de l’acte créant la zone d’aménagement concerté dès lors que des travaux, des constructions ou des installations sont susceptibles de compromettre ou de rendre plus onéreux l’aménagement et l’équipement de la zone.
Par ailleurs, l’article L. 424-1 précité ajoute que « Si des motifs différents rendent possible l’intervention d’une décision de sursis à statuer par application d’une disposition législative autre que celle qui a servi de fondement au sursis initial, la durée totale des sursis ordonnés ne peut en aucun cas excéder trois ans ».
Dans le cas présent, la société pétitionnaire faisait valoir que la durée cumulée des deux sursis lui ayant été opposée excédait trois années et méconnaissait donc les dispositions susmentionnées.
La cour rappelle toutefois que la première décision de sursis ayant été annulée, par un jugement devenu définitif, sa durée ne devait pas être prise en compte.
Elle fait ici application du principe selon lequel un acte annulé est réputé n’avoir jamais existé et produit d’effets4.
Enfin, la société pétitionnaire faisait grief au sursis du 2 août 2023 de méconnaitre l’autorité de la chose jugée par le tribunal administratif le 6 juin 2023 car, selon elle, les motifs de cette seconde décision seraient identiques à ceux du premier sursis ayant été censurés par le tribunal.
Pour rappel, le premier sursis avait été annulé pour un défaut de motivation, il avait donc été jugé par le tribunal que l’on ne pouvait connaitre les motifs l’ayant justifié.
Or la cour constatait que le second sursis était quant à lui valablement fondé sur les dispositions des articles L. 311-2, L. 424-1 et L. 311-5 du Code de l’urbanisme et motivé expressément par la circonstance que le projet était de nature à compromettre l’exécution de la ZAC Le Parc.
Les motifs du sursis étant cette fois connus, la cour jugeait ainsi, au terme d’une appréciation sans doute excessivement formaliste, qu’ils étaient donc nécessairement différents de ceux du premier sursis.