Construction d'une microcentrale hydroélectrique et qualification d’installation nécessaire au service public de l’électricité

Lire les commentaires de :

Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 21LY03665 – 23 novembre 2023 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 21LY03665

Numéro Légifrance : CETATEXT000048512343

Date de la décision : 23 novembre 2023

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

PLU, Ouvrage technique, Microcentrale hydroélectrique, L. 121-1 du code de l’énergie, Service public de l’électricité, L. 421-5 et L. 421-6 du code de l'urbanisme, R. 431-8 du code de l'urbanisme, L. 121-1 du code de l'énergie, R. 111-27 du code de l'urbanisme

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Aux termes de l’article N 1 « occupations et utilisations du sol interdites » du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d’Yssingeaux dans sa rédaction applicable à la date du 18 avril 2017, date de délivrance du permis de construire initial : « Sont interdites : / toutes constructions nouvelles, occupations et utilisations du sol autres que celles énoncées à l’article N 2 à l’exception des installations, aménagements ou ouvrages techniques nécessaires aux services publics. ». L’article N 2 du même règlement « occupations et utilisations du sol soumises à des conditions particulières » énonce : « Les aménagements et constructions strictement liés à l’activité forestière. / Le changement de destination et la réhabilitation des bâtiments existants sont autorisés, sous réserve qu’ils n’aient pas pour objet un changement de destination incompatible avec le statut de la zone. »

Le projet en cause tend à permettre de livrer l’énergie produite par l’installation autorisée sur le réseau Enedis et que la production en énergie de l’installation correspond à la consommation moyenne de 185 habitants.

La qualification d’installation nécessaire au service public de l’électricité s’apprécie, dans le cadre de la délivrance d’une autorisation d’urbanisme et au sens de l’article N 1 du règlement du PLU précité, indépendamment de la puissance de l’installation.

Ainsi, le projet, dont la destination principale est la production d’électricité et qui contribue à l’équilibre du système d’approvisionnement par la fourniture d’électricité produite à partir d'énergies renouvelables, constitue une installation nécessaire au service public d’électricité au sens de l’article N 1 du règlement précité.

Les requérants ne peuvent donc utilement soutenir qu’un ouvrage hydroélectrique inférieur à « 4 500 kilowatts », placé sous le régime de l’autorisation et non pas de la concession, ne participe pas au service public tel que défini par l’article L. 121-1 du code de l’énergie1.

Il résulte de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme que, si les constructions projetées portent atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ou encore à la conservation des perspectives monumentales, l’autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l’assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l’existence d’une atteinte de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d’apprécier, dans un premier temps, la qualité du site sur lequel la construction est projetée et d’évaluer, dans un second temps, l’impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Les dispositions de cet article excluent qu’il soit procédé, dans le second temps du raisonnement, à une balance d’intérêts divers en présence, autres que ceux mentionnés par cet article et, le cas échéant, par le plan local d’urbanisme de la commune (2).

Les développements présentés par les requérants tirés de ce que le projet porterait atteinte à l’environnement, pour lequel ils ne se prévalent de la méconnaissance d’aucune disposition législative ou réglementaire précise, ne sont pas assortis des précisions qui permettraient à la cour d’en apprécier le bien-fondé. Au demeurant, si, par l’incise « le projet est manifestement disproportionné par rapport à son utilité supposée », les requérants se prévalent d’un bilan coûts/avantages défavorable du projet au regard de l’intérêt général, de l’atteinte à la biodiversité et de l’absence d’intérêt économique dudit projet, cette argumentation est inopérante au regard des principes énoncés au point précédent.

68-01-01-02-02-02, Urbanisme et aménagement du territoire, Plans d'aménagement et d'urbanisme, Plans d'occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU), Application des règles fixées par les POS ou les PLU, Règles de fond, Types d'occupation ou d'utilisation du sol soumis à des conditions spéciales, Ouvrage nécessaire au service public, Notion, Ouvrage nécessaire au service public de l’électricité, Absence de prise en compte de la puissance délivrée
Permis de construire, Légalité interne du permis de construire, Légalité au regard de la réglementation nationale, Règlement national d'urbanisme, Sauvegarde de l'environnement naturel ou urbain d'un projet (article R. 111-27 du code de l'urbanisme), Appréciation de la qualité du site puis de l’impact de la construction, Prise en compte de l’ensemble des éléments pertinents, Contrôle de bilan, Absence, Cas d’espèce, Permis de construire un bâtiment abritant une microcentrale2.

Notes

1 Inédit

2 Cf. CE, 22 septembre 2022, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires c/ société Ferme éolienne de Seigny, n° 455658, à paraitre aux tables du recueil Lebon. CE, 12 juillet 2012, association Engoulevent et autres, n°s 345970 346280, T. pp. 778-1020-1024.

L’indifférence de la puissance des installations de production d’électricité dans l’appréciation de leur caractère nécessaire au service public

Malo Dumas

Étudiant en Master 2 Droit public fondamental, Université Jean Moulin Lyon 3

Autres ressources du même auteur

  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.9495

La puissance d’une installation de production d’électricité est indifférente pour la qualifier de nécessaire au service public de l’électricité au sens d’un plan local d’urbanisme, contrairement à la qualité d’ouvrage public qui dépend, en France métropolitaine, de son affectation effective audit service, décelée par un seuil de puissance.

Les requérants interjettent appel devant la cour administrative d’appel de Lyon du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ayant rejeté leur recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire délivré par le préfet de la Haute-Loire pour la construction d’une microcentrale hydroélectrique sur la commune d’Yssingeaux, sur une parcelle voisine de la leur.

Le Plan Local d’Urbanisme (PLU) d’Yssingeaux interdisant dans la zone du projet toute construction nouvelle à l’exception des « installations, aménagements ou ouvrages nécessaires aux services publics », la cour cherche à savoir si la microcentrale peut être qualifiée de nécessaire au service public de l’électricité.

La définition de ce service public a été posée par la loi1 qui ne précise pas que les activités de production d’électricité en tant que telles en font partie, suivant sur ce point la jurisprudence antérieure2. Le Conseil d’État explique, dans son avis contentieux du 29 avril 2010, M. et Mme B.3, que l’objet principal du service public de l’électricité n’était pas, selon l’article L. 121-1 du Code de l’énergie, la production d’électricité en elle-même mais la garantie de la sécurité de l’approvisionnement de cette énergie, ressource de première nécessité non-substituable4, sur tout le territoire national, au travers du maintien d’un équilibre entre la production et la consommation. Ainsi, dès 19735, le Conseil d’État relevait que les petites unités de production d’électricité n’étaient pas des ouvrages publics car elles n’étaient pas directement affectées au service public de l’électricité en lui-même. Inversement, tel est le cas des ouvrages de distribution de l’électricité comme les transformateurs6 ou les pylônes électriques7.

Toutefois, il est suffisant pour la cour que « la destination principale [du projet soit] la production d'électricité et [qu’il] contribue à l'équilibre du système d'approvisionnement par la fourniture d'électricité produite à partir d'énergies renouvelables » pour le qualifier d’installation nécessaire au service public de l’électricité au sens du PLU précité, sans prendre en compte la puissance de ladite installation.

Cette formulation entretien une équivoque avec le critère d’affectation directe au service public de l’électricité. Ce dernier est utilisé pour la qualification des ouvrages publics, en dehors des installations hydroélectriques concédées d’une puissance supérieure à 4 500 kW (qui présentent ce caractère du fait de la loi8), sur lequel se fonde l’avis Béligaud précité. Cette position a été récemment réitérée par le Tribunal des conflits9.

Si cette affectation ne fait pas de doute dans les zones non connectées au réseau continental européen, en France métropolitaine les installations de production sont considérées comme remplissant ce critère seulement lorsqu’elles sont soumises à des contraintes légales et règlementaires importantes liées au maintien de l’équilibre susmentionné, corrélées à une puissance de production supérieure à un certain seuil (40 MW). Ces installations doivent donc apporter une contribution déterminante à l’équilibre du système d’approvisionnement10, comme les centrales nucléaires11.

La microcentrale en cause, bien qu’ayant vocation à fournir entièrement et de manière permanente sa production au réseau, ne remplirait donc pas ce critère de l’affectation directe au service public de l’électricité avec une puissance inférieure à 4 500 kW. Cependant, ce critère n’est pertinent que pour apprécier la qualification d’ouvrage public. Or la cour, dans son office particulier de juge de l’urbanisme, examine seulement le caractère nécessaire à ce service, au sens du PLU. La distinction est certes subtile, mais elle semble inévitable eu égard à la lettre de ce texte règlementaire, qui ne retient qu’un critère de nécessité au service public, éloignant dès lors le problème de l’ouvrage public. Cette notion de nécessité paraît donc être bien plus large que le critère d’affectation directe de la jurisprudence précitée, permettant à la juridiction lyonnaise d’écarter explicitement la question de la puissance de l’installation.

Notes

1 Article 1er de la loi no 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, désormais codifié à l’article L. 121-1 du code de l’énergie.

2 RICHER L., « Une nouvelle conception du service public de l’électricité et du gaz », AJDA, 2004, no 38, p.2094-2099.

3 CE, Assemblée, avis, 29 avril 2010, M. et Mme B. no 323179, publié au recueil Lebon.

4 CE, Assemblée, 19 juillet 2017, Association Nationale des Opérateurs Détaillants en Énergie (ANODÉ), no 370321, publié au recueil Lebon.

5 CE, Section, 19 janv. 1973, Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant, no 82338, publié au recueil Lebon.

6 T. confl., 12 avril 2010, Époux A… c/ Société Électricité Réseau Distribution France (ÉRDF), no C3718, publié au recueil Lebon.

7 T. confl., 17 juin 2013, V. c/ Société ÉRDF Annecy Léman, no C3911, publié au recueil Lebon.

8 La loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydroélectrique, en faisant obligation d’exploiter les installations hydroélectriques d’une puissance supérieure à 4 500 kW sous le régime de la concession (désormais codifiée au premier alinéa de l’article L. 511-5 du code de l’énergie) a entendu leur conférer la qualité d’ouvrage public. C’est peut-être pour cette raison que les requérants soutenaient que le projet de microcentrale n’était pas géré sous le régime de la concession et qu’il produisait une puissance inférieure à 4 500 kW.

9 Rappelant que les installations de production hydroélectrique non concédées et d’une puissance inférieure à 4 500 kW ne sont pas des ouvrages publics par détermination de la loi, et que la simple activité de livraison d’électricité n’est pas, en elle-même, une mission de service public (T. confl., 9 octobre 2023, SA Ingénierie Gestion Industrie Commerce (IGIC) c/ Commune d’Aulus-les-Bains, no C4284, publié au recueil Lebon).

10 CE, Section, 23 juin 2010, Comité mixte à la production de la direction des achats d'Électricité de France, no 306237, publié au recueil Lebon .

11 CE, Assemblée, 12 avril 2013, Fédération Force Ouvrière Énergie et Mines et autresno 329570, no 329683, no 330539, et no 330847, publié au recueil Lebon.

Droits d'auteur

CC BY-NC-SA 4.0