Action en reconnaissance de droits : durée de temps de travail des agents contractuels accompagnant des élèves en situation de handicap (AESH)

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Décision de justice

CAA Lyon, 7ème chambre – N° 21LY03707 – syndicat Solidaire, Unitaire et Démocratique de l'Éducation en Bourgogne (syndicat SUD Éducation Bourgogne) – 09 novembre 2023 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 21LY03707

Numéro Légifrance : CETATEXT000048398851

Date de la décision : 09 novembre 2023

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Action en reconnaissance de droits, AESH, Temps de travail, L. 77-12-1 du code de justice administrative, L. 917-1 du code de l'éducation, Décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d'emploi des accompagnants d'élèves en situation de handicap, Décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique, Circulaire du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse n° 2019-090 du 5 juin 2019, L. 312-2 du code des relations entre le public et l'administration, R. 312-3-1 du code des relations entre le public et l'administration, R. 312-10 du code des relations entre le public et l'administration, R. 312-7 et R. 312-8 du code des relations entre le public et l'administration

Rubriques

Actes administratifs

Résumé

La cour confirme le rejet de l’action en reconnaissance de droits d’un syndicat relative à la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019 concernant le cadre de gestion des personnels exerçant des missions d’accompagnement d’élèves en situation de handicap.

Après avoir relevé que les énonciations de cette circulaire déterminant la durée de temps de travail qui figure au contrat des AESH ajoutaient au décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des accompagnants d’élèves en situation de handicap et ne constituaient pas des lignes directrices, et que le ministre en charge de l’éducation nationale ne tenait pas de son pouvoir règlementaire général d’organisation des services ni d’ailleurs d’aucun autre texte le pouvoir de modifier les règles prévues par ce décret, la cour a estimé que le syndicat ne pouvait s’en prévaloir directement.

Et faute de publication de cette circulaire illégale dans les conditions prévues par les dispositions applicables du code des relations entre le public et l’administration, la cour a également jugé que le syndicat ne pouvait pas davantage s’en prévaloir dans le cadre du mécanisme de garantie prévu par l’article L. 312-3 de ce code.

01-01-05-03, Actes législatifs et administratifs, Différentes catégories d’actes, Actes administratifs, Notions, Instructions et circulaires.
01-04-03-03-02, Actes législatifs et administratifs, Validité des actes administratifs, Violation de la règle de droit, Principes généraux du droit, Egalité devant les charges publiques, Fonctionnaires et agents publics, Agents contractuels et temporaires

Conclusions du rapporteur public

Christophe Rivière

rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.9321

Le syndicat SUD Education Bourgogne a, dans le cadre de la défense des intérêts de ses adhérents, saisi la rectrice de l’Académie de Dijon d’une demande relative à la détermination de la quotité de travail des agents contractuels recrutés en qualité d’accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) prise en compte pour le calcul de leur rémunération et en particulier la rémunération intégrale du temps de travail effectif des agents concernés, et/ou la modification en conséquence des contrats de travail.

Cette demande a été rejetée par courrier du 26 septembre 2019.

Le syndicat SUD Education Bourgogne a demandé au tribunal administratif de Dijon d’annuler cette décision et a saisi ce même tribunal d’une action en reconnaissance de droit sur le fondement des dispositions de l’article L. 77-12-1 du code de justice administrative, en particulier tendant à la reconnaissance du droit pour les agents contractuels recrutés en qualité d’accompagnant d’élèves en situation de handicap de voir leur quotité de service calculée conformément à la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019 relative au cadre de gestion des personnels exerçant des missions d’accompagnement d’élèves en situation de handicap, soit sur 41 semaines, sur la base d’heures d’accompagnement, selon la formule : Nombre d’heures d’accompagnement x 41 semaines / 1607 heures, et de voir leur rémunération calculée en fonction de la quotité obtenue selon cette formule. Et également tendant à la reconnaissance que les règles de calcul du temps du travail des AESH dans l’académie de Dijon sont contraires au principe d’égalité.

Par un jugement n° 2000927 du 16 septembre 2021, classé en C+, dont il relève appel, ce tribunal a rejeté ses demandes.

A titre liminaire, nous ferons un point global sur l’action en reconnaissance de droit

Cette action a été créée par l’article 93 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Elle se rapproche du modèle anglo-saxon des class actions, créé en 1966 aux Etats-Unis, en particulier du dispositif de l’opt-in.

L'objectif recherché par le législateur est de renforcer l'arsenal juridique afin de permettre au juge administratif de traiter plus efficacement les contentieux sériels.

Voyez le rapport n° 3726 de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de la justice du XXI ème siècle, en particulier concernant l’article 46 bis de ce projet, dont il ressort que l’action en reconnaissance de droits individuels devant le juge administratif destinée à traiter les contentieux sériels a été introduite dans le projet de loi par le Sénat à l’initiative de sa commission des Lois, en particulier par un amendement du sénateur Yves Détraigne et s’inspire (et même reprend selon le rapport de M. Détraigne) les préconisations du rapport du groupe de travail présidé par M. Philippe Bélaval sur l’action collective en droit administratif.

Voyez aussi le rapport n° 121 (2015-2016) de M. Yves Détraigne, fait au nom de la commission des lois du Sénat, déposé le 28 octobre 2015, sur le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle, pages 9 et 121 à 123, titre V bis) 

Le rapport n° 3726 précité relève que « si l’action de groupe et l’action en reconnaissance de droits ont en commun de faire exception à la règle selon laquelle « nul ne plaide par procureur » en permettant à une personne morale de présenter un recours pour le compte d’autres personnes en dehors de tout mandat préalable, et de donner un effet absolu à l’autorité de la chose jugée de jugements rendus en permettant à ces personnes non parties à un procès de se prévaloir du jugement, elles diffèrent notamment sur leur champ d’application. Alors que l’ouverture d’une action de groupe spécifique devant le juge administratif va devoir, à chaque fois, faire l’objet d’une nouvelle disposition législative, l’action en reconnaissance de droits couvre tout le champ de compétences du juge administratif, sans qu’une disposition spécifique soit nécessaire. ».

Le vice-président du Conseil d’Etat, M. Jean-Marc Sauvé, avait, dans le cadre de la réforme de la justice administrative qu’il avait impulsée, dès sa prise de fonctions en septembre 2006, souhaité que soit explorée l’idée d’une action collective devant le juge administratif.

Il avait, à cet effet, missionné, le 24 juin 2008, un groupe de travail présidé par M. Philippe Belaval, chef de la mission permanente d'inspection des juridictions administratives, qui lui a remis son rapport ayant pour objet « l’action collective en droit administratif », le 5 mai 2009.

Ce rapport définit l'action collective comme « la procédure permettant à une personne d'exercer, au nom d'un groupe ayant les mêmes intérêts, une action en faveur des membres de ce groupe » et indique qu’au-delà de cette définition sommaire, « l’action collective en droit administratif peut être appréhendée comme la procédure permettant à une personne qui aurait seule la qualité de requérant, d'exercer, au nom d’un groupe ayant les mêmes intérêts, une action en reconnaissance de droits individuels en faveur des membres de ce groupe. ».

Mme Laurence Helmlinger, alors secrétaire générale des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel et rapporteur du groupe de travail précité, a défini l’action collective en droit administratif comme « la procédure permettant à une personne qui aurait seule la qualité de requérant de demander au juge administratif, au nom d’un groupe d’intérêt virtuel constitué par l’identité de la situation juridique de ses membres au regard du refus d’un droit, de l’imposition d’une obligation ou d’un préjudice subi, la reconnaissance de ce droit ou de la responsabilité d’une personne publique » (voyez « Une réponse procédurale : l’action en déclaration collective de droits », RFDA 2011, p. 679).

Elle a souligné « qu’en droit administratif, le groupe virtuellement concerné par une action collective est moins défini par une similarité d’intérêts subjectifs (consommateurs lésés par le comportement d’un opérateur économique ) que par une identité de situation juridique (redevables d’une imposition particulière, agents publics se voyant refuser le bénéfice d’un droit) qui, selon les sujets peut virtuellement recouvrir un nombre plus ou moins déterminé, voir déterminable, de personnes » et que « le domaine le plus naturel de l’action collective devrait être celui des droits pécuniaires objectifs, qui représente aujourd’hui la grande masse des contentieux de série et que cette action pourrait ainsi servir de substitut à des séries de recours de plein contentieux objectif ou de recours en excès de pouvoir dirigés contre des décisions purement pécuniaires (contentieux dit Lafage) portant sur le droit au paiement de sommes d’argent légalement dues ou le droit ) la décharge de sommes d’argent illégalement réclamées ».

Le rapport précité du groupe de travail présidé par M. Bélaval souligne que « s'agissant de l'action collective administrative, l'idée première est d'offrir un cadre procédural alternatif aux contentieux dits de série, qui assure tout à la fois une sécurité juridique accrue (mieux appréhender une question de principe sans risquer d'éluder des situations distinctes) et une économie matérielle (éviter la gestion concrète d'une multiplicité de requêtes identiques appelant une même réponse) ».

Mais que « l’instauration d'une action collective administrative n’aura pas pour seul effet de créer une alternative au traitement des contentieux de série.

Une telle action aura, en effet, nécessairement pour effet de permettre à des administrés de se voir reconnaître des droits qu'ils auraient sinon négligés, faute d'exercer eux-mêmes une voie de recours individuelle et faute pour l'administration de tirer spontanément des conséquences générales de décisions juridictionnelles individuelles ».

Le groupe de travail a estimé légitime de poursuivre ces deux objectifs – substitut aux contentieux sériels tels que le juge administratif les connaît depuis près d’une vingtaine d’années et ouverture de nouveaux droits et de nouvelles actions mais a, d’abord, cherché des réponses procédurales propres à assurer le premier.

Le juge administratif peut en effet avoir à examiner des séries de requêtes, rédigées de façon assez similaire et mettant en cause, par des moyens identiques ou non, la légalité de mesures individuelles semblables, concernant des personnes qui se trouvent dans la même situation juridique, ou la responsabilité de certaines personnes publiques au titre des dommages subis par un nombre important de personnes.

Le groupe de travail du Conseil d'État s’est rapidement accordé sur le principe selon lequel l’action collective devrait donner lieu à un jugement déclaratoire portant sur la reconnaissance d’un droit ou d’une responsabilité et a pris parti en faveur d’une représentation nécessaire par une association déclarée ou un syndicat professionnel, justifiant de l’existence du groupe et de son intérêt à le représenter. Il a ainsi retenu l'idée d'une représentation par une association déclarée ou un syndicat professionnel, justifiant d'une capacité à représenter un groupe de personnes ayant le même intérêt.

Il a estimé souhaitable que les requérants individuels qui auraient présenté une requête avant l’introduction de l’action collective ou qui présenteraient une telle requête alors que l’action collective est toujours pendante soient informés de l’existence de cette action ou, le cas échéant, de ces actions collectives, et de leur droit à intervenir dans cette procédure, et qu’ils soient invités à confirmer le maintien de leur requête. Voyez sur ce point l’article R. 77-12-3 du code de justice administrative.

Il s’agit de pallier l’absence d’une procédure d’action collective, en particulier d’une action syndicale ou associative pour la défense d’intérêts individuels résultant du principe de droit processuel résumé par l’adage « nul ne plaide par procureur », consacré en droit administratif par la jurisprudence « Syndicat des patrons-coiffeurs de Limoges », en ces termes : « S'il appartient aux syndicats professionnels de prendre en leur propre nom la défense des intérêts dont ils sont chargés, ils ne peuvent intervenir au nom d'intérêts particuliers, sans y être autorisés par un mandat spécial » (CE, 28 décembre 1906, au Recueil Lebon Lebon, p 977, GAJA n° 18).

L'Assemblée nationale a apporté au dispositif d'utiles précisions, sans en remettre en cause les finalités ou l'équilibre procédural. Ainsi, elle a précisé que cette action collective pouvait tendre au bénéficier d'une somme d'argent légalement due ou à la décharge d'une somme d'argent réclamée illégalement, mais ne pouvait pas tendre à la reconnaissance d'un préjudice. Voyez le rapport en 2ème lecture relatif au projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIème siècle - Sénat (senat.fr)).

Voyez aussi le rapport n° 258 (2010-2011), déposé le 26 janvier 2011 au Sénat, sur le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits concernant la tentative d’introduction d’une action collective en matière de droits fondamentaux devant le Défenseur des droits.

Venons en à l’examen de l’affaire qui nous intéresse.

Vous pourrez d’abord admettre l’intervention de Mme X., de Mme Y., et de Mme Z., informées par votre Cour, en application de l’article R. 77-12-3 du code de justice administrative, de l’existence de l’action en reconnaissance de droits du syndicat Sud Bourgogne et de leur droit à former une intervention au soutien de celle-ci. En effet, ces trois personnes sont des agents contractuels recrutés en qualité d’accompagnant d’élèves en situation de handicap s’étant vus refuser la régularisation de leur contrat de travail par la rectrice de l’Académie de Bourgogne le 7 janvier 2020, en particulier la détermination de leur quotité de service pour calculer leur rémunération suivant la formule prévue par la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019, qui, ayant introduit des requête individuelles, appartiennent au groupe d'intérêt en faveur duquel l’action en reconnaissance de droits a été introduite. Elles justifient ainsi d’un intérêt à l’admission de la requête et donc d’un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige (CE, section, 25 juillet 2013, Office français de protection des réfugiés et apatrides, n° 350661, au Recueil Lebon).

Vous pourrez ensuite vous interroger sur le point de savoir si l’action en reconnaissance de droit du syndicat SUD Education Bourgogne conserve un objet.

Vous savez que le juge d’appel censure comme irrégulier le jugement d’un tribunal administratif qui a omis de prononcer un non-lieu à statuer sur tout ou partie des conclusions dont il était saisi, avant d’évoquer et de prononcer lui-même le non-lieu (Voyez CE, 13 mai 1964, Ministre de la construction, aux tables, page 973 ; CE, 29 décembre 1997, n° 163329, aux conclusions de M. Struillou ; CE, 10 mai 1985, Fédération nationale agroalimentaire et forestière CGT, n° 45191-45567, aux tables).

Une telle irrégularité constitue un moyen d’ordre public que le juge d’appel doit soulever d’office (CE, 9 juillet 1980, SARL Le Comptoir méditerranéen des viandes, n° 10405 ; CE, 3 février 1986, n° 43224).

Or, en l’espèce, le syndicat SUD Education Bourgogne indique dans ses écritures « Aujourd’hui, force est de constater que l’ensemble des contrats est finalement en cours de régularisation, ce que s’est abstenu de préciser le ministère dans le cadre de la première instance » (page 12 de la requête), et précise dans son mémoire en réplique que « il est à noter que l’ensemble des contrats des AESH concernés a postérieurement à l’introduction de la requête initiale, été régularisé » (page 5 de son mémoire).

En vertu de l’article L. 77-12-1 du code de justice administrative, qui reprend intégralement la proposition du groupe de travail présidé par M. Bélaval (voyez l’annexe III du rapport relative aux propositions de dispositions législatives et réglementaires et en particulier la proposition d’un article L. 781-1) : « L’action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel régulièrement constitué de déposer une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l’application de la loi ou du règlement en faveur d’un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur objet statutaire comporte la défense dudit intérêt. (...) ».

Nous avons vu que, par la consécration d’une telle action, le législateur vise à la reconnaissance positive de droits individuels et oblige ainsi l’administration à les reconnaître.

La loi précise que les potentiels bénéficiaires de l’action en reconnaissance de droits sont les personnes appartenant au « groupe d’intérêt (…) caractérisé par l’identité de la situation juridique de ses membres et qu’il est nécessairement délimité par les personnes morales de droit public ou les organismes de droit privé chargés de la gestion d’un service public mis en cause » (230

Le juge qui fait droit à l'action en reconnaissance de droits détermine les conditions de droit et de fait auxquelles est subordonnée la reconnaissance des droits. Voyez l’article L. 77-12-3 du même code.

Il nous semble que dès lors que les droits individuels revendiqués par le syndicat SUD Education Bourgogne ont été régularisés comme il l’indique lui-même, l’action en reconnaissance de droit présentée par ce syndicat est devenue sans objet, qu’en omettant de prononcer un non-lieu à statuer, les premiers juges ont entaché leur jugement d’irrégularité, qu’il y a lieu pour la cour d'évoquer et de constater qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande du syndicat requérant tendant à la reconnaissance du droit pour les agents contractuels recrutés en qualité d’accompagnant d’élèves en situation de handicap de voir leur quotité de service calculée conformément à la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019, en excluant toute possibilité de modulation.

Voyez pour un tel non-lieu concernant une action en reconnaissance de droits dans le cas où les droits revendiqués ont été octroyés aux agents concernés : CAA Nantes, 1er juillet 2022, Centre hospitalier Guillaume Régnier, n° 21NT00415.

En effet, le syndicat requérant nous semble invoquer une régularisation de l’ensemble des droits individuels pour lesquels il a exercé l’action en reconnaissance.

Il y a donc une concordance entre cette régularisation et le fondement de l’action en reconnaissance, peu importe à cet égard, selon nous, que l’action en déclaration de droits ne soit pas de même nature que les actions individuelles exercées par les requérants appartenant au groupe d'intérêt en faveur duquel une telle action en reconnaissance de droits a été introduite.

L’action en reconnaissance de droits, vise, comme son nom l’indique et comme le prévoit les dispositions précitées de l’article L. 77-12-1 du code de justice administrative, à reconnaître des droits individuels résultant de l'application de la loi ou du règlement en faveur d'un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, droits qui sont de même nature que ceux invoqués individuellement par les personnes appartenant à ce groupe et ce afin, comme nous l’avons déjà indiqué, d’éviter des contentieux sériels.

Il apparaît logique que cette action en reconnaissance, comme les actions individuelles, perdent leur objet lorsque l’ensemble des droits individuels revendiqués ont été satisfaits par l’administration.

Voyez sur le concours entre actions en reconnaissance de droits et actions individuelles, l’article R. 77-12-3 du code de justice administrative, qui prévoit que « Lorsqu'il apparaît au président de la formation de jugement, d'office ou à la suite de l'information qui lui en a été donnée par l'une des parties, que l'auteur d'une requête individuelle est susceptible d'appartenir au groupe d'intérêt en faveur duquel une action en reconnaissance de droits a été introduite, il informe le requérant de l'existence de cette action et de son droit à former une intervention au soutien de celle-ci. Il le met également en demeure de confirmer son intention de poursuivre l'instance en lui indiquant qu'à défaut d'une telle confirmation dans le délai imparti, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté d'office de l'instance. Le courrier de mise en demeure rappelle par ailleurs que la décision rendue sur l'action en reconnaissance de droits fera l'objet d'une publication sur le site internet du Conseil d'Etat en application de l'article R. 77-12-12 et que le requérant pourra, le cas échéant, se prévaloir de cette décision. Lorsque le requérant maintient sa requête, la juridiction qui en est saisie peut conserver le dossier ou, sur le fondement de l'article R. 351-8, le transmettre au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat qui attribue le jugement de l'affaire à la juridiction qu'il désigne. Dans les deux cas, et sauf si la situation du requérant ou un intérêt public s'y oppose, il est sursis à statuer sur les conclusions de la requête jusqu'à ce que la décision rendue sur l'action en reconnaissance de droits soit devenue irrévocable. Le requérant en est informé par tout moyen. ».

Nous précisons que le non-lieu auquel nous concluons, conformément au sens des conclusions que nous avons mise en ligne, ne tient pas compte de la réponse reçue le 16 octobre 2020 à 15h58 du conseil du syndicat Sud Education Bourgogne, qui indique « que si des contrats ont effectivement été conclus dans le sens de l’interprétation de la loi telle que le sollicite ledit syndicat, une telle application n’est tout d’abord pas générale, et à aucun moment, l’Etat n’a reconnu expressément l’interprétation et l’application des textes telles que sollicitées par le syndicat et que de fait, chaque année, ces contrats, dont certains sont à durée déterminée, sont conclus (pour les nouveaux agents) ou renouvelés dans des conditions fluctuantes, qui ne sont ainsi jamais garanties, précisément car l’Etat n’a à aucun moment reconnu une telle application comme s’imposant, que l’argumentation développée dans les écritures en défense du ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse confirme la réponse apportée par la rectrice dans sa décision en date du 26 septembre 2019, et que de fait, l’arrêt de la cour administrative d’appel de céans est attendu, tant par le requérant que l’Etat, lequel persiste au contraire dans sa position initiale » et également que « les contrats de travail n’ont aucunement été régularisés à titre rétroactif, et plus particulièrement s’agissant de la rémunération des agents et des rappels de traitements éventuels subséquents, au regard des heures réellement effectuées, et de leurs modalités de répartition et de comptabilisation, que si certains contrats ont pu être « régularisés », le » requérant ignore si l’intégralité des agents concernés ont été placés dans une situation régulière, alors même que l’Etat persiste dans ses écritures à maintenir sa position initiale et que les dispositions des articles L 77-12-1 et suivants du code de justice administrative, ne subordonnent aucunement de telles conclusions à l’existence d’un préjudice ou à l’absence de régularisation de contrats considérés illégaux ».

Nous examinerons tout de même la recevabilité et le bien-fondé de la requête dans le cas où vous ne nous suivriez pas sur le non-lieu.

Concernant d’abord la recevabilité 

D’abord, alors que l’action en reconnaissance de droits telle qu’engagée devant le tribunal, ne visait que les agents recrutés en qualité d’accompagnant d’élèves en situation de handicap (AESH) affectés dans l’académie de Bourgogne, conformément à l’objet statutaire du syndicat requérant, ce dernier demande en appel la reconnaissance de droits pour les agents affectés sur l’ensemble du territoire.

Cette extension est doublement irrecevable

Un syndicat ne peut exercer une action en reconnaissance de droits individuels dont le champ d’application dépasse son propre objet statutaire.

En effet, l’action en reconnaissance de droits permet à une association régulièrement déclarée ou à un syndicat professionnel  régulièrement constitué de déposer devant le juge administratif une requête tendant à la reconnaissance de droits individuels résultant de l’application de la loi ou du règlement en  faveur d’un groupe indéterminé de personnes ayant le même intérêt, à la condition que leur  objet statutaire comporte la défense de cet intérêt (voyez les conclusions de Karin Ciavaldini sous CE, 15 novembre 2021, UFC Que Choisir Nancy et sa région, n° 454125, au Recueil Lebon).

L’objet statutaire du syndicat doit porter sur la défense d’un intérêt concerné par les droits en cause.

Or, comme son nom l’indique, le syndicat Sud Education Bourgogne ne peut que solliciter la reconnaissance de droits concernant des agents affectés dans l’académie de Bourgogne.

Elle est nouvelle en appel

Ensuite, la demande subsidiaire du syndicat requérant tendant à ce que la cour juge que les contrats conclus antérieurement au 5 octobre 2019 (date d’abrogation prétendue de la circulaire du 5 juin 2019) doivent être régularisés en appliquant la formule de la circulaire du 5 juin 2019 pour le calcul de la quotité de service des AESH et donc de leur rémunération est nouvelle en appel et donc irrecevable, sauf à considérer que la demande de première instance du syndicat requérant étant large, elle incluait nécessairement les contrats conclus antérieurement au 5 octobre 2019.

A cet égard, l’article R. 77-12-6 du code de justice administrative prévoit que « l’action en reconnaissance de droits doit, à peine d'irrecevabilité, préciser dans le délai de recours les éléments de fait et de droit qui caractérisent le groupe d'intérêt en faveur duquel elle est présentée. La requête ne peut comporter d'autres conclusions que celles tendant à la satisfaction de l'action en reconnaissance de droits considérée ».

Or, dans sa demande préalable à la rectrice de l’académie de Grenoble comme dans sa requête de première instance, le syndicat Sud Education Bourgogne demandait la reconnaissance des droits, en particulier l’application de l’article 3.4 de la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 du ministre chargé de l’éducation nationale concernant la quotité de service à prendre en compte pour le calcul de la rémunération des accompagnants des élèves en situation de handicap de l’académie de Bourgogne, sans distinguer la date de conclusion de leur contrat.

Sa demande visait donc les contrats en cours des accompagnants des élèves en situation de handicap, peu importe la date de conclusion de leurs contrats, ces agents, étant bien que liés par contrat à l’administration, dans une situation légale et règlementaire, les recours contre les contrats de recrutement d'agents publics non titulaires relevant d’ailleurs du contentieux de l'excès de pouvoir (CE, Section, 30 octobre 1998, Ville de Lisieux, n° 149662, au Recueil Lebon ; CE, 2 février 2015, Commune d'Aix-en-Provence, n° 373520, au Recueil Lebon) s’agissant de « faux contrats » comme on les appelle  parfois compte tenu de leur étroit encadrement par les dispositions législatives et  réglementaires.

Concernant le fond 

Vous pourrez d’abord vous interroger sur le point de savoir si l’action du syndicat requérant entre dans le champ d’application de l’article L. 77-12-1 du CJA puisqu’elle ne tend pas à la reconnaissance de droits individuels résultant de l’application d’une loi ou d’un règlement mais d’une circulaire.

Toutefois, une circulaire peut revêtir un caractère règlementaire et à supposer qu’elle ait été prise par une autorité compétente, peut donc servir de fondement, dans cette limite, à une action en reconnaissance de droits.

En revanche, une circulaire qui serait purement interprétative ou comporterait des lignes directrices ne pourrait pas, selon nous, fonder une action en reconnaissance de droits.

Les actes interprétatifs, c’est-à-dire ceux adoptés sur le seul fondement d’une « compétence à interpréter » » que  détient toute autorité hiérarchique (vouez les conclusions de Pascale Fombeur sur CE, Section, 18 décembre 2002, n° 233618, au Recueil Lebon), ne peuvent être utilement invoquées devant le juge (CE, 31 juillet 1992, Préfet de Seine-et-Marne, n° 132778, B ; 26 octobre 1992 Ministre , n°  91745, B ; CE, 25 avril 1994, Ministre de l’éducation nationale, n° 137793, A ; CE, 10 juillet 1995, Association « Un Sisyphe », n° 162718, au Recueil Lebon).

Les lignes directrices des instructions et circulaires, dénommées directives sous l’empire de la jurisprudence « Crédit Foncier de France » (CE, Section, 11 décembre 1970,, n° 78880, au Recueil Lebon), qui consistent, pour l’autorité administrative, à mettre par écrit la doctrine  qu'elle se fixe à elle-même ou qu'elle prescrit à ses subordonnés pour traiter de situations individuelles, afin d'harmoniser les décisions individuelles sur  lesquelles elles portent, sont dépourvues de caractère réglementaire et sont uniquement, à condition d'être publiées,  invocables à l'occasion du recours contre les décisions individuelles qu’elles orientent (voyez CE, Section, 4 février 2015, Ministre de l'intérieur, n°s 383267 383268, au Recueil Lebon).

Voyez aussi les conclusions de Clément Malverti sous CE, 14 octobre 2022, n° 462784, au Recueil Lebon.

En tout état de cause, les dispositions litigieuses de l’article 3.4 de la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 du ministre chargé de l’éducation nationale ne sont pas interprétatives et ne comportent pas des lignes directrices, mais, comme nous allons le voir, comportent une règle nouvelle illégale.

En en effet, comme l’a relevé le tribunal, la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019 sur laquelle se fonde le syndicat requérant édicte une règle contraire à l’article 7 du décret du décret n° 2014-724 du 27 juin 2014, en prévoyant à son article 3.4 que « Le temps de service est calculé en multipliant la durée de service d'accompagnement hebdomadaire attendue de l'AESH par 41 semaines. », que « le temps de service hebdomadaire d'accompagnement du ou des élèves sert de référence pour la détermination du temps de service » et que « Comme précisé à la section 2.6.1. de la présente circulaire, la quotité travaillée de l'agent est calculée selon la formule suivante : Quotité travaillée = (temps de service hebdomadaire d'accompagnement x nombre de semaines compris en 41 et 45) / 1 607 heures. Ainsi, pour exercer à temps plein (1 607 heures annuelles), un AESH dont le contrat prévoirait une période de 45 semaines, devra effectuer un temps de service hebdomadaire de 35 heures 40 minutes. Sur une période de 41 semaines, ce temps de service hebdomadaire devra être de 39 heures 10 minutes. ».

Elle impose ainsi aux recteurs, inspecteurs d’académie et chefs d’établissements de retenir un minimum de 41 semaines pour le calcul de la durée de temps de travail figurant au contrat des AESH, sans prévoir de possibilité de modulation, alors que l’article 7 du décret du 27 juin 2014 relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des accompagnants d’élèves en situation de handicap fixe ce minimum à 39 semaines, en prévoyant que «Le travail des accompagnants des élèves en situation de handicap se répartit, dans le respect de la durée annuelle de référence prévue à l’article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé, sur une période d’une durée de trente-neuf à quarante-cinq semaines ». La durée annuelle de référence prévue à l’article 1er du décret du 25 août 2000 étant de 1 607 heures.

Cette circulaire est donc règlementaire en imposant la prise en compte de 41 semaines minimum. Elle est donc illégale car prise par une autorité, le ministre de l'Éducation nationale et de la Jeunesse, qui est dépourvue du pouvoir règlementaire général.

Une telle règle ne pouvant relever du pouvoir règlementaire du chef de service pour prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous son autorité, en particulier pour l’organisation de son service en application de la jurisprudence Jamart (CE, section, 7 février 1936, n° 43321, au Recueil Lebon), lequel pouvoir ne lui permet pas de prendre de mesures statutaires, qui ne peuvent être prises que par décret en Conseil d’Etat (voyez CE, 29 décembre 1995, Syndicat national des  personnels de préfecture CGT-FO, n° 143017, au Recueil Lebon, concernant la mise en place d’organes de concertation et de dialogue social, en particulier des commissions départementales d'action sociale ; CE, section, 8 janvier 1982, SARL chocolat de régime de Dardenne, n° 17270, au Recueil Lebon, jugeant  que « la compétence des ministres, à qui il appartient, même en l'absence  de texte, de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement des administrations placées sous leur autorité, ainsi que la faculté qu'ont les autorités publiques de s'entourer, avant de prendre les décisions relevant de leur compétence, de tels avis qu'elles estiment utile de Recueil Lebonlir, ne peuvent légalement s'exercer, lorsqu'une disposition réglementaire fixe les conditions dans lesquelles il est pourvu à son application, que suivant les modalités prévues par cette disposition ») ; CE, 26 octobre 2012, n° 346648, aux tables sur un autre point, point 6, ayant jugé que « s’il appartenait au ministre, dans l’exercice de son pouvoir d’organisation des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques, de préciser, dans le respect de la réglementation applicable, les modalités pratiques de mesure du temps de travail effectif des agents placés sous son autorité, l’introduction d’un mode de calcul forfaitaire de la durée de travail présente un caractère statutaire, et ne peut donc être légalement édictée que par décret en Conseil d’Etat) et que dès lors, en introduisant par voie de circulaire cette règle qui n’est prévue ni par le décret du 25 août 2000 ni par aucune disposition des décrets statutaires des personnels en cause, le ministre a incompétemment ajouté aux dispositions en vigueur »).

Certes, sur le fondement de la jurisprudence Jamart, il a été reconnu la  compétence du chef de service pour fixer les règles relatives aux conditions de rémunération  des agents contractuels placés sous son autorité (Voyez pour un ministre, CE, Section, 24 avril 1964,  Syndicat national des médecins des établissements pénitentiaires, p. 242, et CE, 11 mai 1977,  Syndicat national du personnel de l’Aéronautique, p. 209 ; Voyez pour le directeur d’un établissement public de l’Etat, CE, 11 octobre 1995, Institut géographique national, n° 142644 aux tables, jugeant que l'autorité administrative compétente peut, dans le cadre des dispositions législatives et réglementaires applicables, fixer et  modifier librement les dispositions statutaires qui régissent les  agents des services publics, même contractuels, et notamment celles qui sont relatives aux conditions de leur rémunération). Il s’agissait dans cette affaire de combler un vide statutaire (voyez les conclusions de Jean Lessi sous CE, 24 février 2016, Syndicat national du personnel  de direction des organismes de  sécurité sociale CFE-CGC (SNPDOSS), n° 381143, page 4).

Encore faut-il, pour qu’un tel pouvoir puisse s’exercer, qu’aucune autre disposition législative ou réglementaire ne donne compétence à d’autres autorités et qu’il ne méconnaisse pas les lois et règlements régissant les activités en cause (voyez CE 17 juin 1983, Syndicat national CFDT de  l’ANIFOM, p. 260, et CE, 23 septembre 1988, Office National des Forêts, p. 314 ; voyez aussi, CE, ass.,  30 juin 2000, Association « Choisir la vie » et autres, p. 249, AJ 2000.729 conclusions Boissard).

Voyez les conclusions de Anne Courrèges sous CE, 23 mars 2009, Centre hospitalier de Montereau, n° 312446.

Le chef de service ne peut, en effet, intervenir que pour combler un vide juridique et pour autant qu’un texte n’a pas attribué compétence à une autre autorité. La première condition de la légalité des mesures d’organisation du service est donc l’existence d’un vide dans l’ordonnancement juridique, vide que le chef de service pourra combler dans la mesure où ses règlements ont pour objectif le bon fonctionnement du service. La compétence du chef de service s’arrête également si un texte a  attribué compétence à une autre autorité : il en va ainsi pour les dispositions statutaires  applicables aux fonctionnaires, qui doivent relever de décrets en Conseil d’Etat conformément à  la volonté du législateur (voyez CE, Section, 8 mars 1968, p.168) (voyez les conclusions de Mme Maugüe, Commissaire du Gouvernement, sous CE, 28 juillet 1999, Syndicat des psychiatres des hôpitaux  et Conseil national de l’ordre des chirurgiens dentistes, n° 188196).

Or, en l’espèce, la règle posée par la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 modifie la règle fixée par l’article 7 du décret du décret n° 2014-724 du 27 juin 2014.

En raison de son illégalité en tant que prises par une autorité incompétente, les dispositions de cette circulaire n’ont pu conférer aux agents concernés un droit au bénéfice des règles qu’elle édicte. 

Concernant la question de la publicité de la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019 

En vertu de l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration (issu de l’article 20 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance) : « Font l’objet d’une publication les instructions, les circulaires ainsi que les notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives. Les instructions et circulaires sont réputées abrogées si elles n’ont pas été publiées, dans des conditions et selon des modalités fixées par décret ».

Selon l’article L. 312-3 du même code (issu également de l’article 20 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d'une société de confiance) : « Toute personne peut se prévaloir des documents administratifs mentionnés au premier alinéa de l’article L. 312-2, émanant des administrations centrales et déconcentrées de l’Etat et publiés sur des sites internet désignés par décret. Toute personne peut se prévaloir de l'interprétation d'une règle, même erronée, opérée par ces documents pour son application à une situation qui n'affecte pas des tiers, tant que cette interprétation n'a pas été modifiée. (…) ».

Cette loi a pour objet de modifier les règles de publication applicables aux circulaires et d’en étendre l'opposabilité.

Il s’agit d’assurer la pleine effectivité de l’obligation de publier les circulaires et instructions administratives et de consacrer leur opposabilité au profit du public lorsqu’elles émanent de l’État et de consacrer au profit des usagers l’opposabilité de ces documents, et d’étendre ainsi à l’ensemble des secteurs de l’administration ce qui existe aujourd’hui en matière fiscale, avec la doctrine fiscale. C’est la première fois que la loi consacre ainsi, de manière générale, l’opposabilité au profit des administrés de la doctrine administrative. Il s’agit de répondre à une double exigence de cohérence de l’action de la puissance publique et de respect de ses propres énoncés, ce qui apporte aux usagers une sécurité dans l’application et l’interprétation des règles de droit positif (voyez le rapport n° 475 du 18 janvier 2018 au nom de la commission spéciale de l’assemblée nationale du député Stanislas Guerini et le rapport n° 329 des sénateurs Pascale Gruny et Jean-Claude Luche du 22 février 2018 au nom de la commission spéciale du Sénat sur l’article 9 du projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance).

Le législateur a ainsi créé deux régimes de publication distincts des « instructions, (…) circulaires ainsi que [des] notes et réponses ministérielles qui comportent une interprétation du droit positif ou une description des procédures administratives ». Le premier, prévu à l’article L. 312-2 du code des relations entre le public et l’administration, institue une obligation de publication de ces documents, dont les articles R. 312-3-1 à R. 312-9 déterminent les supports, sous peine de caducité dans un délai de quatre mois à compter de leur signature. Le second, prévu à l’article L. 312-3 du même code, subordonne le droit de se prévaloir de « l’interprétation d’une règle, même erronée » contenue dans l’un des documents mentionnés à l’article L. 312-2 émanant des administrations centrales et déconcentrées de l'Etat, à une publication particulière sur « des sites internet désignés par décret ». L’article D. 312-11 donne la liste de ces sites pour la mise en œuvre de cette condition ainsi prévue par la loi. 

Les dispositions de l’article L. 312-3 du code des relations entre le public et l’administration instituent une garantie au profit de l’usager en vertu de laquelle toute personne qui l’invoque est fondée à se prévaloir, à condition d’en respecter les termes, de l’interprétation, même illégale, d’une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 reproduits ci-dessus, tant qu’elle n'a pas été modifiée. En outre, l’usager ne peut bénéficier de cette garantie qu’à la condition que l’application d’une telle interprétation de la règle n’affecte pas la situation de tiers et qu’elle ne fasse pas obstacle à la mise en œuvre des dispositions législatives ou réglementaires préservant directement la santé publique, la sécurité des personnes et des biens ou l'environnement. Les mentions accompagnant la publication de ce document ont pour objet de permettre de s’assurer du caractère opposable de l’interprétation qu’il contient.

Le régime de publication prévue pour l’application de l’article L. 312-2 relatif à la mise en vigueur des circulaires et instructions des ministres diffère ainsi de celui prévu pour l’application de l’article L. 312-3 relatif à l’invocabilité de ces documents.

Ainsi, pour ne pas être regardées comme abrogées, les circulaires et instructions adressées par les ministres aux services et établissements de l’Etat doivent uniquement être publiés sur « un site relevant du Premier ministre » ; mais pour bénéficier du régime d’invocabilité prévu par l’article L. 312-3, ces documents doivent en outre être publiés sur des sites comportant des mentions indiquant explicitement qu’ils sont invocables. Vous l’aurez compris, c’est donc à l’administration de décider, parmi les instructions et circulaires en vigueur, celles qu’elle entend rendre invocables au sens de l’article L. 312-3. Voyez les conclusions de Clément Malverti sous CE, 14 octobre 2022, n° 462784, au Recueil Lebon, ayant jugé que l’article L. 312-3 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) institue une garantie au profit de l’usager en vertu de laquelle toute personne qui l’invoque est fondée à se prévaloir, à condition d’en respecter les termes, de l’interprétation, même illégale, d’une règle contenue dans un document que son auteur a souhaité rendre opposable, en le publiant dans les conditions prévues aux articles R. 312-10 et D. 312-11 du CRPA, tant qu’elle n'a pas été modifiée (voyez CE, 14 octobre 2022, n° 462784, au Recueil Lebon).

Cette invocabilité ne pouvant jouer que lorsque la doctrine dont se prévaut l’administré est erronée, c’est-à-dire illégale en ce qu’elle ajoute au texte interprété ou le contredit (voyez les conclusions précitées de Clément Malverti).

Comme l’a relevé le tribunal, il résulte des dispositions du CRPA que pour être opposable, une circulaire du ministre de l’éducation nationale adressée aux services académiques et aux chefs d’établissement doit faire l’objet d’une publication sur le site www.education.gouv.fr par le biais d’une insertion dans la liste définissant les documents opposables et comportant les mentions prescrites à l’article R. 312‑10, et doit comporter un lien vers le document intégral publié sur le site « Légifrance.gouv.fr », site relevant du Premier ministre.

Or, en l’espèce, si la circulaire ministérielle n° 2019-090 du 5 juin 2019 a fait l’objet d’une publication le 6 juin 2019 au Bulletin officiel du ministère de l’éducation nationale (bulletin n° 23), elle n’a pas fait l’objet, dans le délai de quatre mois prévu par le second alinéa de l’article R. 312-7 du code des relations entre le public et l’administration, d’une publication sur le site internet relevant du Premier ministre mentionné à l’article R. 312-8 du même code.

Elle n’a pas davantage été publiée dans les conditions prévues par les articles L. 312-3, R. 312-10 et D. 312-11 de ce code.

Ainsi, le syndicat Sud Education Bourgogne ne peut invoquer la circulaire précitée.

La circonstance que cette circulaire est expressément mentionnée et rappelée dans la circulaire n°2019-088 du 5 juin 2019 relative à l’école inclusive, laquelle est régulièrement publiée sur le site du Premier Ministre Legifrance et renvoie expressément notamment en son paragraphe 5, en s’en appropriant les dispositions, s’agissant de la gestion des AESH, à la circulaire n° 2019-090 du même jour, ne saurait rendre celle-ci invocable en l’absence d’accomplissement des mesures de publicité concernant cette circulaire.

Si le syndicat requérant soutient que, s’il était jugé que les dispositions de la circulaire n° 2019-090 du 5 juin 2019 ne sont pas invocables en raison de son abrogation à l’expiration d’un délai de 4 mois à compter de sa signature, à défaut d’avoir été publiée conformément aux dispositions de l’article R. 312-8 du CRPA, il devrait être estimé qu’elles seraient invocables avant l’expiration de ce délai, soit avant le 5 octobre 2019, et ainsi aux demandes préalables intervenues avant cette date et aux contrats conclus antérieurement, nous ne pensons pas que vous pourrez accueillir une telle argumentation.

Nous avons vu que la demande présentée subsidiairement à ce titre est irrecevable.

En outre, les droits revendiqués portant sur les contrats en cours des agents concernés, sans se prévaloir de la date de conclusion de leur contrat, cette demande et l’argumentation en découlant est infondée.

Pour vous prononcer sur une action en reconnaissance de droits, nous pensons que vous êtes liés par le cadrage opéré par le demandeur à l’action dans sa réclamation préalable et devant être reprise dans sa requête.

Lorsque le juge fait droit à une action en reconnaissance de droits, il définit les conditions de droit et de fait à remplir pour pouvoir invoquer devant l'administration compétente le bénéfice du jugement (CJA, art. L. 77-12-3). Toute personne qui remplit ces conditions de droit et de fait peut, sous réserve que sa créance ne soit pas prescrite ou son action forclose, se prévaloir, devant toute autorité administrative ou juridictionnelle, des droits ainsi reconnus par le juge (CJA, art. L. 77-12-3).

En tout état de cause, la seule illégalité pour incompétence de la règle revendiquée dans la circulaire litigieuse suffira pour rejeter la demande du syndicat requérant.

Enfin, le syndicat requérant ne saurait utilement se prévaloir du principe d’égalité de traitement à l’appui de son action en reconnaissance de droits, en invoquant une inégalité de traitement entre l’académie de Bourgogne Franche-Comté, qui applique une modulation, et les autres académies, qui appliqueraient la circulaire précitée, et en soutenant que cette différence de traitement n’est pas justifiée par l’intérêt du service ou une différence de situation des AESH.

En effet, stricto-sensu, un tel principe général de valeur infra-législative et supra-décrétale, ne constitue ni une loi ni un règlement au sens de l’article L. 77-12-1 du CJA.

Surtout, en présence d’une règle édictée par une circulaire contraire à l’article 7 du décret du décret n° 2014-724 du 27 juin 2014 et donc illégale, le principe de légalité doit prévaloir sur le principe d’égalité. Voyez sur cette prévalence, s’agissant d’un avantage accordé illégalement en méconnaissance des dispositions réglementaires, CE, 11 octobre 1967, n° 68585, aux Tables du Recueil Lebon.

Ainsi, le moyen est inopérant.

Par ces motifs, nous concluons à l’admission de l’intervention de Mme X., de Mme Y., et de Mme Z., à l’annulation du jugement attaqué et au non-lieu à statuer sur l’action en reconnaissance de droits du syndicat SUD Education Bourgogne, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande de première instance, en particulier sur la qualité à agir de la secrétaire générale en exercice du syndicat, dont l’action a été mandatée par décision du 10 février 2020 de l’équipe syndicale lors d’une réunion en collectif d’animation, conformément à l’article 12 des statuts du syndicat.

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