Le syndicat des copropriétaires de la résidence le rond-point des pistes 1 et le syndicat des copropriétaires de la résidence le rond-point des pistes 3 font ensemble appel d’un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2009 rejetant leur demande tendant à l’annulation du permis que le maire de Val d’Isère a délivré à la SARL Doudoune, le 20 février 2007, pour la construction d’une discothèque souterraine avec restaurant et bar, ensemble les permis de construire modificatifs délivrés, le 11 juillet 2007, à la SARL Doudoune et, le 23 novembre 2007, à la commune elle-même.
Pour critiquer d’abord la régularité du jugement, les requérants font valoir, en premier lieu, qu’il ne serait pas revêtu des signatures requises par l’article R741-1 du CJA. Ce moyen manque en fait au vu de la minute signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier qui vous a été transmise par le greffe du TA.
Les requérants avaient soutenu dans leur requête sommaire introductive d’appel que le jugement était également irrégulier du fait de l’omission à statuer sur plusieurs moyens et pour avoir rejeté comme irrecevable la demande dirigée contre le permis modificatif du 23 novembre 2007 sans avoir préalablement informé les parties en application de l’article R611-7 du CJA.
Ces deux moyens n’étant pas repris dans le mémoire complémentaire, vous pourriez le cas échéant les considérer comme abandonnés. Mais quoi qu’il en soit, le premier pourrait être écarté, faute d’indication des moyens auxquels il n’aurait pas été répondu, pour défaut de précision permettant d’en apprécier le bien-fondé. Quant au second, il est inopérant, dès lors que le TA s’est borné à faire droit à une fin de non-recevoir opposée en défense, sans soulever d’office aucun moyen.
Pour contester ensuite la légalité du permis de construire, les requérants font d’abord valoir qu’en méconnaissance de l’article R421-1-1 alors applicable du code de l’urbanisme, la société Doudoune ne justifiait d’aucun titre pour construire sur le domaine public communal.
Pour écarter le moyen, le TA a considéré que le terrain communal cadastré AH 87 servant d’assiette au projet ne pouvait, du fait du caractère non permanent de son utilisation comme piste de ski limitée à la période d’ouverture des remontées mécaniques et tributaire des conditions d’enneigement, être regardé comme affecté à l’usage direct du public et donc comme faisant partie du domaine public au sens des dispositions de l’article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
Précisons d’abord qu’ainsi que le rappelait Anne Courrèges dans ses conclusions en matière de référé-suspension à propos du même litige (CE, 2 juillet 2008, 312836, syndicat des copropriétaires de la résidence le rond point des pistes 1 et le syndicat des copropriétaires de la résidence le rond point des pistes 3), « la question de l’appartenance ou non au domaine public communal du domaine skiable n’a pas été tranchée et (…) reposerait sur des appréciations largement factuelles quant aux caractéristiques de la zone d’implantation ». Et votre arrêt n° 03LY00492 du 17 novembre 2005 commune de Saint-Bon-Tarentaise et M. C c/ SCI l’Isard ne dit rien de plus en se bornant à juger qu’il ne ressortait pas des pièces de ce dossier que la piste de ski jouxtant une face de la parcelle d’assiette du projet en cause dans cette affaire-là constituerait, même si son sol est la propriété du département de la Savoie et a fait l’objet de quelques travaux de nivellement, une dépendance du domaine public.
Reste donc la mise en œuvre des critères posés par l’article L2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques selon lequel le domaine public d'une personne publique est en principe constitué « des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ».
L’affectation à l’usage direct du public nous paraît faire défaut dans la mesure où, loin d’être librement utilisable par le public, comme le sont par exemple les parcs et promenades publics, une piste de ski, même comme ici dans sa partie basse, est réservée aux skieurs qui se sont normalement acquittés de leur forfait. Et si d’autres personnes peuvent de fait accéder à la piste et particulièrement à la parcelle dont il s’agit en limite du front de neige, il n’en reste pas moins vrai que les terrains en cause ne sont pas affectés à leur usage mais seulement à celui des skieurs dont l’activité est encadrée et payante.
Mais il est en revanche jugé que « l'exploitation des pistes de ski, incluant notamment leur entretien et leur sécurité, constitue un service public industriel et commercial, même lorsque la station de ski est exploitée en régie directe par la commune » (CE, 19 février 2009, 293020, B, voir également l’article L. 342-13 du code du tourisme). Et il est également jugé que les biens, même affectés à un service public industriel et commercial, relèvent, dès lors qu’ils sont spécialement aménagés à cet effet, du domaine public (CE Ass, 23 octobre 1998, 160246, EDF). Or, c’est bien le cas des pistes de ski qui font l’objet d’aménagements - remontées mécaniques, balisage, damage – de toutes sortes.
Il nous semble donc que le terrain d’assiette du projet, qui supporte une partie de la piste de ski, relève du domaine public communal dont l’autorisation d’occupation devait être jointe à la demande de permis de construire en application de l’article R421-1-1 alors applicable du code de l’urbanisme.
La commune de Val d’Isère et la SARL Doudoune se prévalent du bail emphytéotique conclu entre elles le 19 septembre 2006. Le TA a considéré que si la régularité de ce bail était contestée, il n’avait cependant fait l’objet d’aucune décision de justice l’invalidant à la date du permis attaqué. Soit, mais il n’en demeure pas moins vrai que lorsque l'ouvrage, qui fait l'objet d'une demande de permis de construire, doit être édifié sur une dépendance du domaine public, le permis ne peut être légalement accordé que si le pétitionnaire est en possession, à la date de la décision, d'une autorisation d'occupation délivrée dans des conditions régulières (CE, 19 mai 1976, 96119, Société foncière et maritime de Bormes-Les-Mimosas) .
Or, selon l’article L1311-2 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur, « un bien immobilier appartenant à une collectivité territoriale peut faire l'objet d'un bail emphytéotique (…), en vue de l'accomplissement, pour le compte de la collectivité territoriale, d'une mission de service public ou en vue de la réalisation d'une opération d'intérêt général relevant de sa compétence (…) ». Or, le projet ici autorisé de bar-restaurant-discothèque n’est pas accompli pour le compte de la commune mais de la SARL Doudoune et il ne se rattache à aucune mission de service public ni opération d'intérêt général relevant de sa compétence. Il ne s’agit donc pas d’un titre approprié à la nature de l’ouvrage à édifier (CE, 12 mai 1976, 85271, époux L) .
Nous sommes donc d’avis de retenir, pour annuler le permis de construire, le moyen tiré de la méconnaissance de l’article R421-1-1 du code de l’urbanisme.
Aucun autre moyen soulevé avant la clôture d’instruction fixée au 29 juin 2010 ne nous paraît en revanche fondé.
L’article NC 1 du POS admet notamment les constructions et installations, dans le secteur du front de neige, relevant de l’animation récréative de la station et compatibles avec l’exploitation du domaine skiable. C’est bien le cas d’un complexe bar-restaurant-discothèque dont le caractère récréatif nous paraît évident et qui, étant souterrain, reste compatible avec l’exploitation du domaine skiable.
Selon l’article NC 6 du POS, « Lorsque le plan ne mentionne aucune distance de recul, les constructions doivent être implantées avec un retrait minimum de 7 mètres par rapport aux limites des voies et emprises publiques ». Pour appliquer ce type de règles de distance, il convient de rechercher si l’élément litigieux de la construction en est ou non physiquement dissociable. Pour des terrasses faisant partie intégrante de la construction (CE, 21 février 1986, 53119, M, et CE, 23 février 1990, 70373, ministre du logement et des transports c/ Epoux D) ou un escalier extérieur indissociable de la construction (CE, 27 janvier 1989, 77900, époux D) . Au contraire, pour un élément léger et démontable dissociable de la construction proprement dite (CAA Lyon, 26 avril 2007, 05LY00663, V) ou encore pour des parties dallées du sol naturel formant sans surélévation notable des terrasses privatives (CAA Marseille, 7 octobre 2010, 09MA00052, SCI STEBRU).
De plus, il est jugé qu’en l'absence de disposition particulière relative aux constructions entièrement enterrées, les dispositions du plan d'occupation des sols qui prévoient une distance minimale entre toute construction et une limite séparative ne s'appliquent pas à la partie souterraine d'un bâtiment qui ne dépasse pas le niveau du sol naturel, si bien que la circonstance qu'une partie de l'emprise en sous-sol, non visible de l'extérieur, soit située dans la marge de recul est sans incidence sur la légalité du permis de construire (CE, 11 février 2002, 221350, U, également CAA Lyon, 31 décembre 1996, 93LY00524, J et ville de Cannes).
En l’espèce, il est constant que seule une partie de l’escalier permettant de descendre dans l’ouvrage est située à moins de 7 mètres de la limite de la voie publique. Il ne s’agit que d’un escalier métallique fixé au sol, mais aisément démontable, qui ne fait pas corps avec la construction qui, elle-même, respecte la marge de recul. Et cet escalier ne s’élève guère au-dessus du sol naturel mais ne fait au contraire que descendre jusque sous le niveau de ce sol pour accéder à la construction souterraine. La règle ne nous paraît donc pas avoir été méconnue.
Enfin, pour faire droit à la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt des requérants pour agir contre le permis délivré à la commune par son maire, le 23 novembre 2007, le TA a justement relevé qu’il ne portait que sur le réaménagement d’un parc de stationnement situé à plus de 150 mètres des copropriétés requérantes et non visible depuis celles-ci.
Par ces motifs, Nous concluons à l’annulation du jugement et à l’annulation des deux permis de construire délivrés à la SARL Doudoune, le second n’étant annulé que par voie de conséquence de l’annulation du premier, et au rejet du surplus des conclusions des requérants y compris en l’espèce, celles présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.