Vérification de comptabilité informatisée : choix formalisé par écrit des options que l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales offre au contribuable

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 22LY03315 – SARL Bus Café – 18 mars 2025 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 22LY03315

Numéro Légifrance : CETATEXT000051363201

Date de la décision : 18 mars 2025

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

TVA, Impôt sur les sociétés, Vérification de comptabilité, Comptabilité informatisée, L. 47 A du livre des procédures fiscales

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Il résulte du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales (LPF) que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des traitements informatiques qu'il souhaite effectuer, eu égard aux investigations envisagées, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions1 et que le contribuable formalise par écrit son choix parmi l’une de ces trois options.

Le vérificateur a envoyé à la société vérifiée un courrier l’invitant à choisir utilement entre les trois options offertes par le II de l’article L. 47 A du LPF et fixant une date limite pour la remise des fichiers dans l’hypothèse où serait retenue l’option prévue au c) du II de cet article (mise à la disposition de l’administration des copies des documents, données et traitements soumis à contrôle).

Le contribuable n’a pas désigné expressément une des trois options offertes sur le courrier les décrivant, par exemple en rayant les options non retenues, mais a signé sans réserve l’accusé de réception de ses fichiers comptables informatisés, rédigé par le vérificateur, indiquant que cette remise s’effectuait « conformément à [son] choix opéré dans la lettre d’option signée le 22/05/2015 » et que « conformément aux dispositions du c) de l’article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales », les copies de ces fichiers lui seraient restituées, au plus tard avant la mise en recouvrement. La société doit être regardée comme ayant ainsi formalisé par écrit son choix de recourir à l’option prévue au c) du II de l’article L. 47 A du livre des pr Disposition prévoyant que le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des trois options offertes par le II de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales – Contribuable accusant seulement réception du courrier décrivant ces options, sans identifier l’option retenue, par exemple en rayant les mentions inutiles, mais signant ensuite sans réserve un accusé de réception de remise de ses fichiers comptables informatisés indiquant que celle-ci s’effectue « conformément à [son] choix opéré dans la lettre d’option signée le 22 mai 2015 et que « conformément aux dispositions du c) de l’article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales », les copies de ces fichiers lui seront restituées, au plus tard avant la mise en recouvrement, » – Société devant être regardée comme ayant ainsi formalisé par écrit son choix de recourir à l’option prévue au c) du II de l’article L. 47 A du livre des procédures fiscales – Existence 2) Absence de vice de procédure océdures fiscales. Le vice de procédure n’est pas retenu.

19-01-03-01-02-03, Contributions et taxes, Généralités, Règles générales d'établissement de l'impôt, Contrôle fiscal, Vérification de comptabilité, Garanties accordées au contribuable

Notes

1 CE, 18 janvier 2017, n°386458, B, Recueil Lebon Tables p. 541 Retour au texte

Vérification de comptabilité informatisée : l’absence de formalisation par écrit du choix entre les options que l’article L. 47 A du LPF offre au contribuable ne prive pas le contribuable d’une garantie

Marwa Mzati

Docteure en droit, avocate au barreau de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.10031

Le contribuable qui n’a pas expressément choisi par écrit l’une des trois options offertes sur le courrier les proposant, par exemple en rayant les options non retenues, mais a signé sans réserve l’accusé de réception de ses fichiers comptables informatisés indiquant que cette remise s’effectuait « conformément à [son] choix opéré dans la lettre d’option signée le 22/05/2015 », et que « conformément aux dispositions du c) de l’article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales », les copies de ces fichiers lui seraient restituées, au plus tard avant la mise en recouvrement, doit être regardé comme ayant ainsi formalisé par écrit son choix de recourir à l’option prévue au II c de l’article L. 47 A du Livre des procédures fiscales (LPF). L’absence de formalisation par écrit ne prive le contribuable d’aucune garantie.

Créé en 1982, le contrôle fiscal des comptabilités informatisées (CFCI) est un outil du contrôle fiscal conçu pour permettre à l’administration fiscale d’examiner, depuis le bureau du vérificateur, la comptabilité informatisée de l’entreprise contrôlée. Il s’agit d’une procédure « intermédiaire » entre le contrôle sur pièces et la vérification de comptabilité. Jugé comme ne portant aucune atteinte aux droits des contribuables1, ce contrôle ne peut être engagé sans que le contribuable en ait était informé par le biais d’un avis d’examen de comptabilité2 . La procédure est certes contradictoire et se fait sur la base de fichiers et d’écritures comptables.

À ce titre, l’article L. 47 A du LPF fixe l’ensemble des moyens permettant à l’administration fiscale de réclamer son dû en cas de contrôle de la comptabilité informatisée. Cet article met en place une obligation d’information préalable aux contribuables leur permettant d’opérer un choix éclairé entre plusieurs options. Cette obligation d’information, quoique limitée, impose en premier temps et au plus tard au moment où l’agent décide de procéder au traitement3, d’indiquer par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Ce dernier formalise, dans un second temps, et par écrit, son choix, parmi trois options correspondant à la réalisation des traitements : soit par l’administration directement sur le matériel utilisé par le contribuable ; soit par le contribuable lui-même ; soit encore par l’administration sur son propre matériel à partir des copies des documents, données et traitements mis à sa disposition par le contribuable.

Si les dispositions de l’article L. 47 A du LPF donnent au contribuable la possibilité de choisir par qui et sur quel matériel les traitements informatiques envisagés pourront être réalisés, cette méthode suscite encore des interrogations quant à son application, notamment de point de vue des garanties offertes aux contribuables face à l’immixtion que le contrôle des comptabilités informatisées puisse représenter. Par le présent arrêt, la cour revient sur ces garanties qui entourent les traitements informatiques des données comptables de l’entreprise vérifiée. Plus précisément, elle apporte une précision quant à la formalisation, par écrit, du choix du contribuable parmi les trois options qui lui sont offertes en vertu du II° de l’article L. 47 A du LPF.

En l’espèce, L’EURL Bus café, qui exploitait un établissement bar-restaurant-discothèque, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013 à l’issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), assortis de majorations, et des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés ont été mis en recouvrement le 16 août 2017. À la suite du rejet implicite de sa première demande préalable, l’EURL Bus café a saisi le tribunal administratif de Lyon d’une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de TVA et des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2012 et 2013. Le tribunal administratif de Lyon, dont le jugement a été confirmé par un arrêt de la même cour, l’a déchargée des majorations qui assortissaient les rappels de TVA et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande, dans laquelle elle n’invoquait que des moyens ayant trait au bien-fondé de ses impositions. L’EURL Bus café a présenté une seconde réclamation préalable, également rejetée. Elle a alors saisi une seconde fois le tribunal administratif de Lyon d’une demande tendant de nouveau à la décharge des rappels de TVA et compléments d’impôt sur le revenu qui lui ont été réclamés à l’issue de la vérification de comptabilité déjà mentionnée. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande, dans laquelle elle ne faisait valoir, cette fois-ci, que des moyens relatifs à la procédure d’imposition.

Dans ses conclusions, la société soulevait, à l’appui de son appel, deux moyens : l’un est relatif à la méconnaissance de l’obligation de tenir un débat oral et contradictoire ; l’autre est relatif à la méconnaissance des dispositions de l’article L. 47 A du LPF dès lors que la société n’était pas en mesure de formaliser par écrit son choix parmi les trois options prévues par l’article susvisé.

Limitons cette brève analyse à ce second moyen qui confère au présent arrêt son caractère inédit.

Pour rappel, afin d’opérer le choix parmi les options prévues à l’article L. 47 du LPF, le vérificateur est tenu d’indiquer au contribuable la nature des traitements informatiques qu’il souhaite effectuer, eu égard aux investigations envisagées4. Sur ce dernier point, le juge administratif a précisé par une décision SELAS Pharmacie Caluire 2 du 7 mars 2019 que la description de la nature des investigations envisagées suppose seulement l’indication des données sur lesquelles le vérificateur entend faire porter ses recherches ainsi que l’objet de ces investigations afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options5 offertes par l’article L. 47 A du LPF. En ce sens, le vérificateur n’est, en revanche, tenu de communiquer la description technique des travaux informatiques à réaliser que dans un second temps, si le contribuable fait le choix d’effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Autrement dit, « la nature de l’information qui doit être délivrée au contribuable lors de la première étape qui précède le choix entre les trois options se rapporte au but poursuivi par le vérificateur et non aux moyens techniques d’atteindre ce but »6. Cette information, qui doit être suffisamment précise et écrite, a pour objectif de permettre au contribuable de prendre une décision éclairée. Selon la doctrine de l’administration, cette « formalisation écrite de la nature des investigations envisagées par l’administration a pour objet de donner au contribuable une information précise lui permettant de faire son choix sur les modalités de traitement en toute connaissance de cause »7. À ce stade, il est à rappeler que le défaut d’information vicie la procédure de vérification et que ce vice de procédure, comme pour une vérification sur papier, est susceptible d’affecter la régularité de la vérification informatisée dans son ensemble et les impositions afférentes8.

En l’espèce, l’appelante soutenait que le courrier envoyé par l’administration fiscale, en l’absence de précisions suffisantes sur la nature des investigations souhaitées, ne lui a pas permis d’opérer un choix éclairé. Par ailleurs, la cour a estimé suffisante l’information du contribuable. En effet, le vérificateur a adressé, le 22 mai 2015, une demande de traitements informatiques. Le courrier précisait que ces traitements ont pour objectif de contrôler, sur la période vérifiée, les recettes réalisées en caisse et la TVA collectée s’y rapportant, de s’assurer de l’adéquation entre les services et les marchandises vendus et les taux de TVA et d’établir une comptabilité matière. Ce même courrier indiquait que les contrôles porteront sur les montants des ventes et des règlements, les taux de TVA appliqués aux articles vendus, les flux matières par rapprochement avec les sorties des produits et les opérations réalisées en caisse comprenant en particulier les procédures de correction et d’annulation et identifie les données fournies par le logiciel de caisse nécessaires à la réalisation de ces traitements. Sur ce point, la cour a jugé que cette description et les informations apportées par ce courrier étaient de nature à permettre à la société d’effectuer un choix éclairé sur les trois options qui lui étaient ouvertes par le II de l’article L. 47 A du LPF.

Venons ensuite à la seconde branche du moyen tiré de l’absence de formalisme quant aux choix du contribuable. L’appelante invoquait ensuite, au soutien de l’irrégularité de la procédure d’imposition, qu’elle a été privée de la formalisation par écrit du choix telle que prévue au II de l’article 47 A du LPF. Sur ce moyen, la cour devait se prononcer sur la question de savoir si l’absence de choix écrit était de nature à priver la société d’une garantie qui est au nombre des motifs pour lesquels la décharge peut être reconnue comme justifiée.

À cette interrogation, dans ses conclusions sous le jugement attaqué, Mme la rapporteure publique a répondu que « la formalisation par écrit ne constitue pas en elle-même la garantie offerte au contribuable, mais le moyen de garantir à ce dernier l’expression de son choix »9. Par suite, bien qu’elle ait regardé le moyen tiré de l’absence de choix écrit comme vice de procédure, elle a écarté l’hypothèse selon laquelle un tel vice de procédure était de nature à priver l’appelante d’une garantie. En ce sens, le vice de procédure ne saurait suffire à emporter automatiquement l’irrégularité de la procédure d’imposition. Ce vice est donc sans incidence sur la régularité de la procédure d’imposition dont la décharge était l’objet de la demande adressée à l’administration fiscale puis au juge de l’impôt. Cette appréciation suppose alors de rechercher si le contribuable était simplement privé d’une garantie sans conclure automatiquement à l’irrégularité du fait des vices de procédures.

Dans la présente affaire, pour juger que l’appelante n’était pas privée d’une garantie, la cour administrative d’appel de Lyon a relevé que la lettre du 22 mai 2015, sur laquelle le représentant de la société a apposé sa signature, exposait clairement les trois options qui lui étaient offertes et les modalités de leur mise en place. En choisissant l’option prévue au II c de l’article L. 47 du LPF, la société a remis au service deux clefs USB comportant les copies de fichiers relatifs aux exercices comptables clos en 2012 et 2013. Le même jour, le service a accusé réception de la remise par une lettre indiquant clairement le choix opéré par la société. Ce document a été signé, sans réserve, par M. B. Aucun désaccord n’a été manifesté. Dès lors, la cour a écarté le moyen soulevé par l’appelante et tiré de ce que l’absence de formalisation par écrit de l’option choisie l’a privée d’une garantie. La cour s’est placée dans la grille d’analyse des premiers juges et a conclu que le contribuable qui n’a pas choisi expressément et par écrit une des trois options offertes sur le courrier les décrivant, par exemple en rayant les options non retenues, mais a signé sans réserve l’accusé de réception de ses fichiers comptables informatisés, rédigé par le vérificateur, indiquant que cette remise s’effectuait « conformément à [son] choix opéré dans la lettre d’option signée le 22/05/2015 » et que « conformément aux dispositions du c) de l’article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales », les copies de ces fichiers lui seraient restituées, au plus tard avant la mise en recouvrement, doit être regardé comme ayant ainsi formalisé par écrit son choix de recourir à l’option prévue au II c de l’article L. 47 A du Livre des procédures fiscales. L’absence de formalisation par écrit ne prive le contribuable d’aucune garantie. Statuant ainsi, la voie du pragmatisme était de mise : préserver les droits du contribuable sans faire peser sur l’administration fiscale des formalités excessives.

Notes

1 CC, n° 2016-743 DC du 29 décembre 2016, loi de finances rectificative pour 2016, JO, 11 août 2016. Retour au texte

2 Art. L. 47, al. 1er LPF. Retour au texte

3 CE, 16 juin 2003, SARL Le Veneto, n° 236503, au recueil Lebon. Retour au texte

4 CE, 18 janvier 2017, M. et Mme B…, n°386458, au recueil Lebon. Retour au texte

5 CE, 7 mars 2019, min c/ SELAS Pharmacie Caluire 2, n°416341, au recueil Lebon ; CE, 7 mars 2019, min c/ EURL Paget, n°420428, au recueil Lebon. Retour au texte

6 V. C. Guibé, concl. sur CE, 27 novembre 2020, Société Le Dôme, n°421409. Retour au texte

7 BOFIP, BOI-CF-IOR-60-40-30-20131213. Retour au texte

8 CAA Versailles., 21 mai 2013, n° 11VE03307. Retour au texte

9 V. M. Sautier, concl. sur TA Lyon du 4 octobre 2022, n° 2104788. Retour au texte

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