L’administration n’a pas l’obligation de recourir exclusivement à la lettre recommandée avec avis de réception pour répondre aux observations du contribuable. Néanmoins, elle doit, si elle recourt à d’autres voies, notamment celle d’un procédé électronique, établir par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes la date de réception de la réponse aux observations du contribuable. En l’espèce, la cour considère que le courrier électronique a bien été reçu par le contribuable au vu de l’accusé de lecture. Elle estime dès lors que la réalité de l’envoi de la réponse aux observations du contribuable dans le délai de soixante jours fixé par l’article L. 57 A du Livre des procédures fiscales doit être regardée comme établie.
La cour administrative d’appel de Lyon était invitée à se prononcer sur la possibilité ou non pour l’administration fiscale de notifier sa réponse aux observations d’un contribuable par courrier électronique.
Tout d’abord, la juridiction estime que l’article L. 57 A du Livre des procédures fiscales (LPF) ne limite pas la notification de la réponse aux observations du contribuable par lettre recommandée : « il n’est pas fait obligation à l’administration de recourir exclusivement à l’envoi de la réponse aux observations du contribuable par lettre recommandée avec avis de réception ». Elle s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle récente qui tend à réduire la portée de l’obligation de recours à la lettre recommandée. En effet, la cour s’inspire de l’arrêt du Conseil d’État du 8 février 20121 en reprenant son considérant de principe qui avait reconnu l’absence d’obligation pour l’administration de recourir exclusivement à la notification d’un redressement par lettre recommandée avec accusé de réception et avait admis la notification par Chronopost. En outre, la cour administrative d’appel de Lyon s’appuie également sur l’arrêt du 28 juin 2024 de la cour administrative d’appel de Paris2 qui avait reconnu la régularité de la notification d’une proposition de rectification par le biais d’un lien vers l’application Escale. Elle s’était alignée sur la jurisprudence du tribunal administratif de Melun du 17 mai 20183 qui avait admis qu’une proposition de rectification pouvait être envoyée par courriel par le biais d’une application informatique sécurisée.
Pour autant, l’admission d’un autre mode d’envoi ne doit pas réduire les garanties offertes aux contribuables. En effet, selon la cour administrative d’appel de Lyon, pour que le courriel interrompe valablement le délai de réponse de deux mois, posé par l’article L. 57 A du LPF, il faut que l’administration puisse « établir par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes la date de réception de la réponse aux observations du contribuable ». Elle reprend cette exigence de l’arrêt susmentionné du Conseil d’État selon lequel, si l’administration recourt à d’autres voies de communication telles que Chronopost, elle doit « établir la date de présentation des plis et, si le pli n’a pas été retiré, la distribution d’un avis de passage par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes »4.
Cela a été rappelé par la cour administrative d’appel de Paris : « si elle utilise d’autres voies, elle doit justifier de la notification de la proposition de rectification par des modes de preuve offrant des garanties équivalentes »5. Il convient de remarquer que ce point n’a pas été développé par la cour administrative d’appel de Lyon. Elle n’a pas vérifié qu’en l’espèce le courrier électronique offrait les mêmes garanties que la lettre recommandée avec accusé de réception en matière de preuve de la date de réception.
De plus, la cour étend la possibilité du recours au courrier électronique pour la notification de la réponse aux observations du contribuable sans pour autant écarter d’autres moyens de notification, « si [l’administration] utilise d’autres voies, notamment celle d’un procédé électronique ». En effet, la présence de l’adverbe « notamment » indique que la cour laisse entendre que d’autres modes de communication, autres que la lettre recommandée et le courrier électronique, peuvent régulièrement notifier la réponse aux observations du contribuable, sous réserve de présenter des garanties équivalentes à ces derniers.
Par ailleurs, s’agissant de la preuve de la réception du courriel, la cour considère que cette preuve est établie par l’accusé de lecture. Le Conseil d’État avait admis une preuve similaire dans son arrêt du 18 octobre 2017 : « un rapport de suivi de courriel émis par le serveur informatique hébergeant l’adresse de contact de l’envoyeur mentionnant la délivrance au serveur hébergeant l’adresse de contact du destinataire permet d’établir la réalité de l’envoi du courriel et de présumer sa réception par le destinataire »6. Ce mode de preuve semble donc suffire à attester la réception du courriel.
En outre, la cour administrative d’appel se fonde sur l’article L. 112-14 du Code des relations entre le public et l’administration (CRPA). Il dispose que l’administration peut répondre par voie électronique lorsqu’elle a été saisie de cette façon, « sauf refus exprès de l’intéressé »7. En l’espèce, le contribuable avait adressé ses observations sur la proposition de rectification par courrier électronique. Pour Harold Brasnu, rapporteur public de la cour administrative d’appel de Nantes, cette solution ne s’appliquerait que lorsque les observations du contribuable ont été transmises par courriel8. Il souligne que la mention « la requérante n’allègue pas que ce courrier ne contenait pas la réponse à ses observations » au cinquième considérant laisse « supposer que le courriel n’est peut-être pas, dans l’absolu, un mode de preuve aussi fiable que le courrier recommandé ou la notification par le biais de l’application Escale »9. Cela laisse entendre que la cour administrative d’appel de Lyon prend une position qui n’est pas partagée avec les autres juridictions.
Enfin, il convient de noter que le Conseil d’État a refusé l’admission du pourvoi en cassation dirigé contre l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon. Ainsi, il n’étudie pas ni invalide le raisonnement tenu par celle-ci.