L’EURL Bus Café exploite un établissement bar-restaurant-discothèque à Lyon, dont la cogérance est exercée par MM. C. et C. Cette société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité à l’issue de laquelle des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d’impôt sur les sociétés ont été mis à sa charge au titre des exercices clos en 2012 et 2013.
Elle vous en demande la décharge et soulève à cette fin uniquement des moyens relatifs à la régularité de la procédure.
Le premier moyen est tiré de ce qu’elle a été privée d’un débat oral et contradictoire dès lors que le vérificateur a refusé de procéder aux opérations de contrôle dans les locaux de son expert-comptable, comme elle l’avait demandé.
Vous le savez, la possibilité d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur constitue une garantie, sous peine d’irrégularité de la procédure. Cette garantie, qui est d’origine jurisprudentielle, a été déduite de deux règles législatives, la règle selon laquelle le contribuable a la faculté de se faire assister d’un conseil, mais aussi la règle selon laquelle la vérification de comptabilité se déroule sur place (CE section 21 mai 1976 n° 94052 ; CE 27 juillet 1979 n° 09101 et 08682).
Ainsi que l’a jugé Conseil d’Etat dans sa décision de section du CE du 26 février 2003 n° 232841-232842, les dispositions de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales (LPF) ont pour conséquence que toute vérification de comptabilité doit en principe se dérouler dans les locaux de l'entreprise vérifiée. La vérification n'est toutefois pas nécessairement entachée d'irrégularité du seul fait qu'elle ne s'est pas déroulée dans ces locaux. Il en va ainsi lorsque, notamment, la comptabilité ne se trouve pas dans l'entreprise et que, d'un commun accord entre le vérificateur et les représentants de l'entreprise, les opérations de vérification se déroulent au lieu où se trouve la comptabilité, dès lors que cette circonstance ne fait, par elle-même, pas obstacle à ce que la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire demeure offerte aux représentants de l'entreprise vérifiée.
Ainsi, lorsque la vérification de comptabilité s'est déroulée dans les locaux de l'entreprise, la possibilité d'engager un débat oral et contradictoire avec le vérificateur est présumée. Il en va de même dans le cas où, la comptabilité ne se trouvant pas dans l'entreprise, les opérations de vérification se sont, à la demande du contribuable, déroulées au lieu où se trouvent ces documents. Dans ces deux hypothèses, il appartient au contribuable qui soutient avoir été privé de cette garantie d'en apporter la preuve, notamment en justifiant que le vérificateur se serait refusé à un tel débat (CE 17 février 1997 n° 165573 et CE 30 décembre 2002, 231167).
Il est constant que M. C., co-gérant de l’EURL Bus café, a expressément demandé lors de la première intervention dans les locaux de l’entreprise le 22 mai 2015, à ce que le contrôle se poursuive dans le cabinet de son expert- comptable. La société requérante soutient que les opérations de contrôle se sont poursuivies dans les locaux de l’administration et il est constant que deux entretiens ont eu lieu dans les locaux du service avec les co-gérants les 11 septembre et 19 novembre 2015. Toutefois, l’administration fait valoir que le contrôle a eu lieu, pour deux interventions des 9 et 23 juin 2015, dans les locaux de son expert-comptable où elle a consulté les documents comptables et produit à ce titre deux lettres manuscrites du vérificateur de demandes de pièces, dont celle consécutive à l’intervention du 23 juin 2015 qui est revêtue du tampon du cabinet comptable. La société requérante ne réplique pas et ne produit aucune pièce de nature à contredire ces éléments en vue de démontrer, ainsi qu’elle l’allègue, que le service aurait refusé que le contrôle se poursuive dans les locaux de son expert-comptable.
Dès lors, il lui appartient, contrairement à ce qu’elle soutient, d’apporter la preuve qu’elle a été privée d’un débat oral et contradictoire. Vous constaterez que les éléments du dossier révèlent qu’aucun co-gérant n’était sur présent lors de la première intervention sur place du vérificateur le 17 avril 2015, que le service a adressé une lettre de mise en garde à la société le 20 mai 2015 l’informant des dispositions de l’article L. 74 du LPF relatives à l’opposition à la mise en œuvre du contrôle et lui proposant un nouveau rendez-vous le 7 mai 2015, courrier recommandé qui a été retourné au service comme « non réclamé », que le vérificateur s’est rendu dans les locaux du cabinet d’expert- comptable à deux reprises et qu’au cours des entretiens des 11 septembre et 19 novembre 2015, les co-gérants n’ont que partiellement produit les documents sollicités par le vérificateur et n’ont apporté aucun élément de réponse aux divers questionnaires. Dans ces conditions, l’EURL Bus Café n’est pas fondée à soutenir qu’elle n’a pas bénéficié d’un débat oral et contradictoire.
Vous pourrez donc écarter ce moyen en ses deux branches.
Le second moyen est tiré de ce que la société a été privée des garanties entourant les traitements informatiques des données comptables de l’entreprise vérifiée, prévues à l’article L. 47 A du LPF.
Vous pourrez d’abord écarter comme manquant en fait les deux branches du moyen tirées de ce que la société n’a été informée ni de l’identité de l’agent qui a réalisé les traitements informatiques ni de la nature des investigations envisagées ainsi que le prévoient les dispositions du grand II de cet article.
D’une part, le vérificateur a remis en mains propres à l’EURL Bus Café, le 22 mai 2015, une demande écrite qui mentionne en en-tête l’adresse du service et est signée du nom du vérificateur souhaitant mettre en œuvre ces traitements informatiques.
D’autre part, les informations précises contenues dans ce document apportaient à la société vérifiée une connaissance suffisante de la nature des investigations envisagées par le vérificateur et lui permettaient ainsi d’effectuer un choix éclairé entre les trois options qui lui étaient ouvertes par les dispositions du II de l’article L. 47 A du LPF (cf CE, 27 novembre 2020, n°421409).
La troisième branche du moyen est plus délicate : la société requérante soutient qu’elle a été privée du choix écrit prévu au II de l’article L. 47 A du LPF concernant les options de réalisation des traitements informatiques dès lors que ceux-ci ont été réalisés par l’administration sans que cette option n’ait été retenue.
Ces dispositions prévoient en effet que « le contribuable formalise par écrit son choix » parmi trois options correspondant à la réalisation des traitements, soit par l’administration directement sur le matériel utilisé par le contribuable, soit par le contribuable lui-même, soit encore par l’administration sur son propre matériel à partir des copies des documents, données et traitements mis à sa disposition par le contribuable. Le CE a toutefois reconnu que ces dispositions n’imposent pas d’autre exigence pour l’expression de ce choix et que, dans ces conditions, ce choix peut régulièrement être formalisé par la signature que le contribuable appose sur un document préparé par l’administration identifiant explicitement l’option choisie (CE, 22 juillet 2016, n°388367). Encore faut-il que ce choix soit clairement manifesté et nous pensons que la formalisation par écrit ne constitue pas en elle-même la garantie offerte au contribuable, mais le moyen de garantir à ce dernier l’expression de son choix.
La difficulté de l’espèce est qu’il n’est pas contesté et même établi par les pièces du dossier que la société requérante n’a pas formalisé par écrit son choix, ni sur un document qu’elle aurait rédigé elle-même, ni en consignant l’option retenue sur le document qui lui a été remis contre signature le 22 mai 2015, ni sur tout autre support écrit. Nous ne pouvons donc que vous proposer, de constater que la procédure est entachée d’irrégularité.
Toutefois, en application de la jurisprudence du CE section du 16 avril 2012 n° 320912, vous devrez rechercher si, dans le cas d’espèce, cette irrégularité a privé le contribuable d’une garantie à laquelle il avait droit, qui serait seule de nature à entraîner la décharge des impositions litigieuses.
Concrètement, la société requérante a-t-elle pu clairement manifester son choix parmi les trois options offertes de traitements informatiques ? Nous pensons que oui : la société requérante a été, par lettre du service 22 mai 2015 qu’elle a signée, informée des trois options, clairement exposées, et notamment celle prévue au c) du II de l’article L. 47 A du LPF au titre de laquelle il était indiqué que l’exercice de cette option se manifesterait par la remise au service vérificateur avant le 18 juin 2015 des copies des fichiers nécessaires à la réalisation des traitements demandés. Or la société a remis au service le 19 juin 2015 deux clefs USB comportant la copie des fichiers relatifs aux exercices 2012 et 2013 dont le service a accusé réception par un document rédigé par l’administration, signé par le cogérant, indiquant que la remise de ces fichiers s’effectuait « conformément à son choix opéré dans la lettre d’option signée le 22 mai 2015 sous réserve de leur lisibilité et de leur conformité et que conformément aux dispositions du c) de l’article L. 47 A-II du livre des procédures fiscales, ces copies seront restituées, au plus tard avant la mise en recouvrement. » sans qu’elle n’ait manifesté un quelconque désaccord sur la mise en œuvre de l’option c, ni manifesté ultérieurement le choix d’une autre option pour les traitements informatiques. Ces éléments étaient d’ailleurs déjà regardés par les juges du fond comme révélant l’expression d’un choix parmi les trois options offertes par l’ancienne version du L. 47 A II du LPF, lequel n’exigeait pas, sous son ancienne rédaction, la formalisation de ce choix (cf. CAA Marseille n° 12MA04082 ; CAA Nantes 13NT00160). Et la circonstance que les fichiers n’auraient pas été conformes, sont incidence sur cette appréciation.
Dans ces conditions, nous vous proposons de juger que cette irrégularité n’est pas de nature à entraîner la décharge des impositions litigieuses dès lors qu’elle n’a pas eu pour effet de priver la société requérante de la garantie attachée à l’expression, éclairée, de son choix.
Si vous nous suivez, vous écarterez cette dernière branche du moyen tiré de la violation de l’article L. 47 A du LPF et pourrez rejeter les conclusions en décharge.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.