Annexe 4 : Présentation thématique - Les atteintes aux sites et monuments

DOI : 10.35562/alyoda.9873

Plan

Texte

Lorsque leur construction est envisagée à proximité de zones d’habitation ou de sites naturels, les éoliennes peuvent parfois être visibles depuis des monuments préservés ou créer une concurrence visuelle avec eux depuis certains points de vue. De ce fait, plusieurs dispositions obligent l’autorité administrative compétente à évaluer l’impact d’un projet sur ces éléments et lui permettent, le cas échéant, d’en refuser la construction ou de l'assortir de conditions prescriptives. L’article L. 181-3 du code de l’environnement l’oblige ainsi à vérifier, avant de délivrer une autorisation environnementale, que le projet ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par l’article L. 511-1 du même code – et ce dernier mentionne, notamment, « la conservation des sites et des monuments ». Avant l’entrée en vigueur du nouveau régime des autorisations environnementales uniques en 2017, un contrôle équivalent était réalisé sur le fondement de l’article R. 111-27 du code de l’urbanisme qui proscrit les constructions portant atteinte à « l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites [...] ainsi qu’à la conservation des perspectives monumentales ».

La loi prévoit la possibilité d’instaurer une protection spécifique pour certains monuments ou sites historiques (A), protection dont l’autorité administrative et le juge tiennent compte lors du contrôle qu’ils réalisent en deux temps (B) et qui fait intervenir de nombreux éléments d’appréciation (C).

A. La protection au titre des monuments historiques

Le contrôle de l’autorité administrative – et du juge en cas de recours – pour apprécier l’intérêt d’un monument est susceptible d’être facilité lorsque celui-ci est classé ou inscrit au titre des monuments historiques en vertu des articles L. 341-1 à L. 341-22 du code de l’environnement. En effet, les monuments inscrits ou classés à ce titre bénéficient d’une protection ayant le caractère d’une servitude d’utilité publique qui impose à leur propriétaire une obligation « de ne pas procéder à des travaux autres que ceux d’exploitation courante [...] et d’entretien [...] sans avoir avisé, quatre mois d’avance, l’administration de leur intention ». Ces monuments ne peuvent donc pas être détruits ni déplacés, et les travaux autorisés dont ils font l’objet doivent être exécutés sous le contrôle scientifique et technique des services de l’État chargés des monuments historiques1.

Outre les prescriptions relatives aux travaux, l’article L. 621-30 du code du patrimoine renforce la protection des monuments classés ou inscrits en l’étendant aux immeubles qui forment un ensemble cohérent avec eux, ou sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur. À défaut de périmètre délimité par l’autorité administrative pour la protection de ces abords, la loi impose un périmètre de 500 mètres autour du monument classé ou inscrit. Toutefois, le fait qu’un monument ne soit protégé ni au titre des monuments historiques, ni au titre des abords, n’entraîne pas automatiquement la disqualification d’une atteinte : dans un important arrêt Société Ferme éolienne de Seigny du 22 septembre 2022 (n° 455658), le Conseil d’Etat a ainsi précisé que l’autorité administrative doit prendre en compte « l'ensemble des éléments pertinents et notamment, le cas échéant, la covisibilité du projet avec des bâtiments remarquables, quelle que soit la protection dont ils bénéficient par ailleurs au titre d’autres législations ».

B. Un contrôle en deux temps de l’atteinte aux sites et monuments

Le contrôle en deux temps qui s’impose à l’autorité administrative pour évaluer l’impact d’un projet sur les sites et monuments du lieu d’implantation est identique à celui exercé pour identifier des atteintes à un paysage. Les juges du fond se sont en effet réapproprié le considérant de principe issu de l’arrêt Association Engoulevent du 13 juillet 2012 du Conseil d’Etat (n° 345970), qui ne concernait que les questions paysagères, pour l’étendre aux sites et monuments – et, ainsi, affirmer que :

« Pour rechercher si l'existence d'une atteinte [...] à la conservation des sites et des monuments [...] est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site [ou] sur le monument [...] ».

En toute hypothèse, l’autorité administrative ne peut pas procéder, lors du second temps de son contrôle, à la mise en balance d'intérêts autres que ceux mentionnés dans les textes.

Pour évaluer la qualité du site et l’impact du projet, l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, se fonde principalement sur le volet paysager de l’étude d’impact prévue à l’article L. 122-1-1 du code de l’environnement, en s’aidant le cas échéant des photomontages réalisés par le pétitionnaire. Elle peut également être amenée à s’appuyer sur différents avis – notamment celui du service territorial de l’architecture et du patrimoine, celui de l’autorité environnementale, celui du commissaire enquêteur à l’issue de l’enquête publique mais aussi celui de l'architecte des Bâtiments de France. D’autres documents sont susceptibles de l’aider dans son évaluation, tels que des études réalisées à la demande de la direction régionale des affaires culturelles ou des atlas présentant les qualités du site et des monuments locaux. Le schéma régional éolien, s’il doit être pris en compte par l’autorité administrative, n’a toutefois aucun effet contraignant (CAA Bordeaux, 17 décembre 2021, n° 19BX03833).

C. De nombreux éléments de contrôle pour déterminer la qualité du site et l’impact du projet

Pour évaluer, en premier lieu, la qualité du site d’implantation, l’autorité administrative s’appuie sur de multiples éléments. Cette appréciation ne porte pas uniquement sur les sites et monuments concernés mais sur l’ensemble du paysage environnant, qui est considéré comme participant à leur préservation (CAA Lyon, 30 juin 2020, n° 18LY00931) ou à leur mise en valeur. Comme on l’a vu, la qualité intrinsèque des sites et monuments peut être appréciée au regard de leur classement ou leur inscription au titre des monuments historiques ou de leur inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Sans qu’un bâtiment particulièrement remarquable ne soit identifié dans la zone, la circonstance qu’il existe dans le périmètre du lieu d’implantation une multitude de monuments historiques – sans qu’il n’existe de seuil chiffré à partir duquel le site est jugé digne d’une protection renforcée – est de nature à qualifier un intérêt à préserver (CAA Bordeaux, 29 octobre 2019, n° 17BX02686). Les caractéristiques architecturales des monuments sont également prises en compte. De la même façon, l’appréciation de l’autorité administrative est plus stricte lorsque le site ou le monument a un caractère mémoriel : les bâtiments commémoratifs, lieux de mémoire et cimetières militaires sont ainsi particulièrement protégés (CAA Douai, 8 décembre 2022, n° 22DA01333). De manière plus classique, la qualité historique des sites et monuments indépendamment de tout classement ou inscription est aussi étudiée, notamment lorsque leur construction remonte à une période significative (comme l’époque carolingienne : CAA Bordeaux, 29 octobre 2019, n° 17BX02686) ou lorsqu’ils permettent de mieux visualiser des faits qui se sont déroulés par le passé (v., pour le site d’Alésia : CAA Lyon, 19 avril 2023, n° 22LY02828). Enfin, de façon plus subsidiaire, le caractère touristique du lieu peut entrer en ligne de compte (CAA Lyon, 30 juin 2020, CAA n° 18LY00931).

Dans le second temps, qui consiste à évaluer l’impact de la construction, l’autorité administrative, sous le contrôle du juge, recherche essentiellement s’il existe une co-visibilité entre le projet éolien et les sites et monuments identifiés dans la première partie du contrôle. Cette covisibilité peut être qualifiée dès lors que les éoliennes sont visibles depuis un site ou monument d’intérêt (CAA Bordeaux, 11 juin 2019, n° 17BX02965) ou qu’elles sont visibles en même temps que ce site ou monument et dans un rapport d’échelle disproportionné (CAA Douai, 6 avril 2023, n° 22DA01608). Une covisibilité peut toutefois être atténuée par un « masque visuel » végétal, par la réduction de la hauteur des éoliennes ou lorsque le site est déjà fortement anthropisé (CAA Bordeaux, 16 novembre 2021, n° 19BX02695).

Notes

1 Ministère de la Culture, « Protéger des immeubles au titre des monuments historiques ». [En ligne] Retour au texte

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Référence électronique

Les étudiants du M2 Droit public fondamental, « Annexe 4 : Présentation thématique - Les atteintes aux sites et monuments », revue Alyoda [En ligne], HS3 | 2024, mis en ligne le 06 mars 2025, consulté le 27 juillet 2025. URL : https://alyoda.eu/index.php?id=9873

Auteur

Les étudiants du M2 Droit public fondamental

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Éditeur scientifique

Caroline Chamard-Heim

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