Annexe 3 : Présentation thématique - Les atteintes à la faune

DOI : 10.35562/alyoda.9872

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Pour d’évidentes raisons techniques, les éoliennes doivent être implantées dans des milieux ouverts particulièrement exposés aux vents. Elles sont de plus généralement construites dans des zones à faible valeur immobilière, où la population humaine est faible et peu dense. Ceci limite l’impact pour les humains, mais ces zones sont par conséquent souvent utilisées par des espèces animales non domestiques pour nicher, pour hiverner, pour se reproduire, pour se déplacer… Les espèces animales les plus impactées par les éoliennes sont les oiseaux (avifaune), les chauve-souris (chiroptères), et parfois des batraciens (salamandres, tritons, …) et reptiles (notamment le lézard des murailles). L’impact de l'implantation d’éoliennes sur l’ensemble de la faune peut consister en une fragmentation des habitats, une réduction des territoires, un dérangement pendant la construction et l’entretien régulier des installations. Toutefois, les impacts les plus critiques concernent les oiseaux et les chauves-souris, qui peuvent subir des collisions et des barotraumatismes. Le plus souvent, les éoliennes relèvent du champ des installations classées pour la protection de l’environnement (A), qui comporte des exigences liées à la protection d’espèces protégées (B), éventuellement par un suivi et des mesures de compensation (C).

A. Le cadre des autorisations au titre de la législation des installations pour la protection de l’environnement (ICPE)

L'exploitation d'un parc éolien relève de la législation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Si les éoliennes de petite puissance (inférieure à 20 MW) et de petite hauteur (12 m à 50 m) ne sont soumises qu’au régime de déclaration en vertu de la nomenclature des installations classées (décret n° 2011-984 du 23 août 2011), la plupart des installations conduisant à un contentieux sont celles de plus grande ampleur, soumises à autorisation.

Depuis l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, les parcs éoliens de grande ampleur sont entrés dans le champ de l’autorisation environnementale unique (AU) et sont ainsi dispensées de permis de construire là où, antérieurement, le pétitionnaire devait demander les deux autorisations. C’est dans le cadre de cette AU que doit être conduite l’étude d’impact sur la biodiversité et les espèces protégées. Cette étude est généralement réalisée par un bureau d’études indépendant spécialisé en environnement ou en écologie. Elle peut conclure à l’absence de risque, ou bien démontrer le risque d’atteinte au bon état d’une espèce protégée.

B. Le cadre de la protection des espèces protégées

La directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, dite directive Habitats, vise à promouvoir la protection des habitats naturels ainsi que des espèces de la faune et de la flore sauvages. Cette protection s'appuie sur un réseau cohérent de sites écologiques protégés, le réseau Natura 2000. La transposition de la directive en droit interne est notamment assurée par l’article L. 411-1 du Code de l’environnement : celui-ci pose le principe de l’interdiction de toute destruction de ces espèces ou de leur habitat, sous réserve des dérogations à ce principe (art. L. 411-2). La dérogation repose principalement sur un ensemble de trois conditions cumulatives :

  • « il n’existe pas d’autre solution alternative satisfaisante, pouvant être évaluée menée, à la demande de l'autorité compétente, par un organisme extérieur choisi en accord avec elle » ;

  • la dérogation « ne [nuit] pas au maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle » ;

  • le projet répond à un des motifs limitativement énumérés par la loi, notamment, pour ce qui est des éoliennes, à des « raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique et pour des motifs qui [comportent] des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ».

Dans un avis contentieux (CE, Sect., 9 décembre 2022, n° 463563), le Conseil d'État a été amené à préciser, à la demande de la CAA de Douai, son interprétation quant aux conditions de déclenchement de l'obligation de dépôt d'une demande de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées. La présence de « spécimens de l'espèce concernée (...) dans la zone du projet », indépendamment « à ce stade, (...) du nombre de ces spécimens [et] de l'état de conservation des espèces protégées présentes » impose « d'examiner si l’obtention d’une dérogation est nécessaire ». Ensuite, « le pétitionnaire doit obtenir une dérogation (...) si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé ».

Enfin, l’avifaune fait l’objet d’une protection générale par la directive 2009/147/CE du 30 novembre 2009, dite directive Oiseaux, qui peut être mobilisée dans le cadre de contentieux relatifs aux éoliennes compte tenu des risques particuliers auxquels les oiseaux peuvent être exposés lorsque des éoliennes sont implantées. Cette directive vise à promouvoir la protection et la gestion des populations d'espèces d'oiseaux sauvages du territoire européen. Elle définit dans son annexe I une liste d’espèces d’oiseaux plus particulièrement menacées. La CJUE a précisé que les interdictions prescrites par la directive Habitats se sont pas conditionnées au fait que l’activité risque d’avoir une incidence négative sur l’état de conservation des espèces1. En outre, la protection ne cesse pas de s’appliquer aux espèces qui ont pu atteindre un état de conservation favorable et ne saurait s’appliquer exclusivement aux espèces mentionnées à l’annexe I.

C. Les mesures de suivi et la séquence éviter-réduire-compenser à l’appui de dérogations

L’arrêté du 26 août 2011 relatif aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent a fixé des prescriptions générales applicables aux éoliennes relevant des ICPE. Il prévoit, dans son article 12, qu’au moins une fois au cours des trois premières années de fonctionnement de l’installation puis une fois tous les dix ans, l’exploitant met en place un suivi environnemental permettant notamment d’estimer la mortalité de l’avifaune et des chiroptères due à la présence des aérogénérateurs.

Par ailleurs, la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité a conforté la séquence dite ERC (éviter - réduire - compenser), qui consiste à « éviter les atteintes à la biodiversité, à défaut les réduire et, en dernier recours, compenser les impacts résiduels » (art. L. 110-1 du Code de l'environnement). Des mesures au titre de la séquence ERC peuvent être proposées par les pétitionnaires à l’appui de leur demande de dérogation au titre des espèces protégées. Selon S. P. Gaultier et al., « Dans le domaine de l’éolien, de nombreuses mesures existent pour mettre en œuvre une séquence ERC exemplaire »2. Dans l’avis contentieux cité précédemment (CE, 9 décembre 2022, n° 463563), le Conseil d’État a précisé que les mesures d'évitement mais aussi de réduction doivent être prises en compte pour caractériser le risque d'atteinte à la conservation des espèces protégées : « Dans l'hypothèse où les mesures d'évitement et de réduction proposées présentent, sous le contrôle de l'administration, des garanties d'effectivité telles qu'elles permettent de diminuer le risque pour les espèces au point qu'il apparaisse comme n'étant pas suffisamment caractérisé, il n'est pas nécessaire de solliciter une dérogation ».

Notes

1 CJUE, renvoi préjudiciel, 4 mars 2021, Föreningen Skydda Skogen, Aff. C-473/19. Retour au texte

2 GAULTIER, S. P., MARX, G. & ROUX, D. « Éoliennes et biodiversité : synthèse des connaissances sur les impacts et les moyens de les atténuer ? ». Office national de la chasse et de la faune sauvage/LPO. 2019, p. 8. Retour au texte

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Référence électronique

Les étudiants du M2 Droit public fondamental, « Annexe 3 : Présentation thématique - Les atteintes à la faune », revue Alyoda [En ligne], HS3 | 2024, mis en ligne le 06 mars 2025, consulté le 27 juillet 2025. URL : https://alyoda.eu/index.php?id=9872

Auteur

Les étudiants du M2 Droit public fondamental

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Éditeur scientifique

Caroline Chamard-Heim

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