Intérêt à agir d’une commune à contester un permis de construire de régularisation devenu autorisation environnementale pour l’installation d’éoliennes sur son territoire

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Décision de justice

CAA Lyon, 7ème chambre – N° 21LY03834 – 06 juin 2024 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 21LY03834

Numéro Légifrance : CETATEXT000049694387

Date de la décision : 06 juin 2024

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Intérêt à agir, Intérêt à agir d’une commune, Éoliennes, Autorisation environnementale, R. 181-50 de code de l’environnement

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Contestation d’une autorisation environnementale – 1) Régime transitoire – Permis de construire visant à modifier ou régulariser un permis de construire délivré avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017, devenu autorisation environnementale1 – 2) Qualité de tiers intéressé (art. R. 181-50 du code de l’environnement) d’une personne morale de droit public – Commune sur le territoire de laquelle est prévue l’implantation - Condition – Inconvénients ou dangers de nature à affecter par eux-mêmes les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue23.

1) Il résulte de l’article 15 de l’ordonnance du 26 janvier 2017 que les permis de construire en cours de validité à la date du 1er mars 2017 qui autorisent les projets d’installation d’éoliennes terrestres, y compris les permis de construire délivrés en vue de les modifier ou de les régulariser, sont considérés, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales. Les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de la première partie, législative, et de la deuxième partie, réglementaire, du code de l’environnement, au nombre desquelles figurent notamment l’article L. 181-3, qui renvoie à l’article L. 511-1, et l’article R. 181-50, leur sont donc applicables.

2) Au sens de ces derniers articles, une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale, ou une autorisation considérée comme telle, que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue. L’intérêt dont une commune doit à cet égard justifier n’est pas apprécié différemment selon que le projet contesté est autorisé sur son territoire ou sur celui d’une commune voisine.

44-02-04-29-035, Nature et environnement, Installations classées pour la protection de l'environnement, Règles de procédure contentieuse spéciales
29-035, Energie, Energie nucléaire, Energie éolienne

Notes

1 Rappr., s’agissant d’un permis de construire délivré avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017, CE, 22 septembre 2022, Ligue pour la Protection des Oiseaux de l'Aude et autres, n° 443458 Retour au texte

2 Rappr., s’agissant de la qualité de tiers intéressé d’une personne morale de droit public au sens de l’art. R. 181-50 du code de l’environnement, CE, 1er décembre 2023, Région Auvergne-Rhône-Alpes et autres, n° 470723 Retour au texte

3 Comp., s’agissant de l’intérêt à agir dont dispose toujours une commune pour contester un permis de construire délivré sur son territoire, CE, section, 10 mars 1978, Commune de Roquefort-les-Pins, n° 03895 Retour au texte

Conclusions du rapporteur public

Christophe Rivière

rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.9601

Le préfet de la région Auvergne a, par huit arrêtés du 12 janvier 2012, délivré à la SNC MSE La Tombelle des permis de construire en vue de l’édification d’un parc éolien, composé de six éoliennes et deux postes de livraison, sur le territoire des communes de Courçais et Viplaix (Allier).

Par un jugement du 28 juin 2013, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de l’association « Éolienne s’en naît trop » tendant à l’annulation de ces arrêtés ainsi que la décision du 12 mai 2012 rejetant le recours gracieux formé contre ces arrêtés.

Sur appel de l’association « Éoliennes s’en naît trop », la cour administrative d’appel de Lyon a, par un arrêt n° 13LY02395 du 28 octobre 2014, annulé ce jugement et lesdits arrêtés au motif qu’en méconnaissance de l’article R. 123-22 du code de l’environnement, le commissaire enquêteur ne peut être regardé comme ayant suffisamment motivé l’avis favorable qu’il a émis sur le projet et qu’il n’a pas respecté son obligation d’examen des observations recueillies au cours de l’enquête publique.

Par une décision n° 386624 du 20 janvier 2016, le Conseil d’État a toutefois annulé cet arrêt de la cour aux motifs qu’en jugeant que le rapport relatant le déroulement de l’enquête et procédant à l’examen des observations retenues aurait dû comporter la réponse du commissaire enquêteur aux observations du public, la cour a commis une erreur de droit et qu’en jugeant que le commissaire enquêteur n’avait pas suffisamment motivé son avis s’agissant de l’atteinte au paysage, la cour a dénaturé les pièces du dossier, et a renvoyé l’affaire devant la cour administrative d’appel de Lyon.

La cour a, par un arrêt n° 16LY00400 du 13 mars 2018, de nouveau annulé le jugement du tribunal administratif de Clermont Ferrand du 28 juin 2013, les huit arrêtés du préfet de la région Auvergne du 12 janvier 2012, ainsi que la décision du 12 mai 2012 rejetant le recours gracieux contre ces arrêtés au motif que l’avis de l’autorité environnementale a été émis dans des conditions irrégulières, en méconnaissance des exigences découlant de la directive 2011/92 du 13 décembre 2011, en particulier n’a pas été rendu par une autorité disposant d’une autonomie effective, dans des conditions garantissant son impartialité et son objectivité.

Par une décision n°s 420554, 420575 du 27 mai 2019, publiée aux tables du recueil, le Conseil d’État, saisi de deux pourvois présentés d’une part par le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et d’autre part par la société MSE La Tombelle, a, d’une part, au motif que le vice de procédure que la cour avait jugé fondé, tiré de ce que l’autorité environnementale s’étant prononcée sur le projet ne répondait pas aux exigences de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 alors en vigueur, était régularisable contrairement à ce qu’elle avait jugé, annulé l’arrêt du 13 mars 2018 de la cour en tant qu’il avait rejeté les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme et, en conséquence, en tant qu’il avait annulé le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que les arrêtés en cause et en tant qu’il statue sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, d’autre part, en vue du règlement du litige au fond en application du second alinéa de l’article L. 821-2 du code de justice administrative, sursis à statuer sur la requête présentée par l’association « Éoliennes  s’en naît trop » devant la cour administrative d’appel de Lyon pour permettre la régularisation du vice de procédure entachant les arrêtés attaqués par la consultation de la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable territorialement compétente et en portant ce nouvel avis à la connaissance du public, et ce jusqu’à l’expiration du délai de trois mois ou de six mois en cas d’enquête publique, à compter de la notification de sa décision, fixé pour la notification de ces mesures de régularisation.

À la suite de cette décision, la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable territorialement compétente, saisie par l’administration le 10 juillet 2019, a rendu, le 9 septembre 2019, un avis différant substantiellement de celui qui avait été initialement émis.

Après une enquête publique complémentaire tenue du 8 au 21 mars 2021, le préfet de l’Allier a, par des arrêtés du 23 juin 2021, notifiés au Conseil d’État le 24 juin 2021, délivré à la société MSE La Tombelle des permis de construire visant à régulariser les permis initiaux.

Par une décision n° 420554 du 16 février 2022, le Conseil d’État a rejeté les requêtes de l’association « Éoliennes s’en naît trop » devant la cour administrative d’appel de Lyon et devant le Conseil d’État.

M. B., représentant unique au titre de l’article R. 751-3 du code de justice administrative, les communes de Courçais, Mesples et Viplaix, la communauté de communes du Pays d’Huriel, la société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France, six autres personnes physiques, et le groupement foncier agricole (GFA) du domaine des Y., demandent à la cour dans la présente instance l’annulation des huit arrêtés précités du 23 juin 2021.

La société MSE La Tombelle fait valoir que la requête est irrecevable dès lors que les requérants n’ont pas intérêt à agir contre les permis de construire litigieux, le recours étant formé contre des permis de construire modificatifs régularisant un vice de pure forme (avis de l’autorité environnementale) et, par conséquent, n’apportant aucune évolution au projet de parc éolien, alors que les intéressés n’ont pas formé de recours contre les permis initiaux.

En vertu de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme :

« Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. (…). ».

Il résulte de cet article qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien (CE, 17 mars 2017, n° 396362 396366, aux tables).

L’article L. 600-1-3 du même code prévoit :

« Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l'intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager s'apprécie à la date d'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ».

Les dispositions de l’article L. 600-1-2 précités ne sont donc pas applicables aux communes de Courçais, Mesples et Viplaix, à la communauté de communes du Pays d’Huriel, et à l’association « société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France ».

Concernant les communes, vous savez qu’une commune justifie toujours d'un intérêt propre lui donnant qualité pour demander l'annulation d'un permis de construire délivré sur son territoire (CE, section, 10 mars 1978, Commune de Roquefort-les-Pins, n° 03895, au recueil) alors que les communes voisines, pour justifier d’un intérêt leur donnant qualité pour demander l'annulation d’un permis de construire délivré par une commune limitrophe, doivent se prévaloir d'une incidence sur leur propre situation ou sur les intérêts dont elles ont la charge (CE, 22 mai 2012, SNC MSE Le Haut des Epinettes, n° 326367, aux tables).

Concernant une association, elle doit, au regard de son objet, statutaire, justifier d’un intérêt suffisant lui donnant qualité pour introduire un recours contre un permis de construire (CE, 12 avril 2022, n° 451778, aux tables ; CE, 17 février 2010, Société Loca Parc Loisirs, n° 305871, aux tables, prenant en compte également la portée de la mesure litigieuse). Il en est de même lorsque l’association est agréée au sens de l’article L. 141-1 du code de l’environnement en vertu de l’article L. 141-2 du même code dont il résulte que toute association de protection de l'environnement agréée au titre de l'article L. 141-1 justifie d'un intérêt pour agir contre toute décision administrative ayant un rapport direct avec son objet et ses activités statutaires et produisant des effets dommageables pour l'environnement sur tout ou partie du territoire pour lequel elle bénéficie de l'agrément, dès lors que cette décision est intervenue après la date de son agrément (Voyez CE, 18 décembre 2023, Association Patrimoine Environnement et autres, n° 464454, point 2, inédit au recueil).

Lorsque, comme en l’espèce, le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé (CE, 17 mars 2017, n° 396362 396366, aux tables, précité, dont il ressort qu’avaient intérêt à agir contre un permis de construire modificatif des requérants établissant être propriétaires d’une maison à usage d’habitation située à proximité immédiate de la parcelle d'assiette du projet et ayant produit la décision attaquée, de laquelle il ressortait que le permis litigieux apportait des modifications notables au projet initial, affectant son implantation, ses dimensions et l’apparence de la construction, ainsi que divers clichés photographiques, pris depuis leur propriété, attestant d’une vue directe sur la construction projetée ; CE, 17 février 2023, n° 454284, aux tables).

Dans cette dernière affaire, le Conseil d’État a jugé qu’eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.

Mais, en réalité, vous trancherez le litige qui vous est soumis comme juge de plein contentieux dès lors que les permis de construire initiaux du 12 janvier 2012 constituent désormais des autorisations environnementales et qu’il en va de même selon nous des permis de régularisation litigieux, bien que délivrés le 23 juin 2021, dès lors que ces permis se bornent à régulariser le vice de procédure entachant les permis initiaux et s’incorporent à ces derniers.

En effet, il résulte de l’article 15 de l’ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale que les permis de construire en cours de validité à la date du 1er mars 2017 autorisant les projets d’installation d’éoliennes terrestres sont considérés, à compter de cette date, comme des autorisations environnementales (CE, 22 septembre 2022, Ligue pour la Protection des Oiseaux de l'Aude et autres, n° 443458, aux tables).

Cet article 15 prévoit que :

« Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : 1° Les autorisations délivrées (...) avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d’installation d’éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d’opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l’article L. 181 2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées ou lorsque le projet autorisé est définitivement arrêté et nécessite une remise en état ».

En vertu de l’article R. 181-50 du code de l’environnement, les décisions mentionnées aux articles L. 181-12 à L. 181-15 (qui visent l’autorisation environnementale) peuvent être déférées à la juridiction administrative par les tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3, lequel vise les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1. L’article L. 211-1 visant la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, et donc la protection de cette ressource, et notamment la prévention des inondations, la protection des eaux et la lutte contre toute pollution et l’article L. 511-1 la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, et la salubrité publiques, l’agriculture, la protection de la nature, de l’environnement et des paysages, l’utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la conservation des sites et des monuments historiques ainsi que des éléments du patrimoine archéologique.

L’intérêt pour agir des tiers contre les décisions prises en matière de police des installations classées pour la protection de l’environnement diffère selon la qualité du tiers.

Pour les associations, l’intérêt à agir se rapporte pour sa part à leur objet statutaire, selon une analyse désormais classique (voyez par exemple CE, 15 septembre 2004, SARL Lecouffe Darras, n°230665, aux tables ou encore CE, 22 mars 1996, Groupement agricole d'exploitation en commun du Vieux Bougy, n° 128923, aux tables), qu’il faut recouper avec le ressort géographique de son champ d’action, (voyez à ce propos, s’agissant du décret de démantèlement d'une centrale nucléaire, faisant également l’objet d’un recours de plein contentieux : CE, 25 juin 2012, Collectif anti-nucléaire 13 et autres, n° 346395, au recueil).

Pour les tiers personnes physiques, ils doivent justifier d'un intérêt suffisamment direct leur donnant qualité pour en demander l'annulation, compte tenu des inconvénients et dangers que présente pour eux l'installation en cause, appréciés notamment en fonction de la situation des intéressés et de la configuration des lieux (voyez CE, 13 juillet 2012, Société Moulins Soufflet et ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat, n° 339592 340356, aux tables).

Pour les collectivités territoriales, et plus largement les personnes morales de droit public, au sens des articles R. 181-50 et L. 511-1 du code de l’environnement, une personne morale de droit public ne peut se voir reconnaître la qualité de tiers recevable à contester devant le juge administratif une autorisation environnementale que dans les cas où les inconvénients ou les dangers pour les intérêts visés à l’article L. 181-3 sont de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue (CE, 1er décembre 2023, Région Auvergne-Rhône-Alpes et autres, n° 470723, aux tables et CE, 1er décembre 2023, Département de la Charente-Maritime, n° 467009, aux tables).

En l’espèce, les communes de Courçais et de Viplaix se prévalent de leur qualité de communes d’implantation du projet et de l’atteinte à leur environnement en résultant, la communauté de communes du pays d’Huriel, dont sont membres les deux communes précitées, de ce que la construction et l’exploitation de six éoliennes sur une partie de son territoire est de nature à affecter son attractivité touristique en raison de la dégradation des paysages qu’elles emportent et du moratoire qu’elle a pris sur les énergies renouvelables, la commune de Mesples, du caractère limitrophe de son territoire de celui de la commune de Viplaix et de ce que l’implantation des machines va affecter son environnement, l’association « société pour la protection des paysages et de l’esthétique de la France », de ce qu’elle est titulaire de l’agrément prévu par l’article L. 141-1 du code de l’environnement et de son objet statutaire consistant notamment à empêcher que les sites naturels ou urbains qui font la beauté du visage de la France, soient dégradés ou détruits par des constructions, M. et Mme V. ainsi que M. L., de l’implantation respectivement de l’éolienne E7 sur leur parcelle cadastrée section C n° 321 située sur le territoire de la commune de Viplaix et de l’éolienne E6 et du poste de livraison n°2 sur sa parcelle cadastrée section C n° 371, ce qui, selon eux, affectera les conditions d’occupation, d’utilisation et de jouissance de leur bien puisqu’ils ne pourront pas librement en disposer, M. et Mme V. encore, de leur qualité de propriétaires d’une résidence située au lieudit La Bergerie à Courçais, qui serait à 720 mètres de l’éolienne E 8 et 779 mètres de l’éolienne E 7 , M. C. et le GFA du domaine des Bregères, dont il est le gérant, M. D., M. B., M. Mme H., de leur qualité de propriétaires de maisons d’habitation situées sur le territoire des communes de Courçais, de Mesples et de Viplaix, de l’impact visuel des éoliennes pour certains d’entre eux et de nuisances sonores résultant des éoliennes pour d’autres.

Or, en invoquant ces éléments, les requérants ne justifient pas de leur qualité de tiers intéressé au sens de l’article R. 181-50 du code de l’environnement et donc d’un intérêt leur donnant qualité pour agir au sens des jurisprudences précitées contre les arrêtés du 23 juin 2021 du préfet de l’Allier accordant au nom de l’État des permis de construire ayant uniquement pour objet, en exécution de la décision précitée du 27 mai 2019 du Conseil d’État, de régulariser les permis de construire initiaux du 12 janvier 2012 à la suite de la régularisation du vice relatif à l’irrégularité de l’avis de l’autorité environnementale et qui n’affectent pas la conception générale de la construction telle qu’elle a été initialement autorisée, en particulier ne modifient pas le projet de parc éolien, et ne portent donc pas atteinte aux intérêts qu’ils invoquent. Étant relevé que si le nouvel avis de l’autorité environnementale diffère substantiellement de celui qui avait été initialement émis, les requérants ne démontrent pas que cet avis révèlerait des impacts non connus du projet sur leur situation, alors que ce projet n’est pas modifié dans sa substance en ce qui concerne ses caractéristiques principales, en particulier sa configuration, son implantation, ses dimensions et son apparence.

Lesdits éléments étaient de nature à donner aux intéressés intérêt à agir contre les permis de construire initiaux, ce qu’ils n’ont pas fait.

Voyez à titre d’exemple : CAA Marseille, 18 juin 2020, n° 19MA05821, point 6 ; CAA Bordeaux, 27 juin 2023, n° 22BX02334, point 7, concernant des jurisprudences se plaçant sous l’angle de l’excès de pouvoir.

Il en irait de même selon nous si vous vous prononciez comme juge de l’excès de pouvoir des permis de régularisation litigieux, y compris les communes de Courçais et de Viplaix sur le territoire desquelles est implanté le projet de parc éolien, qui n’ont pas contesté les permis initiaux, qui seuls affectaient réellement leur situation (voyez sur l’exigence d’un intérêt réel : CE, 22 février 1995, Commune de la Ciotat, n°s 136900 et 136901, aux tables).

Vous pourriez alors transposer la jurisprudence sur les permis modificatifs aux permis de régularisation, ces derniers étant encore moins impactants et étant soumis au même régime juridique que les premiers en ce qui concerne leur contestation (voyez l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme et CE, 1er février 2023, n° 459243, aux tables) et les permis de régularisation ayant un régime proche des permis modificatifs en ce qui concerne leur objet puisqu’ils peuvent apporter au projet des modifications qui, sans changer la nature même de ce projet, ne se bornent pas à remédier au vice à régulariser (CE, 17 mars 2021, , n° 436073, aux tables) et voyez CE, section, 26 juillet 2022, n° 437765, au recueil, rapprochant l’objet du permis modificatif à celui du permis de régularisation en jugeant que l’autorité compétente, saisie d’une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d’un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n’est pas achevée, dès lors que les modifications envisagées n’apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu’il en changerait la nature même. Cf., s'agissant de l'articulation entre les procédures des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l’urbanisme, CE, Section, avis, 2 octobre 2020, n° 438318, au recueil.

Étant précisé que, comme le souligne en défense le ministre, il résulte de l'article L. 600-5-2 du code de l'urbanisme que les requérants partie à l'instance ayant donné lieu à un jugement avant dire droit sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ne peuvent contester la légalité de la mesure de régularisation, sur laquelle le tribunal administratif les a invités à présenter des observations, que dans le cadre de la même instance (CE, 5 février 2021, n° 430990, aux tables).

Voyez aussi CE, 1er février 2023, n° 459243, aux tables, précité, jugeant que :

« Il résulte de l’article L. 600-5-2 du code de l’urbanisme que les parties à une instance portant sur un recours dirigé contre le permis de construire, de démolir ou d'aménager initialement délivré ou contre la décision de non-opposition à déclaration préalable initialement obtenue sont recevables à contester la légalité d’un permis modificatif, d’une décision modificative ou d’une mesure de régularisation intervenue au cours de cette instance, lorsqu’elle leur a été communiquée, tant que le juge n’a pas statué au fond, sans condition de forme ni de délai. ».

Il appartenait donc aux parties de l’instance n° 420554, 420575 introduite devant le Conseil d’État, aux nombres desquelles ne figuraient pas les requérants de la présente affaire, de contester les mesures de régularisation que constituent les arrêtés préfectoraux du 23 juin 2021.

Vous pourriez même, enfin, vous interroger sur le point de savoir si la régularisation du vice de procédure en exécution de la décision précitée du 27 mai 2019 du Conseil d’État sous forme de nouveaux arrêtés préfectoraux octroyant des permis régularisant les permis initiaux du 12 janvier 2012 ne revêt pas un caractère superfétatoire compte tenu de la circonstance que ces derniers permis constituent des autorisations environnementales. Mais, même, pour de telles autorisations, lorsque les dispositions du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement sont mis en œuvre consistant dans un sursis à statuer en vue de la régularisation de l’autorisation initiale, équivalent du sursis à statuer en vue de la régularisation d'une autorisation d'urbanisme (art. L. 600-5-1 du code de l'urbanisme), la régularisation implique l'intervention d'une décision complémentaire corrigeant le vice dont est entachée la décision attaquée et que s’il constate que la régularisation a été effectuée, le juge rejette le recours dont il est saisi (CE, avis, 27 septembre 2018, Association Danger de tempête sur le patrimoine rural et autres, n° 420119, au recueil), régularisation du vice entachant l’autorisation initiale prenant la forme d’une autorisation modificative en vertu des dispositions mêmes du I, 2° de l’article L. 181-18 du code de l’environnement, dans sa version applicable en l’espèce.

Les permis de régularisation litigieux étant en réalité des autorisations environnementales modificatives ou plus précisément de régularisation, susceptibles de recours sous réserve de justifier d’un intérêt à agir réel et direct.

Par ces motifs, nous concluons au rejet pour irrecevabilité de la requête pour défaut d’intérêt à agir des requérants.

Droits d'auteur

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La transmutation des permis de construire en autorisations environnementales, manche à air de la recevabilité des recours

Christophe Testard

Professeur des universités, Université Jean Moulin Lyon 3, EDPL – EA 666

DOI : 10.35562/alyoda.9817

Saisie de huit permis modificatifs autorisant un projet de construction de six éoliennes et deux postes de livraison sur les communes de Viplaix et de Courçais, la CAA de Lyon rejette les recours déposés par plusieurs collectivités locales, associations et particuliers pour défaut d’intérêt à agir. Cette sévérité du juge dans l’appréciation de la recevabilité des requêtes repose d’une part sur la transmutation des permis de construire en autorisation environnementale depuis le 1er mars 2017 et, d’autre part, sur la nature régularisatrice des actes contestés.

La contribution des projets d’aménagement à l’édification des règles qui gouvernent le procès administratif n’est plus à démontrer : les intérêts propres à ceux-ci en gouvernent largement le sens, soumettant d’autres intérêts, en particulier environnementaux, à des vents contraires extrêmement puissants. Le contentieux des éoliennes et la question de l’intérêt à agir devant le juge administratif à l’encontre de ces projets en sont des exemples éclairants, au cœur de la décision de la cour administrative d’appel de Lyon du 6 juin 2024, commentée.

Le premier élément marquant de l’affaire, mais topique de ces contentieux, tient à son ancienneté : le projet de construction d’éoliennes contesté – six éoliennes et deux postes de livraison – a obtenu son autorisation initiale par arrêtés du préfet de feu la région Auvergne en date du 12 janvier 2012. La bataille juridique devait alors s’engager, marquée notamment par plusieurs interventions du Conseil d’État. Par un arrêt du 28 octobre 2014, la CAA de Lyon avait en effet, dans un premier temps, démenti le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui avait rejeté la demande d’annulation des permis de construire déposée par l’association « Eolienne s’en naît trop », par un jugement du 28 juin 2013 : elle jugeait notamment que l’avis du commissaire enquêteur était insuffisant en ce qu’il ne répondait pas aux observations du public et n’exposait pas les motifs de l’avis favorable émis. Par une décision du 20 janvier 2016 (n° 386624), le Conseil d’État cassait une première fois et assez sévèrement l’arrêt de la CAA de Lyon, estimant que celle-ci avait commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier : il renvoyait l’affaire devant elle. Mais le juge d’appel lyonnais s’obstinait et, de nouveau, par un arrêt du 13 mars 2018 (n° 16LY00400), la CAA de Lyon annulait le jugement de première instance et les permis de construire attaqués, en se fondant cette fois-ci sur le vice de procédure tenant à l’absence d’autonomie effective de l’autorité environnementale qui se prononçait, à l’époque, sur ces projets (sur ce contentieux, v. la décision de principe CE, 6 décembre 2017, n° 400559). D’une obstination à l’autre, le Conseil d’État, de nouveau, dans une décision du 27 mai 2019 n° 420554, censurait la position des juges d’appel, retenant que le vice en cause était régularisable et que les juges d’appel auraient pu – dû ? – mettre en œuvre les pouvoirs de régularisation prévus à l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme. Le juge de cassation réglait cette fois-ci l’affaire au fond et ordonnait, par un sursis à statuer, la régularisation du vice de procédure, par la consultation d’une nouvelle autorité, en l’occurrence la mission régionale de l’autorité environnementale du Conseil général de l’environnement et du développement durable. Cet avis étant substantiellement différent du premier, le préfet de l’Allier ordonnait l’organisation d’une enquête publique complémentaire, aboutissant le 23 juin 2021 à la délivrance de huit permis modificatifs, régularisant les permis initiaux. S’en suivit la clôture de l’affaire au fond devant le Conseil d’État, lequel rejetait définitivement les recours pendants de l’association par une décision du 16 février 2022 n° 420554.

La délivrance des permis modificatifs donnait pourtant de l’air au moulin de la contestation puisque ceux-ci firent l’objet de nouveaux recours en annulation, portés par de nouveaux requérants individuels, mais aussi des communes et intercommunalités du territoire concerné, non parties aux recours initiaux. Ceux-ci soulevaient notamment les insuffisances de la procédure complémentaire de participation du public, en particulier en raison des insuffisances de l’étude d’impact. Bien entendu, l’on aurait pu penser a priori que ces contentieux nouveaux portant sur des permis modificatifs, confirmant les autorisations initiales, n’auraient que peu d’intérêts, au plan jurisprudentiel en tous cas. Mais il faut pourtant composer cette fois avec l’intervention des pouvoirs publics qui ont, depuis 2012 et la délivrance des permis initiaux, modifié à la fois cette procédure d’autorisation d’implantation d’éoliennes mais aussi, par voie de conséquence, les règles contentieuses qui lui sont applicables. Cela conduit la CAA de Lyon à une solution particulièrement sévère puisqu’elle rejette tous les recours en considérant qu’aucun ne présente d’intérêt à agir suffisant. Cette appréciation repose sur deux éléments : les permis de construire doivent désormais être considérés comme des autorisations environnementales et l’intérêt à agir à leur encontre apprécié comme tel ; ces permis de construire sont, en sus, de simples mesures de régularisation, limitant encore cet intérêt à agir. Les requérants de ces projets au long cours se trouvent ainsi pris dans une véritable manche à air, resserrant progressivement les vents de la recevabilité.

I. La transmutation des permis de construire en autorisations environnementales

L’ordonnance n°  2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l’autorisation environnementale, expressément citée par la CAA de Lyon dans l’arrêt commenté, a transmué un certain nombre d’autorisations, dont les permis de construire d’éoliennes, en cours de validité au 1er mars 2017 en autorisation environnementale, conduisant à leur appliquer les dispositions correspondantes du code de l’environnement. Le législateur délégué était on ne peut plus clair puisqu’il prit le soin de préciser que lesdites dispositions « leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, […] contestées » (art. 15 de l’ordonnance précitée). En l’espèce, il ne faisait donc aucun doute que les permis de construire initiaux, délivrés en janvier 2012, étaient devenus des autorisations environnementales, à compter du 1er mars 2017. Pouvait se poser la question de savoir si cette transmutation était applicable aux permis de régularisation de ces autorisations initiales : la CAA de Lyon n’hésite pas, là encore encouragée expressément par le législateur délégué. Le contentieux porté devant la CAA de Lyon devait ainsi être considéré comme un contentieux d’autorisation environnementale.

Les conséquences d’une telle transmutation sont nombreuses : logiquement, les dispositions applicables ne sont plus celles du code de l’urbanisme mais celles du code de l’environnement ; le contentieux initialement d’excès de pouvoir devient un contentieux de pleine juridiction.

Il faut ajouter, indépendamment de cette transmutation, qu’entre le contentieux initial et le contentieux portant sur les permis modificatifs, la compétence juridictionnelle a elle-même été modifiée par le pouvoir réglementaire : un décret du 29 novembre 2018 n° 2018-1054 est venu dessaisir les tribunaux administratifs du contentieux des éoliennes terrestres pour le confier aux cours administratives d’appel. Le gain temporel d’une telle dévolution n’est pas évident dans l’affaire commenté, mais on perçoit l’objectif d’accélération de la réponse contentieuse poursuivi, sous couvert de « simplification et de clarification » selon l’intitulé enjôleur du décret.

Ainsi, le recours porté devant la CAA de Lyon à l’encontre des huit permis modificatifs est en réalité très différent de celui qui a longuement occupé les juridictions administratives sur les permis initiaux. On peut difficilement faire grief au législateur de modifier les textes en cours d’instance, mais le débat est davantage permis lorsque les contentieux portent sur des régularisations : l’acte en cause n’est ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre, ce qui justifie d’ailleurs qu’un recours direct soit ouvert à l’encontre de celui-ci. Cette nature ambivalente se retrouve dans le contentieux, mais peut conduire à des solutions diamétralement différentes de celles prévalant au départ, au détriment des requérants. Ceux-ci en firent les frais en l’espèce, leur recours étant purement et simplement rejeté pour défaut d’intérêt à agir.

II. Le resserrement de l’intérêt à agir des communes

L’application des dispositions du code de l’environnement concernant les autorisations environnementales aux permis de construire permettant l’implantation d’éoliennes emporte des conséquences contentieuses de taille. Car depuis 2017, et par un mouvement qui ne s’est pas arrêté depuis, les pouvoirs normatifs poursuivent un objectif affiché de sécurisation des projets d’aménagement, qui emprunte essentiellement la voie du durcissement des conditions de recevabilité des recours. Les articles R. 181-50 et suivants du code de l’environnement en sont les instruments et le premier d’entre eux, en cause dans l’affaire commentée, porte limitation de l’intérêt des justiciables à former de tels recours.

Dans sa version en vigueur à la date où la requête a été introduite – le 29 novembre 2021 – l’article R. 181-50 du code de l’environnement distinguait les justiciables disposant d’un intérêt à agir à l’encontre d’une autorisation environnementale en deux catégories : les pétitionnaires ou exploitants, d’une part, qui bénéficiaient d’un délai de recours de deux mois ; les tiers intéressés, d’autre part, qui bénéficiaient quant à eux d’un délai de 4 mois. En l’espèce, les permis modificatifs étant attaqués par des personnes physiques et des collectivités locales, la CAA de Lyon était confrontée à des tiers au sens de ces dispositions, toute la question étant de savoir s’il fallait les considérer comme « intéressés », autorisant leur recours.

L’intérêt des tiers à agir est en effet en la matière défini, limitativement, par le pouvoir réglementaire. L’article R. 181-50 du code de l’environnement vise les « tiers intéressés en raison des inconvénients ou des dangers pour les intérêts mentionnés à l’article L. 181-3 » du code de l’environnement : autrement dit, non seulement tous les tiers ne sont pas intéressés, mais en plus tous les intérêts ne sont pas susceptibles d’emporter l’accès au prétoire. La lecture de l’article L. 181-3 ne renseigne pas en réalité sur ces intérêts puisqu’il renvoie en réalité lui-même à l’article L. 511-1 du même code… Ce dernier livre, enfin, quels intérêts sont distingués par le législateur et légitimes à être exposés devant le juge : sont visés, limitativement, la commodité du voisinage, la santé, la sécurité, la salubrité publiques, l'agriculture, la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, l'utilisation rationnelle de l'énergie, la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. De ce point de vue, l’on concèdera que la liste est assez accueillante, recoupant les enjeux environnementaux dans un sens très large : on ne peut lui faire grief de réduire en tant que telle l’intérêt à agir.

Cette réduction vient cependant du juge lui-même qui considère non seulement que l’un de ces intérêts doit être en cause mais en plus que, s’agissant du cas particulier d’une personne morale de droit public, cette dernière doit justifier que la décision contestée présente des inconvénients ou dangers pour ces intérêts qui soient « de nature à affecter par eux-mêmes sa situation, les intérêts dont elle a la charge et les compétences que la loi lui attribue ». Sur ce point, la CAA de Lyon ne fait qu’appliquer la position du Conseil d’État (CE, 1er décembre 2023, Région Auvergne-Rhône Alpes et a., n° 470723 au recueil Lebon), laquelle est en réalité classique s’agissant de l’appréciation de l’intérêt à agir des personnes morales : celui-ci est analysé en correspondance avec leur objet statutaire, traduit ici en « compétences » s’agissant d’une personne publique. La CAA précise cependant que cette appréciation de l’intérêt à agir d’une commune ne diffère pas « selon que le projet contesté est autorisé sur son territoire ou sur celui d’une commune voisine ». Il y a là une conséquence majeure de la transmutation des permis de construire en autorisation environnementale car, dans le contentieux classique des premiers, le juge administratif considère qu’une commune justifie toujours d’un intérêt à contester un permis délivré sur son territoire (CE Section, 10 mars 1978, Cne de Roquefort-les-Pins, n° 03895 au recueil Lebon), les collectivités voisines devant, elles, justifier d’un intérêt au regard de leur situation ou compétences. Une telle distinction n’a plus lieu d’être à l’encontre des permis portant sur des éoliennes, l’implantation du projet n’est plus un critère de distinction entre les communes : celles qui accueillent de tels projets sont traitées comme les autres, leur intérêt à agir s’en trouvant ainsi nécessairement restreint. Les communes de Courçais et Viplaix en subissent les conséquences puisque, bien qu’accueillant sur leur territoire les éoliennes en litige, leur intérêt à agir a été soumis aux conditions de l’article R. 181-50 précité.

À ce premier élément de resserrement, s’en ajoute un second en l’espèce : les requérants ne contestaient pas les permis initiaux mais les permis modificatifs. Or le juge n’apprécie l’atteinte aux intérêts des requérants qu’au regard de cette nature modificative de l’acte : il ne s’agit pas de refaire le procès des permis initiaux. C’est le sens du paragraphe 7 de la décision commentée, pour lequel le juge aurait pu se contenter de la première phrase : « il résulte de l'instruction que les arrêtés contestés, qui s'analysent comme des autorisations environnementales, se bornent à régulariser le vice de légalité externe qui entachait les permis de construire initiaux sans aggraver les inconvénients ou les dangers que le projet éolien présentait à l'origine pour les intérêts visés à l'article L. 181-3 ni en engendrer de nouveaux ». Il en résulte logiquement qu’en considérant que les permis de régularisation ne modifiaient pas le fond des projets, la CAA de Lyon dénie toute atteinte aux intérêts des requérants et ainsi leur intérêt à agir. La solution interroge tout de même car certes le vice régularisé est un vice de procédure, mais celui-ci portait sur l’avis de l’autorité environnementale, initialement délivré par une autorité jugée non indépendante de l’autorité décisionnelle. Et lorsque ce vice a été régularisé, la nouvelle autorité a, elle, donné un avis substantiellement différent, se fondant notamment sur le fait que manquait dans l’étude d’impact un inventaire actualisé de la faune présente sur le site ainsi que des précisions sur les pollutions lumineuses induites par le projet. Cela a justifié l’ouverture d’une enquête publique complémentaire, portant bien sur le contenu du projet : comment dans ce cas évacuer d’un trait de plume les questions de fond posées par ces permis modificatifs, l’étude d’impact n’ayant pas été complétée à la suite de l’avis de l’autorité environnementale, de l’aveu même du Conseil d’État, dans sa décision précitée du 16 février 2022 ? Par une incise, la cour semble en réalité faire reproche aux requérants de ne pas avoir contesté les permis initiaux, ce qui leur aurait permis de soulever ce débat de fond de la régularisation à l’occasion de ce recours. Cela a d’ailleurs été fait par les requérants initiaux, qui n’ont pas obtenu gain de cause. Mais dès lors que les permis modificatifs sont des actes susceptibles de recours en tant que tels, il est délicat de faire reproche à des requérants nouveaux de les attaquer et particulièrement sévère de rejeter leurs recours comme irrecevables : si l’on souhaitait décourager les requérants de contester les actes de régularisation, l’on ne ferait pas autre chose…

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