Dans cet arrêt, la Cour administrative d’appel de Lyon rejette l’appel formé par l’Université Jean Moulin Lyon III à l’encontre d’un jugement de première instance annulant la décision d’ajournement d’une étudiante à l’examen d’entrée au CRFPA. Elle observe qu’en contradiction avec les dispositions de l’arrêté du 17 octobre 2016, la directrice de l’IEJ a été membre du jury de cet examen alors qu’elle avait dispensé un cours dans la formation de préparation au même examen dispensée par l’IEJ. Une telle solution porte en elle une objectivation particulièrement excessive de la partialité administrative, ici purement et simplement décrétée et – heureusement – rejetée par le Conseil d’État en cassation. Par ailleurs, contrairement au raisonnement qui avait été suivi devant le tribunal administratif, la cour exclut l’irrégularité de la composition du jury du champ d’application de la jurisprudence Danthony, ce qui n’est pas sans interroger les confins de cette dernière.
Un magistrat qui, dans de récentes fonctions administratives, était en poste au service juridique et contentieux d’une personne publique peut, sans violer le principe d’impartialité, siéger dans une formation de jugement appelée à juger d’un contentieux auquel cette même personne publique est partie.
Un professeur qui, dans ses fonctions d’enseignement, a dispensé un cours dans le cadre d’un IEJ préparant à l’examen d’entrée au CRFPA ne peut, sans violer le principe d’impartialité, siéger dans le jury appelé à juger des mérites des candidats à ce même examen.
Ces deux propositions résultent de deux décisions récentes rendues par des juridictions administratives : l’Assemblée du contentieux du Conseil d’État pour la première (CE, Assemblée, 15 avril 2024, n°469719, Dpt des Bouches-du-Rhône, au recueil Lebon), la cour administrative d’appel de Lyon pour la seconde (CAA Lyon, 29 sept. 2023, n°21LY02876, Univ. Jean Moulin Lyon III). Au-delà de la (vive) impression de contradiction que la comparaison livre, le rapprochement de ces deux décisions matérialise les difficultés qui découlent de la mise en œuvre du principe d’impartialité, qu’elles concernent le juge ou l’administration du reste. On le sait depuis Condorcet : impartialité, « jamais ce mot [ne] peut convenir à des hommes » (N. de Condorcet, « Discours à l’Académie française », in Œuvres de Condorcet, t. I, Firmin Didot, 1847, p. 430). Sur le plan philosophique, il est en effet illusoire – et sans doute dangereux – de penser l’impartialité comme un absolu. Celle-ci ne peut être qu’une vertu, un chemin, une démarche intellectuelle aussi exigeante qu’impérative dès lors qu’il s’agit, pour l’homme, de prendre une décision qui s’imposera à autrui, ce qui est évidemment le cas dans l’exercice d’une fonction juridictionnelle ou administrative. On comprend alors que le droit peine à saisir une telle notion, qui interroge à ce point le tréfonds des âmes. Face au caractère fondamentalement subjectif, intime, de l’impartialité, la réponse du droit confine nécessairement en une objectivation de celle-ci. À son tour, cette démarche ne peut être qu’un cheminement, fait de choix, d’établissements de lignes de partage entre ce qui relève du partial ou de l’impartial sans que jamais une césure nette ne puisse être déterminée. De ce point de vue, la saisine, par le droit, de l’impartialité, peut s’effectuer selon deux modalités. Une première consiste à présumer l’impartialité et ne rechercher la partialité que dans les faits. Une seconde consiste à décréter l’impartialité face à des situations données. Évidemment, la réponse du droit oscille, la plupart du temps, entre ces deux modalités. La première constitue sans doute le principe, mais elle se trouve assaillie par les prétentions de la seconde : la notion de partialité objective, que l’on ne présente plus, en témoignant à l’envi. La question est alors de savoir jusqu’où le droit peut aller sur ce sentier objectivant et l’espèce qu’il nous revient de commenter témoigne, à notre sens, d’un franchissement de ligne hautement critiquable.
Les faits, tout d’abord. Comme des centaines de ses camarades, Mme B. s’est présentée, en septembre 2019, à l’examen d’entrée à l’EDARA (école des avocats Rhône Alpes) organisé par l’Université Jean Moulin Lyon III et, comme environ les trois quarts de ses camarades, elle fut ajournée, d’extrême justesse puisqu’ayant été sanctionnée d’une note finale de 139,5/280 (rapporté à une note sur 20, cela donne 9,96). Elle décida alors, après un recours gracieux infructueux, de saisir le tribunal administratif de Lyon pour contester la décision du 29 novembre 2019 actant cet ajournement. Parmi les moyens formulés à fin d’annulation, celui tenant à l’impartialité du jury du fait d’une composition contraire à l’article 4 de l’arrêté du 17 octobre 2016 fixant le programme et les modalités de l’examen d’accès au CRFPA devait, seul, emporter la conviction du juge (TA Lyon, 8 juillet 2021, n°2002605, Mme B.). Deux ans, deux mois et vingt-et-un jours plus tard, d’un étage à l’autre du palais des juridictions administratives de la rue Duguesclin, la Cour administrative d’appel devait rejeter l’appel formé par l’Université, en amendant certes le jugement de première instance.
Que lisons-nous dans cet arrêt ? Si l’on écarte le deuxième considérant, rejetant – sur le ton de l’imperatoria brevitas – le défaut de motivation allégué par l’Université, deux choses. Premièrement, que dès lors que l’article 4 de l’arrêté de 2016 fait défense à toute personne ayant enseigné « dans une formation publique et privée préparant à l’examen d’accès aux centres régionaux de formation professionnelle d’avocats au cours de l’année universitaire au titre de laquelle l’examen est organisé et l’année universitaire précédant celle-ci » d’être examinateur ou membre du jury de ce même examen, la circonstance selon laquelle la directrice de l’IEJ a dispensé un cours dans la préparation organisée par l’institut et a été tout à la fois membre du sous-jury du « grand-O’ » et du jury est de nature à méconnaître les « principes d’impartialité […] et d’égalité de traitement entre tous les candidats ». Secondement – et c’est là que l’arrêt de la CAA se distingue du jugement du TA – le juge d’appel considère que cette irrégularité « ne constitue pas un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable » – en un mot qu’elle n’est pas « danthonysable » –, que dès lors, elle emporte « annulation de la décision d’ajournement ».
Nous ne nous appesantirons pas sur les conséquences pratiques déplorables qu’aurait eue une telle décision. Elles sont connues (F.-X. Lucas, « La réforme de l’examen d’accès à la profession d’avocat », Petites affiches, 2016, n°218-219, p. 6), auraient été lourdes et probablement ingérables pour de nombreuses facultés de droit et auraient sans doute porté préjudice aux premiers intéressés, les étudiants, dont les copies auraient dues être corrigées par… qui sait ? mais n’auront finalement fait frémir les IEJ que l’espace d’une année, le Conseil d’État venant d’annuler l’arrêt commenté (CE, 23 décembre 2024, n° 489761, Université Jean Moulin Lyon III). Il n’est cependant pas inutile de revenir sur les deux points essentiels de l’arrêt : l’objectivation excessive de la partialité administrative (I) et le refus de « danthonysation » (II).
I – Une objectivation excessive de la partialité administrative
La jurisprudence relative à l’impartialité de l’administration n’est pas, contrairement à ce que l’on peut croire, d’une prime jeunesse. C’est d’ailleurs précisément dans le domaine des jurys d’examens et de concours qu’une première décision du Conseil d’État est généralement signalée, dont les faits sont sensiblement analogues aux nôtres. On peut en effet lire dans un arrêt V. du 17 juin 1927 que les dispositions d’un décret du 23 juin 1909 proscrivant aux examinateurs d’admission à l’École polytechnique de participer « à des exercices qui ont pour but de préparer les jeunes gens au concours d’admission » visent à « assurer aux opérations du concours toutes les garanties de sincérité et d’impartialité désirables » (CE, 17 juin 1927, V., recueil Lebon p.683). Ce n’est que plus tardivement, bien que la doctrine ne s’accorde pas sur une date de naissance fixe, que l’impartialité de l’administration fut érigée en principe général du droit. Certains voient dans un arrêt de 1949 (CE, 29 avril 1949, recueil Lebon 188) le moment de la consécration d’un tel principe (É. Mitard, « L’impartialité administrative », AJDA 1999, p. 478), tandis que d’autres, René Chapus (R. Chapus, Droit administratif général, 15e éd., t. 1, Montchrestien, 2001, p. 99) en tête, considèrent plutôt qu’elle est l’œuvre de l’arrêt Fédération française de football de 1999 (CE, 27 octobre 1999, n°196251, Fédération française de football), bien que la postérité retienne plutôt l’arrêt Didier rendu quelques semaines plus tard (CE, Assemblée, n° 207434, 3 décembre 1999, recueil Lebon p.399) qui présente sans doute l’avantage d’avoir reçu la solennelle onction de l’assemblée du contentieux.
Pour le reste, l’évolution de la jurisprudence administrative relative à l’impartialité révèle une tension dialectique entre une « juridicisation de l’exigence d’impartialité » (L. de Fournoux, Le principe d’impartialité de l’administration, LGDJ, Bibl. de droit public, t. 315, 2020, p. 415) – qui tend vers son objectivation – et le maintien de « la part irréductible de la casuistique dans l’appréciation des questions d’impartialité » (A. Goin et L. Cadin, « L’impartialité des juges administratifs », AJDA 2024, p. 1751) – laquelle matérialise la dimension subjective de la question – non sans que « des raisons pratiques » (G. Braibant, « Concl. sur CE, Section, 2 mars 1973, recueil Lebon 189) ne viennent parfois influer sur le raisonnement du juge. S’agissant du contentieux des jurys d’examen et de concours, cette tension semble, assez irrémédiablement, incliner vers une objectivation toujours plus importante de l’appréciation de l’impartialité, là où, curieusement, le juge semble parfois moins rigide envers lui-même. En effet, dès 2006, B. Quiriny observait que « l’abondant contentieux lié à la contestation des délibérations des jurys des concours de la fonction publique offre de nombreuses illustrations de la notion de partialité objective », livrant de nombreux exemples mais regrettant que l’« on peine à saisir la ligne directrice de la jurisprudence en la matière » (B. Quiriny, « Actualité du principe général d’impartialité administrative », RDP 2006, p. 375). Deux ans plus tard, la section du contentieux du Conseil d’État entreprit « d’objectiver au maximum la règle d’impartialité applicable aux jurys de concours et d’examens » (L. de Fournoux, op. cit., p. 324), dans une décision CE, Section, 18 juillet 2008, n°211997 dont il est utile de reproduire le considérant de principe :
« Considérant que la seule circonstance qu'un membre d'un tel jury d'examen professionnel connaisse un candidat ne suffit pas à justifier qu'il s'abstienne de participer aux délibérations qui concernent ce candidat ; qu'en revanche le respect du principe d'impartialité exige que s'abstienne de participer, de quelque manière que ce soit, aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat un membre du jury qui aurait avec celui-ci des liens, tenant à la vie personnelle ou aux activités professionnelles, qui seraient de nature à influer sur son appréciation ; qu'en outre un membre du jury qui a des raisons de penser que son impartialité pourrait être mise en doute ou qui estime, en conscience, ne pas pouvoir participer aux délibérations avec l'impartialité requise, peut également s'abstenir de prendre part aux interrogations et aux délibérations qui concernent un candidat »
L’objectivation se niche ici dans la notion de doute, qui, nonobstant toute partialité avérée, commande à l’abstention du membre du jury afin de préserver l’impartialité de celui-ci, en dépit du principe d’unicité du jury. Le Conseil d’État poussa la logique encore plus loin dans un décision Université de Nice de 2016, estimant que, dans pareille situation, le membre du jury devait non seulement s’abstenir d’interroger le candidat connu, mais encore « s’abstenir de prendre part à toutes les interrogations et délibérations de ce jury » concernant « l’ensemble des candidats » (CE, 17 octobre 2016, n°386400, Université de Nice Sophia Antipolis), avant d’en revenir à une application canonique de la jurisprudence CE, 7 juin 2017, n°382986, la mise en œuvre d’une telle règle étant impossible « pour des raisons pratiques » (L. de Fournoux, op. cit., p. 325).
Hélas, cette possibilité de modulation fondée sur une approche conséquentialiste s’efface lorsqu’atteignant des sommets d’objectivisme, la partialité est décrétée par un texte comme c’est le cas en l’espèce. De ce point de vue, le cas de l’examen d’entrée au CRFPA n’est pas isolé. Outre l’ancien exemple de l’École polytechnique, l’on peut encore citer celui des épreuves de sortie de feu l’ENA (CE, n° 297864, 10 janvier 2007, recueil Lebon p.8). Il reste que la disposition de l’arrêté de 2016 qui sert de fondement à l’arrêt ici commenté est inédite par son ampleur et témoigne soit d’une profonde méconnaissance du métier d’enseignant-chercheur, soit d’une inquiétante méfiance vis-à-vis de l’université. Elle présume de la partialité du correcteur dès lors qu’il a été enseignant, suggère de « séparer les fonctions d’enseignement et d’évaluation, comme on distingue les fonctions d’instruction et de jugement » (F.-X. Lucas, op. cit.). Une telle présomption de partialité est étonnante alors que le quotidien de tout universitaire est précisément d’évaluer les étudiants auxquels il a dispensé ses enseignements. De là à dire que le système universitaire français repose tout entier sur une mécanique partiale vis-à-vis des étudiants, il n’y a qu’un pas…
Mais peut-être existe-t-il une autre explication, non évoquée dans l’arrêt, mais suggérée dans le jugement du tribunal administratif : le caractère concurrentiel du secteur des préparations à l’examen d’entrée au CRFPA. Si l’on relit le deuxième considérant du jugement, le tribunal y affirme que les dispositions de l’arrêté visent « à prévenir les conflits d’intérêts et [à] garantir l’égalité de traitement entre tous les candidats quelle que soit leur formation » en évinçant des jurys les personnes intervenant « dans le cadre des organismes de formation, tant publics que privés, qui interviennent dans ce secteur concurrentiel ». Cette approche concurrentielle s’explique par la fin du monopole des universités dans l’organisation de l’examen d’entrée au CRFPA, l’article 51 du décret du 27 novembre 1991 organisant la profession d’avocat ayant subtilement substitué l’expression « centres d’examen » au terme d’«universités » pour désigner l’organisateur de l’examen. Si dans les faits les universités sont encore systématiquement désignées comme centres d’examens, le texte a procédé, en dépit des réalités empiriques, à une déconnexion entre la fonction de préparation à l’examen et celle d’organisation, dont la présomption de partialité n’est que la conséquence logique. Il demeure profondément regrettable que les universités soient mises aussi brutalement sur le même pied d’égalité que les « prépas privées ». Autant, s’agissant de ces dernières, on identifie aisément l’intérêt économique qu’elles auraient à favoriser leurs étudiants – combien se targuent d’un pourcentage de réussite qui rivalise avec celui du baccalauréat ? – autant pareille analyse n’a guère de sens s’agissant des universités qui, doit-on le rappeler, exercent une mission de service public à caractère administratif.
On s’étonne par ailleurs du glissement de sens opéré par les juridictions lyonnaises à propos de l’article 4 de l’arrêté de 2016. En rendant de telles décisions, elles semblent en effet lire qu’il est défendu à un enseignant étant intervenu dans une formation publique ou privée préparant à l’examen d’accès d’être examinateur, alors que le texte utilise la conjonction « et ». Fort heureusement, le Conseil d’État dans sa décision de cassation revient à une interprétation littérale du texte en considérant que celui-ci « fait seulement obstacle à ce que le jury d’examen comporte un membre qui a – ou qui a eu l’année précédente – des fonctions d’enseignement à la fois dans une formation publique et dans une formation privée préparant à cet examen ». Le second intérêt de notre arrêt réside dans la non-exploitation d’une brèche qui, malgré l’interprétation retenue par les juges lyonnais, aurait pu permettre de faire droit aux conclusions d’appel de l’Université.
II – Une inapplication de la jurisprudence Danthony
Cette brèche était celle de la neutralisation du vice sur le fondement de la jurisprudence Danthony (CE, Assemblée, n° 335033, 23 décembre 2011, Danthony, recueil Lebon p.649). On se souvient que, pour donner à l’ancienne théorie des formalités substantielles, une harmonie qui lui faisait défaut et que le législateur avait maladroitement tenté d’imposer au juge à travers la loi du 17 mai 2011, le Conseil d’État avait dégagé dans cette décision une « méthode uniforme de sanction des vices de procédure » (C. Broyelle, « L’impact du vice de procédure sur la légalité de l’acte administratif », JCP A 2012, n°13, 2089) en ne réservant l’annulation qu’aux vices ayant privé les administrés d’une garantie ou ceux dont l’inobservation a eu une influence sur le sens de la décision rendue. Si le tribunal administratif avait rejeté l’hypothèse d’une danthonysation en estimant que la mauvaise composition du jury avait été de nature à exercer une influence sur les résultats de l’examen, le juge d’appel considéra que l’irrégularité ne constituait pas un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, fermant ainsi la porte à toute neutralisation. C’est donc sur le terrain de l’applicabilité de la jurisprudence Danthony que la cour administrative d’appel a décentré le débat.
La question est d’importance, elle invite à l’exploration des confins de la jurisprudence Danthony et a sans doute été traitée de manière expéditive par le juge. Celui-ci s’en tient en effet à une conception rigoureuse de son périmètre en considérant que l’irrégularité dans la composition du jury ne porte pas sur une procédure administrative préalable à l’édiction de l’acte. Or, il nous semble qu’une analyse plus fine aurait été bienvenue. La question de la composition d’un organe administratif appelé à participer à l’édiction d’un acte est en effet de celles qui évoluent sur une ligne de crète établie par l’arrêt Danthony puisqu’elle se situe sur la frontière « parfois plus mince qu’il n’y paraît » (X. Domino et A. Bretonneau, « Jurisprudence Danthony : bilan après 18 mois », AJDA 2013, p. 1733) entre le vice de compétence et le vice de procédure, que la jurisprudence a bien du mal à dessiner. La technique consistant, pour le juge, à déployer des jurisprudences aux lignes de partage floues de manière à se ménager un pouvoir d’interprétation, est éprouvée et se retrouve parfaitement dans la mise en œuvre de la jurisprudence Danthony dont on n’a de cesse de souligner la « plasticité » (O. Mamoudy, « Dix ans d’application de la jurisprudence Danthony au Conseil d’État », AJDA 2022, p. 796) qui lui permet de conquérir de nouveaux territoires. Sur la question de la composition de l’organe, même le défaut de collégialité a pu être régularisé, discrètement, grâce au renfort d’un « raisonnement à la mode Danthony » (X. Domino et A. Bretonneau, « Concentrations : affaires Canal plus, décodage », AJDA 2013, p. 215) dans le cadre de l’affaire Canal plus (CE, Assemblée, 21 décembre 2012, n°353856, Sté Groupe Canal plus). Si bien que, s’agissant plus précisément de la composition des jurys d’examen ou de concours, deux veines jurisprudentielles se déploient en parallèle du côté du juge du fond. Une première s’incarne dans l’arrêt soumis à commentaire, lequel reprend une solution déjà dégagée par la cour administrative d’appel de Versailles dans un litige déjà relatif aux résultats de l’examen d’entrée au CRFPA où le juge avait considéré que « le présent litige ne concerne pas une procédure administrative préalable, mais la composition du jury, qui est l’auteur de la délibération litigieuse de 2017, et non pas celle d’une entité qui serait chargée d’émettre un avis préalable à cette délibération. Il suit de là que le raisonnement propre à la décision Danthony ne peut pas être appliqué au présent litige » (CAA Versailles, 25 avril 2022, n°20VE01180). Pareille position se rapproche de la jurisprudence du Conseil d’État refusant d’appliquer la jurisprudence Danthony à l’« irrégularité substantielle » (H. Pauliat, « La jurisprudence Danthony a 10 ans », JCP A 2022, n°2, 2009), s’agissant par exemple des modalités de vote à bulletin secret d’une délibération municipale (CE, 5 juillet 2018, n°412721, Cne de Mantes-la-Jolie) ou des modalités de publication des délibérations municipales relatives au droit de préemption urbain (CE, 19 juin 2017, n°407826, Cne de Chennevières-sur-Marne).
Tel n’est cependant pas l’avis suivi par d’autres juridictions qui empruntent la seconde veine. Ainsi, la cour administrative d’appel de Paris a-t-elle pu juger que l’application de la jurisprudence Danthony n’était « pas exclue » dans l’hypothèse de « l’irrégularité de la composition des sous-jurys » appelés à juger des mérites des étudiants en première année de licence accès santé (CAA Paris, 4 avril 2023, n°22PA04293, Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne). Certes, on peut arguer que l’irrégularité de la composition ne concernait qu’un sous-jury, intervenant préalablement à la décision finale du jury et pouvant ainsi plus facilement s’insérer dans la catégorie de vice affectant une procédure préalable, contrairement à notre espèce. Mais l’arrêt ne fait nullement état de cette subtilité et il reste que certaines juridictions du fond mettent en œuvre la jurisprudence Danthony s’agissant de l’irrégularité dans la composition des jurys finaux (CAA Toulouse, 18 octobre 2022, n°20TL22324). Afin de ne pas sombrer dans un raffinement jurisprudentiel excessif, il nous semblerait opportun de considérer que la jurisprudence Danthony a vocation à s’appliquer à tout vice de procédure dès lors que la compétence de l’auteur de l’acte ne s’en trouve pas affectée. Au fond, la catégorie – si tant est qu’il en existe une – des « procédures préalables » est à ce point hétérogène qu’elle en perd en intelligibilité. Seule une approche organique, consistant à ne réserver l’application de la jurisprudence Danthony qu’aux vices affectant une procédure administrative suivie devant un organe autre que celui appelé à prendre la décision, saisi à titre préalable, permettrait de dresser une ligne de partage claire. Cependant, on voit mal ce qui justifierait une telle distinction sur le plan théorique. On pourrait nous objecter qu’une telle proposition aurait pour effet de permettre la neutralisation des irrégularités substantielles. Mais il ne faut pas omettre que nous ne nous situons qu’au stade de la délimitation du champ d’application de la jurisprudence Danthony et que de telles irrégularités ne pourraient pas être neutralisées en considérant qu’elles privent nécessairement les destinataires de l’acte d’une garantie. Logiquement quoique malheureusement, la décision du Conseil d’État ne tranche pas ce point, l’erreur de droit découlant de la mésinterprétation de l’arrêté de 2016 ayant suffi à emporter cassation de l’arrêt.