Marché public : délai de recours raisonnable et procédure de contestation du décompte du marché

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Décision de justice

TA Grenoble – N° 1706570 – Société Artelia Bâtiment et Industrie – 14 novembre 2019 – C+

Juridiction : TA Grenoble

Numéro de la décision : 1706570

Date de la décision : 14 novembre 2019

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Marché public, Décompte de marché, Délai de recours raisonnable

Rubriques

Marchés et contrats

Résumé

Une entreprise a saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une action tendant au paiement du solde de son marché, plus d'un an après que le pouvoir adjudicateur ait rejeté sa réclamation. Le pouvoir adjudicateur oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête : l’épuisement du délai de recours raisonnable issu de la décision du Conseil d’Etat (13 juillet 2016, n° 387763, A) . Le tribunal, transposant la décision Centre hospitalier de Vichy (CE, 17 juin 2019, n° 413097, A), juge que cette exception ne trouve pas à s'appliquer au contentieux du décompte d'un marché.

Conclusions du rapporteur public

Mathieu Heintz

Rapporteur public au tribunal administratif de Grenoble

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  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.6575

La communauté d’agglomération Montélimar-Sésame a lancé en 2013 une opération de construction d’un palais des congrès à Montélimar.

Le marché de maîtrise d’œuvre a été attribué à un groupement notamment composé de Z Architecture (mandataire) et de la société Artelia bâtiment et industrie, par un acte d’engagement du 9 septembre 2010.

Le 3 février 2016, Z architecture a adressé au maître d’ouvrage un décompte final incluant la somme de 62.431, 75 euros HT sollicitée par la société Artelia à titre de rémunération complémentaire. Le 15 février 2016, Montélimar-agglomération a notifié au groupement un décompte général, n’incluant pas cette somme. Le 3 mars 2016, le mandataire a adressé au maître d’ouvrage un courrier, reçu le 4 mars 2016, aux termes duquel il contestait le montant retenu dans le décompte général et lui demandait d’inclure la somme sollicitée par la société Artelia. Montélimar-agglomération n’a pas fait pas suite à ce courrier, ni à la mise en demeure en date du 11 septembre 2017 que lui a adressé la société Artelia.

C’est dans ce contexte que la société Artelia vous demande de condamner la communauté d’agglomération Montélimar-agglomération à lui verser la somme de 62.431, 75 euros HT au titre de prestations supplémentaires non payées.

La communauté d’agglomération oppose une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête. Elle expose que plus d’une année s’est écoulée entre le rejet tacite de la réclamation du groupement le 5 mai 2016 et le dépôt de la requête le 23 novembre 2017. Elle oppose donc l’épuisement du délai de recours raisonnable issu de la décision du Conseil d’Etat (13 juillet 2016, n° 387763, A).

Toutefois, dans une décision récente, le Conseil d’Etat a expressément écarté cette exception dans le cadre des recours de plein contentieux indemnitaires dans les recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique (CE, 17 juin 2019, centre hospitalier de Vichy, n° 413097, A) . Dans cette affaire, il a considéré que cette règle ne trouve pas à s'appliquer aux recours tendant à la mise en jeu de la responsabilité d'une personne publique qui, s'ils doivent être précédés d'une réclamation auprès de l'administration, ne tendent pas à l'annulation ou à la réformation de la décision rejetant tout ou partie de cette réclamation, mais à la condamnation de la personne publique à réparer les préjudices qui lui sont imputés.

Tel est le cas en l’espèce. S’il résulte des dispositions combinées des articles 11.8 et 37 du cahier des clauses administratives générales – prestations intellectuelles de 2009, contractualisé en l’espèce, que la contestation sur le paiement du solde du marché de maîtrise d’oeuvre doit être précédée d’un mémoire en réclamation, le recours ensuite ne tend pas à l’annulation de la décision du pouvoir adjudicateur sur le rejet de la réclamation, mais tend à la condamnation de la personne publique au paiement du solde du marché. L’épuisement du délai raisonnable de recours ne peut donc être opposé en l’espèce.

Par ailleurs, la décision Centre hospitalier de Vichy précise que la prise en compte de la sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause indéfiniment des situations consolidées par l'effet du temps, est alors assurée par les règles de prescription. Or, en l’espèce, aucune prescription n’est opposée.

Vous écarterez donc la fin de non-recevoir opposée par la communauté d’agglomération. […]

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