Projet urbain "Cœurs de ville" : les mesures préparatoires insusceptibles de recours

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Décision de justice

TA Grenoble – N° 1700829 – Association Grenoble A Coeur – 28 novembre 2019 – C+

Requêtes jointes N° 1701832 et 1701970

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Juridiction : TA Grenoble

Numéro de la décision : 1700829

Date de la décision : 28 novembre 2019

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Introduction de l’instance, Mesures préparatoires, Actes insusceptibles de recours

Rubriques

Procédure

Résumé

Saisi de recours dirigés contre la délibération n° 56 du 3 février 2017 par laquelle le conseil métropolitain de Grenoble Alpes Métropole a arrêté le bilan de la concertation sur le programme du projet urbain « Cœurs de ville, cœurs de Métropole/Grenoble », a arrêté le programme de ce projet et en a décidé le lancement opérationnel, le tribunal juge que cette dernière, qui ne permet pas, par elle‑même, la réalisation des opérations d’aménagement projetées, présente le caractère d’une mesure préparatoire insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.

La requête dirigée contre la délibération n° 57 du 3 février 2017 par laquelle le conseil métropolitain de Grenoble Alpes Métropole a décidé de l’organisation de la maîtrise d’ouvrage et de la répartition des financements de ce projet est également rejetée comme irrecevable dès lors que la délibération revêt le caractère d’une simple déclaration de principe dépourvue par elle-même d’effets juridiques.

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Conclusions du rapporteur public

Nathalie Portal

Rapporteur public au tribunal administratif de Grenoble

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DOI : 10.35562/alyoda.6574

Porté par Grenoble-Alpes Métropole, le projet urbain « Cœur de ville » vise à étendre et requalifier le centre-ville comme le cœur d’une métropole de 440 000 habitants. Les objectifs associés sont l’apaisement dans l’espace public, l’amélioration de la qualité de vie, la dynamisation du commerce en centre-ville, la préservation de la santé des habitants et la facilitation de l’accès au cœur de la Métro, aux parcs de stationnement afin de développer les pratiques multimodales de déplacement.

Le projet, dans les grandes lignes, propose l’extension du plateau piéton afin de créer une continuité piétonne entre les quartiers saint Laurent et la caserne de Bonne, le réaménagement des grands boulevards en les dédiant en priorités aux bus et aux cars, aux vélos et aux piétons et, enfin, le maintien de l’accessibilité au centre-ville par l’évolution du plan de circulation.

Le conseil métropolitain de Grenoble-Alpes Métropole, lors de la séance du 1er juillet 2016, le conseil municipal de Grenoble, lors de la séance du 18 avril 2016, et le comité syndical du syndicat mixte des transports en commun de l’agglomération grenobloise, lors de la séance du 7 avril 2016, ont approuvé les objectifs poursuivis et les modalités de la concertation préalable du projet urbain « Cœurs de Ville, cœurs de Métropole / Grenoble ». La concertation s’est déroulée du 26 septembre au 7 novembre 2016.

Par une délibération n° 056 du 3 février 2017, le conseil métropolitain de Grenoble Alpes Métropole a arrêté le bilan de la concertation de ce projet, a arrêté son programme, et a décidé du lancement opérationnel de ce dernier. Par une délibération n° 057 du 3 février 2017, le conseil métropolitain de Grenoble Alpes Métropole a fixé le coût d’objectif de l’opération à 10 millions d’euros, a acté du principe de co-maîtrise d’ouvrage entre la métropole, la ville de Grenoble et le syndicat mixte des transports en commun, a mandaté son président pour valider la répartition financière des dépenses laquelle sera actée dans le cadre de futures conventions de co-maîtrise d’ouvrage et de fonds de concours.

L'association "Grenoble à cœur" et autres ainsi que M. X et autres demandent l’annulation de ces délibérations.

Grenoble-Alpes Métropole oppose une fin de non-recevoir en défense qui nous apparaît fondée tirée de l’absence de caractère décision des décisions attaquées.

Tout d’abord, elle fait valoir que la délibération du 3 février 2017 n’a pas le caractère d’une décision susceptible de faire grief, car elle n’est pas décisoire mais préparatoire.

Vous le savez, seuls les actes administratifs faisant grief peuvent être déférés devant vous. Ne font grief ni les actes dépourvus de tout effet juridique, tels que les vœux ou les recommandations, ni les actes préparatoires, c'est-à-dire ceux qui interviennent au cours de la procédure d'élaboration d'autres actes et ont pour seul objet de concourir à cette élaboration.

Dans cette seconde catégorie figurent les actes qui n'ont aucun caractère décisoire, tels que les avis ou propositions auxquels est légalement subordonnée l'intervention de certaines mesures.

Le Conseil d'Etat distingue la mesure préparation de la déclaration de principe.

Le Conseil d'Etat a ainsi admis en matière d’aménagement qu’une délibération arrêtant un dossier de projet d’aménagement ne revêtait pas de caractère décisoire mais constituait un acte préparatoire et ce, dès lors que ledit dossier ne permettait pas par lui-même la réalisation du projet d’aménagement envisagée mais nécessitait la prise d’une décision future afin de le réaliser. Le Conseil d'Etat a alors prêté peu d’importance à l’intitulé de la délibération en l’occurrence, celui de dossier définitif de projet d’aménagement, ce qualificatif n’ayant pour but que d’indiquer que la concertation s’était d’ores et déjà tenue alors que la procédure d’enquête publique n’avait pas encore été menée. Voyez la décision CE,, 30 mars 2016, 383037, A.

Vous avez suivi un tel raisonnement quant à l’appréciation de la délibération portant approbation des objectifs et du dispositif de la concertation du renouvellement du quartier de l’Esplanade par jugement du 31 janvier 2019.

En l’espèce, la délibération attaquée arrête le bilan de la concertation préalable et arrête le programme.

Ce programme comporte deux points principaux à savoir d’une part, la piétonisation Brocherie-Chenois » ; « République-Grenette-Montorge », « Millet-Béranger » et Championnet, et, d’autre part, l’aménagement des boulevards Lyautey, Agutte-Sembat et Rey avec une nouvelle répartition des usages bus, vélos et voitures.

Il ressort des pièces du dossier que la délibération attaquée ne précise pas l’affectation des rues dans le cadre de la piétonisation mais évoque un temps de dialogue avec les habitants, avant la mise en place d’une expérimentation, de tests d’usage et une période d’observation.

Ce faisant, la délibération ne localise ni ne définit les aménagements du projet « Cœur de ville » mais remet à une décision future la piétonisation des rues.

Si l’aménagement des boulevards est, quant à lui, localisé et limité aux boulevards Lyautey, Aggute-Sembat et Rey, avec des principes d’aménagements tels que la modification des arrêts de bus, la création de deux bandes cyclables entre la rue Clot Bery et Felix Viallet, elle acte la poursuite du dialogue avec les usagers la mise en place ultérieure d’un plan de circulation au printemps 2017 et une phase d’observation de la circulation durant les travaux de rénovation de chauffage urbaine.

Ainsi, la délibération attaquée ne permet pas, par elle-même, d’acter le programme mais nécessitera des délibérations précises, une fois le temps du dialogue mené avec les habitants, le cas échéant, quartier par quartier.

Par suite, cette délibération ne revêt pas un caractère décisoire mais bien un acte préparatoire qui est dès lors insusceptible de recours.

En second lieu, la délibération n° 57 porte organisation de la maîtrise d’ouvrage et répartition des financements.

Elle acte une répartition et un budget pour le projet « Cœur de ville ».

Toutefois, cette réparation n’a pour l’heure qu’un caractère déclaratif et programmatique.

L'autorité administrative dévoile des intentions, mais à un stade où elles peuvent encore s'infléchir ou ne jamais s'affirmer vraiment. C'est la prise de position "de pur principe".

Ces décisions de principes peuvent recouvrir une annonce claire, et une intention mais, sont en réalité entièrement suspendues à l'intervention d'une décision ultérieure. Le régime de telles décisions de principe rejoint alors celui des simples "propositions" qui ne lient pas l’autorité compétente. Ce sont donc des actes à fort contenu de décision, aux yeux des organismes qui les formulent, mais ils n’emportent aucun effet de droit.

Voyez la décision CE, Ass Aquitaine Alternatives, 6 mai 1996, n° 121915.

En l’espèce, la répartition des financements du projet, qui n’est pour l’heure pas définitif dans ses composantes, ne peut que relever d’une annonce de principe. Si elle s’avère intéressante au titre de la transparence démocratique pour le budget de la Métro, cette annonce suspendue aux décisions ultérieures du projet « Cœur de ville » ne peut être regardée, à ce stade, que comme une proposition de répartition de financement à ce stade.

Par suite, elle ne constitue pas davantage une décision susceptible de faire grief.

Si vous nous suivez, vous accueillerez la fin de non-recevoir opposée en défense et jugerez les trois requêtes irrecevables.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de ces trois requêtes.

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