Collaborateur occasionnel du service public : missions pour le compte des services de renseignement français

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 17LY04119 – 21 novembre 2019 – C+

Arrêt annulé en cassation : CE, 5 novembre 2021 - N°443810

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 17LY04119

Date de la décision : 21 novembre 2019

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Responsabilité, Responsabilité sans faute, Responsabilité pour risque, Collaborateur occasionnel du service public, Police du renseignement, Caractère permanent d’un emploi, Services de renseignement français, Agent secret

Rubriques

Fonction publique, Responsabilité

Résumé

Le Conseil d’Etat, a par décision du 5 novembre 2021, jugé qu’il résulte des dispositions combinées de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat que les emplois permanents de l'Etat sont en principe occupés par des fonctionnaires, ces emplois permanents pouvant être pourvus par des agents contractuels soit lorsqu'ils impliquent un service à temps incomplet, soit dans les cas limitativement prévus à l'article 4 de la loi du 11 janvier 1984. Le caractère permanent d'un emploi doit s'apprécier au regard de la nature du besoin auquel répond cet emploi. En jugeant qu'un emploi doit être budgétairement ouvert dans un service considéré, doit s'insérer dans une chaîne hiérarchique déterminée et comporter des attributions stables et déterminées pour être regardé comme un emploi permanent, alors qu'aucun texte ni aucun principe ne fixe de telles exigences, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit. Dès lors, son arrêt doit être annulé.

Résumé de l’arrêt de la CAA de Lyon : annulé par le CE

Un agent contractuel ne peut être recruté que pour occuper un emploi des services de l’Etat, à temps incomplet, ou pour pallier la vacance momentanée d’un emploi à temps complet. Une mission de service public ne peut être qualifiée d’emploi qu’à la condition d’être budgétairement ouverte dans le service considéré, de s’insérer dans une chaîne hiérarchique et de comporter des attributions stables et déterminées. Tel n’est pas le cas de la collecte de renseignements confiée clandestinement, fût-ce par des contrats – formalisés ou non - à des correspondants de police, en dehors de tout emploi budgétaire et selon des contreparties fixées discrétionnairement.

Les collaborateurs occasionnels, quelle que soit leur nationalité, recrutés pour les missions de la police du renseignement ne peuvent relever du régime des agents contractuels de l’Etat. Le requérant ne détenant ainsi aucune créance contractuelle sur l'Etat, ne peut demander le versement d'arriéré de rétribution. Et en l'espèce, la réalité du préjudice de ce collaborateur occasionnel, basé sur la responsabilité sans faute de l'Etat, n'est pas établie.

Sur le fond : rejet de la demande du requérant

36-01, 36-13-03, Agent contractuel de droit public, Collaborateur occasionnel du service public, Loi du 13 juillet 1983 et loi du 11 janvier 1984, Responsabilité sans faute, Responsabilité fondée sur le risque créé par certaines activités de puissance publique, Responsabilité fondée sur l’obligation de garantir les collaborateurs des services publics contre les risques que leur fait courir leur participation à l’exécution du service, Missions effectuées pour le compte des services de renseignement français, Rémunération spéciale prévue à l'article 15-1 de la Agent contractuel de droit public, Collaborateur occasionnel du service public, Loi du 13 juillet 1983 et loi du 11 janvier 1984.

Conclusions du rapporteur public

Julien Chassagne

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6572

M.X., étranger, est entré sur le territoire français (…) afin de suivre des études de langues appliquée à l’Université. Il était ainsi titulaire d’un titre de séjour en qualité d’étudiant. M. X avait également, semble-t-il, l’intention d’apprendre la langue française de cette manière.

Or, M. X indique que, peu de temps après son arrivée en France, (…) il a rencontré un certain M. Z, se présentant comme agent de police municipale, qui lui a proposé de l’aide pour ses démarches administratives, dans un premier temps, puis, dans un second temps, qui lui a présenté M. Y, se présentant comme sous-brigadier de la police nationale, lequel lui a alors expliqué qu’il exerçait au sein des renseignements généraux et qu’il dirigeait une équipe d’agents spécialisés dans le renseignement et exerçant dans le domaine de « l’anti-terrorisme, de l’islam radical, du trafic d’armes et dans le narco-islam ».

Il se prévaut de ce que M. Y. lui a alors, du fait notamment qu’il parle couramment des langues et dialectes rares, (…) proposé de participer à des missions pour le compte de l’Etat français, lui promettant, en échange, de l’aider dans ses démarches administratives avec en particulier la possibilité d’obtenir la nationalité française, afin qu’il puisse être rémunéré officiellement, et de lui permettre de s’inscrire dans une école de police ou une formation militaire.

Ainsi, M. X précise qu’il a donc accepté et été recruté pour travailler clandestinement pour le renseignement français, soit d’abord les renseignements généraux (RG) puis la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), sans engagement, exerçant dans un premier temps des missions de surveillance et d’infiltration dites, selon ses propres termes, « d’intensité moyenne », puis, ayant donné pleinement satisfaction, dans un second temps, accomplissant des missions plus difficiles, et semble-t-il plus risquées, en France mais aussi à l’étranger. Il indique également, à titre d’illustration, avoir dû notamment convoyer de la drogue pour le compte d’un réseau islamiste, et avoir ensuite fait l’objet d’interrogatoires suite à cette opération, ses vêtements ayant été examinés par des agents de la police scientifique.

Toutefois, et c’est là une des raisons principales du présent litige, M. X se plaint de n’avoir jamais été rémunéré pour les missions qu’il a effectuées, ayant seulement été parfois défrayé, et obtenu quelques avantages en contrepartie. Il affirme d’ailleurs pourtant, dans le dernier état de ses écritures, avoir signé un contrat (…) avec les services du ministère de l’intérieur, qui faisait état, semble-t-il, d’une rémunération mensuelle pour un montant de 2 300 euros hors primes, qu’il n’est toutefois, nous y reviendrons, pas en mesure de fournir.

Au titre de ces avantages, il explique avoir obtenu, ce qu’il démontre d’ailleurs, le renouvellement de son titre de séjour durant l’année 2003 avec une modification de son statut, soit en bénéficiant du statut de salarié en lieu et place de celui d’étudiant, alors qu’il était encore dans les faits étudiant, et avoir bénéficié d’un logement étudiant au sein du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires alors qu’il plus les conditions pour en bénéficier.

M. X fait également valoir que, ayant souhaité mettre fin aux relations qu’il entretenait avec les services du ministère de l’Intérieur, à compter du 7 avril 2010, dès lors qu’il estimait que les différentes promesses qui lui avaient été faites ne seraient tenues et qu’il ne serait jamais rémunéré, il a été victime, depuis cette date, de différents évènements fâcheux qu’il impute à cette volonté de mettre un terme aux missions qui lui étaient confiées, en d’autres termes, d’avoir été la cible d’intimidations.

Ainsi, et en résumé, M. X se prévaut d’avoir, pendant la période du 29 mars 2003 au 7 avril 2010, été chargé à plein temps de missions de surveillance et d’infiltration pour le compte des services du ministère de l’intérieur, d’abord pour les RG puis pour la DCRI, et ce, moyennant un certain nombre d’avantages, mais sans bénéficier véritablement d’une rémunération.

Notons que M. X a obtenu la nationalité française par naturalisation.

M. X, a par la suite cherché à obtenir une rétribution pour les services qu’il avait rendus, et s’est adressé à plusieurs autorités qu’il estimait compétentes pour connaître de sa demande, mais les différentes démarches qu’il a entreprises ont été sans succès.

M. X (…) a formé une réclamation préalable indemnitaire auprès du ministre de l’intérieur, et ce, afin d’obtenir, d’une part, la rémunération globale qu’il estimait lui être due pour la période pendant laquelle il avait exercé pour les services du renseignement français, et d’autre part, une indemnisation des préjudices qu’il considérait avoir subis du fait de pressions commises à son égard.

Toutefois, (…) le ministre de l’intérieur a refusé de faire droit à cette demande.

M. X a alors demandé au tribunal administratif de Lyon notamment de condamner l’Etat à lui verser, d’une part, une somme de 439 000 euros au titre du préjudice financier qu’il estimait avoir subi (…) du fait de l’absence de versement d’une rémunération, avec les intérêts au taux légal (…), d’autre part, une somme de 20 000 000 d’euros au titre d’autres préjudices qu’il estimait avoir subis du fait de sa volonté de mettre un terme aux relations qu’il entretenait avec les services du ministère de l’intérieur.

Mais, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

(…)  Comme l’a indiqué Mme le rapporteur publique, M. X présente (…) des conclusions aux fins d’annulation dirigées contre le jugement du tribunal administratif de Lyon et des conclusions indemnitaires tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser, d’une part, une somme de 439 000 euros, en réparation du préjudice, d’ordre matériel semble-t-il, qu’il estime avoir subi du fait d’une absence de versement d’une rémunération et de primes au titre de missions exécutées en qualité d’agent des services de renseignement pour plusieurs années, et ce avec les intérêts au taux légal (…), d’autre part, une somme de 20 000 000 euros, en réparation du préjudice, d’ordre matériel et moral semble-t-il, qu’il estime avoir subi du fait d’une ou de fautes commises par les services du ministre de l’intérieur depuis qu’il a choisi de mettre un terme à ses fonctions d’agent des services de renseignement.

Il convient de noter que M. X. vous demande par ailleurs, avant dire droit, d’une part, d’ordonner la saisine la Commission du secret de la défense nationale et de surseoir à statuer dans l’attente de l’avis émis par cette commission, sur le fondement (…) du code de la défense, afin qu’elle se prononce sur la dé-classification de tous les éléments en main de la direction générale de la sécurité intérieure et plus généralement de toute administration relatifs à l’emploi et aux missions qu’il a conduites, soit notamment le contrat qu’il allègue avoir signé, et d’autre part, d’ordonner, sur les fondement (…) du code de justice administrative, la convocation de MM. Z, W, V, et Z, afin que vous les auditionniez, et de surseoir à statuer dans l’attente.

(…) Précisons seulement que vous ne pourrez, à notre sens, hésiter sur la question de la compétence de la juridiction administrative pour connaître du présent litige, les missions auxquelles M. X indique avoir participé, lesquelles ne visent pas à la répression mais à la prévention d’infractions et à la préservation de l’ordre public, dans le cadre d’opérations de contrôle et de surveillance, relevant donc, au regard de leur essence même, du champ de la police administrative.

(…) M.X recherche la responsabilité de l’Etat pour faute, semble-t-il, sur deux fondements distincts.

Précisons à toutes fins utiles que, si le ministre de l’Intérieur en défense s’est référé à ses écritures produites en première instance, et a joint celles-ci à son mémoire produit en appel, et peut donc être regardé ainsi comme opposant, à titre principal, une exception de prescription quadriennale [...], aux conclusions indemnitaires présentées par M. X, que nous avons évoquées, tendant à la condamnation de l’Etat à lui verser une somme de 439 000 euros, au titre de la période en cause, et ce avec les intérêts au taux légal à compter du 30 décembre 2014, il nous semble que vous pourrez préciser, si vous nous suiviez, dès lors que nous allons vous inciter à rejeter ces conclusions au fond, que vous procéderez ici sans examiner cette exception de prescription quadriennale, comme il vous est loisible de le faire en application de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE) (Voir par exemple CE du 24 juillet 2006 n° 230036-238708, inédit au recueil).

En premier lieu, M. X soutient, critiquant en cela la position des premiers juges, qu’il est fondé à rechercher la responsabilité de l’Etat pour faute, sur un fondement contractuel, l’administration étant tenue selon lui de le rémunérer ou de lui verser un dédommagement en vertu du contrat qu’il doit être apprécié comme ayant passé avec elle, dès lors, semble-t-il, que même s’il n’a pas signé un engagement écrit avec l’Etat et que si un tel contrat aurait été irrégulier, il démontre, par différents éléments, qu’il se trouvait néanmoins dans une relation contractuelle qui implique rétribution, puisqu’il a effectué des tâches pour le compte des services de renseignements français, sur ordre de fonctionnaires appartenant à ces services et conformément à leurs instructions, et se trouvait donc dans une relation de subordination, et ce, pour la période en cause.

Précisons, que si dans le cadre de ce moyen, M. X, ne fait plus référence au contrat qu’il allègue avoir signé avec les services du ministère de l’Intérieur que nous avons évoqué, c’est au motif que, selon ses propres écritures, à défaut pour la Cour d’ordonner les mesures d’instruction qu’il sollicite, que nous avons rappelées, le litige serait circonscrit aux seuls éléments joints au dossier.

A l’appui de ce moyen, M. X se prévaut de la jurisprudence du CE selon laquelle «  (…) que, sauf s’il présente un caractère fictif ou frauduleux, le contrat de recrutement d’un agent contractuel de droit public crée des droits au profit de celui-ci ; que, lorsque le contrat est entaché d’une irrégularité, notamment parce qu’il méconnaît une disposition législative ou réglementaire applicable à la catégorie d’agents dont relève l’agent contractuel en cause, l’administration est tenue de proposer à celui-ci une régularisation de son contrat afin que son exécution puisse se poursuive régulièrement ; que si le contrat ne peut être régularisé, il appartient à l’administration, dans la limite des droits résultant du contrat initial, de proposer à l’agent un emploi de niveau équivalent, ou, à défaut d’un tel emploi et si l’intéressé le demande, tout autre emploi, afin de régulariser sa situation ; que, si l’intéressé refuse la régularisation de son contrat ou si la régularisation de sa situation, dans les conditions précisées ci-dessus, est impossible, l’administration est tenue de le licencier ;  (…) que, lorsque le juge est saisi par un agent contractuel de droit public d’une demande tendant à l’indemnisation du préjudice qu’il estime avoir subi du fait d’une décision de l’administration de mettre fin à son contrat, il lui appartient d’apprécier le préjudice effectivement subi par l’agent ; que, dans le cas où l’administration fait valoir, à bon droit, que le contrat de l’agent méconnaissait des dispositions qui lui étaient applicables et était, par suite, entaché d’irrégularité, une telle circonstance ne saurait, dès lors que l’administration était tenue de proposer la régularisation du contrat de l’agent, priver celui-ci de la possibilité de se prévaloir, pour établir son préjudice, des dispositions qui ont été méconnues et des clauses de son contrat qui ne sont affectées d’aucune irrégularité ; que, dans le cas où l’administration fait valoir à bon droit que l’agent occupait un emploi auquel un fonctionnaire pouvait seul être affecté et se trouvait ainsi dans une situation irrégulière, et que, à la date à laquelle il a été mis fin à son contrat, aucun autre emploi ne pouvait lui être proposé dans les conditions définies ci-dessus, aux fins de régularisation de sa situation, l’agent ne peut prétendre avoir subi aucun préjudice du fait de la décision de mettre fin à son contrat, mais seulement demander le bénéfice des modalités de licenciement qui lui sont applicables ; » (Voir CE Sect. du 31 décembre 2008 n° 283256, publié au recueil, et les conclusions de M. Glaser) . Il se prévaut également de cette jurisprudence s’agissant des modalités auxquelles le juge doit se référer pour déterminer l’existence d’un contrat, le CE ayant estimé que « il appartient au juge administratif, (…), de rechercher, en recourant à la méthode du faisceau d'indices, si l'Etat peut être désigné comme l'employeur. Ces indices pourront être trouvés dans les conditions d'exécution du contrat : affectation exclusive et permanente dans un service de l'Etat, tâches confiées relevant des missions habituelles du service ... Ils pourront également être recherchés dans l'existence ou non d'un lien de subordination vis-à-vis du chef du service concerné : responsabilité et surveillance de ce chef de service ; directives, conditions et horaires de travail imposés par ce dernier. Ils pourront provenir, le cas échéant, de l'examen des conditions dans lesquelles l'Etat a dédommagé l'employeur apparent pour les salaires qu'il a versés à la personne recrutée sous la forme d'un contrat emploi-solidarité. » (Voir CE Avis du 16 mai 2001 n° 0229811-229810, publié au recueil) .

M. X. critique la position du tribunal administratif de Lyon sur deux points, en indiquant, dans un premier temps, que les premiers juges ne pouvaient estimer qu’en raison de sa nationalité étrangère à l’époque des faits en cause, il ne pouvait être recruté en qualité d’agent contractuel par les services de renseignement français, puisqu’il se trouvait cependant, en réalité, dans une véritable relation contractuelle, et dans un second temps, que les juges de première instance ne pouvaient considérer qu’il ne démontrait pas avoir effectué des missions pour ces services de renseignement, compte tenu des différents éléments qu’il a apportés.

Pour écarter ce fondement de responsabilité, les premiers juges, (…) ont estimé que « (…) qu’aux termes de l’article 1er du décret susvisé du 27 juin 2008 : « La direction centrale du renseignement intérieur a compétence pour lutter, sur le territoire de la République, contre toutes les activités susceptibles de constituer une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. A ce titre : a) Elle est chargée de prévenir les activités inspirées, engagées ou soutenues par des puissances ou des organisations étrangères et de nature à menacer la sécurité du pays, et concourt à leur répression ; b) Elle participe à la prévention et à la répression des actes terroristes ou visant à porter atteinte à l'autorité de l'Etat, au secret de la défense nationale ou au patrimoine économique du pays ; c) Elle contribue à la surveillance des communications électroniques et radioélectriques susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l'Etat ainsi qu'à la lutte, en ce domaine, contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication ; d) Elle participe également à la surveillance des individus, groupes, organisations et à l'analyse des phénomènes de société, susceptibles, par leur caractère radical, leur inspiration ou leurs modes d'action, de porter atteinte à la sécurité nationale. » ; / (…) que les agents contractuels de nationalité étrangère ou apatrides ne peuvent être recrutés pour pourvoir des emplois dont les attributions soit ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique ; que doivent être regardés comme inséparables de l’exercice de la souveraineté ou comme participant directement ou indirectement à l’exercice de prérogatives de puissance publique de l’État ou d’autres collectivités publiques, d’une part, l’exercice de fonctions traditionnellement qualifiées de régalienne, d’autre part, la participation, à titre principal, au sein d’une personne publique, à l’élaboration d’actes juridiques, au contrôle de leur application, à la sanction de leur violation, à l’accomplissement de mesures impliquant un recours possible à l’usage de la contrainte, enfin à l’exercice de la tutelle ; que les missions confiées aux ministères chargés de la défense, du budget, de l’économie et des finances, de la justice, de l’intérieur, de la police et des affaires étrangères sont, en principe, de nature régalienne ; / (…) qu’il résulte des dispositions précitées de l’article 1er du décret du 27 juin 2008 que les attributions d’un agent contractuel effectuant des missions pour la direction centrale du renseignement intérieur correspondent à l’exercice de fonctions traditionnellement qualifiées de régaliennes, dès lors que cette direction a compétence pour lutter, sur le territoire de la République, contre toutes les activités susceptibles de constituer une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ; qu’ainsi, l’Etat ne pouvait, en tout état de cause, pas recruter l’intéressé en tant qu’agent contractuel, dès lors qu’il est constant que pendant la période litigieuse (…), il ne possédait pas la nationalité française, qu’il a obtenue postérieurement par la voie de la naturalisation (…) ; que, dès lors, M. X n’est ni fondé à soutenir que le refus de l’Etat de reconnaître l’existence d’un engagement de nature contractuelle pendant ladite période et de le rémunérer en cette qualité est illégal, ni que ce refus est constitutif d’une faute de nature à ouvrir un droit à réparation à son profit ; ».

Le tribunal administratif a également, (…) estimé, (…) que la demande de M. X, tendant à ce qu’il soit ordonné que la Commission du secret de la défense nationale soit saisie pour avis, n’avait pas vocation à être satisfaite dans la mesure où « en l’espèce, compte tenu des éléments apportés par M. X, qui ne sont pas de nature à constituer un début de commencement de preuve, il n’y a pas lieu de procéder à des mesures d’instruction ».

Comme vous le savez, selon l’avis n° 366313 de l’Assemblée générale du CE du 31 janvier 2002, section des finances ( publié et accessible dans la base de données ConciliaWeb sur le site du CE : voir partie du texte de l'avis Question I. Point 1 et Point 2 ), dont le tribunal administratif de Lyon s’est inspiré...

Ainsi, à notre sens, les premiers juges ont entendu faire référence à cette appréciation du CE, et estimé que M. X ne pouvait, en tout état de cause, être légalement recruté en qualité d’agent public, pour la période en litige pendant laquelle il était de nationalité indienne, pour assumer des missions auprès des services de renseignement français relevant de leur compétence spécifique, celles-ci étant, sans nul doute, des activités inséparables de l’exercice de la souveraineté et par nature régaliennes.

La circonstance que M. X ait ultérieurement obtenu la nationalité française, par naturalisation, est sans incidence sur ce point, dès lors qu’en vertu de l’article 22 du code civil, l’obtention de cette nationalité n’a pas d’effet rétroactif.

Pour autant, il nous semble que vous devrez aller plus loin, dès lors notamment que M. X, qui avait partiellement évoqué la jurisprudence précitée (CE Sect. du 31 décembre 2008 n° 283256), que nous avons citée en première instance, a toutefois développé son invocation en appel en se prévalant de celle-ci en entier, et donc, en faisant valoir que si son engagement était irrégulier, l’administration demeure tenue de régulariser son contrat ou de lui verser une indemnité.

Toutefois, encore faudrait-il que l’administration ait pu recruter M. X en qualité d’agent public contractuel pour les missions qu’il a effectuées.

Or, il nous semble que, compte tenu de l’architecture des textes applicables, tel ne pourrait être, de toute façon, le cas.

Vous pourrez vous référer ici aux dispositions de l’article 2 de la loi n° 083-634 du 13 juillet 1983 selon lesquelles « La présente loi s'applique aux fonctionnaires civils des administrations de l'Etat (…) ». Vous pourrez également faire référence aux dispositions de l’article 3 de cette même loi selon lesquelles « Sauf dérogation prévue par une disposition législative, les emplois civils permanents de l'Etat (…) sont, (…) occupés soit par des fonctionnaires régis par le présent titre (…). ». Vous pourrez de surcroît vous fonder sur les dispositions de l’article 4 de la loi n° 084-16 du 11 janvier 1984 dans leur rédaction applicable au moment où M. X indique avoir été recruté « Par dérogation au principe énoncé à l'article 3 du titre Ier du statut général, des agents contractuels peuvent être recrutés dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes ; / 2° Pour les emplois du niveau de la catégorie A et, dans les représentations de l'Etat à l'étranger, des autres catégories, lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient. (…). », étant précisé que la rédaction de ce texte, tel que nous venons de la citer n’a pas évolué pendant toutes la durée des missions effectuées par M. X. Vous pourrez enfin vous référer aux disposition de l’article 6 de cette loi dans leur rédaction applicable au moment où M. X indique avoir été recruté selon lesquelles « les fonctions qui, correspondant à un besoin permanent, impliquent un service à temps incomplet d'une durée n'excédant pas 70 % d'un service à temps complet, sont assurées par des agents contractuels. / Les fonctions correspondant à un besoin saisonnier ou occasionnel sont assurées par des agents contractuels, lorsqu'elles ne peuvent être assurées par des fonctionnaires titulaires. » étant précisé, là encore, que la rédaction de ce texte, tel que nous venons de la citer n’a pas évolué pendant toutes la durée des missions effectuées par M. X.

Comme vous pouvez vous en apercevoir, selon ces dispositions, un agent contractuel ne peut être recruté par l’Etat, au sein de ses services sur le territoire français, que pour occuper un emploi, soit lorsqu'il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer les fonctions correspondantes, soit pour des emplois de la catégorie A lorsque la nature des fonctions ou les besoins des services le justifient, soit pour un service à temps incomplet, soit pour des fonctions correspondant à un besoin saisonnier ou occasionnel lorsqu'elles ne peuvent être assurées par des fonctionnaires titulaires.

Or, par essence, un agent public ne peut être recruté que pour exercer une mission de service public ou participant directement à l’exercice de ce service, laquelle mission ne peut être qualifiée d’emploi que si, au sein du service où elle a vocation à être exercée, elle est budgétairement prévue. De plus, elle doit également pour être ainsi désignée, être comprise dans l’organisation matérielle de ce service, c’est-à-dire, dans une organisation hiérarchique, compte tenu de la conception française de l’organisation de l’administration, et être dotée d’attributions déterminées de manière claire et précise.

Ainsi, il nous semble que les missions que M. X. indique avoir effectuées, pendant la période du en cause, de surveillance et d’infiltration pour le compte des services de renseignement français, soit de collecte de renseignements, de manière clandestine, par la suite rapportés à des agents de ces services, et effectuées de manière ponctuelle selon les besoins ne peuvent être regardées comme un emploi susceptible d’être confié à un agent contractuel au regard des dispositions que nous avons citées, et ce, quelle que soit sa nationalité.

Ainsi, M. X. ne peut revendiquer, à notre sens, une rémunération ou un dédommagement qu’il n’aurait pas perçus dans le cadre de relations contractuelles avec l’Etat pour période en litige, la nature même des missions qu’il a effectuées ne relevant pas du champ contractuel.

Nous vous invitons donc à écarter ce fondement de responsabilité.

En second lieu, M. X. soutient, critiquant en cela la position des premiers juges, qu’il est fondé à rechercher la responsabilité de l’Etat pour la commission d’une faute ou de plusieurs fautes, correspondant aux différentes difficultés, pressions et intimidations dont il estime avoir été victime depuis la date à compter de laquelle il a souhaité mettre un terme à la relation professionnelle qu’il entretenait avec les services du renseignement français, qu’il impute, directement ou indirectement, à ces services, semble-t-il.

Les premiers juges ont estimé, au titre d’un tel fondement de responsabilité, (…) « que si M. X. soutient qu’il a subi divers préjudices en lien avec des agissements dont se seraient rendus coupables les services du ministère de l’intérieur suite à l’arrêt des missions qu’il effectuait auparavant pour leur compte, les pièces qu’il produit ne sont pas de nature à établir la réalité de telles allégations ; ».

Nous pensons que vous pourrez confirmer cette analyse, le cas échéant en la développant, et ce, nonobstant les nouveaux éléments apportés en appel par M. X.

En effet, si M. X. a produit, tant en première instance qu’en appel, différents documents ou courriers qui seraient selon lui de nature à démontrer que, depuis qu’il a décidé de mettre un terme aux missions qu’il effectuait pour le compte des services du renseignement français, il a subi des difficultés administratives ou professionnelles, été victime d’agressions ou de plaintes calomnieuses déposées contre lui et a été destinataires de pressions et intimidations voire de menaces ou de provocations, ces agissements étant le fruit d’agents qui seraient membres selon lui des services du renseignement français, et donc du ministère de l’intérieur, toutefois, tous les éléments qu’il apporte ne sont pas, à notre sens, susceptibles de laisser penser que des agents relevant de l’Etat et plus particulièrement du ministre de l’intérieur seraient à l’origine de tels évènements.

Nous vous invitons donc à écarter ce fondement de responsabilité.

(…) Précisons cependant, à toutes fins utiles, que nous pensons que M. X, dans le cadre des prestations qu’il précise avoir assurées pour le compte des services de renseignement français, se trouvait alors probablement sous le statut de collaborateur occasionnel du service public.

En effet, comme vous le savez, le CE a estimé à propos d’un « aviseur des douanes », dont les missions ressemblent à celles que M. X précise avoir exercées « Aux termes de l’article 2 de l’arrêté du 18 avril 1957 du secrétaire d’Etat au budget portant fixation des modalités d'application de l'article 391 du code des douanes relatif à la répartition des produits des amendes et confiscations, dans sa version applicable au litige : « Toute personne, étrangère aux administrations publiques, qui a fourni au service des douanes des renseignements ou avis sur la fraude reçoit une part, susceptible d'atteindre le tiers du produit disponible de l'affaire considérée dans le cas où ses renseignements ou avis ont amené directement la découverte de la fraude. ». Il résulte de ces dispositions que le pouvoir réglementaire a entendu permettre la rémunération de la participation ponctuelle au service public des douanes consistant, pour une personne, à fournir spontanément ou à la demande de l’administration des renseignements susceptibles de favoriser la découverte d’une fraude. Ainsi, une personne qui apporte, dans ces conditions, son concours au service des douanes prend part personnellement, dans cette mesure, à une mission de service public. A ce titre, elle doit être regardée comme possédant la qualité de collaborateur occasionnel du service public. » (Voir CE du 13 janvier 2017, n° 386799, publié au recueil. Voir également les conclusions de M. Crépey sous cet arrêt rappelant les contours de cette notion) .

Or, comme vous le savez, la responsabilité des personnes publiques envers les collaborateurs occasionnels du service est une responsabilité sans faute, fondée sur le risque (Voir pour une application, CE du 18 janvier 1984 « Centre hospitalier régional universitaire de Grenoble », n° 30600, mentionné aux tables. Voir également CE Ass. du 22 novembre 1946 « Commune de Saint-Priest-la-Plaine », n° 74725-74726 publié au recueil p. 279, et commenté aux Grands arrêts de la jurisprudence administrative) .

Mais, pour que cette responsabilité sans faute, qui peut être relevée d’office par le juge (Voir par exemple CE du 28 décembre 2018 « X et syndicat CGT des chômeurs et précaires de Gennevilliers-Villeneuve-Asnières », n° 411846, mentionné aux tables sur un autre point), comme vous le savez, puisque vous avez informé les parties, en application de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, que ce fondement de responsabilité pouvait être soulevé d’office par la Cour, puisse être engagée, encore faut-il que le collaborateur occasionnel démontre avoir subi un dommage du fait précisément de cette collaboration lui ayant été causé directement par celle-ci, ce que M. X ne nous paraît pas faire au regard des éléments qu’il joint au dossier.

Nous vous invitons donc à rejeter les conclusions indemnitaires présentées par M. X.

(…) compte tenu de l’analyse que nous vous invitons à faire s’agissant des conclusions indemnitaires en l’espèce, précédemment exposée, il nous semble que vous n’aurez donc pas, les éléments du dossier étant suffisants pour vous prononcer, à ordonner les mesures d’instruction que M. X vous demande de diligenter. (…)

(…) C’est pourquoi, au regard de l’ensemble des circonstances dans lesquelles nous sommes amenés à conclure, nous concluons au rejet au fond des conclusions présentées par M. X.

Droits d'auteur

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Le contrat de travail de l’espion français

Nicolas Charrol

Doctorant en droit public, Université Jean Moulin Lyon 3 (IEA – EDPL – EA 666)

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DOI : 10.35562/alyoda.6570

Les indicateurs de police ne peuvent être considérés comme des agents publics, car ils n’exercent pas un emploi au sens du droit de la fonction publique. La définition de l’emploi proposé, inédite, marque les tensions qu’il peut exister entre la légalité administrative et la légalité budgétaire.

En 2015, la chaîne Canal+ diffusait la première saison du « Bureau des Légendes », série télévisée narrant le quotidien de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE). Éric Rochant, son créateur, dévoilait le service, ses agents et « clandestins », dans une production remarquée pour son « réalisme » (« Le bureau des légendes : ce qui est vrai, ce qui est faux », Libération, 20 juin 2015) . Mais les téléspectateurs ne sont pas les seuls à s’intéresser aux coulisses des agents secrets et autres « mouches », indicateurs ou aviseurs : le juge administratif n’y est pas non plus indifférent.

M. X, étudiant en lettres étrangères à l’université, arrivé en France en 2002, aurait été recruté par les services de renseignements pour des missions de surveillance et d’infiltration de réseaux entre 2003 et 2010, dans le cadre de lutte contre le terrorisme, l’islamisme radical, le trafic d’armes et le « narco-islam »… (A. Duguit-Larcher, « Quand un indicateur de police [administrative] cherche à s’infiltrer au sein des services de l’État… », AJDA, 2020, p. 108) . Il indique à ce propos qu’il aurait été bénéficiaire d’un contrat de droit public signé en 2003, pour lequel il n’aurait reçu aucune rémunération. À cet effet, l’intéressé a d’abord saisi le ministre de l’Intérieur d’une demande indemnitaire préalable tendant, d’une part, au versement des salaires qu’il estime dus (439 000 euros entre 2003 et 2010), et, d’autre part, à la condamnation du ministre au versement de la somme de 20 millions d’euros en réparation des troubles qu’il aurait subis dans sa vie personnelle en raison de son refus de poursuivre les missions. Face au refus du ministre, le requérant a saisi le Tribunal administratif de Lyon qui, le 21 juin 2017, a rejeté sa demande. Il a alors interjeté appel devant la Cour administrative d’appel de Lyon.

Les prétentions de ce James Bond soulèvent deux questions. La Cour s’est interrogée, par un moyen relevé d’office, s’il était possible de qualifier un indicateur de police de collaborateur occasionnel du service public, ce qui aurait pour effet de permettre l’examen de sa demande d’indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute de l’État (C.E., 22 nov. 1946, Commune de Saint Priest-la-Plaine, n° 74725, Lebon p. 279) . La seconde question, délicate, était relative à la demande de versement de la rémunération. Or, M. X. ne détenait pas copie du contrat qu’il aurait signé avec le ministère de l’Intérieur. Il sollicitait donc les juges lyonnais pour que ceux-ci mettent en œuvre leur pouvoir d’instruction, et procèdent en particulier à la déclassification et la communication de son contrat, en vertu de l’article L. 2312-4 du Code de la défense. Si le juge n’a pas accédé à la demande du requérant, c’est qu’il s’est, de façon plus large, interrogé sur la nature des missions de l’indicateur. Un indicateur de police peut-il être un agent public ?

La Cour administrative d’appel de Lyon précise, dans sa décision du 21 novembre 2019, que le requérant ne pouvait pas être un agent public, car son activité d’indicateur de police n’est pas un « emploi ». Elle précise ensuite, dans la droite ligne du régime des « aviseurs » des douanes (C.E., 13 janv. 2017, n° 386799, Lebon p. 1) , qu’il pouvait être qualifié de collaborateur occasionnel du service public. La Cour constate en revanche que le requérant ne fournit pas de preuve quant à l’existence de son préjudice et lui refuse par conséquent l’indemnisation réclamée.

La question de savoir si le requérant pouvait bénéficier d’un contrat de droit public pour son activité d’indicateur est complexe. En première instance, le Tribunal administratif de Lyon avait, semble-t-il, réfuté l’existence d’un contrat d’agent public au motif que, selon l’article 3-1 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État, les emplois qui ne sont pas séparables de l’exercice de la souveraineté ou comportant une participation directe ou indirecte à l’exercice de prérogatives de puissance publique doivent être réservés aux seuls nationaux. Or, le requérant était de nationalité indienne, et les activités qu’il allègue avoir assumées entraient sans nul doute dans le champ de l’exercice de la souveraineté. Il ne pouvait ainsi pas bénéficier d’un tel contrat. Cette justification n’a pas convaincu la Cour administrative d’appel qui craignait qu’a contrario, le raisonnement autorise un indicateur de nationalité française à bénéficier d’un contrat de travail (v. A. Duguit-Larcher, préc.).

Dès lors, sur un autre fondement, la Cour a considéré que les fonctions d’indicateur de police administrative ne constituent pas un « emploi » au sens du droit de la fonction publique. L’arrêt dégage ainsi plusieurs critères, visiblement inédits, permettant de qualifier un « emploi » : « une mission de service public ne peut être qualifiée d’emploi et, partant, relever du champ d’application de ces dispositions qu’à la condition d’être budgétairement ouverte dans le service considéré, de s’insérer dans une chaîne hiérarchique et de comporter des attributions stables et déterminées ». Or, ces qualifications appellent plusieurs commentaires.

D’abord, la liaison entre emploi et mission de service public peut être problématique dès lors que, depuis 1996, la qualification d’agent public d’un employé d’un service public administratif ne dépend plus de sa participation directe ou indirecte à une mission de service public (T.C., 25 mars 1996, B.i, n° 03000, Lebon p. 535).

Surtout, la référence à l’existence d’une ouverture budgétaire dans le service concerné soulève des questions importantes. L’ouverture budgétaire dont il est ici question, signifie-t-elle qu’au sein de l’unité opérationnelle, qui est la déclinaison du budget opérationnel de programme (BOP), l’emploi en question doit être doté de crédits de paiement et être prévu dans la déclinaison du schéma d’emploi temps plein travaillé ? Cela pose problème. Le Conseil d’État a précisé, de longue date, qu’il n’existait pas de lien entre les dispositions budgétaires et la légalité administrative, ce qui en creux fait apparaître le particularisme de la légalité budgétaire (P. Amselek, « Sur le particularisme de la légalité budgétaire », Revue administrative, 1970, p. 653 ; S. Damarey, « Légalité administrative et légalité budgétaire », RFFP, 2000, p. 25). Ainsi, le Conseil d’État a jugé que la seule inscription d’un crédit au budget de l’État, prévoyant une prime, ne fonde aucun droit au versement de la somme (C.E., 4 juin 1920, Jardin et a., Lebon p. 552), ou que l’absence de crédits ne peut pas conduire au refus du versement d’une prime prévue par une délibération (C.E., 6 févr. 1903, T., n° 007469, Lebon p. 94) . De la même manière, la « créance [des] fonctionnaires contre leurs services faits ne disparaîtrait pas en droit si le Parlement refusait de voter les crédits nécessaires pour leur payer leur traitement » (concl. René Mayer, sous C.E., 28 mars 1924, Jourou, DP, 1924, III, p. 29). De fait, une suppression, sur le plan budgétaire, des crédits d’un emploi ne se traduit pas par une suppression de poste (C.E., 26 novembre 1954, L., Lebon p. 622). Il paraît ainsi difficile de faire dépendre l’existence d’un emploi, au sens de la légalité administrative, de l’inscription de crédits budgétaires. Par ailleurs, en ce qui concerne plus spécifiquement la question du budget des agents ou indicateurs, ces derniers sont sans doute abondés par les fonds spéciaux, au sein du programme 129 intitulé « Coordination du travail gouvernemental », qui ne sont détaillés que dans le cadre du contrôle réalisé par la commission de vérification spéciale (Loi de finances pour 2002, 28 décembre 2001, art. 154) dont le travail est secret, ce qui ne favorise pas l’identification d’un emploi au sens budgétaire.

S’il semblait difficile, en l’espèce, de considérer qu’un indicateur de police, en raison de la spécificité de ses fonctions, puisse disposer d’un contrat de travail, il n’en reste pas moins que la justification proposée par la Cour administrative d’appel de Lyon soulève des interrogations, principalement quant à la liaison opérée entre légalité budgétaire et légalité administrative. Las, ce Jason Bourne n’a pu obtenir gain de cause.

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