Sanction disciplinaire d’un fonctionnaire pour participation à une émission de télévision

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Décision de justice

TA Clermont-Ferrand – N° 1702333 – Clermont Auvergne Métropole – 12 juillet 2019 – C+

Jugement confirmé en appel Voir CAA Lyon, 3ème chambre - 9 avril 2020 - 19LY03578 - C et CAA Lyon, 3ème chambre - 19LY03573 – 12 janvier 2022 - Pourvoi en cassation non admis CE, 4 avril 2023, n° 467785

Juridiction : TA Clermont-Ferrand

Numéro de la décision : 1702333

Date de la décision : 12 juillet 2019

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Fonction publique, Discipline, Cumul d’activités, Autorisation de cumul, Congé maladie, Obéissance hiérarchique, Dignité, Téléréalité, Déontologie du fonctionnaire, Révocation

Rubriques

Fonction publique

Résumé

Un fonctionnaire territorial participant à une émission de télé réalité et exerçant une activité rémunérée, pendant des congés maladie, sans autorisation de cumul, est passible d’une sanction disciplinaire.

Par jugement du 14 avril 2022, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand considère que les faits justifient la sanction de révocation.1

36-09-04, Fonctionnaires et agents publics, Discipline, Sanctions

36-13-01, Contentieux de la fonction publique, Contentieux de l’annulation

Notes

1 TA Clermont-Ferrand, 14 avril 2022 n° 1902281, C+ Retour au texte

Conclusions du rapporteur public

Philippe Chacot

Rapporteur public au tribunal administratif de Clermont-Ferrand

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DOI : 10.35562/alyoda.6544

Mme Carole F. est agent territorial titulaire depuis 2004 au sein de Clermont-Communauté (aujourd’hui Clermont Auvergne Métropole), et affectée en tant que maître-nageur au centre nautique Coubertin à Clermont-Ferrand. Depuis 2009, elle a connu de nombreuses et longues périodes de congés de maladie, pendant l’année 2009, puis du 24 décembre 2009 au 26 avril 2013, et du 8 novembre 2013 au 14 septembre 2014. A la suite d’un malaise survenu le 30 septembre 2014, elle a été déclarée inapte aux fonctions de maître-nageur par la commission de réforme dans un avis du 4 juin 2015, en raison d’une allergie à un produit chloré. Plusieurs propositions de reclassement lui ont alors été faites (le 4 août 2015, le 22 juillet 2016 puis novembre 2016, après que la collectivité ait également financé un bilan de compétences en mars 2016). Après avoir refusé plusieurs de ces propositions, Mme F. a finalement accepté un poste administratif au stade Gabriel Montpied et a été réintégrée à compter de novembre 2016. Toutefois, l’administration a été informée que pendant ses congés maladie, Mme F. a participé à des compétitions sportives d’escrime de haut niveau, a dispensé des enseignements de gymnastique au sein d’une association à Veyre-Monton et a participé à des émissions de télé réalité, le tout, sans demande d’autorisation de cumul d’activités à la collectivité employeur. Au regard de l’ensemble de ces fautes, l’administration a engagé une procédure disciplinaire à son encontre. Par un arrêté du 11 mai 2017, après avis favorable du conseil de discipline du Puy-de-Dôme, le président de Clermont Auvergne Métropole a prononcé la révocation de Mme F. Mme F. a alors saisi le conseil de discipline de recours, lequel a considéré, dans un avis du 11 septembre 2017, que la sanction d’exclusion temporaire de deux ans, dont un avec sursis, était davantage appropriée, et l’a substitué à la décision de révocation. Par cette requête, Clermont Auvergne Métropole vous demande l’annulation de l’avis du 11 septembre 2017 du conseil de discipline de recours, qui lui fait grief, puisque comme vous le savez, cet avis interdit à la collectivité de prononcer une sanction plus élevée que celle recommandée. La collectivité soutient que les fautes reprochées à Mme F., dont l’exactitude matérielle a été reconnue par l’intéressée, justifient pleinement sa révocation, et qu’ainsi la sanction d’exclusion temporaire recommandée par l’avis du conseil de discipline de recours est entachée d’une erreur d’appréciation. Cette affaire que nous venons de vous présenter, nous a instantanément évoqué une série d’albums, que seuls les plus anciens connaissent, puisqu’il s’agit de la série des « Martine », albums de littérature enfantine créés en 1954 et qui raconte les aventures du quotidien d’une petite fille de 10 ans : « Martine à la ferme », qui est le 1er album ; « Martine fait du théâtre » ;

« Martine apprend à nager » ; « Martine est malade » ; etc). C’est enfantin et délicieusement désuet, mais toujours éducatif et plein de bons sentiments, Martine étant une enfant modèle. Notre affaire pourrait, elle aussi, faire l’objet d’albums pour enfants, mais on serait à l’opposé des « Martine », car la série illustrerait les pires turpitudes et vilénies pouvant être commises par un fonctionnaire territorial et on serait donc à cent lieues de ce que doit être un fonctionnaire modèle : Il s’agirait donc d’une série des « Carole » dont les principaux albums seraient : « Carole fait de l’escrime », « Carole à la salle de sport », « Carole en Guyane », « Carole en Hongrie », « Carole à Koh Lanta », « Carole est malade ? » (Ce serait l’album le plus long) et « Carole à la piscine » (ce serait l’album le plus court). L’affaire que vous allez devoir juger est en effet à ce point caricaturale de tout ce qu’un fonctionnaire honnête, loyal et digne se doit de ne pas faire. (La série pourrait donc être sous-titrée « un fonctionnaire ne doit pas faire ça ! »). La seule question que nous nous posons d’ailleurs c’est pourquoi la collectivité n’a pas sanctionné plus tôt la requérante, la légalité de la sanction de révocation envisagée par l’administration ne se posant en effet absolument pas, compte tenu de la multitude de fautes commises par l’agent, le tout, apparemment, sans l’ombre du moindre scrupule.Vous n’aurez strictement aucune difficulté à annuler, pour erreur d’appréciation, cet avis du conseil de discipline de recours, qui de notre point de vue a totalement dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et s’est totalement éloigné de la jurisprudence applicable dans ce type de situation. Néanmoins avant d’en venir au fond, vous devrez vous prononcer sur la fin de non-recevoir opposée en défense par l’agent qui invoque la tardiveté de la requête compte tenu de la date à laquelle l’avis du conseil de discipline de recours a été notifié à la collectivité. L’avis du conseil de discipline de recours, daté du 11 septembre 2017, a été notifié à Clermont Auvergne Métropole le 9 octobre 2017. Toutefois, cet avis du conseil de discipline, ne comporte pas la mention des voies et délais de recours, ce qui empêche le délai de recours de courir à l’encontre de Clermont Auvergne Métropole. La fin de non-recevoir opposée en défense par Mme F. sera donc écartée. Comme nous l’avons indiqué, la collectivité a parfaitement intérêt à agir et à contester un avis du conseil de discipline de recours, qui lui fait grief, car en application de l’article 91 de la loi du 26 janvier 1984 : « (...) l’autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par la formation compétente du conseil supérieur ». Cet avis, qui est presque un avis conforme, lie donc l’autorité territoriale en lui fixant un plafond de sanction disciplinaire, qui peut être contraire à son intention première et c’est le cas en l’espèce, l’administration ayant pris un arrêté de révocation pure et simple (sanction du 4eme groupe).

Voir pour des confirmations jurisprudentielles de l’intérêt à agir :

CE, 26 octobre 2001, Service départemental d’incendie et de secours du Nord, n° 193306, en B, et CE, 29 décembre 1994, ville de Toulouse n° 148036, en B.

Nous en venons maintenant à l’examen de la légalité de l’avis du conseil de discipline de recours. Jusqu’à une époque récente vous exerciez un contrôle restreint de l’erreur manifeste d’appréciation. Désormais, depuis l’arrêt du Conseil d’Etat du 16 février 2015, commune de Saint-Dié des Vosges, n° 369831, en B, vous exercez un contrôle entier de l’erreur d’appréciation. Clermont Au vergne Métropole ne développe qu’un seul mo yen qui est justement celui de l’erreur d’appréciation commise par le conseil de discipline de recours, en faisant valoir la disproportion entre les diverses fautes reprochées à l’agent et la sanction recommandée par le conseil de discipline de recours c’est à dire une sanction du 3ème groupe, de deux ans d’exclusion temporaire dont un an avec sursis, en lieu et place d’une sanction du 4ème groupe la révocation. L’article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale prévoit : « Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l’avertissement ; le blâme ; l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; Deuxième groupe : l’abaissement d’échelon ; l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; Troisième groupe : la rétrogradation ; l’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; Quatrième groupe : la mise à la retraite d’office ; la révocation. ». Aux termes de l’article 91 de la même loi : « Les fonctionnaires qui ont fait l’objet d’une sanction des deuxième, troisième et quatrième groupes peuvent introduire un recours auprès du conseil de discipline départemental ou interdépartemental dans les cas et conditions fixés par un décret en Conseil d’Etat. / L’autorité territoriale ne peut prononcer de sanction plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline de recours ». Selon nous l’unique mo yen invoqué fait mouche et vous conduira à l’annulation tellement la situation et les fautes accumulées par l’agent sont caricaturales. Il ressort des pièces du dossier que trois catégories de « fautes » sont reprochées à Mme F. : - Sa participation à des compétitions sportives (d’escrime) pendant des périodes de congé de maladie, en octobre 2014 en Hongrie et en mai 2016 en Grande Bretagne ;- Le fait d’avoir dispensé, auprès d’une association, à Veyre-Monton, des cours rémunérés de gymnastique d’entretien, sans autorisation de la collectivité employeur, et ce toujours pendant ses congés maladie ;- Enfin, sa participation à des émissions de télé-réalité, dont Koh Lanta au printemps 2015,toujours pendant des périodes de congé de maladie, parfois rémunérée et toujours sans autorisation de cumul d’activité. Mme F. a apparemment su trouver des médecins pour lui prescrire des arrêts maladie lui interdisant de travailler, mais sans que cela lui interdise de pratiquer par ailleurs des activités physiques intenses. Nous ignorons si l’administration a saisi le conseil de l’ordre des médecins, mais l’ampleur des infractions constatées le mériterait.

Au total, l’agent aura enfreint plusieurs règles et ce sur une longue période. Tout d’abord les règles sur le cumul d’emploi de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983, qui prévoit que : « I – Les fonctionnaires et agents non titulaires de droit public consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. (...). L’article 4 du décret prévoit que « le cumul d’une activité exercée à titre accessoire mentionnée aux articles 2 et 3 avec une activité exercée à titre principal est subordonné à la délivrance d’une autorisation par l’autorité dont relève l’agent intéressé. ». Mais aussi les règles relatives aux congés maladie prévues par l’article 28 du décret du 30 juillet 1987 qui prévoient : « le bénéficiaire d’un congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, sauf les activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation. »Pour proposer de substituer une sanction d’exclusion temporaire d’une durée de deux ans, dont un an avec sursis, à la sanction de révocation envisagée par la collectivité, le conseil de discipline de recours a pris en compte plusieurs éléments : il a considéré que la participation de Mme F. à des com pétitions sportives n’avait donné lieu à aucune rémunération ; par ailleurs, il a estimé que les faits reprochés à l’intéressée, dont la matérialité n’était au demeurant pas contestée, étaient intervenus dans un contexte particulier, Mme F. étant en attente d’un reclassement depuis septembre 2014, et n’ayant été effectivement reclassée qu’en novembre 2016. Enfin, le conseil de discipline de recours a retenu que l’activité de cours de gymnastique se limitait à trois heures par semaine, et qu’il n’était pas établi que la participation de Mme F. à des émissions de téléréalité aurait eu des répercussions négatives sur la considération de Clermont Auvergne Métropole dans le public. Nous considérons, tout comme l’indique la collectivité requérante, que le conseil de discipline de recours a ainsi très grossièrement dénaturé les faits reprochés à l’agent et qu’il a ainsi émis un avis entaché d’une très grossière erreur d’appréciation, la sanction proposée par le conseil s’avérant beaucoup trop clémente eu égard à la gravité, au nombre des fautes reprochées ainsi qu’à leur étalement dans le temps. Tout d’abord, s’agissant de la participation à des compétitions sportives de haut niveau, la circonstance qu’elle n’ait pas fait l’objet de rémunération, est totalement sans incidence sur le caractère fautif du comportement de l’agent, dès lors que la requérante était en congé de maladie, pour accident de service.

Voir : CAA Paris, 7 juillet 2017 n° 16PA02562 (La cour retient le manquement au devoir de probité du fonctionnaire en raison de sa participation à des compétitions de parapente pendant des congés maladie). Pour ce qui concerne le cumul d’emploi non autorisé, c’est à dire les cours de gymnastique rémunérés assurés auprès d’une association à Veyre-Monton, il n’est pas contesté que Mme F. s’est totalement affranchie de toute autorisation préalable de Clermont Auvergne Métropole pour dispenser ces cours de gymnastique, ni qu’elle n’a jamais interrompu cette activité malgré les mises en garde de son employeur, ni même qu’elle ait sollicité une régularisation de sa situation au regard des dispositions du décret du 2 mai 2007 et ce alors qu’elle était en position de congé de maladie comportant des restrictions médicales aux activités physiques. La maladie l’empêchait de travailler, mais pas de donner des cours de gymnastique moyennant rémunération ; le tribunal appréciera. Par ailleurs, le conseil de discipline de recours a estimé que ce cumul d’emploi n’était que de trois heures par semaine et a semblé le minimiser. Cela constitue, selon nous, une nouvelle erreur d’appréciation, car cela représente un cumul d’emploi d’environ 10% d’un temps plein et ce sur une très longue période de plusieurs années et ce alors que l’agent était placée en arrêt maladie. Le conseil de discipline de recours a également estimé qu’il n’était pas établi que la participation de Mme F. à des émissions de téléréalité aurait eu des répercussions négatives sur l’image de la collectivité. Cela nous semble plus que discutable eu égard à l’écho médiatique très important de ce type d’émission, suivie par des millions de spectateurs. Mais en tout état de cause, il ressort en revanche des pièces du dossier que ces participations, au demeurant très médiatisées, ont entravé le bon fonctionnement du service, instaurant parmi les collègues de cet agent un sentiment d’injustice (compréhensible et légitime) et des difficultés managériales. Enfin, le conseil de discipline de recours a pris en considération la circonstance que les faits reprochés à l’agent étaient intervenus dans un contexte particulier, Mme F. étant en attente d’un reclassement depuis septembre 2014, et n’ayant été effectivement reclassée qu’en novembre 2016. Une nouvelle fois, le conseil de discipline de recours a dénaturé les pièces du dossier disciplinaire qui lui était soumis, comme l’indique l’administration. En effet ce n’est qu’a partir du 4 juin 2015, date à laquelle la commission de réforme a prononcé l’inaptitude définitive au poste de maître nageur, que la collectivité pouvait proposer un reclassement à l’agent. Aussi, avant le 5 juin 2015 l’agent n’était pas en attente d’un reclassement. Les faits reprochés à l’agent et relatifs à la participation à des compétitions sportives, à un cumul d’emploi non autorisé et à la participation à l’émission Koh Lanta, sont antérieurs à la reconnaissance de son inaptitude par l’avis du 4 juin 2015. Le seul contexte que l’on peut noter sur cette période antérieure à la reconnaissance de l’inaptitude, est celui d’une fraude caractérisée à l’assurance maladie de la part de l’agent. Par ailleurs, vous constaterez que la collectivité a, dès le mois d’août 2015, proposé un poste de reclassement à l’agent qui l’a refusé. Si le reclassement a pris du temps (d’août 2015 à novembre 2016) ce n’est qu’en raison des refus réitérés de l’agent des différents postes qui lui ont été proposés. Le conseil de discipline de recours ne pouvait donc retenir, comme il l’a fait, l’existence d’un soi-disant contexte particulier lié au reclassement et, ce faisant, il a à nouveau commis une erreur d’appréciation au prix d’une totale dénaturation des faits qui lui étaient soumis. Au total il est évident que les agissements de l’agent, qui sont avérés, et reconnus par elle, sont gravement fautifs et que la sanction recommandée par le conseil de discipline de recours apparaît disproportionnée, car trop faible eu égard à la gravité des fautes, et à leur réitération dans le temps et ce sans même parler du manquement total à la loyauté et à la probité dont s’est rendue coupable l’agent envers son employeur. Nous estimons même que chacune des fautes, même prise indépendamment des autres, justifiait à elle seule la révocation prise par la collectivité. Pour vous convaincre de la trop grande clémence de la sanction proposée par le conseil de discipline de recours vous pourrez vous référer à quelques exemples de jurisprudences.

CE, 8 octobre 1990, Ville de Toulouse n° 107762 (arrêt qui juge légale la révocation d’un agent municipal exerçant l’activité – rémunérée – de photographe pendant un arrêt maladie)

CAA Marseille, 5 février 2019, n°18MA02182 (révocation d’un agent n’ayant jamais déclaré son activité accessoire, qu’elle a pu exercer alors qu’elle était en arrêt de maladie, alors que cette activité pouvait être connue du public et des usagers par l’ouverture d’une page Facebook ayant vocation à faire la publicité de cette activité accessoire.) Vous retiendrez donc le moyen de l’erreur d’appréciation, qui est particulièrement grossière en l’espèce, qui nous semble la conséquence d’une dénaturation des pièces du dossier, ce qui conduira à annuler l’avis du conseil de discipline de recours. En raison de la solution d’annulation, qui donne entière satisfaction à la collectivité, vous ne pourrez évidemment pas accorder de frais irrépétibles à Mme F., partie perdante. Vous ne pourrez pas davantage en accorder à Clermont Auvergne Métropole qui a présenté de telles conclusions à l’égard du centre de gestion du Rhône. Ces conclusions sont ir recevables, puisque le centre de gestion du Rhône, qui assure le secrétariat du conseil de discipline, n’est pas la personne publique au nom de laquelle la décision litigieuse a été prise. cf. CE, 27 juin 2008, Société Coating Industries, n° 299284.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation (pour erreur d’appréciation) de l’avis du conseil de discipline de recours du 11 septembre 2017 et au rejet du surplus des conclusions des deux parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Droits d'auteur

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.

L’exercice d’activités privées par un agent public en congé maladie : quelle(s) faute(s), quelle sanction ?

Élise Untermaier-Kerléo

Maître de conférences à l'Université Jean Moulin Lyon 3

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DOI : 10.35562/alyoda.6546

Si, pour le rapporteur public, la légalité de la sanction de révocation envisagée par l’autorité territoriale ne faisait pas l’ombre d’un doute, le caractère fautif de l’ensemble des faits reprochés à l’agent dans ce cas d’espèce ne nous semble pas aussi évident. Incontestablement, Mme F. a commis une faute en dispensant des cours de gymnastique rémunérés, sans autorisation de cumul, alors même qu’elle était placée en congé maladie. Bien plus, la faute de Mme F., résultant du fait qu’elle a exercé une activité accessoire sans autorisation, se double d’une seconde faute, et plus précisément d’un manquement à l’obligation d’obéissance hiérarchique, puisqu’elle n’a jamais interrompu son activité malgré les mises en garde de son employeur, ni même sollicité une régularisation de sa situation. Toutefois, la participation à des compétitions sportives de haut niveau et à l’émission de téléréalité Koh-Lanta, ne relève pas du régime de cumul d’activités par les agents publics, s’agissant d’activités privées ponctuelles, donc non professionnelles. Par ailleurs, la participation d’un agent public à une émission de téléréalité ne présente un caractère fautif que dans certaines circonstances particulières.

* * *

Parce qu’il concernait un agent public à qui l’on reprochait d’avoir participé à la célèbre émission de téléréalité Koh Lanta pendant son congé maladie, ce jugement rendu par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand le 12 juillet 2019 a capté l’attention des juristes. Il soulève pourtant des questions très techniques, relatives à l’application des règles de cumul d’activités par les agents publics et au régime des congés de maladie.

Le litige oppose un employeur territorial, Clermont Auvergne Métropole (CAM) à l’un de ses agents, Mme F., qui a connu de longues périodes de congés de maladie entre 2009 et 2014, avant d’être déclarée définitivement inapte au poste de maître-nageur qu’elle occupait par un avis de la commission de réforme du 4 juin 2015. Après avis favorable du conseil de discipline, la métropole employeur avait prononcé la révocation de cet agent. Toutefois, par un avis du 11 septembre 2017, le conseil de discipline de recours a retenu une sanction moins lourde d’exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans. Saisi par l’autorité territoriale liée par cet avis, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, le 12 juillet 2019, a annulé l’avis du conseil de discipline de recours, suivant les conclusions particulièrement virulentes de son rapporteur public.

L’agent était poursuivi pour avoir participé à des compétitions sportives (escrime) de haut niveau, dispensé des cours de gymnastique rémunérés au sein d’une association et participé à une émission de téléréalité (Koh Lanta) sans avoir préalablement demandé à l’autorité territoriale une autorisation de cumul pour ces différentes activités. La matérialité des faits reprochés à l’agent n’est pas discutée. Il revenait donc au tribunal de se prononcer sur le caractère fautif de ces faits, ainsi que sur la proportionnalité de la sanction prononcée à son encontre, laquelle fait l’objet d’un contrôle entier depuis l’arrêt d'Assemblée du 13 décembre 2013 (n° 347704).

Pour le rapporteur public, la légalité de la sanction de révocation envisagée par l’autorité territoriale ne faisait pas l’ombre d’un doute : l’affaire « est en effet à ce point caricaturale de tout ce qu’un fonctionnaire honnête, loyal et digne se doit de ne pas faire ». Le magistrat imagine même, sur le modèle de la série d’ouvrages pour enfants « Martine », une série sous-titrée « un fonctionnaire ne doit pas faire ça ! », mettant en scène Mme F., malade ou à la piscine. Ces conclusions railleuses ont pu tout à la fois plaire (v. Claire Demunck, AJ Collectivités Territoriales 2019, p. 417, qui en recommande la lecture) et choquer (Mathieu Touzeil-Divina, JCP A, n° 45, 12 nov. 2019, act. 698 : « un rapporteur public ne devrait pas dire ça ! »). Même si le rapporteur public est chargé d’exposer « son opinion sur les questions que présentent à juger les requêtes et sur les solutions qu’elles appellent » (art. L. 7 du Code de justice administrative), de tels propos, placés au début des conclusions, avant l’argumentaire juridique, peuvent donner un sentiment de préjugé quelque peu gênant. Et selon l’arrêt de Section du 21 juin 2013, Communauté d’agglomération de Martigues (n° 352427) , l’appréciation portée par le rapporteur public sur les circonstances de fait de l’espèce doit être impartiale. Surtout, nous estimons que la proportionnalité de la sanction n’était pas si évidente et que si le Conseil de discipline de recours a peut-être commis une erreur d’appréciation, il ne s’agit certainement pas d’une « très grossière erreur », comme l’affirme le rapporteur public.

En effet, l’existence d’une faute – et même plusieurs – est incontestable en l’espèce : l’agent ne pouvait dispenser des cours de gymnastique rémunérés sans autorisation de cumul, et encore moins pendant son congé de longue maladie. Mais parmi l’ensemble des faits reprochés à l’agent, tous ne nous paraissent pas fautifs. D’une part, un agent public n’a pas nécessairement besoin d’une autorisation pour exercer une activité privée en cumul de son emploi public : seul l’exercice d’activités professionnelles est soumis au régime dit du cumul d’activités par les agents publics (1). D’autre part, la question se pose de savoir si la participation d’un agent public à une émission de téléréalité constitue, en tant que telle, un comportement fautif justifiant la révocation (2).

1. L’exercice – pas nécessairement fautif – d’activités privées non autorisées par l’autorité territoriale

L’obligation pour un agent public, de consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées, énoncée à l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable (et désormais à l’article 25 septies) est la seule obligation expressément rappelée par le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand (§. 6) . Si les agents peuvent exercer certaines activités professionnelles à titre accessoire, ils doivent préalablement obtenir de leur employeur public une autorisation de cumul d’activités. Il est reproché à Mme F. de ne pas avoir demandé cette autorisation. Incontestablement, Mme F. a commis une faute en dispensant des cours de gymnastique rémunérés, sans autorisation de cumul. La faute est aggravée par la circonstance que Mme F. était en congé de longue maladie. En effet, selon les dispositions de l’article 28 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, « le bénéficiaire d’un congé de longue maladie ou de longue durée doit cesser tout travail rémunéré, sauf les activités ordonnées et contrôlées médicalement au titre de la réadaptation ». Bien plus, la faute de Mme F., résultant du fait qu’elle a exercé une activité accessoire sans autorisation, se double d’une seconde faute, et plus précisément d’un manquement à l’obligation d’obéissance hiérarchique, consacrée à l’article 28 du statut général de la fonction publique. Mme F. n’a, en effet, jamais interrompu cette activité accessoire malgré les mises en garde de son employeur, ni même sollicité une régularisation de sa situation. Il semble que l’employeur n’ait (hélas) pas mis en œuvre, comme il était fondé à le faire, les dispositions de l’article 25 de la loi du 13 juillet 1983, reprises aujourd’hui à l’article 25 septies, selon lesquels l’exercice non autorisé d’une activité accessoire « donne lieu au reversement des sommes indûment perçues, par voie de retenue sur le traitement ». L’utilisation de cet outil redoutable par l’autorité territoriale aurait sans aucun doute conduit Mme F. à régulariser plus rapidement sa situation.

Toutefois, Mme F. n’avait pas besoin d’obtenir préalablement une autorisation de cumul pour participer à des compétitions sportives de haut niveau. En effet, il ne s’agit pas d’une activité professionnelle, non seulement parce qu’elle n’est pas rémunérée, mais aussi et surtout parce qu’elle est très ponctuelle. Mme F. a participé à deux compétitions seulement, en octobre 2014 et en mai 2016, ce que le tribunal omet de préciser dans la motivation de son jugement. Selon le juge, « la circonstance que la participation de Mme F. à des compétitions sportives n’ait fait l’objet d’aucune rémunération est sans incidence sur le caractère fautif d’un tel comportement, dès lors que l’intéressée était en congé de maladie » (§. 8) . Or, selon l’article 28 du décret de 1987 précité, seules les activités rémunérées sont interdites aux agents placés en congé de longue maladie. Le jugement ne précise pas non plus que l’inaptitude définitive de l’agent est justifiée par une allergie au chlore, ce qui conduit à penser que si Mme F. n’était plus apte à exercer les fonctions de maître-nageur, elle pouvait sans doute continuer à pratiquer d’autres sports, même à haut niveau.

Fallait-il une autorisation de cumul pour participer à l’émission de téléréalité Koh-Lanta ? Ce type d’activité n’apparaît pas dans la liste des activités accessoires susceptibles d’être autorisées par l’employeur, qui figurait à l’article 2 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007 relatif au cumul d’activités des fonctionnaires, alors applicable au litige (et que l’on retrouve désormais à l’article 6 du décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017) . Toutefois, s’agissant là encore, d’une activité non professionnelle, la question se posait de savoir si les règles du cumul d’activités étaient applicables. Elle n’a cependant pas été posée : le rapporteur public comme le tribunal n’évoquent l’absence d’autorisation de cumul que pour les cours de gymnastique.

2. La participation d’un agent public à une émission de téléréalité : une faute ne justifiant peut-être pas la révocation

Même en dehors du service, l’agent public demeure soumis à une obligation de dignité, désormais expressément énoncée à l’article 25 du statut général de la fonction publique depuis la loi du 20 avril 2016 dite « loi Déontologie ». À ce titre, il ne doit pas, par son comportement, porter atteinte à l’image de la fonction publique ou de son administration. La participation d’un agent public à une émission de téléréalité peut être constitutive d’une faute disciplinaire, à condition toutefois que l’employeur public démontre qu’un tel comportement a pu détériorer l’image de la fonction publique ou de la collectivité ou bien entraver le bon fonctionnement du service. Ainsi, le Tribunal administratif de Montreuil (TA Montreuil, 30 oct. 2015, Mme A., n° 1400969, concl. Laurent Buisson, AJDA 2016, p. 1133) puis la Cour administrative de Versailles (CAA Versailles, 3 nov. 2016, Commune du Raincy, n° 15VE03654), ont rejeté la qualification de faute disciplinaire à propos de la participation de la directrice d’un centre communal d’action sociale à l’émission de téléréalité « L’amour est aveugle ». En se bornant à produire un courrier adressé par un conseiller municipal au maire, relatant de manière imprécise l’existence de réactions hostiles de la part d’administrés, la commune employeur n’établit pas que la participation de l’agent à l’émission télévisée serait constitutive d’une faute.

En l’espèce, selon le Conseil de discipline de recours, il n’était pas établi que la participation de Mme F. à des émissions de téléréalité aurait eu des répercussions négatives sur la considération de la communauté urbaine Clermont Auvergne Métropole dans le public. Pour le tribunal, « s’il n’est pas établi que la participation de Mme F. à des compétitions sportives et à des émissions de téléréalité a porté atteinte à l’image de la fonction publique territoriale ou de la communauté urbaine Clermont Auvergne Métropole, il ressort en revanche des pièces du dossier  que ces participations, largement médiatisées, ont entravé le bon fonctionnement du service, instaurant parmi les collègues de cet agent un sentiment d’injustice et des difficultés managériales, les interventions télévisuelles de Mme F. ayant notamment été relayées par affichage sur son lieu de travail alors que ses collègues étaient sollicités au titre de son remplacement, l’intéressée étant en congé de maladie ».

Toutefois, si la participation à l’émission a pu générer un sentiment d’injustice parmi les collègues de l’agent sollicités pour la remplacer pendant son congé maladie, il appartenait à l’administration de mettre en œuvre la procédure de contrôle des arrêts de travail prévue à l’article 15 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 relatif au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux. Ainsi, s’agissant de la participation non rémunérée à une émission télévisée, à un salon du tatouage et du piercing et à un séminaire d’arts martiaux, le plus souvent le samedi ou le dimanche, il a été jugé que l’agent public commettait bien une faute disciplinaire en s’adonnant ainsi à d’autres activités, rémunérées et non déclarées, au surplus pendant ses congés de maladie. Toutefois, « eu égard au caractère non habituel des activités accessoires rémunérées », la sanction de révocation a été considérée comme disproportionnée. En effet, faute d’avoir mis en œuvre la procédure de contrôle de ces arrêts de travail, la commune employeur ne pouvait utilement se prévaloir ni de l’irrégularité des arrêts de travail accordés par le médecin traitant de l’agent, ni du trouble causé au fonctionnement du service par les absences de ce dernier (CAA Versailles, 9 mai 2019, Cne du Plessis-Pate, n° 18VE01764, n° 18VE01773).

Enfin, si on veut bien admettre le caractère fautif de la participation à l’émission Koh-Lanta, il semble quelque peu excessif de considérer que cette faute appelle une sanction de révocation, et non une simple exclusion des fonctions pendant une durée de deux ans. La participation d’un agent employé d’un hôpital public à une émission télévisée intitulée Ça me révolte sur le thème des nouvelles discriminations, au cours de laquelle l’intéressée, témoignant à visage découvert, a tenu des propos mettant en cause l’attitude de collègues et de membres de sa hiérarchie, a pu être considérée comme un manquement à ses obligations de réserve et de discrétion professionnelle. De tels propos étaient en effet de nature à avoir des répercussions sur le bon fonctionnement du service, les personnels de l’établissement comme les personnes hospitalisées et leurs familles étant en mesure de savoir de quel établissement il s’agissait. Toutefois, selon la Cour administrative d’appel de Marseille, ces propos n’étaient de nature à justifier qu’une simple mise en garde ou une sanction mineure ayant le même effet (CAA Marseille, 2 juillet 2009, n° 07MA00313).

En conclusion, si nous exprimons des doutes sur la proportionnalité de la sanction de révocation, nous rejoignons le rapporteur public lorsqu’il se demande pourquoi la collectivité n’a pas sanctionné plus tôt la requérante. On peut également se demander pourquoi la collectivité n’a pas mis en œuvre de procédure de contrôle des arrêts de travail, ni demandé le remboursement des sommes indûment perçues par l’agent dans le cadre de son activité accessoire non autorisée. Plutôt que de laisser perdurer une situation litigieuse, les employeurs publics ne doivent pas avoir peur de se saisir des leviers d’action que les textes mettent à leur disposition.

Droits d'auteur

CC BY-NC-SA 4.0

La déontologie du fonctionnaire placé en congé de maladie

Benjamin Michel

Avocat au Barreau de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6545

Dans un jugement du 12 juillet 2019, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fermement rappelé qu’un fonctionnaire placé en congé de maladie n’en demeure pas moins soumis aux obligations déontologiques mentionnées aux articles 25 et suivants de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

L’affaire soumise aux magistrats était celle de Madame F., fonctionnaire territoriale exerçant les fonctions de maître-nageur au centre nautique Pierre de Coubertin à Clermont-Ferrand qui a développé, à partir du mois de septembre 2014, une allergie à un produit dérivé du chlore la mettant dans l’impossibilité de poursuivre l’exercice de ses fonctions.

L’intéressée ne souhaitant pas rester à attendre chez elle une éventuelle proposition de reclassement de la part de son employeur (un reclassement ne sera en effet proposé que plus de deux ans après son placement initial en congé), Madame F. a entrepris de mettre à profit ce repos forcé pour participer à des compétitions sportives de haut niveau, dispenser des enseignements de gymnastique au sein d’une association et participer à des émissions de télé-réalité.

Informé par d’autres agents de l’existence de ce cumul d’activités non déclaré, l’employeur de Madame F. l’aurait mise en demeure de régulariser sa situation en sollicitant une autorisation de cumul d’activités. Face au refus de son agent, le Président de la métropole a saisi le conseil de discipline puis a prononcé la sanction disciplinaire de révocation le 11 mai 2017.

Toutefois, saisi par Madame F., le conseil de discipline de recours a rendu un avis favorable à une exclusion temporaire de fonctions d’une durée de deux ans, dont un an de sursis.

Comme chacun sait, l’avis rendu par le conseil de discipline de recours lie l’employeur dans la mesure où celui-ci ne peut prononcer de sanction plus sévère que l’avis rendu (article 91 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984) . Pour cette raison, cet avis constitue un acte faisant grief susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation.

C’est précisément dans ce cadre (contestation par l’employeur de l’avis rendu par le CDR) que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rendu la décision commentée, qui pourrait être un des dernières, ce contentieux particulier étant en voie de disparition.

En effet, l’article 32 de la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique est venu supprimer les dispositions relatives aux conseils de discipline de recours présentes à l’article 84 de la loi n° 086-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ainsi qu’aux articles 90 bis et 91 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Les fonctionnaires hospitaliers et territoriaux ne pourront donc plus saisir, à l’avenir, cette instance consultative de « second ressort ».

C’est donc sur le fond du dossier et sur l’appréciation du caractère fautif des faits reprochés à l’agent public que se situe l’apport du jugement commenté. Celui-ci confirme qu’un agent public s’expose à une lourde sanction en cas de cumul d’activités non déclaré (I) et adopte une position très rigoureuse sur l’interdiction de la participation d’un agent en congé de maladie à des compétitions sportives de haut niveau (II).

I/ L’interdiction du cumul d’activités lucratives par un agent en position d’activité

L’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires pose le principe selon lequel « le fonctionnaire consacre l'intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ».

Le fonctionnaire s’expose en cas de non-respect de cette obligation à une double peine puisque le VI de l’article 25 septies précité prévoit qu’outre l’engagement de poursuites disciplinaires, la violation de l’interdiction de cumul d’activités donne lieu au reversement des sommes perçues au titre des activités interdites.

L’article 25 septies et le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017 relatif à l'exercice d'activités privées par des agents publics et certains agents contractuels de droit privé ayant cessé leurs fonctions, aux cumuls d'activités et à la commission de déontologie de la fonction publique, prévoient cependant plusieurs régimes d’exceptions et la possibilité, dans certains cas, de solliciter de son employeur public une autorisation de cumuler l’activité réalisée pour le compte de ce dernier avec une autre activité, privée ou publique.

Si ce principe vise en premier lieu à préserver l’intérêt du service (garantir la disponibilité et l’implication des agents publics dans leurs fonctions), il n’en demeure pas moins que « l'interdiction faite à un fonctionnaire d'exercer à titre professionnel une activité privée lucrative demeure applicable, alors même que ledit fonctionnaire est placé en position de congé maladie » (CAA Versailles, 9 mai 2019, n° 18VE01764).

L’interdiction de tout travail rémunéré, prévue par les dispositions de l’article 28 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pour les agents placés en congés de longue maladie ou de longue durée doit donc être étendue, sur le fondement des dispositions de droit commun relatives au cumul d’activités, aux agents placés en congés de maladie ordinaire.

Les juridictions administratives font preuve, en cas d’infraction à cette règle, d’une grande sévérité et valident la plupart du temps des sanctions de révocation disciplinaire d’autant plus facilement que souvent, l’agent refuse de solliciter une autorisation de cumul pour régulariser sa situation (CAA Bordeaux, 27 septembre 2018, n° 016BX02612 ; CAA Marseille, 3 novembre 2015, n° 15MA00778).

Tel était également le cas de Madame F. qui n’a pas sollicité d’autorisation de cumul d’activités malgré plusieurs mises en garde de son employeur.

En l’espèce, le Tribunal retient que la participation, sans autorisation, de l’intéressée à des émissions de télé-réalité n’a pas porté atteinte à l’image de la fonction publique territoriale ou à celle de son employeur mais retient comme circonstances aggravantes que cette activité a généré d’importantes perturbations dans le service en raison de la publicité donnée aux participations télévisées de Madame F. ainsi qu’un sentiment d’injustice chez les agents assurant son remplacement.

La décision du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand apparaît donc cohérente sur ce point avec la jurisprudence observée en cas de cumul d’activités d’un agent placé en congé de maladie.

II/ L’interdiction de la participation de l’agent placé en congé de maladie à toute compétition sportive

Si nous avons vu que l’exercice d’une activité lucrative par un agent placé en congé de maladie pouvait justifier sa révocation, le Tribunal administratif adopte en revanche une position très sévère envers la requérante en considérant que la participation de celle-ci à des compétitions sportives constitue une faute disciplinaire :

« La circonstance que la participation de Mme F. à des compétitions sportives n’ait fait l’objet d’aucune rémunération est sans incidence sur le caractère fautif d’un tel comportement, dès lors que l’intéressée était en congé de maladie ».

Le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a donc estimé que le simple placement d’un agent en congé de maladie ferait obstacle à ce que celui-ci exerce certaines activités, y compris des activités non lucratives.

Il s’agit donc d’une prise de position très claire sur un point délicat et dont la solution était loin d’aller de soi.

Le juge se détache en effet complètement de la réglementation relative au cumul d’activités prévue par l’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 et par le décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017.

Le Tribunal ne recherche pas si la participation bénévole à des compétitions sportives constitue une activité accessoire qui aurait dû être déclarée.

La lecture combinée des articles 6 et 7 du décret du 27 janvier 2017 aurait vraisemblablement permis, à supposer que cette activité relève de cette législation, d’écarter toute autorisation préalable dans la mesure où la participation a été effectuée à titre bénévole et pour le compte d’un organisme à but non lucratif (à la différence des cours de gymnastique donnés par l’intéressée dans un cadre associatif et pour lesquels elle a perçu une rémunération).

Le juge ne s’est en tout état de cause pas interrogé sur le fait de savoir si malgré l’absence de rémunération, l’activité présentait ou non un caractère lucratif (CAA Marseille, 6 mai 2014, n° 13MA03026).

Dès lors que l’interdiction faite à un agent public de participer à une compétition sportive ne découle pas de l’interdiction de cumul d’activités, il aurait été intéressant que le jugement précise quelle obligation déontologique aurait été méconnue par le fonctionnaire, caractérisant l’existence d’une faute disciplinaire.

La lecture des conclusions de Monsieur le rapporteur public éclaire ce point puisque celui-ci fait référence à un arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris (CAA Paris, 7 juillet 2017, n° 16PA02562) rattachant l’interdiction faite à un agent placé en congé de maladie de participer à des compétitions sportives de haut niveau à l’obligation de loyauté de l’agent.

La lecture de ces conclusions apporte également une autre justification à cette position :

« Mme F. a apparemment su trouver des médecins pour lui prescrire des arrêts maladie lui interdisant de travailler, mais sans que cela lui interdise de pratiquer par ailleurs des activités physiques intenses. Nous ignorons si l’administration a saisi le conseil de l’ordre des médecins, mais l’ampleur des infractions constatées le mériterait ».

Ce serait donc la possibilité que l’agent placé en congé de maladie dispose d’un certificat médical de complaisance qui aurait conduit le juge, dans l’arrêt commenté, à considérer que le placement d’un agent en congé maladie fait nécessairement obstacle à l’exercice d’une activité physique intense.

Or, ce raisonnement conduit le juge (qui examine le dossier seulement sur pièces) à substituer implicitement mais nécessairement son avis à celui d’un médecin ayant procédé à l’examen médical du patient.

Dans le cas présent, Madame F., maître-nageur, a été déclarée inapte à ses fonctions en raison d’une allergie à un produit dérivé du chlore ayant causé un malaise dans l’exercice de ses fonctions.

La cause de l’inaptitude semble donc limitée à l’environnement de travail et n’altérait pas nécessairement les capacités de l’agent à exercer d’autres activités physiques, et notamment, comme c’est le cas en l’espèce, des compétitions d’escrime. Si le jugement mentionne l’existence de « restrictions médicales aux activités physiques », il n’indique pas expressément que celles-ci étaient incompatibles avec la pratique de l’escrime. Nous comprenons d’ailleurs de l’extrait des conclusions précité que le médecin de Madame F. n’a vu aucune contre-indication à la pratique d’activités physiques intenses.

Ce jugement semble donc considérer que le placement d’un agent en congé de maladie fait obstacle à ce que celui-ci exerce des activités physiques intenses, comme des compétitions sportives. En forçant le trait, l’obligation de loyauté d’un agent percevant sa rémunération durant son congé de maladie le contraindrait à cesser toute activité physique ou sportive dans l’attente que sa situation administrative évolue et indépendamment de la question de savoir si l’agent respecte ou non les éventuels horaires de sortie lui étant imposés ou d’éventuelles restrictions médicales.

Si cette position nous apparaît extrêmement sévère, c’est que la situation (sur ce point particulier du jugement) n’était pas clairement tranchée et qu’il nous semble que la juridiction adopte une vision très extensive de l’obligation de loyauté à cet égard, dans la mesure où le jugement ne mentionne pas que la participation à ces compétitions était incompatible avec l’état de santé de l’agent.

Or, un agent placé en congé de maladie conserve indéniablement le droit à une vie privée.

Ainsi, le simple fait pour un agent placé en congé de maladie de ne pas être présent à son domicile à une heure où celui-ci ne dispose d’aucune autorisation de sortie ne constitue pas nécessairement une faute disciplinaire :

« Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsqu'il n'a pas été invité par son administration à se soumettre à un contrôle pendant son congé de maladie, un agent bénéficiant d'un tel congé ne peut être regardé comme s'étant soustrait à ce contrôle et, dans ces conditions, sa seule absence de son domicile pendant son congé de maladie à des heures auxquelles la décision d'arrêt de travail ne l'autorisait pas, n'est pas, à elle seule, de nature à justifier légalement une sanction disciplinaire » (CAA Marseille, 5 juin 2012, n° 10MA02246).

Le juge administratif considère en effet traditionnellement qu’un agent placé en congé de maladie peut pratiquer librement ses activités (en l’espèce la participation à des émissions télévisées, à des salons, des séminaires…) tant que celles-ci ne contreviennent pas à ses obligations déontologiques et notamment aux règles de cumul d’activités (l’agent sera sanctionné pour l’exercice sans autorisation de prestations rémunérées d’acteur de remplacement) :

« Il ne ressort pas des pièces du dossier que les prestations rémunérées à M.D, en qualité non contestée d'" acteur de remplacement " et fournies en marge de son emploi […], aient revêtu un caractère artistique. […]. A supposer qu'elles soient au nombre des activités accessoires prévues au I de l'article 25 de la loi déjà mentionnée, qu'un agent public peut cumuler avec ses fonctions principales, il est constant que M. D n'a pas sollicité une autorisation en ce sens. À cet égard, la circonstance qu'un bulletin d'information municipale en juillet 2008 ait salué les succès de sportif et d'acteur de théâtre et de cinéma de l'agent, ne peut être regardée comme une autorisation tacite, notamment pendant ses congés de maladie, de s'adonner à des activités accessoires lucratives. Par suite, si la participation non rémunérée de M. D à une émission télévisée, à un salon du tatouage et du piercing et à un séminaire d'arts martiaux, le plus souvent le samedi ou le dimanche, ne pouvait, dans les circonstances de l'espèce, justifier le prononcé d'une sanction disciplinaire, le maire du Plessis-Pâté n'a pas commis d'erreur de qualification juridique en estimant que l'agent avait manqué à ses obligations de probité et de loyauté à l'égard de la commune en s'adonnant à d'autres activités, rémunérées et non déclarées, au surplus pendant ses congés de maladie» (CAA Versailles, 9 mai 2019, n° 18VE01764-18VE01773).

Plus intéressant encore, il a été considéré que la circonstance qu’un agent placé en congé de maladie ait effectué des travaux de maçonnerie à son domicile ne constituait pas une faute disciplinaire :

« Considérant que l'agent, placé de plein droit en congé de maladie dès la demande qu'il a formulée sur le fondement d'un certificat médical, demeure en situation régulière tant que l'administration n'a pas contesté le bien-fondé de ce congé ; qu'il ressort des pièces du dossier que la ville de Toulouse, si elle a constaté lors de la contre-visite du 28 mai 2003 que M. X effectuait à son domicile des travaux de maçonnerie, n'a pas contesté le bien-fondé du congé de maladie de M. X ni enjoint à celui-ci de reprendre immédiatement son service ; que l'activité à laquelle M. X se livrait lors de la contre-visite n'était pas rémunérée ; que M. X, qui ne s'est par ailleurs pas soustrait à la contre-visite, était, en conséquence, en situation régulière ; que la circonstance que M. X se soit livré à ces travaux alors qu'en vertu du certificat médical produit à l'appui de sa demande de congé de maladie il n'était pas apte à exercer son emploi au sein des services de la ville de Toulouse n'est pas constitutive en elle-même d'une faute disciplinaire » (CAA Bordeaux, 15 mai 2008, n° 06BX02464).

Ainsi, à la différence du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand dans la décision commentée, il apparaît que le contrôle du juge sur l’activité exercée par un agent se résume, dans les arrêts précités, à l’étude de la situation du fonctionnaire au regard du régime du cumul d’activités. La juridiction refuse d’apprécier la compatibilité de l’activité en question avec l’état de santé de l’agent et considère que l’agent est en position régulière tant que l’administration n’a pas contesté le bienfondé de l’arrêt suite à une contre-visite médicale.

L’article 15 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux prévoit en effet deux garanties pour l’agent faisant l’objet d’une contre-visite médicale à la demande de son employeur. La première est une garantie d’impartialité puisque la contre-visite ne peut être effectuée que par un médecin agréé. La seconde est la possibilité de saisir le comité médical des conclusions du médecin agréé et de bénéficier de l’examen de sa situation par une instance collégiale avec la possibilité de présenter ses observations.

On peut donc se demander s’il revient au juge administratif d’interdire, comme c’est le cas en espèce, de manière générale à tout agent placé en congé de maladie de participer à des compétitions sportives (même non rémunérées) quel que soit l’état de santé de l’agent. Nous pourrions en effet considérer que c’est à l’employeur de contester, s’il s’y croit fondé, l’inaptitude de son agent à ses fonctions par la procédure de la contre-visite.

Le durcissement opéré par le jugement commenté des obligations déontologiques s’imposant aux agents en congé de maladie sur le fondement de l’obligation de loyauté apparaît donc très sévère et tend à limiter l’exercice d’activités privées par ces agents quand bien même celles-ci ne seraient ni incompatibles avec leur état de santé, ni contraire à l’interdiction de cumul d’activités.

La Cour administrative d’appel de Lyon aura néanmoins la possibilité de confirmer ou d’infirmer la position du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand sur ce point puisqu’un appel a été interjeté.

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