Il relève de l’office du juge de plein contentieux, saisi par une personne à laquelle la qualité de travailleur handicapé a été reconnue mais qui conteste l’orientation professionnelle décidée par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, de se prononcer non seulement sur l’option entre orientation en milieu ordinaire et orientation vers un établissement ou service d’aide par le travail (ESAT), mais aussi le cas échéant, dans le cadre de cette seconde option, sur le choix entre orientation vers un ESAT ordinaire et orientation vers un ESAT « hors murs », catégorie particulière d’ESAT reposant sur le principe d’un détachement en milieu ordinaire.
Office du juge de plein contentieux dans l’orientation professionnelle d’un travailleur handicapé
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Décision de justice
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Conclusions du rapporteur public
DOI : 10.35562/alyoda.6322
Mme C. conteste la décision du 13 janvier 2016, par laquelle la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées du Rhône, après lui avoir reconnu la qualité de travailleur handicapé, l’a orientée vers un établissement ou service d’aide par le travail (ESAT) avec une période d’essai de 6 mois.
En réalité ce n’est pas l’orientation elle-même qu’elle conteste - elle ne souhaite pas être orientée vers le milieu ordinaire - mais le type d’établissement qui accompagne cette orientation, à savoir les trois établissement d’aide par le travail que mentionne la décision, situés à Villefranche-sur-Saône, à Dardilly, et à Couzon-au-Mont d’Or.
Elle sollicite du tribunal qu’il l’oriente vers un ESAT « hors les murs », en l’occurrence géré par l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées (ADAPT). Ce type de structure permet le placement en continu ou non, de la personne handicapée en milieu ordinaire de travail, en lui faisant bénéficier de l’accompagnement et du suivi des travailleurs sociaux. Un tel dispositif peut constituer un sas entre milieu protégé, en ESAT « classique », et milieu ordinaire de travail.
La question est tout à fait inédite.
D’abord en ce qu’elle sollicite l’étendue de votre pouvoir de juge de plein contentieux à l’oeuvre dans ce type de contentieux. Jusqu’à présent, vous réformiez une décision d’orientation, soit en orientant la personne handicapée vers le milieu ordinaire, si ses capacités le lui permettaient, soit en l’orientant vers un ESAT, si elle ne démontrait pas les aptitudes nécessaires au travail en milieu ordinaire, i.e. le marché du travail, tout en témoignant d’une capacité de travail telle que définie par les articles R. 241-3 et R. 243-3 du code de l’action sociale et des familles.
Les textes ne prévoient d’ailleurs qu’établissement ou service d’aide par le travail (« classiques »), marché du travail, centre de rééducation professionnelle (article L. 5213-2 du code du travail).
Cela étant, il vous est possible, selon nous, de censurer la désignation du ou des établissements associés à la décision d’orientation, désignation formant une décision détachable de cette décision d’orientation, pour y substituer un ou d’autres établissements, quel que soit leur type. On peut très bien imaginer par exemple qu’un ESAT proche du domicile de la personne handicapée soit substitué à un ESAT qui en serait trop éloigné. Et un ESAT hors les murs pourrait ainsi être substitué à un ou des ESAT « classiques ».
De la sorte seraient estampillées ces expériences originales tentées par les structures associatives telles l’ADAPT, prélude à la création d’une nouvelle orientation, vers un ESAT ouvert ou « hors les murs ».
En l’espèce, Mme C… souffre de troubles cognitifs qui amoindrissent sensiblement ses capacités de raisonnement, d’expression, d’organisation. Mais les pièces médicales soulignent les progrès réalisés ces dernières années ainsi que des qualités comportementales méritant d’être mises à profit pour construire un projet d’insertion professionnelle.
Les expériences de travail en milieu ordinaire qu’a pu avoir Mme C… sont concluantes. Elle bénéficie actuellement d’un contrat à durée déterminée dans un magasin d’équipements de sport. Les pièces du dossier font apparaître qu’il est préconisé pour elle, à défaut d’une orientation en milieu ordinaire, précisément une orientation en ESAT « hors les murs ». Mme C… est fortement motivée par une telle orientation et l’ADAPT a émis un avis favorable.
La Maison départementale des personnes handicapées du Rhône n’a quant à elle pas produit de mémoire en défense.
Au regard des capacités de cette personne handicapée, rien ne fait obstacle à son orientation vers un ESAT « hors les murs ».
Il y a donc lieu pour vous de réformer en ce sens la décision du 13 janvier 2016, en substituant aux établissement d’aide par le travail qu’elle fixe, l’établissement d’aide par le travail « hors les murs » de l’association pour l’insertion sociale et professionnelle des personnes handicapées.
Tel est le sens de nos conclusions.
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