A l’issue d’une vérification de comptabilité ayant porté sur les exercices clos en 1999, 2000 et 2001, l’administration fiscale avait rehaussé les revenus de la SARL Linéa. La société n’ayant pas désigné les bénéficiaires des distributions, comme elle avait été invitée à le faire par la notification de redressements du 24 avril 2003, l’administration lui a alors infligé une pénalité (selon le terme alors utilisé par l’article 1763 A du code général des impôts) égale à 100% du montant des distributions.
Cette amende fut contestée pour la première fois, avec les impositions mises en recouvrement par la SARL Linéa, par une réclamation du 3 août 2004, laquelle a donné lieu à un rejet en date du 3 février 2005. La SARL Linéa a alors demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des impositions et de la pénalité prévue à l’article 1763 A du CGI, demande rejetée par jugement du 18 juin 2009, confirmé par un arrêt définitif de la cour administrative d’appel de Lyon en date du 31 mai 2011. La CAA avait écarté les deux moyens de la société tirés de l’erreur sur le montant des distributions et de ce que la procédure prévue à l’article 117 du code général des impôts serait contraire aux stipulations de l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales en tant que ces stipulations garantiraient un droit à ne pas contribuer à sa propre incrimination.
Le 16 juillet 2009, soit à peu près en même temps que l’introduction de sa requête d’appel, la SARL Linéa a saisi l’administration fiscale d’une seconde réclamation relative à la pénalité prévue à l’article 1763 A du CGI mise en recouvrement le 31 décembre 2003. Cette réclamation ayant fait l’objet d’un rejet, elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande par un jugement du 24 avril 2014 dont il est relevé appel.
Si le tribunal a rejeté au fond la demande de la SARL Linéa sans opposer l’autorité de la chose jugée par l’arrêt de la Cour, c’était en toute logique puisque ce moyen n’avait pas été opposé en défense par l’administration fiscale, et qu’il n’est pas d’ordre public, s’agissant d’une autorité relative de la chose jugée s’attachant à un jugement de rejet (CE, 27 octobre 1965 p. 559 ; CE, 26 mars 1971 p. 259).
Le moyen tiré de l’irrecevabilité de la requête du fait de l’autorité de la chose jugée s’attachant à votre précédent arrêt est opposé en appel par le ministre des finances. L’identité d’objet et de parties est évidente. Reste à vérifier si est remplie la troisième identité, de cause.
L'autorité de la chose jugée ne peut être en effet être opposée aux prétentions d'une partie que si la question à nouveau soumise au juge repose sur la même cause juridique.
Un litige portant sur la pénalité prévue à l’article 1763 A du code général des impôts est un litige de plein contentieux fiscal (Ce, Section, 1er décembre 1999, Association pour l'unification du christianisme mondial, 170598, au recueil sur un autre point ; CE, 3 décembre 1999, N° 162925, aux Tables sur ce point, décision par laquelle le CE a alors jugé que le litige concernant cette pénalité était un litige de plein contentieux fiscal, pour lequel s’appliquait le principe de rétroactivité de la loi la plus douce).
L’intervention depuis cette date de la jurisprudence Atom, qui a transformé la nature du contentieux de certaines amendes fiscales nettement différenciées des procédures d’imposition, qui relevaient précédemment de l’excès de pouvoir, ceci nous semble sans incidence sur la nature du contentieux des pénalités relevant de l’article 1759 du CGI, dès lors qu’il ne résulte ni de la rédaction de cette décision, ni des conclusions de Mme Legras, ni des commentaires sur cet arrêt qu’il aurait eu pour effet de modifier le champ d’application du plein contentieux fiscal.
Or, la jurisprudence distingue, en matière fiscale, trois causes juridiques, regroupant respectivement les moyens relatifs à la procédure d’imposition, au bien-fondé des impositions et aux pénalités. S’agissant des pénalités, ne sont considérés comme relevant d’une cause juridique distincte que les moyens propres aux pénalités, à l'exclusion des demandes en décharge de pénalités comme conséquence de la décharge des droits en principal (CE 6 juillet 1979 n° 7202 plén. : RJF 10/79 n° 600 et 611 ; CE 5 mars 1986 n° 44377, 9e et 8e s.-s. : RJF 5/86 n° 454). Le précédent arrêt de la Cour portait ici, ainsi que nous l’avons analysé, sur la même cause juridique des pénalités.
Par ailleurs, l’article L. 199 C du LPF, aux termes duquel « L'administration, ainsi que le contribuable dans la limite du dégrèvement ou de la restitution sollicités, peuvent faire valoir tout moyen nouveau, tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel, jusqu'à la clôture de l'instruction. » est sans incidence sur la possibilité pour le juge d’opposer l’autorité de la chose jugée s’attachant à un jugement en cas de triple identité de cause, de parties et d’objet (CE, 6 octobre 1999, N° 178026).
Nous vous proposons donc de rejeter la requête de la SARL Linéa comme irrecevable. Ne font obstacle à cette irrecevabilité ni le fait que l’avis de mise en recouvrement ne comportait pas de mention de voies et délais, ce qui faisait seulement obstacle à ce qu’une tardiveté pût être opposée à une demande, ni le fait que la société ait soulevé de nouveaux moyens, dès lors qu’ils reposaient sur la même cause juridique.
Relevons que le nouveau moyen tiré de l’incompatibilité de la procédure de l’article 117 du code général des impôts avec le paragraphe 3 de l’article 14 relatif aux droits civils et politiques, en ce qu’il prévoit que nul ne peut être forcé de témoigner contre soi-même, a été écarté par le CE dans une décision du 17 mars 2010, SARL Café de la paix, 309197.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête