Un permis de construire peut être refusé si l’utilisation de places de stationnement déjà existantes, situées sur un emplacement réservé, sont non conformes à la destination prévue par cet emplacement

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 14LY00722 – SCI Toastine – 08 mars 2016 – C+

Requête jointe : N° 15LY00467

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 14LY00722

Numéro Légifrance : CETATEXT000032188674

Date de la décision : 08 mars 2016

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Permis de construire, POS, Emplacement réservé, Compétence liée

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Le projet de la SCI Toastine porte sur la construction d’un bâtiment commercial à la place d’un bâtiment existant. Le plan d’occupation des sols de la commune de Sallanches impose 30 places de stationnement, dont 16 existent déjà mais sont situées sur une partie du terrain classé comme emplacement réservé à l’aménagement paysager de l’avenue de Genève.

L’arrêt de la Cour rappelle à ce sujet que les seuls ouvrages ou installations dont la réalisation peut être autorisée sur un emplacement réservé sont ceux qui sont conformes à la destination assignée par cet emplacement (1). En l’espèce, ces 16 places de stationnement ont été jugées non conformes alors même qu’elles existaient déjà. Par conséquent, le maire de la commune de Sallanches pouvait légalement opposer pour ce motif un refus à la demande de permis de construire déposée par la SCI Toastine. Toutefois, il ne saurait y avoir une situation de compétence liée au sens de la jurisprudence du 3 février 1999 (2), compte tenu de l’existence d’un pouvoir d’appréciation des faits du maire en l’espèce. Dès lors, l’autre moyen invoqué par la SCI Toastine est opérant mais il a été écarté comme non fondé.

(1) CE, 14 octobre 1991, n° 92532 : l’autorité administrative chargée de délivrer le permis de construire est tenue de refuser toute demande, même émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l’objet ne serait pas conforme à cette destination, tant qu’aucune modification du plan d’occupation des sols emportant changement de la destination n’est intervenue.

Cf. CAA Douai, 25 mars 2014, n° 12DA01691 & CAA Marseille, 11 décembre 2015, n° 14MA01530.

(2) CE, 3 février 1999, n° 149722 & 152848 : la compétence liée trouve à s’appliquer lorsque la constatation d’éléments matériels commande directement une décision de l’administration, sans qu’il y ait place pour une appréciation des faits de l’espèce. Dans cette affaire, un maire s’était borné, pour ordonner la suppression d’un panneau publicitaire, à constater la méconnaissance des dispositions du règlement municipal de publicité imposant une distance minimale de cent mètres entre deux dispositifs publicitaires, sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l’espèce. En application des dispositions de l’article 24 de la loi du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et pré enseignes, il était tenu, après avoir constaté cette violation, de mettre en demeure le requérant de retirer ce panneau. Cette compétence liée du maire a entrainé, par voie de conséquence, l’inopérance des moyens tirés du défaut de procédure contradictoire et de l’insuffisante motivation. Cf. CAA Lyon, 23 septembre 2010, n° 08LY00738 Cf. Sol. Contr. CE, 3 février 2016, n° 389223

Conclusions du rapporteur public

Jean-Paul Vallecchia

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6251

Sens des conclusions

Dossier 14LY00722 Rejet de la requête d’appel contre le jugement n° 1102454 du 31 décembre 2013 de la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble. Dossier 15LY00467 Rejet de la requête d’appel contre le jugement n° 01205903 du 11 décembre 2014 de la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble.

La Société Civile Immobilière (SCI) Toastine, dont le siège est installé sur le territoire de la Commune de Thonon les Bains, en Haute-Savoie, s’est donc vue opposer, le 9 mars 2011, par le Maire de Sallanches, un refus de permis de construire destiné à la réalisation, sur un terrain de 2606 m² situé le long de la Route de Genève, au lieu-dit Le Rosay, appartenant à Mme G., un bâtiment commercial regroupant trois surfaces de vente et devant totaliser, après démolition d’une surface commerciale existante, 928, 04 m² de SHON.

Ce projet prévoyait la réalisation de 30 places de stationnement, dont deux adaptées aux personnes à mobilité réduite, et le Maire de Sallanches a considéré, par sa décision du 9 mars 2011, que le projet était incompatible avec l’emplacement réservé n° 045 « Aménagement paysager de l’Avenue de Genève », une partie des places de stationnement se trouvant sur cet emplacement réservé, et, en outre, cinq de ces places, situées à l’Ouest du terrain d’assiette du projet, ne respectant pas le recul de 6 m prescrit par l’article 16 des dispositions générales du Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la Commune de Sallanches.

Par jugement n° 1102454 du 31 décembre 2013 de la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble, dont la SCI Toastine relève appel, il a été considéré que 16 places de stationnement du projet se trouvant sur l’emplacement réservé n° 045 ce projet à caractère permanent ne justifiait plus des 23 emplacements règlementaires au regard des prescriptions de l’article UX 12 du règlement du PLU et que 5 places de stationnement en bataille situées à l’Ouest du projet ne présentaient qu’un recul de 4 mètres par rapport à la limite séparative d’avec la parcelle de terrain n° 05241 alors que l’article 16 des dispositions générales du règlement du PLU prévoit un recul de 6 m pour ce type de places de stationnement.

Par ailleurs, pour le même projet, la SCI Toastine a déposé une seconde demande de permis de construire le 13 juin 2012 et s’est vue opposer un second refus par arrêté du Maire de Sallanches du 7 septembre 2012, aux motifs que l’emplacement réservé n° 045 faisait obstacle à la création d’emplacements de stationnement et que le projet méconnaissait en outre les dispositions de l’article R.111-2 du Code de l’Urbanisme, les accès au projet à partir de la RD 1205 portant atteinte à la sécurité publique.

Par jugement n° 1205903 du 11 décembre 2014 rendu par la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Grenoble, et dont la SCI Toastine relève appel par une seconde requête, la légalité de ce second refus a également été confirmée, les premiers juges reprenant le même raisonnement que dans le jugement précédent pour ce qui concerne l’emplacement réservé et la création des places de stationnement et la nature du trafic généré par le projet présentant, selon les premiers juges, des risques pour les usagers des accès et de la Route Départementale.

Pour répondre aux fins de non-recevoir opposées par la Commune de Sallanches tirées de l’absence de critique véritable des jugements de première instance vous pourrez vous fonder sur la jurisprudence du Conseil d’Etat n° 173972 du 11 juin 1999 OPHLM de la Ville de Caen et considérer que, d’une part, les requêtes d’appel ne sont pas identiques aux recours de première instance, et qu’elles contiennent, malgré tout, une critique, minimale, des jugements.

Dans les deux affaires qui vous sont soumises, l’un des motifs, commun aux deux refus successifs de permis de construire, du 9 mars 2011 puis du 7 septembre 2012, opposés par le Maire de Sallanches à la SCI Toastine nous paraît devoir régler le litige entre la Commune et la société requérante.

En effet, le projet a été, à deux reprises, refusé au motif qu’il présente une partie des stationnements dans l’emplacement réservé (ER) n° 45 dénommé « Aménagement paysager de l’Avenue de Genève » et, par conséquent, apparaît incompatible avec la destination dudit emplacement réservé.

La SCI Toastine ne conteste pas que son projet prévoit effectivement 16 places de stationnement le long de l’Avenue de Genève, dans l’emprise de l’ER n° 45, mais, selon elle, ces places de stationnement étant déjà existantes et aucune construction n’étant prévue à cet endroit, elle estime qu’elle peut, au travers de son projet, « reprendre », sans travaux, les places existantes, comme elle l’a d’ailleurs indiqué dans ses dossiers de demandes de permis de construire.

Pour conforter son raisonnement, elle se réfère aux dispositions de l’ancien article R123-32 du Code de l’Urbanisme et à la décision du Conseil d’Etat n° 92532 du 14 octobre 1991 Association Cadre de Vie des Résidents de Courbevoie-Becon. En dehors des constructions précaires, pouvant être autorisées sur le fondement de l’article L.423-1 du Code de l’Urbanisme, les terrains grevés par un emplacement réservé inscrit dans le Plan d’Occupation des Sols (POS) ne pouvaient accueillir des constructions.

Toutefois, la SCI Toastine omet d’ajouter que cette jurisprudence du Conseil d’Etat avait en outre précisé « que le transfert dans le patrimoine de la  personne bénéficiaire de la réserve de terrains inscrits en emplacement  réservé est sans incidence sur la destination prévue par le plan  d'occupation des sols ; que, par suite, les seuls ouvrages ou  installations dont la réalisation peut, postérieurement à ce transfert, être autorisés sur ces terrains sont ceux qui sont conformes à cette  destination ; que, par suite, l'autorité administrative chargée de  délivrer le permis de construire est tenue de refuser toute demande, même  émanant de la personne bénéficiaire de la réserve, dont l'objet ne serait  pas conforme à cette destination, tant qu'aucune modification du plan  d'occupation des sols emportant changement de la destination n'est  intervenue. ».

Pour la Commune de Sallanches, qui reprend d’ailleurs la jurisprudence du Conseil d’Etat citée par la SCI Toastine, et qui l’interprète à notre sens très justement, la destination de l’emplacement réservé étant remise en cause par le projet de la SCI, et les places de stationnement du projet ne pouvant constituer des installations précaires puisqu’elles sont constitutives de la réalisation définitive du projet, elle était tenue de refuser ce projet, qui, si le nombre de places de stationnement prévues sur cet ER n° 045 est retranché, ne respecte plus le nombre d’emplacements exigé par le règlement d’urbanisme.

Vous devrez nous semble-t-il suivre sans beaucoup d’hésitation le raisonnement et la position de la Commune.

Sauf à ce que les 16 places de stationnement nécessaires à la réalisation du projet puissent être réalisées ailleurs, ce qui n’est ici ni soutenu ni démontré (voyez sur ce point l’arrêt de la Cour n° 08LY01805 du 14 décembre 2010 SARL Cimes Loc cité par la Commune de Sallanches), la SCI Toastine ne peut prétendre « reprendre » au bénéfice de son projet les places de stationnement existantes sur l’ER n° 045. Il ne saurait y avoir de confusion juridique entre le projet public et d’intérêt général porté par la Commune de Sallanches et inscrit dans son règlement d’urbanisme et le projet commercial privé porté par la SCI Toastine, ces deux projets étant sous-tendus par des objectifs très différents.

Le seul motif de refus de la Commune que nous venons d’examiner plaçant, comme nous l’avons vu, le Maire en situation de compétence liée, les autres motifs sont superfétatoires et les autres moyens développés à leur encontre inopérants.

Par ces motifs nous concluons, au rejet, dans toutes leurs conclusions, des deux requêtes d’appel présentées par la SCI Toastine, et à ce que, dans chacun des deux dossiers, soit mise à la charge de la société requérante une somme de 1500 euros qui sera versée à la Commune de Sallanches au titre des frais irrépétibles.

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