Selon l’article R.600-1 du code de l’urbanisme, « en cas (…) de recours contentieux à l’encontre (…) d’un permis de construire, d’aménager, ou démolir, (…) l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation ». Ainsi, s’agissant d’un permis de construire délivré par un préfet, la notification du recours doit être faite au préfet qui a délivré le permis, et non à un autre représentant de l’Etat. En l’espèce, la requête de la commune d’Issanlas, faute d’avoir respecté les formalités de notification prescrites par l’article susvisé, est déclarée irrecevable.
La formalité de notification du recours prescrit par l’article R.600-1 du code de l’urbanisme doit être effectuée auprès du préfet qui a délivré le permis de construire
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Décision de justice
Index
Textes
Résumé
Conclusions du rapporteur public
Jean-Paul Vallecchia
Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon
DOI : 10.35562/alyoda.6217
Sens des conclusions : Rejet des deux requêtes d’appel en raison de leur irrecevabilité - Méconnaissance des formalités de notification prescrites par l’article R. 600-1 du Code de l’Urbanisme. L’auteur des décisions de permis de construire (Préfet de l’Ardèche) n’a pas reçu notification des requêtes d’appel.
Trois arrêtés du Préfet de l’Ardèche, du 26 juillet 2011, sont en cause dans les deux affaires qui sont soumises à la Cour, l’un accordant à la société EDF Energies Nouvelles (EN) France un permis de construire, sur le territoire de la Commune d’Issanlas, un parc éolien de huit aérogénérateurs, les deux autres accordant respectivement à la même société un permis de construire un parc éolien de dix aérogénérateurs sur le territoire de la Commune de Saint-Etienne de Lugdarès et un permis de construire un parc éolien de trois aérogénérateurs sur le territoire de la Commune de Le Plagnal.
Par deux jugements du 23 janvier 2014 – n° 1200573 et n° 1200588 – la 2ème chambre du Tribunal Administratif de Dijon a rejeté les recours qui lui étaient présentés par les Communes d’Issanlas, de Mazan l’Abbaye, de La Chapelle Graillouse et de Lanarce contre l’autorisation de réaliser un parc éolien à Issanlas, et par l’Association Avenir Nature et douze autres requérants personnes physiques contre les deux projets de parcs éoliens de Saint-Etienne de Lugdarès et de Le Plagnal.
Dans les deux affaires portées devant la Cour par la Commune d’Issanlas et par l’association Avenir Nature, la société EDF Energies Nouvelles France et la Ministre du Logement, de l’Egalité des Territoires et de la Ruralité, opposent, à titre principal, aux deux requêtes d’appel, une fin de non-recevoir fondée sur les dispositions de l’article R.600-1 du Code de l’Urbanisme, qui, comme nous le savons, imposent, à peine d’irrecevabilité, à l’auteur d’un recours contentieux contre un permis de construire, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation, par lettre recommandée et avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du recours.
Comme le rappelle dans ses écrits en défense la société EDF Energies Nouvelles France, ces formalités de notifications valent également lorsqu’est interjeté un appel (Avis de la Section du contentieux du Conseil d’Etat n° 180373 du 26 juillet 1996 Commune de Triel sur Seine) et le non accomplissement de ces formalités dans le délai prescrit entraîne l’irrecevabilité du recours (Section du contentieux du Conseil d’Etat n° 175126 du 1er mars 1996 Soisy-Etiolles Environnement) .
L’auteur et le bénéficiaire de la décision doivent être alertés de l’engagement d’un recours, tant en première instance qu’en appel. Aussi, une notification erronée équivaut-elle à une absence de notification régulière, donc au non accomplissement des formalités prescrites par l’article R.600-1 et à l’irrecevabilité du recours.
Il en va ainsi lorsque, lors de l’engagement d’un appel, la notification est réalisée auprès de l’avocat ayant représenté l’auteur ou le titulaire de la décision en première instance (Conseil d’Etat n° 341749 du 28 septembre 2011 Mme X), une nuance devant toutefois être réservée lorsque la notification est réalisée auprès de la personne pour le compte de laquelle l’autorisation d’urbanisme a été sollicitée et alors même que le nom de cette personne ne figurerait pas dans ladite autorisation d’urbanisme (Conseil d’Etat n°s 305881 et 305965 du 31 décembre 2008 Ministre d’Etat ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables c./ Syndicat des copropriétaires de l’immeuble « Les Jardins d’Arago » ) .
Il en va ainsi également lorsque la notification est réalisée auprès d’une autre autorité administrative que celle qui a pris la décision, la notification exigée par l’article R.600-1 ne pouvant être assimilée à une demande classique adressée à l’administration au sens de l’article 18 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration et aucune obligation de transmission au véritable auteur de la décision ne pesant donc sur le « mauvais » destinataire la notification prévue par l’article R.600-1 ayant pour seul objet d'informer l'auteur d'une décision administrative de l'existence d'un recours dirigé contre elle et devant être nettement distinguée d’une demande à l’administration (Cour Administrative d’Appel de Paris n° 00PA03886 du 11 avril 2003 M. T. ou encore Cour Administrative d’Appel de Bordeaux n° 10BX02605 du 24 novembre 2011 Commune de Lezignan) .
Or, comme cela ressort des pièces des dossiers contentieux, l’avocat de la Commune et de l’association Avenir Nature a notifié par erreur, par lettres du 28 mars 2014, une copie des requêtes d’appel déposées, non pas au Préfet de l’Ardèche, auteur des décisions contestées, mais au Préfet de l’Aveyron, à Rodez, alors pourtant que les références des dossiers portées sur ces lettres indiquent bien Commune d’Issanlas c./ Préfet de l’Ardèche et association Avenir Nature c./ Préfet de l’Ardèche.
Les requérantes estiment, à tort, qu’à partir du moment où un représentant de l’Etat a été informé cela suffirait et elles citent, au soutien de cette position, une jurisprudence du Conseil d’Etat n° 320448 du 13 juillet 2011 SARL Love Beach concernant une notification au titre de l’article R600-1 au Préfet de la Corse du Sud au lieu d’une notification au Maire de Lecci – Commune de la Corse du Sud – Maire de Lecci agissant au nom de l’Etat, ce qui n’est pas le même cas de figure. Les requérantes tentent aussi d’autres comparaisons jurisprudentielles, notamment en matière de transfert de permis de construire lorsque la notification est faite au titulaire initial, mais il s’agit là de situations juridiques distinctes. Les requérantes s’éloignent encore davantage du sujet, plus circonscrit, qui nous occupe lorsqu’elles affirment que ne pas reconnaître que la notification à l’auteur de la décision serait régulière reviendrait à porter une grave atteinte au principe constitutionnel du droit au recours. Et, au contraire, elles en relativisent la portée lorsqu’elles réduisent la notification erronée à une simple erreur de plume alors que l’erreur de plume initiale s’est transformée en véritable expédition postale et donc en notification à un « mauvais » destinataire. Et la circonstance qu’au bout du compte c’est le Ministre qui assurera la défense de l’Etat ne change rien à la compétence territoriale du Préfet de l’Ardèche, véritable auteur des décisions contestées, auquel la notification prévue par l’article R600-1 du Code de l’Urbanisme devait parvenir, compétence territoriale qui ne saurait être confondue avec celle du Préfet de l’Aveyron.
Pour tenter de sortir de l’impasse dans laquelle elles se sont engagées, les requérantes se réfèrent alors aux dispositions des articles A.424-17 et A.424-18 du Code de l’Urbanisme traitant de l’affichage sur le terrain, durant deux mois continus, et de manière visible et lisible depuis la voie publique, du permis de construire et notamment de la nécessité d’y mentionner les dispositions de l’article R.600-1 du Code de l’Urbanisme, l’avis du Conseil d’Etat n° 317279 du 19 novembre 2008 Société Sahelac et Mme X ayant précisé que l’absence de cette mention sur le panneau d’affichage n’avait pas pour effet d’empêcher le déclenchement du délai de recours contentieux mais permettait de neutraliser une fin de non-recevoir fondée sur l’article R.600-1 du Code de l’Urbanisme.
Selon les requérantes il n’y aurait pas eu d’affichage régulier sur le terrain. Mais cette affirmation est accompagnée de preuves très fragiles, à savoir une attestation du 18 juin 2014 signée par un adjoint au Maire d’Issanlas précisant que les panneaux d’affichage des permis de construire relatifs aux éoliennes sont cassés, au sol et illisibles, ainsi que deux photographies prises le 17 juin 2014 qui représenteraient les supports d’un panneau d’affichage ainsi qu’un morceau dudit panneau, et, pour le dossier d’appel de l’association Avenir Nature, un procès-verbal de constat d’huissier du 26 juin 2014, relevant qu’aucun panneau d’affichage (sauf un au sol et illisible) n’a été trouvé sur les secteurs d’implantation des éoliennes des Communes de Saint-Etienne de Lugdarès et Le Plagnal.
Evidemment, alors que les permis de construire en cause ont été délivrés le 26 juillet 2011, soit près de trois ans avant l’attestation et le procès-verbal de constat qui sont produits, ces documents ne prouvent pas que les permis de construire n’ont pas été affichés après leur délivrance durant une période continue de deux mois et qu’ils ne comportaient pas le contenu de l’article R.600-1 du Code de l’Urbanisme. Cette seule constatation suffirait à anéantir le caractère probant de ces documents. Mais, de surcroît, l’affichage des permis de construire en cause ont fait l’objet, à la demande de la société EDF Energies Nouvelles France, de trois procès-verbaux de constats des 10 août, 14 septembre et 12 octobre 2011, qui figurent aux dossiers contentieux, et qui prouvent non seulement la continuité, au moins durant deux mois de cet affichage, mais aussi son caractère régulier en ce qui concerne les mentions portées sur les panneaux, dont le texte de l’article R.600-1 du Code de l’Urbanisme. Ainsi, non seulement le délai de recours contentieux a couru mais en outre la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l’article R. 600-1 n’a pas été neutralisée et pouvait donc légalement être soulevée.
Par ces motifs nous concluons, sans qu’il soit nécessaire de traiter le fond des deux affaires qui vous sont soumises, à l’irrecevabilité des deux requêtes d’appel respectivement présentées par la Commune d’Issanlas et par l’association Avenir Nature, en conséquence à leur rejet, et à ce que soit mise à la charge de la Commune d’Issanlas une somme de 1500 euros et à la charge de l’association Avenir Nature une somme identique, sommes qui seront versées à la société EDF Energies Nouvelles France au titre des conclusions que cette dernière a présentées sur le fondement de l’article L761-1 du Code de Justice Administrative.
Droits d'auteur
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Précisions sur le respect des formalités de notification des recours prescrites par l’article R.600-1 du code de l’urbanisme
Marius Combe
Doctorant en droit de l’environnement à l’Université Jean Moulin Lyon 3
DOI : 10.35562/alyoda.6218
Selon l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, « en cas (…) de recours contentieux à l’encontre (…) d’un permis de construire, d’aménager, ou démolir, (…) l’auteur du recours est tenu, à peine d’irrecevabilité, de notifier son recours à l’auteur de la décision et au titulaire de l’autorisation ». Saisie en l’espèce du recours d’une commune qui avait notifié par erreur son recours en appel à une autorité préfectorale autre que celle à l’origine du permis de construire attaqué, la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête pour manquement aux formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Bien que délivrée au nom de l’État, la notification ne peut pas être adressée à n'importe quel préfet.
Après une période de ralentissement significatif entre 2011 et 2013, la disparition des Zones de Développement de l’Eolien (ZDE) et la mise en place par le gouvernement d’un vaste plan de soutien aux énergies renouvelables a contribué à donner un nouvel essor à la construction de parcs éoliens sur l’ensemble du territoire, et à enrichir par voie de conséquence le contentieux qui lui est associé.
Participant de cette dynamique en Rhône-Alpes, l’implantation d’un vaste projet éolien sur le plateau ardéchois a conduit au développement d’un important contentieux opposant titulaires de permis d’urbanisme, communes et associations de riverains. Destinée à participer du développement économique d’un territoire soumis à un climat rude et balayé en hiver par un vent froid du nord, une demande de création de zones de développement éolien (ZDE) fut déposée auprès de la préfecture de l’Ardèche à l’initiative d’élus des Communautés de communes de « Cévenne et Montagne ardéchoises » et d’« Entre Loire et Allier ». Par trois arrêtés en date du 26 juillet 2011, le préfet de l’Ardèche a délivré à la société EDF Energies Nouvelles (EN) France trois permis de construire en vue, respectivement, de l’installation de trois aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Le Plagnal, de huit aérogénérateurs sur le territoire de la commune d’Issanlas, et de dix aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Saint-Etienne de Lugdarès.
Opposées à la réalisation desdits projets, les communes d’Issanlas, de Mazan l’Abbaye, de La Chapelle Graillouse et de Lanarce ont, après avoir formé un recours gracieux, saisi la juridiction administrative d'un recours pour excès de pouvoir contre l’arrêté du préfet de l’Ardèche portant autorisation de réaliser un parc éolien à Issanlas, l’Association Avenir Nature dirigeant pour sa part son action contre les deux projets de parcs éoliens de Saint-Etienne de Lugdarès et de Le Plagnal. Par deux jugements en date du 23 janvier 2014 (n° 1200573 et n° 1200588), le Tribunal administratif de Lyon rejeta l’ensemble de leurs demandes, en conséquence de quoi deux recours furent simultanément introduits devant la Cour administrative d’appel de Lyon par la commune d’Issanlas et l’association Avenir Nature.
Saisie en l’espèce du recours de la commune d’Issanlas à l’encontre de l’arrêté du préfet de l’Ardèche du 26 juillet 2011 accordant à la société EDF EN France un permis de construire d’un parc éolien de huit aérogénérateurs sur son territoire communal, la première chambre de la Cour administrative d’appel de Lyon a rejeté la requête formulée par la commune d’Issanlas pour manquement aux formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme.
Illustrant, une fois encore, l’abondance du contentieux éolien, cet arrêt permet de préciser la portée de l'obligation de notification des recours en matière d'urbanisme. Il nous rappelle que les juges du fond procèdent à une appréciation in concreto du respect par le titulaire d’un permis de construire des règles d’affichages imposées par le code de l’urbanisme (1). En revanche, la Cour administrative d’appel de Lyon exclut, en l’espèce, que le recours à l’encontre d’un permis délivré par le préfet au nom de l’État puisse être notifié à n'importe quel préfet (2), tout en refusant que cette notification se voit reconnaître le caractère d’une demande adressée à l’administration (3).
1. – L’examen in concreto du respect par le titulaire d’un permis de construire des formalités d’affichages imposées par les articles R. 424-15 et A. 424-17 du code de l’urbanisme
Conséquence d’une maladresse commise par le cabinet d’avocats de la commune d’Issanlas, l’appel de la décision du Tribunal administratif de Lyon a été notifié par erreur au préfet de l’Aveyron en lieu et place du préfet de l’Ardèche, auteur de l’arrêté attaqué. Selon les dispositions des articles R. 424-15 et A. 424-17 du code de l’urbanisme, les règles d’affichage en matière de permis de construire et de déclaration préalable de travaux imposent au bénéficiaire d’un permis de construire d’afficher, dès notification de l’arrêté portant autorisation du permis de construire et pendant toute la durée du chantier, la mention explicite dudit permis, de même que les formalités de notification des articles R. 600-1 du code de l’urbanisme. Participant d’une volonté d’assouplir ce régime, l’avis contentieux rendu par le Conseil d’État, le 19 novembre 2008, Société Sahelac et Mme X (n° 317279) , était d’ailleurs venu préciser en ce sens que l’affichage sur un terrain de l'obligation de notifier, à peine d'irrecevabilité, tout recours administratif contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis, n’était certes pas « au nombre des éléments dont la présence est une condition au déclenchement du délai de recours contentieux », mais que cette mention faisait en revanche « obstacle à ce que soit opposée à l'auteur du recours l'irrecevabilité prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ». Tout l’enjeu pour la commune d’Issanlas consistait alors à démontrer dans un premier temps, qu’en l'absence d'affichage sur le terrain de l'obligation prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme de notifier le recours à l’auteur de la décision, le défaut de notification de l’appel au préfet de l’Ardèche ne constituait pas une cause d’irrecevabilité de son recours en appel. En cela, la commune espérait pouvoir échapper à la fin de non-recevoir soulevée en défense par la société EDF Energies Nouvelles France et la Ministre du Logement, de l’Egalité des Territoires et de la Ruralité.
Procédant à une appréciation in concreto de l’accomplissement par la société EDF EN France des formalités d’affichages imposées par le code de l’urbanisme, les juges du fond ont estimé néanmoins devoir rejeter ce moyen de la commune d’Issanlas. Bien que cette dernière ait produit une attestation de son maire ainsi que des photos attestant de la destruction des panneaux d’affichages, devenus par voie de conséquence illisibles, le juge retient que ces éléments n’étaient pas à eux seuls suffisants pour prouver l’absence d’affichage du permis de construire en litige. Très certainement par crainte d’un recours, l’affichage des permis de construire en cause avaient fait l’objet, à la demande de la société EDF Energies Nouvelles France, de trois procès-verbaux de constats qui, figurant aux dossiers contentieux, prouvaient non seulement la continuité, au moins durant deux mois de cet affichage, mais aussi la mention du permis de construire et des formalités de notifications de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme. Postérieurs de près de trois ans aux trois procès-verbaux de constat datés des 10 août, 14 septembre et 12 octobre 2011, les éléments présentés par le requérant ne pouvaient dès lors suffire à prouver que les panneaux ne comportaient pas l’ensemble des mentions réglementaires. L’ensemble des formalités d’affichage ayant été accomplies par la société EDF Energies Nouvelles France, la Cour administrative d’appel en déduit, dès lors, que le défaut de notification de l’appel au préfet de l’Ardèche constituait une cause d’irrecevabilité pouvant être valablement opposée à l’encontre de l’auteur du recours. Pourtant, en imposant au titulaire d’une autorisation d’urbanisme d’afficher explicitement sur le terrain concerné le permis de construire, les délais de recours ainsi que l'obligation de notifier tout recours à l’auteur de la décision, la nouvelle rédaction des articles R. 424-15 et A. 424-17 du code de l’urbanisme devait par principe aboutir à ce qu’aucun requérant un minimum averti ne puisse se voir opposer l'irrecevabilité de son action pour défaut d’accomplissement de ces formalités. L’erreur matérielle commise par le cabinet d’avocats en charge de représenter la commune d’Issanlas est ainsi d’autant plus regrettable, qu’excluant tout examen sur le fond de l’affaire, l’identification de l’auteur du permis contesté ne présentait en l’espèce pour le juge « ni difficulté ni ambiguïté ».
2. – L’appréciation restrictive du destinataire de la notification de recours en matière d’urbanisme
Introduite par la loi n° 94-112 du 9 février 1994 portant diverses dispositions en matière d'urbanisme et de construction, l'obligation de notification des recours formés contre les décisions d'urbanisme fut réformée par le décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007. À présent codifiées à l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, ces règles de procédure contentieuse imposent, à peine d’irrecevabilité, à l’auteur d’un recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, de notifier son recours à l'auteur de la décision par lettre recommandée dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt du déféré ou du recours. Participant de la sauvegarde de la sécurité juridique du bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, cette obligation permet ainsi au titulaire d’un permis de construire et à son auteur de ne pas être informé trop tardivement de l’introduction d’un recours, comme cela pouvait arriver, et d'apprendre par voie de conséquence plus rapidement le caractère définitif ou non de cette autorisation. Également soucieux de faciliter l’exercice des actions en justice, le juge administratif a néanmoins fait preuve d’une certaine souplesse dans la détermination du destinataire de la notification de recours. Ainsi, a été admis que la notification de recours à l’encontre d’un permis de construire délivré par le maire au nom de l’État puisse être adressée soit au maire (CE, 22 avril 2005, M. et Mme L., n° 257743), soit au préfet (CE, 13 juillet 2011, SARL Love Beach, n° 320448) . Dans le second cas, le raisonnement du juge a d’ailleurs tout spécifiquement consisté à retenir que « la circonstance que les requérants ont notifié leur requête d'appel au préfet et non au maire ne fait pas obstacle à ce qu’ils soient regardés comme ayant satisfait à l’obligation de notification de leur recours auprès de l’auteur de la décision litigieuse ». Toutefois, limitées à l’hypothèse d’un permis de construire délivré par le maire, ces solutions laissaient tout naturellement entière la question de savoir si elles pouvaient être transposées au permis de construire délivré par le préfet au nom de l’État et pour lequel, intentionnellement ou par erreur, la notification de recours aurait été adressée à une autorité préfectorale autre que celle ayant pris l’acte en litige.
L’enjeu du respect par la commune d’Issanlas de son obligation de notification était en l’espèce essentiel puisque, rappelons-le, l’ensemble des mentions réglementaires ayant été affichées par la société EDF EN France, le recours du requérant n’ayant pas satisfait à ses obligations de notification auprès de l’auteur de l’acte attaqué ne pouvait qu’être, dès lors, irrecevable. Dans la mesure où le permis de construire avait été délivré par le préfet de département au nom de l'État, la commune requérante soutenait que la notification prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme pouvait être adressée à n'importe quel préfet, et plus encore, qu’en juger autrement méconnaîtrait le droit au recours effectif. Par cet arrêt, la Cour administrative d'appel de Lyon contribue ainsi à préciser la portée des formalités de notification de recours contenues dans le code de l'urbanisme, en excluant qu’un recours exercé à l’encontre d’un permis de construire délivré par un préfet au nom de l’État puisse être notifié à n'importe quel préfet. Déjà saisi de la question de la conformité de l’obligation de notifier au regard des articles 6§1 et 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le Conseil d’État avait, en la matière, retenu à plusieurs reprises que l’obligation pour l’auteur d’un recours de notifier, à peine d'irrecevabilité, son recours à l'auteur de la décision attaquée ne pouvait être regardée comme faisant obstacle à l'application du principe du droit au recours effectif (CE, 5 avril 2006, Mme B, n° 266777 ; CE, 8 juillet 2001, n° 324975) . Prenant appui sur ces précédents, la Cour administrative d’appel de Lyon a relevé qu’en présence d’un permis de construire délivré au nom de l'État, le fait que la notification prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne puisse pas être adressée à n'importe quel préfet ne méconnaissait pas le droit à un recours effectif. En cela, le juge adopte une solution résolument plus restrictive des formalités procédurales de notification de recours à l’égard du requérant souhaitant contester la légalité d’un permis de construire. Contrastant avec la souplesse de la jurisprudence récente du Conseil d’État, l’arrêt de la Cour administrative de Lyon participe d’une oscillation fréquente du juge entre « sévérité et libéralisme » (GUINOT Vincent, SILVANI Catherine, Le point sur la notification des recours en matière d'urbanisme, Construction - Urbanisme n° 012, Lexisnexis, Décembre 2009, étude 24) . Néanmoins est-il possible de s’étonner de cette solution dans la mesure où l’arrêté portant autorisation de construction ayant été pris au nom de l’État par l’autorité préfectorale, les préfets de l’Aveyron et de l’Ardèche constituent l’un et l’autre des autorités déconcentrées de l’État dans le département. Reste donc à savoir si une solution identique sera retenue en cassation par le Conseil d’État, auquel cas il semble tout à fait envisageable que cet arrêt soit transposable à d’autres contentieux en matière notamment de certificat d'urbanisme, de décision de non-opposition à une déclaration préalable, ainsi que de permis d'aménager ou de démolir.
3. – Le refus d’assimiler la notification de recours d’un permis de construire à une demande adressée à l’administration
Aux termes des articles 18 et 20 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, « Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives (…) » ; « Lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l'autorité administrative compétente et en avise l'intéressé ». Participant formellement d’une volonté du législateur de simplifier le régime des procédures administratives non contentieuses, ces dispositions furent destinées à améliorer et à accélérer le traitement des demandes de requérants souhaitant contester les décisions prises à leur égard par une autorité administrative. S’appuyant sur les articles 18 et 20, la commune d’Issanlas prend ainsi le parti, dans un dernier moyen, de soutenir que la notification du recours prévue à l’article R. 600‑1 du code de l’urbanisme a le caractère d’une demande qui, adressée à une autorité administrative incompétente, imposait par conséquent au préfet de l’Aveyron de transmettre de document au préfet de l’Ardèche compétent. En cela, son ambition était une fois encore d’échapper à l’irrecevabilité résultant du défaut d’accomplissement des formalités de notifications. Néanmoins, c’était sans compter que les demandes soumises à cette obligation de transmission, définies à l'article 18 de la loi du 12 avril 2000, ont fait l’objet d’une interprétation relativement restrictive opérée par le juge administratif. Les règles issues de la loi du 12 avril 2000 ayant eu « pour objectif d'améliorer et d'accélérer le traitement des demandes adressées par les usagers aux administrations », le Conseil d’État a ainsi été amené à refuser que celles-ci aient vocation à régir « les relations contentieuses entre l'État et les collectivités territoriales » (CE, 16 janvier 2006, Région Haute-Normandie, n° 269384) . De même, ces dispositions étant destinées à régir les relations non contentieuses, le juge a refusé d’en faire application dans l’hypothèse où l'administration serait saisie par un requérant d’un recours dirigé contre des décisions créatrices de droits (CE, Sect., avis, 15 juillet 2004, D., n° 266479) au nombre desquelles figurent bien évidemment pour ce qui nous concerne les permis de construire.
En l’espèce, la Cour administrative d’appel de Lyon retient que la notification de recours prévue à l’article R. 600‑1 du code de l’urbanisme constitue une « mesure par laquelle l’auteur du recours se borne à informer de sa requête l’auteur de la décision et le titulaire de l’autorisation » qui ne possède pas le caractère d’une demande au sens de l’article 18 de la loi du 12 avril 2000. Dès lors, elle conclut qu’il n’incombait pas au préfet de l’Aveyron de transmettre au préfet de l’Ardèche la requête d’appel qui lui avait été adressée par erreur par la commune d’Issanlas. En cela, la Cour administrative d’appel reprend en termes identiques l’un des considérants de l’arrêt du 24 novembre 2011 rendu par la Cour administrative d'appel de Bordeaux (CAA, Bordeaux, 24 novembre 2011, n° 10BX02605) . Bien que le défaut de notification soit en l’espèce difficilement discutable ou, a fortiori, excusable, il paraît néanmoins regrettable que la préfecture de l’Aveyron n’ait pas adressé la notification à la préfecture de l’Ardèche ou, tout du moins, que la commune d’Issanlas n’ait pas été informée de son erreur avant l’expiration du délai de recours contentieux. Une solution en ce sens aurait été cependant étonnante, puisque revenant à excuser l’erreur du requérant. En appréciant de manière tout particulièrement extensive la notion de demande, le juge se serait alors inscrit en contradiction avec la volonté du législateur, pour qui l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme devait contribuer à responsabiliser le requérant. Si la solution rendue en l’espèce semblait s’imposer, ne serait-ce que pour ne pas étendre considérablement le champ de l'obligation de notification des recours en matière d'urbanisme, la Cour administrative d’appel de Lyon semble néanmoins entrouvrir une perspective intéressante en énonçant à l’appui de sa solution qu’aucune « disposition, ni aucun principe n’imposait au préfet destinataire de cette notification une obligation de transmission de celle-ci à l’auteur du permis ». Absente de l’arrêt précédemment rendu par la Cour administrative d'appel de Bordeaux le 24 novembre 2011, cette considération n’est pas sans surprendre dans la mesure où, si un principe venait à être dégagé en ce sens, celui-ci contribuerait à neutraliser l’irrecevabilité tenant au défaut d’accomplissement des formalités de publication prévue à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme. Cette affaire n’ayant à ce jour pas encore été portée devant le Conseil d’État, il sera alors tout particulièrement intéressant d’observer si la solution rendue par la Cour administrative d’appel de Lyon sera suivie sur ce point par les juges du Palais Royal.
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