La SARL Pleine Lune Internationale, dont M. Y. est le gérant, a fait l’objet d’une vérification de comptabilité au titre de la période allant du 1er octobre 2002 au 30 septembre 2005. Les rectifications au titre des frais de déplacement de M. Y. pris en charge par la société ont été analysées comme des revenus distribués à ce dernier, qui a été destinataire d’une proposition de rectification le 13 juin 2006 puis d’une proposition de rectification modificative du 21 juin 2006. A cette occasion, l’administration a également remis en cause la déduction de pensions alimentaires pour les années 2003 et 2004 ainsi qu’une déduction de 48 000 euros opérée par M.. Y. dans la catégorie des traitements et salaires, au titre de versements dans le cadre d’une action en comblement de passif de la société Générale Isolation. Les impositions supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2003 et 2004 ont été mises en recouvrement les 30 avril et 30 novembre 2007.
M. et Mme Y. les ont contestées devant le tribunal administratif de Grenoble. Celui-ci n’a fait que très partiellement droit à la demande, en réduisant les bases d’imposition de l’année 2004 à hauteur d’une somme de 4 500 euros. M. et Mme Y. relèvent appel de ce jugement du 27 mars 2014, en tant qu’il n’a fait que partiellement droit à leur demande. A noter qu’ils ne contestent plus en appel le surplus des rehaussements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers.
M. et Mme Y. soulèvent deux moyens de procédure.
Ils font valoir tout d’abord, s’agissant de la rectification en matière de déduction de la pension alimentaire qu’ils n’ont pas bénéficié d’un délai de réponse suffisant, au regard des dispositions de l’article L11 du livre des procédures fiscales, aux termes duquel « A moins qu'un délai plus long ne soit prévu par le présent livre, le délai accordé aux contribuables pour répondre aux demandes de renseignements, de justifications ou d'éclaircissements et, d'une manière générale, à toute notification émanant d'un agent de l'administration des impôts est fixé à trente jours à compter de la réception de cette notification. »
Dans une décision du 22 janvier 2010, N° 314010, le Conseil d'Etat a jugé qu’en cas de non-respect de cette formalité, il y a lieu pour le juge de rechercher si cette irrégularité est susceptible d’avoir un effet sur la proposition de rectification, constituant ainsi une irrégularité substantielle de nature à entraîner la décharge des impositions ou si elle est restée sans influence sur la procédure de rectification.
L’administration a bien ici méconnu lesdites dispositions, en adressant aux contribuables une proposition de rectification datée du 13 juin 2006, soit moins de trente jours après la demande de renseignements qui leur avait été adressée, par courrier du 15 mai 2006 reçu le 17 mai, pour qu’ils justifient du bien-fondé éventuel de la déduction de pensions alimentaires. L’administration ne peut à cet égard se prévaloir du fait que M. Y. avait indiqué, le 30 mai 2006, qu’il répondrait à la demande dans la semaine, ce qui n’a finalement pas été le cas, ni de la circonstance que M. et Mme Y. aient bénéficié d’un délai de trente jours pour présenter leurs observations, après la notification de la proposition de rectification.
Mais, il nous semble que cette irrégularité est restée sans influence sur la rectification. En effet, pour remettre en cause la déduction de la pension alimentaire, l’administration fiscale s’est fondée sur le fait que ce versement correspondait à une rente mensuelle que M. Y. avait été condamné à payer par jugement du 24 juin 1992 du tribunal de grande instance de Grenoble, que le jugement précisait que les sommes ne seraient dues au-delà de la majorité des enfants que tant qu’ils seraient à la charge de leur mère, et qu’il ressortait des éléments en possession du service que cette dernière n’avait plus d’enfant à charge en 2003 et 2004. Si l’administration a également précisé que M. Y. n’avait pas répondu à la demande de renseignement qui lui avait été adressée, elle ne peut être regardée comme ayant fondé les rehaussements litigieux sur cette absence de réponse, qui ne constituait qu’un motif surabondant.
La situation est ainsi différente de celle jugée par la CAA Paris dans son arrêt du 22 novembre 2011 N° 09PA05530, dans laquelle l’administration s’était fondée sur la seule absence de justification par le contribuable de la réalité des versements.
Voir dans un cas proche du nôtre, CAA Nantes, 12 juin 2014, N° 13NT02157, RJF 2014 n° 01075 ou CAA Douai, 30 décembre 2011, N° 10DA01266.
Nous vous proposons donc d’écarter le moyen.
M. et Mme Y. invoquent également la méconnaissance de l’article L76 B du Livre des procédures fiscales LPF, moyen opérant seulement concernant la remise en cause de la déduction, au titre des frais réels, de sommes versées dans le cadre de l’action en comblement de passif.
Pour remettre en cause cette déduction, l’administration s’était fondée sur différents jugements et arrêts dont il ressortait que M. Y. avait usé des biens de la société Générale Isolation et de ses pouvoirs d’une manière qu’il savait contraire à l’intérêt de cette société, à des fins personnelles ou pour favoriser d’autres sociétés dans lesquelles il était intéressé.
M. et Mme Y. ont demandé à l’administration de produire l’ensemble des jugements et arrêts dont elle avait fait mention dans la proposition de rectification. Ils font valoir que ne leur a pas été communiqué l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 29 avril 1999. Cet arrêt était seulement mentionné dans un autre arrêt envoyé par l’administration, en réponse à la demande de M. Y., en annexe de la réponse aux observations du contribuable. Toutefois, les pièces du dossier ne permettent pas d’établir que cette réponse a été régulièrement notifiée aux intéressés.
Mais, quoi qu’il en soit, il nous semble que vous pourrez écarter ce moyen, dès lors que l’arrêt en cause ne fait pas partie des documents que l’administration a l’obligation de communiquer.
Vous savez que l’administration n’a pas à informer les contribuables de l’origine et de la teneur des renseignements nécessairement connus par le contribuable (CE, 5 octobre 2005, n° 270341, Ministre c/ Blondeau ; CE, 2 novembre 2011, N° 322922) . Les obligations qui pèsent sur l’administration en matière de communication des documents sont toutefois plus lourdes, le fait que le contribuable connaissait nécessairement le document ne dispensant pas l’administration de le lui communiquer (CE 31 juillet 2009 n° 297308, 3e et 8e s.-s., Sté Financière François 1er : RJF 12/09 n° 01131, concl. E. Glaser BDCF 12/09 n° 141).
Mais, pour autant, l’administration n’est pas tenue de communiquer tous documents sur lesquels elle s’est fondée. C’est notamment le cas pour les informations librement accessibles au public (CE 3 mai 2011 n° 318676, 9e et 10e s.-s. ; CE, 2 février 2015 n° 371929, 3e et 8e s.-s. : RJF 4/15 n° 341, concl. V. Daumas BDCF 4/15 n° 23). Dans les conclusions sur la première affaire, qui concernait des informations figurant au registre du commerce et des sociétés, Pierre Collin indiquait qu’il n'existe pas alors, entre le contribuable et l'administration, d'asymétrie d'information ou d'asymétrie dans la capacité d'obtenir les renseignements. En l’espèce, l'organisme teneur du registre du commerce et des sociétés jouait un simple rôle d'intermédiaire entre l'entreprise dont les comptes sont consultés et l'administration fiscale, et il n'existait pas alors d'enjeu au regard de la loyauté du débat fiscal.
L’arrêt de la cour d’appel de Grenoble, rendu en audience publique, est mis à disposition du greffe. Et le code de procédure civile prévoit, en son article 451, que les tiers sont en droit de se faire délivrer copie des jugements prononcés publiquement. Il s’agit donc d’un document librement accessible au public. Ici, M. Y., qui n’était d’ailleurs pas tiers mais partie à l’affaire, n’allègue aucun refus par l’autorité judiciaire de communiquer cet arrêt (réserve faite sur ce point par le CE dans sa décision du 30 mai 2012, Ministre c/ SAS Aficom, N° 345418, s’agissant de la copie de données obtenues sur des sites Internet, compte tenu notamment du fait que la possibilité d’accès à ces documents a pu évoluer au fil du temps) .
Il n’y a donc pas eu en l’espèce de méconnaissance de l’obligation posée à l’article L76 B du livre des procédures fiscales.
Enfin, M. et Mme Y. contestent le bien-fondé d’un seul des rehaussements, à savoir celui résultant de la remise en cause de la déduction des pensions alimentaires versées par M. Y. à ses enfants majeurs.
En vertu du 2° du II de l’article 156 du Code général des impôts CGI sont déductibles les « pensions alimentaires versées en vertu d’une décision de justice ».
S’agissant de déductions, la charge de la preuve nous paraît incomber au contribuable (voir pour l’application de ces dispositions CAA Marseille, 13 octobre 2009, N° 07MA00593 ; en matière de déductions de pensions alimentaires pour des ascendants dans le besoin, CE, 5 février 1993, N° 90817) .
Mais, en tout état de cause, l’administration apporte ici des éléments de nature à remettre en cause la déduction opérée par M. Y.. Elle fait valoir que le jugement du TGI de Grenoble du 24 juin 1992 prévoyait que le versement d’une pension alimentaire n’était du, au-delà de la majorité des enfants que tant qu’ils seraient à la charge de leur mère, et qu’il ressortait des déclarations fiscales de la mère des enfants que ceux-ci n’étaient plus à sa charge. Par ailleurs, le montant déduit ne correspond pas à celui fixé par le jugement. M. Y. n’apporte aucune précision et ne produit aucun document permettant de justifier que ses enfants majeurs seraient toujours à la charge de leur mère et qu’ainsi, la pension alimentaire serait versée en vertu d’une décision de justice.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.