Indemnisation de travaux indûment exécutés sur le domaine public

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Décision de justice

CAA Lyon, 4ème chambre – N° 09LY01183 – Communauté urbaine de Lyon – 17 février 2011 – C

Arrêt annulé par le Conseil d'Etat : CE - 4 juillet 2012 - N° 348581

et renvoyé à la CAA de Lyon sous N°12LY01776 - jugé le 5 février 2013 - C : arrêt confirmé en cassation voir CE N° 367413 jugé le 5 mars 2014

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 09LY01183

Numéro Légifrance : CETATEXT000023662771

Date de la décision : 17 février 2011

Code de publication : C

Index

Mots-clés

Domaine public, Arrêté de péril, Maire, Dépendance nécessaire de la voie publique, Accessoire indispensable, Mur de soutènement, Enrichissement sans cause

Rubriques

Propriétés publiques

Résumé

ARRET CAA Lyon du 5 février 2013

En premier lieu, que la demande de M. et Mme B. et les sociétés Elmas et Les Grillons est fondée sur l’enrichissement sans cause de la communauté urbaine de Lyon, résultant du fait que cette dernière aurait dû normalement assumer le coût des travaux de réparation du mur bordant la chemin de Creuse ; par suite, les demandeurs, qui fondent donc leur action sur ce régime de responsabilité sans faute, n’excipent pas de l’illégalité d’une quelconque décision, et notamment de l’arrêté de péril précité du 10 mai 2001 du maire de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or ; la demande est dirigée contre la communauté urbaine de Lyon, et non contre cette commune ; en conséquence, cette communauté urbaine ne peut utilement faire valoir que le caractère définitif dudit arrêté de péril du 10 mai 2001 du maire ferait obstacle à sa condamnation.

En deuxième lieu, qu’il appartient au juge administratif de se prononcer sur l’existence, l’étendue et les limites du domaine public, même en l’absence d’acte administratif délimitant ce domaine, sauf à renvoyer à l’autorité judiciaire la solution d’une question préjudicielle de propriété lorsque, à l’appui de la contestation, sont invoqués des titres privés dont l’examen soulève une difficulté sérieuse.

Aucun titre de propriété faisant apparaître que le mur en litige serait implanté à l’intérieur de la propriété de la société Elmas n’est versé au dossier ; il résulte de l’instruction que ce mur a été construit au moment de la réalisation du chemin de Creuse, laquelle a été effectuée en creusant le talus en forte pente coupant le tracé choisi pour l’assiette du chemin ; que, s’il a ainsi pour objet de maintenir les terres de la propriété appartenant à la société Elmas, le mur a également pour objet d’empêcher la chute de matériaux provenant de cette propriété et ainsi de protéger les usagers du chemin de Creuse ; la circulation sur cette voie a d’ailleurs dû être interrompue à la suite de l’éboulement précité de terrain du 11 mars 2001 ; dans ces conditions, le mur litigieux, qui continue de border la voie au-delà de ladite propriété, doit être regardé comme un accessoire nécessaire de la voie communale et, en l’absence de titre en attribuant la propriété à la société Elmas ou à un tiers, comme appartenant au domaine public de la communauté urbaine de Lyon, sans qu’y fasse obstacle la circonstance que le mur soit couronné d’une balustrade sur une partie de sa longueur.

En troisième lieu, si l’action fondée sur l’enrichissement sans cause présente un caractère subsidiaire, la circonstance que M. et Mme B. et les sociétés Elmas et Les Grillons pourraient exercer une action en responsabilité à l’encontre de la commune de Champagne-au-Mont-d'Or, en raison de la faute commise par le maire de cette commune en imposant à M. B., par son arrêté de péril du 10 mai 2001, de prendre en charge les travaux de réparation d’un mur appartenant en réalité au domaine public, n’est pas susceptible de faire échec à la présente demande de condamnation de la communauté urbaine de Lyon, laquelle constitue le débiteur normal des frais exposés pour la réparation du mur.

En dernier lieu, les travaux de réparation du mur présentaient, à la suite de l’éboulement survenu le 11 mars 2001 qui a interrompu la circulation sur le chemin de Creuse, un caractère d’urgence ; la communauté urbaine de Lyon a fait preuve de carence en laissant une personne privée exécuter des travaux qu’elle aurait dû normalement prendre en charge et dont elle ne pouvait légitimement ignorer la nécessité ; dès lors, la communauté urbaine de Lyon ne peut faire valoir qu’elle n’a pas consenti auxdits travaux.

Conclusions du rapporteur public

Geneviève Gondouin

Rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.5861

M. et Mme B ont une propriété à Champagne-au-Mont-d’Or, « La Châtaigneraie » qui, sur sa limite ouest, surplombe de 4 mètres avec un mur de soutènement en pierre le chemin vicinal n° 05, dit « chemin de Creuse ».

Depuis quelques années ce mur ancien génère quelques litiges : ainsi ressort-il du dossier de première instance que M. Joseph B avait saisi le président du TA de Lyon en juin 2000 d’une demande de référé expertise à la suite d’un éboulement d’une zone de parement inférieur de ce mur durant l’hiver 1999-2000. M. B imputait cet évènement aux différents réseaux situés sous le chemin (égout relevant de la COURLY, téléphone de France Télécom et canalisations d’alimentation en eau relevant de la Cie générale des eaux). L’expert, M. Christian R avait conclu que la cause du dommage était vraisemblablement liée à la poussée des terres situées derrière l’ouvrage, sans lien de causalité avec les travaux effectués sous la chaussée dont les plus récents dataient, alors (en 2001) d’au moins 10 ans. Toutefois, notait-il, la murette latérale du caniveau réalisée il y a une 20aines d’années par la COURLY est une circonstance aggravante. Le relevé du caniveau gênant le libre écoulement des barbacanes a pu contribuer à hauteur de 10 % à l’écroulement de la zone concernée.

Le 11 mars 2001, le mur s’effondre sur une vingtaine de mètres, aussi le maire interdit-il temporairement la circulation automobile et piétonne sur le chemin de Creuse.

Nommé par ordonnance du juge du tribunal d'instance de Lyon le 19 mars 2001, l’expert, M. R, constate dans son rapport déposé une semaine plus tard « qu’il existe un danger effectif de voir le mur s’écrouler en d’autres zones et que la hauteur du mur sur la chaussée et la potentialité de son écroulement constituent donc un danger grave réel pour les personnes ».

Le maire prend alors, le 10 mai 2001, un arrêté mettant en demeure M.B. de faire procéder d’urgence aux travaux de déblaiement, de réparation et de consolidation nécessaires du mur de soutènement et ce sur la longueur totale du mur afin de faire cesser le péril.

L’arrêté de péril précise que ces travaux devront être exécutés dans le délai de 3 mois afin que la voie puisse être réouverte à la circulation normale.

M.B. fait procéder à des travaux (enlèvement des gravats, nettoyage de la chaussée, dévégétalisation à l’arrière du couronnement du mur, curage des barbacanes) ; des inspections ont lieu régulièrement, et les travaux prescrits sont mis à la charge de M. B.

Ce dernier a dû également saisir un expert géotechnique, M.B., sur les conseils du maire de Champagne-au-Mont-d’Or (« l’ouvrage étant situé dans une zone à risques géologiques au POS, les travaux devront faire l’objet d’une étude géotechnique préalable à toute autorisation », lettre du 24 avril 2001).

Cet expert conclut son rapport (septembre 2001) par des « remarques d’ordre juridique » : « Le droit ou l’usage veut qu’un mur de soutènement appartient au propriétaire des terres qu’il soutient. En toute rigueur, et même si l’on accepte de qualifier le mur sinistré de mur de soutènement, il appartiendrait donc à M. B de prendre en charge le coût des travaux de confortement. Or, nous avons vu (…) que le chemin de Creuse a été taillé en déblai d’où son nom. Si ce chemin a été réalisé, probablement avant ou au cours du XIXème siècle, c’est bien évidemment pour créer dans ce secteur une voie de communication d’utilité publique entre le plateau de Champagne-au-Mont-d’Or et le chemin des rivières situé au nord. Seule une collectivité publique a donc pu décider et prendre en charge l’aménagement d’un tel chemin. On peut donc considérer que c’est elle, à l’époque, qui a construit un ouvrage qui s’avère aujourd’hui fragile, voire dangereux. On ne voit d’ailleurs pas pourquoi le propriétaire à l’époque du terrain appartenant aujourd’hui à M. Boghossian aurait éprouvé le besoin de construire un tel ouvrage alors que l’accès à la propriété se fait au sud à partir de la rue Dominique Vincent.  Dans ces conditions, la collectivité publique responsable aujourd’hui du chemin de Creuse pourrait donc prendre en compte, au moins partiellement, le coût des travaux de confortement nécessaires ».

Par courrier du 1er juin 2004 (LRAR) M.B. informe le maire que le mur étant une dépendance accessoire du DP, la commune est seule responsable, qu’il n’entend plus réaliser de travaux et demande le remboursement des frais engagés, « soit environ la somme de 75 000 € ».

Le 15 mars 2007, M. et Mme B, la SA Elmas et la société « Les Grillons » saisissent le TAL d’une demande tendant à la condamnation de la COURLY à leur verser la somme de 48 318, 19 € assortie des intérêts légaux à compter de leur demande préalable avec capitalisation des intérêts + FNCD.

Le tribunal administratif donne satisfaction à M. et Mme B (quid des autres ?) à hauteur de 44 994, 44 € outre intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2004, et capitalisation des intérêts échus à compter du 15 mars 2007. Il met également à la charge de la COURLY les frais d’expertise liquidés et taxés à la somme de 2942, 63 €, ainsi que 800 € au titre des FNCD.

Tout d’abord, la circonstance que M. et Mme B n’aient pas contesté à temps l’arrêté de péril leur enjoignant de faire certains travaux ne saurait leur interdire de demander le remboursement des sommes indûment versées. Car toute leur argumentation consiste à dire qu’ils n’avaient pas à payer les travaux en question dès lors que le mur ne leur appartenait pas, puisqu’il est une dépendance du domaine public. Ce qui revient, selon nous, à invoquer l’illégalité de cet arrêté à l’appui de leur demande.

Si un ouvrage, en effet, fait partie du domaine public, la procédure de l’arrêté de péril ne peut être mise en œuvre (CE 28 mars 1969, Dames F et G, req. 72678, Leb. 189, Concl. Kahn AJDA 1969, p. 359 – 20 février 1987, Epoux A, Concl. E. Guillaume, req. 72662 - 7 juillet 2006, Mlle J, req. 275241.

En l’espèce, les titres de propriété produits en 1ère instance qui sont relatifs au terrain et à l’habitation de M. et Mme B ne mentionnent pas le mur de soutènement. Aucun titre de propriété relatif à ce mur situé, comme il a été dit en bordure de propriété, n’est produit.

Il ne nous semble guère contestable que ce mur fait partie du domaine public, sur ce point la jurisprudence n’est pas avare d’exemples, s’agissant des murs de soutènement, des levées de terre qui leur servent d’assiette, des talus et murettes nécessaires à leur soutien et à la protection des chaussées, des barrières et murs de protection. Pour des exemples très proches de notre dossier : CE 22 février 1980, J et Mutuelle assurance artisanale de France, req. 12130, B, concl. B. Genevois – 23 mai 1980, Ville de Falaise, req. 04639 et, déjà cité, 7 juillet 2006, Mlle J.

« En application de la théorie de l’accessoire, note Jean Dufau dans son ouvrage sur le domaine public, sont considérés comme dépendances des voies publiques de nombreux éléments naturels ou artificiels compris dans l’emprise des routes et qui sont, en principe, nécessaires à la conservation et à l’exploitation des routes, ainsi qu’à la sécurité et à la commodité des usagers ».

Si ce mur fait partie du domaine public, il n’appartient effectivement pas aux époux B de l’entretenir ni de procéder aux travaux rendus nécessaires par sa dégradation.

Aux termes de l’article L5215-28 du CGCT : « Les immeubles et meubles faisant partie du domaine public des communes appartenant à l'agglomération sont affectés de plein droit à la communauté urbaine, dès son institution, dans la mesure où ils sont nécessaires à l'exercice des compétences de la communauté. Le transfert définitif de propriété ainsi que des droits et obligations attachés aux biens transférés est opéré par accord amiable. A défaut d'accord amiable, un décret en Conseil d'Etat, pris après avis d'une commission dont la composition est fixée par arrêté du ministre de l'intérieur et qui comprend notamment des maires et des conseillers généraux, procède au transfert définitif de propriété au plus tard un an après les transferts de compétences à la communauté urbaine (…) ». Aux termes du I de l’art. L. 5215-20 du même code : « La communauté urbaine exerce de plein droit, au lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : (…) création ou aménagement et entretien de voirie (…)

En application de ces dispositions, comme le relève le tribunal administratif de Lyon, la voirie du territoire de la commune de Champagne-au-Mont-d’Or relève de la propriété et des attributions de la Communauté urbaine de Lyon, constituée en 1969.

Il nous semble, dès lors, que les premiers juges n’ont pas eu tort de faire droit à la demande des époux B. en mettant à la charge de la COURLY la somme de 44 994, 44 € avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 2004 et capitalisation des intérêts échus au 15 mars 2007, ainsi que les frais de l’expertise.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

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