Effet conjugué de la suspension par le juge des référés administratifs et de la condamnation pénale sur le recours tendant à l’annulation de la suspension administrative d’un permis de conduire

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Décision de justice

CAA Lyon – N° 10LY00112 – 4ème chambre – 07 avril 2011 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 10LY00112

Numéro Légifrance : CETATEXT000023945656

Date de la décision : 07 avril 2011

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Permis de conduire suspension administrative, suspension pénale, non lieu à statuer partiel

Rubriques

Police administrative

Résumé

Le recours tendant à l’annulation d’un arrêté préfectoral de suspension de permis de conduire devient partiellement sans objet pour la période de suspension administrative comprise entre la date de perte de l’effet exécutoire de cette décision, ordonnée par le juge des référés, et la date du jugement répressif suspendant judiciairement le même permis de conduire.

En l’espèce, par un arrêté en date du 18 juin 2008, le préfet du Rhône a suspendu le permis de conduire du requérant pour une durée de six mois en application des dispositions des articles L224-1 à L224-3 et L224-7 du code de la route.L’intéressé a alors saisi le juge administratif d’une double demande tendant d’une part à l’annulation de la décision susmentionnée et, d’autre part, à la suspension du caractère exécutoire de cette décision.
Par une ordonnance en date du 15 juillet 2008, le juge des référés saisi a prononcé la suspension de l’exécution de l’arrêté litigieux du 18 juin 2008 à compter du 1er septembre 2008 seulement, cette décision préfectorale produisant dès lors ses effets entre le 18 juin 2008 et le 31 août 2008 (2 mois et demi). Par ailleurs, par un jugement devenu définitif le 17 février 2009, le juge pénal a condamné l’intéressé notamment à la peine complémentaire de 2 mois de suspension de son permis de conduire à raison des mêmes faits, le caractère définitif du jugement répressif susmentionné entrainant notamment, en application des dispositions de l’article L. 224-9 du code de la route, la perte d’effet de l’arrêté préfectoral de suspension du permis de conduire litigieux. Dès lors, lorsque le juge administratif a statué le 1er décembre 2009 sur le recours en annulation de l’arrêté préfectoral de suspension du permis de conduire litigieux, celui-ci était devenu partiellement sans objet en tant que ladite décision prononçait la suspension du permis de conduire de l’intéressé au-delà des deux mois et demi, soit pour la période comprise entre le 1er septembre 2008 (date de la prise d’effet de la suspension, ordonnée par le juge des référés, du caractère exécutoire de l’arrêté) et le 17 février 2009 (date à laquelle le jugement pénal prononçant la suspension judiciaire du PC est devenu définitif).

Conclusions du rapporteur public

Geneviève Gondouin

Rapporteur public à la Cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.5857

Le 18 juin 2008, M. S qui roule en voiture sur le Boulevard Laurent Bonnevay à Lyon fait l’objet d’un contrôle. Sa vitesse est de 107 km /h, alors que la vitesse maximale autorisée est limitée à 50 km /h.

En application de l’article L224-7 du code de la route, le préfet du Rhône suspend la validité de son permis de conduire pour 6 mois.

Aux termes de cet article :  « Saisi d'un procès-verbal constatant une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, le représentant de l'Etat dans le département où cette infraction a été commise peut, s’il n’estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l’interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n’en est pas titulaire…  »

L’article L. 224-8 précise quant à lui : « La durée de la suspension ou de l'interdiction prévue à l'article L. 224-7 ne peut excéder six mois. Cette durée est portée à un an en cas d'infraction d'atteinte involontaire à la vie ou d'atteinte involontaire à l'intégrité de la personne susceptible d'entraîner une incapacité totale de travail personnel, de conduite en état d'ivresse ou sous l'empire d'un état alcoolique, ou de délit de fuite. …»

M. S conteste cet arrêté du 18 juin 2008 devant le TAG dès le 25 juin suivant.

Il présente en même temps une demande de référé suspension. Le juge des référés, par ordonnance du 15 juillet 2008, ordonne la suspension de l’exécution de la décision du 18 juin 2008 à compter du 1er septembre 2008, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision.

Puis, par un jugement du 1er décembre 2009, le TA annule cet arrêté du 18 juin 2008 au motif qu’il est entaché d’erreur manifeste d’appréciation. Pour parvenir à cette solution, le premier juge note que l’administration ne conteste pas les affirmations de l’intéressé selon lesquelles il n’a commis, auparavant, aucune infraction en 13 ans de conduite et estime que si la gravité de l’infraction justifiait une mesure de suspension provisoire, elle ne justifiait pas 6 mois de suspension.

Le MINISTRE DE L’INTERIEUR relève appel de ce jugement par son recours enregistré le 20 janvier 2010.

Vous noterez, qu’invité à régulariser son mémoire en défense présenté sans avocat, M. S indique qu’il ne souhaite pas prendre d’avocat puisqu’il a déjà fait l’objet d’un jugement pénal par le tribunal de police qui lui a infligé une amende contraventionnelle de 400 € et 2 mois de suspension du permis de conduire (du 18 /06/ 2008 au 18 /08/ 2008).

Or l’arrêté du 18 juin 2008 comportait un article 2 ainsi formulé : « La présente décision cessera d’avoir effet lorsque sera exécutoire une décision judiciaire prononçant pour la même infraction une mesure restrictive du droit de conduire. Elle sera considérée comme non avenue en cas d’ordonnance de non-lieu ou de jugement de relaxe ou lorsque sera définitive une décision judiciaire ne prononçant pas effectivement pour la même infraction de mesure restrictive du droit de conduire ».

Ce qui revient à reprendre une partie de l’article L224-9 du code de la route.

Pour résumer, la suspension du permis de conduire de M. S n’a été effective que pendant deux mois et demi, compte tenu d’une part de l’ordonnance du juge des référés du TAG, d’autre part du jugement du tribunal de police devenu définitif le 17 février 2009.

Normalement, il y a indépendance des procédures administrative et pénale et le CE retient qu’une décision judiciaire intervenue postérieurement à la décision préfectorale portant suspension du permis de conduire et la confirme ne rend pas sans objet le recours formé devant le JA contre la décision préfectorale : 25 mai 1990, B req. 86046 et G, req. 99216).

Ce qui est particulier en l’espèce c’est que la suspension du permis de conduire a été partiellement suspendue par le juge des référés.

Par conséquent, lorsque le TAG a statué au fond, le 1er décembre 2009, la suspension du permis de conduire avait cessé de produire des effets depuis le 1er septembre 2008, puis la mesure de suspension au-delà des deux mois a elle-même disparu avec le jugement du tribunal de police (non avenue ?)

Le TA aurait dû prononcer un non-lieu à statuer à l’encontre de l’arrêté contesté en tant qu’il prononçait la suspension au-delà de deux mois et demi (18 juin – 31 août 2008).

Le jugement attaqué est donc irrégulier dans cette mesure, vous évoquerez après l’avoir annulé.

Pour le reste, vous ne pourrez par hypothèse faire vôtre le raisonnement du premier juge. Pour l’excès de vitesse commis, infraction pouvant déboucher sur une suspension du permis en vertu du code de la route, a été infligée une suspension de presque deux mois et demi, mesure qui n’est en rien entachée d’erreur manifeste d’appréciation (CE 5 décembre 1979, M-B req. 10022, A).

En outre, comme il a été précisé, le juge pénal ayant reconnu coupable M. S de l’excès de vitesse relevé à son encontre, celui-ci ne peut guère utilement invoquer les conditions de son interpellation ou les mentions portées sur le P.V.

Par ces motifs, nous concluons à l’annulation du jugement attaqué, à ce que soit prononcé un non-lieu à statuer sur la demande dirigée contre l’arrêté contesté en tant qu’il prononce une mesure de suspension au-delà du 31 août 2008, et au rejet du surplus des conclusions.

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