On présente ici les principes techniques et scientifiques relatifs à la conception et à l’implantation d’éoliennes, ainsi que les aspects scientifiques de leurs nuisances qui pourraient se trouver au cœur de ces futurs contentieux. On décrira ainsi tout d'abord les éléments constitutifs d'un aérogénérateur (I). On limitera toutefois cette description au type d'aérogénérateur majoritairement implanté dans les projets récents et en cours, à savoir l'aérogénérateur à axe horizontal. On évoquera ensuite l'aspect scientifique technique de la conception des parcs d'éoliennes (II). On abordera enfin les impacts environnementaux que peuvent présenter les parcs d'éoliennes (III).
I. Architecture d'un aérogénérateur à axe horizontal
Les trois éléments principaux d'un aérogénérateur à axe horizontal sont le mât, la nacelle et le rotor, constitué d'un certain nombre de pales et du moyeu (Fig. A1).
Le rotor a pour fonction de capter l’énergie cinétique du vent pour la transformer en énergie mécanique. Dans leur très grande majorité, les aérogénérateurs comportent trois pales, même si quelques constructeurs proposent des éoliennes à deux pales seulement. On montre en effet de manière théorique que la puissance produite diminue lorsque le nombre de pales augmente. On devrait par conséquent préférer des aérogénérateurs à une seule pale, mais il s'avère qu'une conception à une seule pale se traduit par de fortes contraintes mécaniques sur l'arbre. Les éoliennes à deux pales ont quant à elle tendance à présenter des instabilités mécaniques (la rotation ne s'effectue pas dans un plan, les extrémités des pales ne décrivent pas un cercle mais, en exagérant, une ellipse dont les axes ne sont d'ailleurs pas parfaitement identiques d'un tour à l'autre) qui nuisent à la durabilité de l'équipement. Un nombre de pales égal à trois constitue ainsi un bon compromis entre diverses contraintes techniques.
La nacelle abrite principalement le système de transformation de l’énergie mécanique en énergie électrique, ainsi que différents accessoires. En particulier, le frein permet d’immobiliser le rotor au cours des opérations de maintenance ou d’éviter son emballement en cas de vent fort. Le multiplicateur sert à augmenter la vitesse de rotation de la génératrice électrique si le vent est proche de la limite inférieure de fonctionnement, en améliorant la génération du courant électrique. Les autres accessoires sont des systèmes de régulation et de contrôle électronique pour la sécurité (par exemple un dispositif empêchant la nacelle de faire plusieurs tours sur l'axe que constitue le mat, sans quoi les câbles électriques pourraient se rompre) , un système de mesure de la vitesse du vent et une girouette, des ventilateurs et radiateurs, des systèmes de stockage d'huile et de lubrification, etc.
Crédits : Mathieu Clabaut, licence CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons
Fig. A1. Schéma d'un aérogénérateur à axe horizontal
Le mât a bien sûr pour fonction première de supporter l’ensemble rotor + nacelle. Au-delà de cette fonction, il permet aussi de placer le rotor à une hauteur suffisante pour éviter que le flux d'air ne soit capté dans la partie la plus basse d'une zone aérodynamique appelée " couche limite" au sein de laquelle la vitesse de l'air est très variable, et plus faible que hors de la couche limite. La hauteur de la couche limite dépend de plus des obstacles, de la "rugosité" (à l'échelle topologique considérée, les arbres ou des bâtiments d'une ou deux dizaines de mètres constituent une simple rugosité). Ainsi, la hauteur du mât est normalement adaptée à chaque site d’implantation ; elle peut atteindre 150 m sur certains sites. On distingue principalement trois types de mâts :
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mât haubané : simple de construction, limité à des engins de puissance faible ou moyenne, il requiert une emprise au sol plus importante que les autres types. Il est possible de coucher l'éolienne lors d'événements météorologiques extrêmes (tempête, cyclone, …)
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mât en treillis : il est également simple de construction mais plus robuste que le mât haubané, ce qui permet son utilisation pour des puissances plus élevées que le mât haubané. Les mâts en treillis sont contestés pour leur aspect inesthétique, comparable à des pylônes pour les lignes électriques haute tension.
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mât tubulaire : bien que de construction plus complexe, c'est la technologie la plus courante en France. Le mât tubulaire permet d’abriter certains dispositifs de régulation ou de commande, et apporte une protection évidente aux personnels chargés de la maintenance qui doivent grimper jusqu’à la nacelle (installation aisée d’une échelle voire d’un ascenseur intérieur).
II. Conception de parcs d'éoliennes
La conception d'un parc d'éoliennes est une opération d'ingénierie complexe qui requiert de déterminer des compromis techniques, économiques et environnementaux rarement évidents. D'une manière générale, le fonctionnement des éoliennes doit être le moins possible perturbé par des phénomènes météorologiques (neige, givre, orages, grêle, tempêtes de sable). La composition de l’atmosphère, qui est influencée par la pollution, la brume, le brouillard, affecte en effet le rendement des éoliennes. La corrosion, accélérée par une forte concentration en sel dans des régions côtières, peut dégrader rapidement les parties métalliques des éoliennes, tandis que le sable peut entraîner des dommages dans la nacelle. Enfin, l'implantation doit être choisie en fonction de la qualité du gisement éolien (1), de la topologie du terrain qui influence le profil de vitesse local du vent et, in fine, la hauteur du mât (2).
1. Analyse du gisement éolien
Les projets éoliens passent nécessairement par l'identification de zones géographiques propices en termes de fréquence et d'orientation du vent. Le vent est en effet caractérisé à un instant donné par sa vitesse (exprimée en m/s de préférence au km/h : 1 m/s = 3,6 km/h) et sa direction, mesurée en degrés par rapport au Nord ou plus souvent par les orientations cardinales.
Des atlas des vents (Fig. A2) rapportent la vitesse moyenne du vent sur l'année sur une zone géographique donnée, comme celui publié par le DTU (Denmark Technical University) sous la forme d'un site internet interactif. Cet atlas interactif permet de plus d'évaluer la vitesse moyenne en fonction de l'altitude au-dessus du niveau du sol.
Crédits : licence Creative Commons CC BY 4.0
Fig. A2. Atlas DTU. France, altitude = 50m (gauche) ou 100 m (droite) au-dessus du niveau du sol
Lorsqu'une zone géographique semble favorable pour sa vitesse moyenne de vent élevée, on étudie sa rose des vents, qui représente le nombre d'heures cumulées généralement sur un mois (ou le pourcentage de temps) pendant lesquelles le vent souffle à une vitesse comprise dans différents intervalles, ainsi que son orientation. Une telle rose des vents doit être obtenue par une observation détaillée au moyen de mesures sur site pendant une durée suffisante de plusieurs semaines voire de plusieurs mois, à différentes altitudes.
La Fig. A3 représente, à titre d'illustration, la rose des vents sur la commune de Grand-Rozoy (Aisne) telle que présentée dans l'étude d'impact d'un projet d'implantation d'un parc d'éoliennes (document consultable sur le site internet de la préfecture de l'Aisne). Cette rose des vents montre immédiatement que le vent à Grand-Rozoy est d'une orientation très peu variable (plus de 170 heures, et la grande majorité du temps où le vent souffle, sur une orientation Sud, Sud-Sud-Ouest, ou Ouest-Sud-Ouest), d'une vitesse presque toujours supérieure à 5 m/s (soit 18 km/h). Ce type de rose des vents est très favorable à l'implantation d'éoliennes car elles fonctionneront souvent, dans de bonnes conditions de vent, sans devoir trop changer d'orientation. À l'inverse un rose des vents ne montrant pas de vents dominants, des vitesses fréquemment trop faibles ou trop fortes, ou des vitesses trop variables, révèlent des sites peu favorables à l'implantation d'éoliennes.
Crédits : mesure au mât de Grand Rozoy de décembre 2013 à février 2015 à 82m, corrélée avec la référence long terme MERRA sur la période 1983-2015
Fig. A3. Rose des vents sur la commune de Grand-Rozoy (Aisne)
2. La hauteur de mât, un paramètre dépendant fortement de la topologie du terrain
Le vent est très sensible à la topologie du terrain. On représente schématiquement la variation de la vitesse d'un vent arrivant de la mer avec une vitesse de 6 m/s au fur et à mesure qu'il avance sur les terres. On remarque qu'en moyenne, la vitesse du vent diminue lorsqu'il s'éloigne de la côte, selon l'évolution de la ligne pointillée. Toutefois, il existe de fortes variations autour de la valeur moyenne : la ligne continue représente ces variations, induites par la présence d'arbres, d'un lac, d'une colline, etc.
Au-delà de l'évolution de la vitesse moyenne du vent lors de sa progression dans les terres, il est utile d'évaluer, en un point donné du terrain, l'évolution de la vitesse du vent en fonction de la hauteur par rapport au sol, dans la couche limite évoquée dans la partie I. On appelle « profil de vitesses » la courbe représentant la vitesse en fonction de l'altitude. On représente le profil de vitesses pour différents types de terrain et pour une même vitesse géostrophique (= hors de la couche limite, loin des perturbations et rugosités – cet exemple est tracé pour un vent de vitesse 20 m/s à 1000 m d'altitude). Il est montré combien l'implantation d'éoliennes est favorable en plaine (et par conséquent en offshore) et combien la ville est peu favorable à l'accueil d'éoliennes. Par exemple, pour cette vitesse géostrophique, pour obtenir une vitesse de 12 m/s, il suffit d'un mât d'une cinquantaine de mètres en plaine, mais de 200 m en bocage. Cette vitesse requiert une hauteur qui n'est quant à elle pas envisageable pour une implantation en forêt ou en ville.
Enfin, plus dans le détail, certains effets topologiques sont bien référencés et favorables ou défavorables à l'implantation d'éoliennes. Le plus remarquable est sans doute l'existence d'un phénomène de « survitesse » au passage d'obstacles de hauteur supérieure à la rugosité, comme des collines. On constate en effet une accélération de l'air dans la partie inférieure de la couche limite, dont il peut être utile de tirer parti. Ceci illustre par exemple pourquoi on préférerait construire des éoliennes sur la crête d'une colline ou d'une falaise, même si un tel choix est bien sûr contestable du point de vue de l'esthétique du paysage puisque l'éolienne est alors visible des deux versants.
III. Impact environnementaux potentiels des parcs d'éoliennes
En dépit de leur intérêt pour la transition énergétique vers les sources d'énergie renouvelables, les éoliennes sont susceptibles de générer des impacts notables sur l'environnement, ce qui justifie qu'elles soient soumises au régime des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE)1, avec un régime de déclaration ou d'autorisation selon la taille du mât ou selon la puissance électrique générée2. Ces impacts peuvent être visuels (1) ou acoustiques (2). Les éoliennes peuvent aussi poser des problèmes de cohabitation avec l'avifaune et les chiroptères (3). Enfin, divers autres impacts environnementaux ou problèmes de cohabitation généralement considérés comme moindres que les précédents méritent malgré tout d'être signalés (4).
1. Impact visuel
L’impact visuel des centrales éoliennes est certainement le plus important et le plus décrié. Au-delà d'un inévitable syndrome dit « NIMBY » (Not In My Back Yard), les réticences sont nombreuses car la structure des éoliennes est de taille imposante et visible de loin. Les populations voisines évoquent aussi des phénomènes d’éblouissement ou regrettent l'ombre pouvant être générée par les mâts, les nacelles et même les pales dans certaines conditions, parfois assez loin de l'installation.
Différentes institutions ont édicté des guides de bonnes pratiques qui exposent les configurations à privilégier ou à éviter pour limiter les impacts visuels de parcs d'éoliennes. La Fig. A4 reproduit certains extraits d'un tel guide produit par la DRAC de Lorraine et disponible sur le site internet du ministère de la Culture3.
D'une manière générale, il s'agit de favoriser les alignements et la régularité dans la disposition. Il s'agit aussi d'éviter des impressions « d'écrasement » des éléments du paysage ou du patrimoine semblant de petite taille par rapport aux installations.
Crédits : licence open source etalab-2.0 Drac Lorraine
Fig. A4. Extraits du guide de bonnes pratiques pour l'implantation d'éoliennes produit par la DRAC de Lorraine
2. Acoustique
Le bruit émanant d'une éolienne provient principalement de deux sources :
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le bruit d’origine mécanique, dû aux différents composants mécaniques (engrenages, roulements…) dans la nacelle ;
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le bruit aérodynamique, dû au frottement visqueux de l'air sur les pales et aux phénomènes de turbulence (ex. détachement régulier de vortex dans le sillage des pales).
Niveau sonore
Dans un premier temps, on peut analyser l'impact acoustique d'une éolienne à travers la simple utilisation de l'échelle de niveau sonore exprimé en dB(A), le décibel acoustique, qui est un indicateur global de la perception par des bruits par les humains. Cette échelle est fondée sur une description scientifique complète des ondes sonores (fréquence des ondes (à titre d'illustration, une onde ayant une fréquence de 440 Hz correspond au « la » fondamental en musique), pression acoustique, etc.), pondérée par une description empirique de la réception des sons par l'oreille humaine.
On peut donner quelques exemples de bruits de la vie courante et la valeur de niveau sonore en dB(A) sur l'échelle du bruit : 20 dB(A) pour un vent léger ; 40 dB(A) dans une salle de séjour ; 70 dB(A) dans une salle de classe ; 95 dB(A) pour un klaxon automobile ; 140 dB(A) pour un avion au décollage. On admet que le seuil de la douleur est de 120 dB(A).
Lorsque des bruits s'additionnent, les niveaux sonores ne s'additionnent pas. Les deux règles principales de l'arithmétique du niveau sonore sont les suivantes :
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quand on additionne deux sources de même niveau sonore, le résultat global augmente de 3 décibels : 60 dB(A) + 60 dB(A) = 63 dB(A) ;
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si deux niveaux de bruit sont émis par deux sources sonores, et si l'une est au moins supérieure de 10 dB(A) par rapport à l'autre, alors le niveau sonore résultant est égal au plus élevé des deux (effet de masque) : 55 dB(A) + 65 dB(A) = 65 dB(A).
L'impact des infrasons (sons très graves, inaudibles par l'oreille humaine) sur les humains est connu pour avoir parfois des effets très négatifs (insomnie, troubles de l'humeur, céphalées, fatigue, palpitations cardiaques, vertiges, acouphènes, …). Toutefois, les études confirment que les émissions sonores des éoliennes ne génèrent pas de conséquences sanitaires directes (ni au niveau de l’appareil auditif ni sous l'effet de l’exposition aux infrasons)4.
Émergence
Au-delà du niveau sonore, la notion d'émergence est importante pour décrire la perception psychoacoustique d'un bruit. L'article R. 1336-7 du code de la santé publique définit l'émergence de la manière suivante :
« L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause ».
Les études d'impact exigées au titre de la législation sur les installations classées applicable aux éoliennes doivent systématiquement étudier spécifiquement les émergences sonores, et en fonctionnement, les installations ne doivent pas être à l'origine d’émergences supérieures à 5 dB(A) en la période diurne (7h00 - 22h00) et 3 dB(A) en la période nocturne (22h00 - 7h00), lorsque le bruit ambiant est supérieur à 45 dB(A)5.
Tonalité marquée de l'installation
N'importe quelle machine ou ensemble de machines a naturellement un son « caractéristique » (le conducteur habituel d'un véhicule distingue aisément le bruit de son véhicule de celui d'un même modèle utilisé dans les mêmes conditions), et les parcs d'éoliennes n'échappent pas à la règle. Par contre, il a été établi que certains sons peuvent présenter des caractéristiques constituant une gêne pour les humains, s'ils comportent une « tonalité marquée », c'est-à-dire l'existence d'une fréquence se démarquant très sensiblement des fréquences voisines par son intensité. La présence d'une tonalité marquée est définie de manière scientifiquement parfaite rigoureuse, quoiqu'assez absconse pour le non-spécialiste d'acoustique6.
Propagation du son
Dans un air stagnant, le son se propage sous forme de fronts d'onde sphériques à partir de son point d'émission. Les ondes s'atténuent au fur et à mesure qu'elles s'éloignent de l'émetteur. Ce phénomène d'atténuation, qui s'explique par une absorption de l'énergie acoustique par l'air, dépend de la composition de l'air, notamment son humidité, et de la température. De plus, son effet n'est pas homogène sur les composantes en fréquence du son : l'atténuation est rapide pour les fortes fréquences, lente pour les faibles fréquences. Les basses fréquences peuvent ainsi porter à plusieurs kilomètres, tandis que les sons à haute fréquence sont déjà fortement atténués à quelques dizaines de mètres.
La présence de végétation, même des arbres touffus qui feraient écran, n'augmente pas sensiblement l'absorption, mais le bruit des feuilles peut contribuer à masquer le bruit (cf. paragraphe i, sur l'addition de sources sonores).
Par contre, le vent influence sensiblement le trajet de la propagation du son. D'une manière générale, un vent contraire dévie le son vers le haut, un vent portant vers le bas. Ainsi, le bruit d'une éolienne est atténué au niveau du sol en amont de celle-ci, mais amplifié en aval.
Synthèse
L'analyse de l'impact acoustique de parcs d'éoliennes est une tâche particulièrement complexe, accessible à des bureaux d'études spécialisés, qu'il s'agisse d'établir une étude d'impact ou de confirmer qu'une installation existante respecte les exigences la concernant. On peut néanmoins esquisser une synthèse avec quelques indications chiffrées très globales, en fonction de la vitesse du vent (mesurée par convention à 10 m du sol) :
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pour des vitesses de vent inférieures à environ 4 m/s, le bruit généré par une éolienne est très faible, principalement dû aux équipements électriques et de ventilation.
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pour des vitesses comprises entre 4 m/s et 9 m/s, le bruit généré par l'éolienne dépend clairement de la vitesse : il augmente quand la vitesse augmente. Cette zone est sensible en termes de perception acoustique pour les riverains à quelques centaines de mètres de l'éolienne : le niveau sonore de l'environnement ne masque pas toujours le bruit de l'installation.
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au-delà de 9 m/s, le bruit de l'éolienne est relativement constant (indépendant de la vitesse du vent) et le bruit ambiant tend à masquer le bruit de l'éolienne.
3. Avifaune et chiroptères
Les éoliennes sont régulièrement dénoncées pour leur impact négatif sur la biodiversité, principalement l'avifaune et les chiroptères (chauves-souris). Ces animaux peuvent subir des atteintes directes (collisions, barotraumatismes, …) ou indirectes (dérangement, destruction d’habitat, ombres, vibrations dans les sous-sols qui affectent les insectes dont se nourrissent les espèces, etc.)
Avifaune
Les impacts sur l'avifaune des éoliennes généralement cités concernent le dérangement des oiseaux (effet épouvantail), la perte d’habitat (lorsque les oiseaux fuient la zone du fait du dérangement et/ou de la modification du milieu qui dégrade leurs conditions de vie), et la mortalité directe (collision avec les pales, ou projection au sol sous l'effet des mouvements d’air).
Les espèces affectées peuvent être des espèces nicheuses, des espèces migratoires traversant la zone considérée et l'utilisant éventuellement comme zone de stationnement (halte migratoire, etc.), ou des espèces hivernantes.
Le dérangement et la perte d'habitat sont décrits de manière contrastée dans la littérature scientifique. Certes, des réactions d’évitement sont souvent décrites. Elles semblent plus fortes pour les oiseaux hivernants ou en halte migratoire que pour les oiseaux nicheurs7, mais précisément parce qu'ils migrent ou hivernent, ils utilisent plus volontiers des sites alternatifs proches que les nicheurs8. Inversement, d'autres auteurs ne relèvent pas de signes marqués de dérangement ou d'évitement9 de la part des nicheurs ou d'hivernants. Le consensus scientifique n'est donc pas encore établi sur ces aspects sans doute difficiles à objectiver par des observations quantitatives massives.
En ce qui concerne la mortalité, une étude publiée par la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) a fourni en 2017 des résultats très détaillés d'un travail d'observation sur près de deux décennies10. On peut retenir qu'en moyenne, chaque éolienne tue 7 oiseaux par an, mais que les écarts d'un site à l'autre sont très importants (de 0,3 à 18). La proximité des zones Natura 2000 est un facteur de surmortalité. Par ailleurs, les oiseaux migrateurs sont les plus impactés (60% des cadavres retrouvés), ainsi que les rapaces nicheurs.
Les promoteurs de l'énergie éolienne insistent, par comparaison, sur le nombre d'oiseaux tués par les chats domestiques et errants : les chats tuent plusieurs millions d'oiseaux alors que les éoliennes ne tueraient "que" quelques dizaines de milliers d'oiseaux. Cette comparaison ne prend toutefois pas en compte le fait que les victimes des éoliennes sont plus souvent des espèces menacées ou protégées que les oiseaux victimes des chats.
Chiroptères
Les chauves-souris sont très nombreuses dans les espaces naturels. Elles sont, à l'instar des oiseaux, sujettes aux effets de l'installation des parcs d'éoliennes. Un peu plus d'une trentaine d'espèces sont endémiques en France. Le nombre d'individus et le nombre d'espèces est plus restreint dans les régions du sud que dans les régions du nord de la France. La population de chauves-souris est en très net déclin depuis plusieurs décennies. Par exemple, selon Naturefrance (service public d'information sur la biodiversité), la population totale de chiroptères en France a diminué de 54% entre 2006 et 2019.
Comme pour les oiseaux, on doit distinguer la mortalité directe (par collision ou projection au sol, mais aussi, dans le cas des chauves-souris, par barotraumatisme lié à la dépression de l'air à proximité des pales en fonctionnement, phénomène pouvant être mortel pour des espèces de petite taille) et les atteintes indirectes (dérangements, perte d'habitat, etc.). On doit de plus distinguer les espèces migrantes et les espèces résidentes.
Une étude suivant une méthodologie comparable à celle suivie par la LPO pour étudier la mortalité des oiseaux a été publiée par le Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec11. Cette étude évalue la mortalité moyenne à environ 15 par an et par éolienne. Il existe de grandes disparités entre les sites observés sur le continent Nord-Américain. Les auteurs de cette étude soulignent que l'activité des chauves-souris se concentre principalement sur des périodes sans vent ou à des très faibles vitesses de vent. C'est pourquoi le seuil de vitesse de démarrage des éoliennes a une grande influence sur la mortalité : augmenter la vitesse seuil de 4 m/s (recommandée par le fabricant de l'éolienne) à 5,5 m/s réduit la mortalité de 50%.
Des recommandations pour améliorer la qualité de l'évaluation des impacts des projets éoliens sur les chiroptères ont été émises par l'UNEP/Eurobats12. La Société Française pour l’Étude et la Protection des Mammifères (SEFPM)13 a produit un ensemble de guides comportant des recommandations pour la prise en compte des chiroptères dans la planification des projets éoliens, la qualité des études d'impact (diagnostic chiroptérologique) et pour conduire des études de suivi des impacts des parcs éoliens terrestres sur les populations de chiroptères. Plus récemment, la SEFPM a produit une note technique sur la prise en compte des chiroptères dans des projets d'éoliennes à grand rotor ou à très faible garde au sol (altitude par rapport au sol de l'extrémité inférieure des pales, qui peut être d'à peine 10 m pour ces éoliennes à très faible garde), pour lesquelles les risques de collision avec des chiroptères sont très nettement augmentés.
4. Autres impacts
Interférences électromagnétiques et cohabitation avec les radars
La réflexion de signaux électromagnétiques sur les pales du rotor, du fait de son mouvement de rotation, peut provoquer des interférences avec les systèmes de télécommunication. Ceci peut affecter les réseaux de téléphonie mobile, la transmission radiophonique, ainsi que les radars civils ou militaires. Ces interférences, qui justifient l'existence d'une zone d'exclusion dans un rayon de 5 km autour des radars, peuvent affecter leur fonctionnement jusqu'à une vingtaine de kilomètres.
Cohabitation avec l'aviation
Outre les risques liés à la cohabitation avec les radars dont ont besoin les avions et les tours de contrôle pour leur bonne opération, les vols à basse altitude (militaires, ou de petits aéronefs civils) peuvent être mis en danger par des éoliennes dont le mât et/ou les pales seraient de trop grande dimension. Les éoliennes sont d'ailleurs normalement équipées d'un système de balisage (feux à éclats, blancs le jour et rouges la nuit)
Impact sur les eaux
L'impact de l'installation sur les eaux est généralement considéré comme modeste. Les impacts potentiels peuvent résulter de fuites accidentelles d'huile de lubrification, risque faible et d'ampleur limitée.
Pendant les travaux, les écoulements superficiels des eaux peuvent être modifiés, mais une fois l'installation achevée, l'emprise des éoliennes est suffisamment faible pour ne pas affecter notablement les écoulements superficiels.
Les écoulements des eaux souterraines sont soumis à un risque en cas de fondations par pieux, mais pas en cas de fondations en béton qui restent très majoritaires.
Artificialisation des sols
L'impact modeste des éoliennes sur l'artificialisation des sols fait l'objet d'un relatif consensus. Par exemple, l'ADEME souligne que l'implantation d'éoliennes, même si elle se fait majoritairement sur des terres agricoles, n'interdit pas la coexploitation, y compris dans la zone d'un diamètre de 400 m autour du mât qu'elle définit pour quantifier l'artificialisation induite par l'éolienne. La surface agricole affectée aux éoliennes s'élève ainsi aujourd'hui à environ 215 000 ha14. En 2050, compte tenu de l'évolution de la part de l'éolien terrestre dans le mix énergétique national, cette surface artificialisée pourrait atteindre 800 000 ha, soit environ 3% des surfaces agricoles (27 millions d'hectares15).
L'association négaWatt évoque également les pistes d'accès aux éoliennes, dont les exigences techniques liées à la taille et à la charge des engins devant accéder à l'installation imposent une largeur de 5 mètres, une faible pente et des courbures adaptées16. Sauf exception (portions pentues ou des sols de qualité insuffisante), ces pistes participent naturellement à l'artificialisation, mais pas à l'imperméabilisation, car elles sont constituées d’un mélange de graves concassées. Finalement, l'association retient une emprise au sol de l'ordre de 0,5 ha par éolienne en phase d'exploitation, valeur bien inférieure à la valeur utilisée par l'ADEME pour son décompte basé sur un diamètre de 400 m, soit une surface de 12,6 ha. NégaWatt évalue la consommation annuelle de béton nécessaire à l'installation d'éoliennes à environ 0,5% de la production annuelle de béton en France, et souligne que ce béton est inerte (pas d'impact sur la qualité des sols environnants) et recyclable en fin de vie de l'éolienne. De même, à l'encontre d'une idée très courante (parfois répandue à dessein, ce qu'on peut qualifier de fake news), les pales ne sont pas enfouies dans le sol au moment du démantèlement. Ceci serait d'ailleurs contraire aux dispositions de la loi AGEC17, qui a prévu l'interdiction, à partir du 1er janvier 2022, de l'enfouissement des déchets valorisables. Or, les pales d'éoliennes peuvent être transformées en combustibles solides de récupération (CSR) étant possible, ce qui les rend a minima valorisables pour la production de chaleur. Elles peuvent aussi être réutilisées, en étant vendues pour une deuxième vie à l'étranger. Pour ce qui est du recyclage, leur composition (fibre de carbone, fibre de verre) devrait être propice au broyage pour une réutilisation (fabrication de mobilier urbain, de skate-boards, …) mais la résine thermodurcissable qui maintient les fibres est difficilement séparée de celles-ci. La recherche et l'innovation technologique par la filière industrielle de production des éoliennes progressent rapidement pour permettre, dans l'avenir, le recyclage des matériaux.