M. X. a été recruté par la commune de Y. en qualité d’adjoint technique. À compter de l’année 2014, il a exercé à titre personnel une activité de professeur de judo pour le compte du judo club local.
Par un courrier du 27 mai 2021, M. X. a été informé de l’engagement d’une procédure disciplinaire à son encontre. Par un arrêté du 8 juin 2021, notifié le 10 juin 2021, le maire de Y. lui a infligé la sanction du blâme au motif de l’exercice d’une activité accessoire non autorisée. Le 5 juillet 2021, M. X. a été informé de l’engagement d’une procédure visant au reversement des sommes perçues au titre de cette activité accessoire.
M. X. a formé un recours gracieux auprès du maire de la commune de Y., qui a été rejeté par une décision du 13 septembre 2021. Le 15 octobre 2021, cinq titres exécutoires ont été émis à son encontre.
M. X. relève appel du jugement du 23 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d’annulation de l’ensemble de ces décisions.
Nous voudrons dire quelques mots sur le cadre juridique avant d’en venir à l’examen de l’affaire en litige :
Vous savez que l’exercice d’une activité à titre accessoire par un fonctionnaire, ou un agent qui lui est assimilé pour l’application de ce texte, constitue une dérogation au principe général selon lequel les fonctionnaires consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées par l’administration.
L’autorité hiérarchique ne peut prendre spontanément aucune décision d’autorisation ou de refus d’autorisation de cumul.
Sa décision ne peut en effet être prise que sur demande écrite d’un agent. Voyez CE, 27 juillet 2016, nos 395292 et 395293. Voyez également le fichage de la décision du 2 mars 2022 n° 432959 B Université d’Aix-Marseille : Si une autorisation implicite de cumul d’activités peut naître du silence gardé par cette autorité, c’est à la condition qu’une demande écrite, comprenant au moins l’identité de l’employeur ou la nature de l’organisme pour le compte duquel s’exercera l’activité envisagée, ainsi que la nature, la durée, la périodicité et les conditions de rémunération de cette activité et toute autre information de nature à éclairer l’autorité, lui ait été transmise.
Les éléments que l’intéressé doit faire figurer pour faire sa demande de cumul à l’autorité dont il relève figurent à l’article 5 du décret n° 2007-658 du 2 mai 2007.
L’autorisation de cumul ne constitue pas un droit pour l’agent qui la demande.
L’administration est, dans tous les cas, tenue de veiller au respect de la compatibilité entre l’activité accessoire envisagée et les fonctions principales du fonctionnaire.
En cas de cumul illégal, l’agent s’expose à une sanction disciplinaire, ainsi qu’à un reversement des sommes illégalement perçues. Le reversement par voie de retenue sur traitement n’est pas une sanction mais la seule conséquence mécanique et obligatoire du caractère indu des rémunérations perçues au titre des activités interdites. Voyez sur cette question la décision CE, 16 janvier 2006, n° 272648.
La commune de Y. persiste à opposer une fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de la requête en l’absence de lien suffisant entre les décisions contestées.
Vous savez que le critère de recevabilité posé depuis la décision du 30 mars 1973, n° 80717, n’est plus celui de la stricte identité d’intérêt et de questions, mais celui plus souple du « lien suffisant » entre les conclusions.
Ainsi, les conclusions d’une requête collective dirigées contre plusieurs décisions sont recevables dans leur totalité si elles présentent entre elles un lien suffisant. Vous devriez par ailleurs inviter le requérant à régulariser sa requête dans le cas contraire.
Selon les conclusions de Mme Emilie Bokdam-Tognetti, rapporteure publique sous la décision CE, 10 décembre 2021, n° 440845, le Conseil d’État s’attache « à la vérification d’un lien matériel suffisant sur le fond du litige ». Ce lien matériel est évident en l’espèce, compte tenu de ce que nous vous avons exposé précédemment : la sanction oppose à M. X. l’exercice d’une activité accessoire non autorisée et les titres exécutoires portent sur le reversement des sommes perçues au titre de cette activité accessoire en raison du caractère indu des rémunérations perçues, ce caractère indu dépendant de la question de savoir si l’activité accessoire était ou non autorisée. Vous écarterez donc cette fin de non-recevoir.
Venons-en au bien-fondé du jugement attaqué.
M. X. a bien, par courrier du 4 juin 2014, adressé au maire de la commune de Saint-Pourçain-sur-Sioule, une demande d’autorisation pour l’exercice d’une activité accessoire d’enseignement au sein du club de judo local en dehors de ses heures habituelles de service. En l’absence de réponse à sa demande pendant plus d’un mois, M. X. devait être regardé comme ayant été autorisé à exercer cette activité accessoire du fait du silence gardé de la commune en vertu des dispositions alors en vigueur de l’article 6 du décret du 2 mai 2007 (désormais et depuis l’entrée en vigueur du décret n° 2017-105 du 27 janvier 2017, c’est le principe du silence vaut rejet qui s’applique).
Le jugement attaqué a cependant estimé que le moyen de M. X., tiré de ce qu’il bénéficiait d’une autorisation implicite accordée en 2014, était inopérant pour contester le motif fondant l’arrêté en litige, qui repose sur l’existence de changements substantiels survenus à compter de l’année 2016.
C’est en effet ce qui résulte de la motivation de la sanction en litige.
Et les premiers juges ont estimé que l’augmentation de son volume horaire nécessitait une nouvelle autorisation de l’intéressé auprès de l’autorité compétente, ce que conteste le requérant.
Aux termes de l’article 7 du décret du 2 mai 2007 : « tout changement substantiel intervenant dans les conditions d’exercice ou de rémunération de l’activité exercée à titre accessoire par un agent est assimilé à l’exercice d’une nouvelle activité. L’intéressé doit adresser une nouvelle demande d’autorisation à l’autorité compétente dans les conditions prévues à l’article 5 ».
Il nous parait en outre difficile de confirmer le jugement qui a estimé selon une logique purement arithmétique que le passage de l’exercice de l’activité accessoire de 28,33 heures à 37,79 heures mensuelles à compter de 2016, soit un tiers du volume horaire initial, constituerait un changement substantiel.
Vous ne trouverez sur ce point aucune jurisprudence du Conseil d’État ou des CAA. Seuls quelques jugements ont pris position. Un changement de lieu de l’activité a été considéré comme substantiel. Voyez TA de Lille, 29 janvier 2021, n° 1708426. En revanche, tel n’est pas le cas de séances d’hypnothérapie proposées dans le cadre de consultations en lien avec une activité accessoire autorisée de soutien éducatif et d’aide parentale à domicile : TA de Strasbourg, 29 décembre 2023, n° 2204097.
Il nous semble que l’augmentation du volume horaire d’à peine une dizaine d’heures mensuelles supplémentaires ne constitue pas un changement substantiel au point qu’il puisse être assimilé à l’exercice d’une nouvelle activité, car c’est bien de cela qu’il s’agit, qui nécessitait une nouvelle autorisation de la part de l’autorité compétente.
Un changement substantiel est d’autant plus difficile à caractériser en l’espèce que la demande d’autorisation présentée au mois de juin 2014 par M. X. ne présentait aucune précision relative à ses conditions d’exercice et n’a fait l’objet d’aucune demande de complément de la part de la commune, alors que l’article 6 du décret du 2 mai 2007 prévoit que « Lorsque l’autorité compétente estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l’intéressé à la compléter dans un délai maximum de quinze jours à compter de la réception de sa demande […] ».
Si vous nous suivez, vous devrez considérer que l’activité accessoire de M. X. n’est pas poursuivie en méconnaissance des dispositions du décret du 2 mai 2007, de sorte qu’il n’a commis aucune faute.
Vous devrez annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la sanction en litige, la décision du 5 juillet 2021 et la décision du maire de la commune de Y. du 13 septembre 2021 rejetant le recours gracieux de M. X., ainsi que les cinq titres exécutoires émis par la commune le 15 octobre 2021 à son encontre.
Vous rejetterez les conclusions subsidiaires de la commune tendant à la condamnation de ce dernier au paiement de sommes perçues au titre des activités accessoires.
Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. X., qui n’est pas la partie perdante à la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Y.
Dans les circonstances de l’espèce et en application de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la commune une somme de 2 500 euros.
Telles sont nos conclusions dans cette affaire.