La requête d’appel du tiers à une autorisation d’urbanisme, uniquement dirigée contre sa condamnation à supporter les frais irrépétibles, n’est pas soumise à l’obligation de notification prévue par l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme. En outre, le fait que ce dernier se soit désisté ne suffit pas à la regarder comme la partie perdante pour l’essentiel au sens de l’article L. 761-1 du code de justice administrative dans la mesure où le désistement est consécutif à la régularisation du projet par le pétitionnaire.
Après avoir été condamnée par le tribunal administratif de Lyon à verser une somme de 1000 euros à la commune de Guilherand-Granges à la suite de son désistement, la requérante de première instance demandait à la cour administrative d’appel de Lyon d’annuler l’ordonnance du tribunal administratif de Lyon mettant à sa charge cette somme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Le litige portait initialement sur la légalité d’un permis de construire par lequel le maire de la commune de Guilherand-Granges avait autorisé la société Immobilière Valrim à construire de dix logements collectifs et deux villas jumelées.
Mme C estimant que ce projet était affecté de plusieurs vices avait introduit une requête devant le tribunal administratif de Lyon afin d’en obtenir l’annulation.
À la suite de l’introduction de sa requête, un permis de construire modificatif fut accordé à la société pétitionnaire le 2 février 2024.
Constatant que ce permis modifiait le projet afin de prendre en compte les vices qu’elle avait soulevés, Madame C se désista alors de sa requête. Le tribunal lui en donna acte par une ordonnance du 24 juin 2024 prise sur le fondement de l’article R. 222-1 du code de justice administrative. Le président de la 2ème chambre du tribunal décida également de la condamner à verser la somme de 1000 euros à la commune de Guilherand Granges au titre des frais irrépétibles.
Insatisfaite de la décision du tribunal sur ce point, Mme C. interjeta appel de cette ordonnance et demanda à la Cour d’annuler son article 2 mettant à sa charge la somme susvisée.
I. L’absence d’obligation de notification (R. 600-1 du code de l’urbanisme) lorsque le litige porte uniquement sur les frais non compris dans les dépens
Mme C n’ayant notifié sa requête d’appel ni à la société pétitionnaire, ni à la commune de Guilherand-Granges, la Cour a dû se prononcer sur l’opposabilité de l’obligation de notification des recours lorsque la requête ne porte plus que sur les frais non compris dans les dépens.
Rappelons que l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme impose, à peine d’irrecevabilité, à l'auteur d’un recours à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation.
Comme l’exposait le rapporteur public Vincent Villette dans ses conclusions sur une décision du Conseil d’État du 15 juillet 2020 (n° 433332) cette obligation d’information est « un moyen de réduire l’insécurité juridique subie par le titulaire d’un droit à construire ». Et le Conseil d’État rappelait clairement dans sa décision du 28 mai 2021 (n° 437429) :
« Ces dispositions visent, dans un but de sécurité juridique, à permettre au bénéficiaire d'une autorisation d'urbanisme, ainsi qu'à l'auteur de cette décision, d'être informés à bref délai de l'existence d'un recours contentieux dirigé contre elle ».
En l’occurrence, la sécurité juridique du titulaire du permis de construire n’est plus en jeu puisque la requérante de première instance s’est désistée et la légalité de son autorisation ne peut plus être discutée à hauteur d’appel.
C’est donc assez logiquement que la cour a fait application des principes issus de la jurisprudence précitée du Conseil d’Etat et en a déduit que lorsque la légalité de l’autorisation d’urbanisme n’est plus en débat, l’obligation de notification n’a plus cours.
On ne peut d’ailleurs que souligner que l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme vise les recours contentieux « à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, ou d'une décision relative à l'occupation ou l'utilisation du sol », ce que n’est plus la procédure dont le débat est restreint à la question de frais non compris dans les dépens.
La Cour ne s’attarde donc pas sur la question et énonce sans emphase qu’en l’occurrence, « La requête d'appel n'est pas soumise aux formalités de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ».
II. Le requérant qui se désiste après une régularisation du projet n’est pas la partie perdante au sens de l’article L. 761-1 du code de justice administrative
Restait encore à juger de la personne devant assumer le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens.
L’article L. 761-1 du code de justice administrative dispose à cet égard que
« le juge condamne […], la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ».
Le juge administratif a pu un temps considérer que ces frais pouvaient être mis à la charge des demandeurs dès lors que leur requête était en définitive rejetée et ce même après une régularisation de l’autorisation attaquée. Ils étaient alors regardés comme la partie « qui perd pour l’essentiel » (Conseil d’Etat, 19 juin 2017, n° 398531).
Le Conseil d’État est revenu sur cette position dans sa décision du 28 mai 2021 (n° 437429) estimant que
« lorsque, au vu de la régularisation intervenue en cours d’instance, le juge rejette finalement les conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant était fondé à soutenir qu’elle était illégale et dont il est, par son recours, à l’origine de la régularisation, cette circonstance ne doit pas à elle seule conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu’il présente à ce titre ».
Dit plus simplement, une régularisation de l’autorisation contestée en cours d’instance, suivie du rejet de la requête, ne doit pas nécessairement conduire le juge à condamner les requérants, qui ne sont pas la partie perdante pour l’essentiel, à supporter les frais irrépétibles.
Dans l’affaire commentée ici, la Cour administrative d’appel de Lyon va étendre ces principes au cas du requérant se désistant après la délivrance d’un permis de construire modificatif en cours d’instance.
Dans un premier temps, la Cour va citer le « considérant » de principe de la décision du 28 mai 2021 (précitée) en l’adaptant au cas du désistement du requérant :
« La circonstance qu'au vu de la régularisation intervenue spontanément en cours d'instance, le juge donne acte du désistement des conclusions dirigées contre la décision initiale, dont le requérant soutenait qu'elle était illégale et dont il est, par son recours, à l'origine de la régularisation ne doit pas à elle seule, pour l'application de ces dispositions, conduire le juge à mettre les frais à sa charge ou à rejeter les conclusions qu'il présente à ce titre ».
Puis, dans un second temps, elle se livre à une analyse concrète des pièces du dossier afin de déterminer si le permis de construire modificatif obtenu en cours d’instance avait pour objet de répondre aux « dispositions d'urbanisme invoquées par Mme C. dans sa demande ». Après avoir constaté que tel était bien le cas, elle en déduit qu’elle n’était donc pas la partie perdante pour l’essentiel.
On peut alors relever que pour statuer sur les frais non compris dans les dépens, le juge a été amené à se prononcer sur l’objet du permis de construire modificatif, notamment sur le fait qu’il réponde ou non aux vices identifiés dans la requête, alors même qu’il n’était plus saisi de la légalité de l’autorisation initiale ou de sa régularisation.