Refus d’autorisation d’exploitation d’un parc éolien après avis conforme défavorable du parc naturel national dans lequel il est situé

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Décision de justice

CAA Lyon, 7ème chambre – N° 22LY03417 – société PE du Moulin à vent – 01 février 2024 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 22LY03417

Date de la décision : 01 février 2024

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Autorisation d’exploitation, Éoliennes, Parc naturel national, L. 331-4 du code de l’environnement, L. 331-1 du code de l’environnement, R. 181-34 du code de l’environnement, R. 311-5 du code de justice administrative, Avis conforme défavorable, Cigogne noire, Espèce protégée

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

La société PE du Moulin demandait à la Cour l’annulation de l’arrêté du 29 septembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a refusé, après avis conforme défavorable du Parc national des forêts, la demande d’autorisation d’exploitation d’un champ éolien composé de quatre éoliennes et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Grancey-le-Château-Neuvelle et de Busserotte-et-Montenaille.

La Cour a rejeté la requête du porteur de projet, après avoir considéré qu’en application de l’article L. 331-4 du code de l’environnement, la nécessité d’un avis conforme du parc s’imposait dès lors que le projet éolien, bien que situé en dehors du cœur du parc, se trouvait sur le territoire de communes situées dans son aire d’adhésion, telles qu’elles sont désignées par son acte de création, même si l’une d’entre elles avait jusque-là refusé d’y adhérer, et qu’il était de nature à affecter de façon notable le cœur du parc compte tenu de la présence en son sein de la cigogne noire, espèce protégée en danger, rendue vulnérable notamment à des risques de collision et de fragmentation de son habitat et à la perte de zones de gagnage.

Elle a également estimé que le caractère défavorable de l’avis était justifié au regard des prescriptions de l’article L. 331-1 du code de l’environnement et des impératifs de préservation du cœur du parc, posés par sa charte, qui incluent la conservation des espèces patrimoniales, parmi lesquelles figure la cigogne noire, ainsi que la protection de sa qualité paysagère.

La Cour a donc jugé qu'en application de l’article R. 181-34 du code de l’environnement, le préfet était tenu de suivre l’avis rendu par le Parc national des forêts et de rejeter la demande d’autorisation de la société PE du Moulin.

En vertu de l'article R. 311-5 du code de justice administrative, les litiges portant sur les décisions relatives aux éoliennes terrestres relèvent de la compétence de la cour administrative d'appel en premier et dernier ressort.

29-035, Energie, Energie éolienne
44-04-04-01, Nature et environnement, Parcs naturels, Parcs nationaux

Conclusions du rapporteur public

Christophe Rivière

rapporteur public à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.9418

La société PE du Moulin à Vent a, le 23 octobre 2020, déposé une demande d’autorisation environnementale vue de construire et d’exploiter un parc éolien composé de six aérogénérateurs d’une hauteur en bout de pale de 205 m et de deux postes de livraison sur le territoire des communes de Grancey-le-Château-Neuvelle et de Busserotte-et-Montenaille, dans le département de la Côte-d’Or.

Le parc national des forêts (PNF), représenté par son directeur, a, le 20 juillet 2022, sur le fondement du II de l’article L. 331-4 du code de l’environnement, émis un avis conforme défavorable sur ce projet, notifié par courrier du 22 juillet 2022.

Par un arrêté du 29 septembre 2022, le préfet de la Côte-d’Or a rejeté la demande d’autorisation environnementale de la société PE du Moulin à Vent sur le fondement de l’article R. 181-34 du code de l’environnement, en raison de l’avis défavorable conforme émis par le parc national de forêts relevant l’effet notable du projet sur le cœur du parc, notamment sur la biodiversité et la cigogne noire.

La société PE du Moulin à Vent vous demande d’annuler cet arrêté.

S’agissant de l’intervention 

Vous pourrez admettre l’intervention de l’association « Vent de la Discorde », qui a pour objet « sur le territoire des communes de Grancey-le Château-Neuvelle, Busserotte-et-Montenaille (…) la protection de l’environnement, notamment de la flore, de la faune, des paysages et du patrimoine culturel, contre toutes les atteintes qui pourraient lui être portées, entre autres par l’implantation d’éoliennes et des équipements qui leurs sont liés », et de M. et Mme Romero, qui sont propriétaires d’une maison d’habitation située à 800 m environ des éoliennes E4 et E5 et à environ 1 000 m de l’éolienne E6, qui justifient d'un intérêt suffisant eu égard à la nature et à l'objet du litige, en particulier au maintien de l’arrêté attaqué.

S’agissant de la légalité de l’arrêté attaqué 

En premier lieu, la société requérante soutient que le parc national de forêts était incompétent pour émettre un avis conforme sur le projet dès lors que les communes sur le territoire desquelles doivent être implantées les éoliennes ne sont pas situées dans le cœur du PNF, que la commune de Busserotte-et-Montenaille a, par délibération du 4 mars 2020, refusé d’adhérer à la charte du Parc national des forêts, et que le projet n’a pas d’impact sur le cœur du parc.

En vertu du II de l’article L. 331-4 du code de l’environnement : « Les travaux ou aménagements projetés en dehors du cœur du parc, sur le territoire des communes ayant vocation à adhérer au parc national déterminé en application du 2° de l'article L. 331-2, qui doivent être précédés d'une évaluation environnementale en application de l'article L. 122-1 ou qui sont soumis à une autorisation en application (...) de l'article L. 512-1 et qui sont de nature à affecter de façon notable le cœur ou les espaces maritimes du parc national, ne peuvent être autorisés ou approuvés que sur avis conforme de l'établissement public du parc émis après consultation de son conseil scientifique ».

L’article L. 331-2 du même code prévoit que « La création d’un parc national est décidée par décret en Conseil d'Etat (...). / Le décret de création d'un parc national : / 1° Délimite le périmètre du ou des cœurs du parc national et fixe les règles générales de protection qui s'y appliquent ; / 2° Détermine le territoire des communes ayant vocation à adhérer à la charte du parc ; ».

Or, en vertu du décret n° 2019-1132 du 6 novembre 2019 créant le Parc national des forêts et de ses annexes, les communes de Grancey-le-Château-Neuvelle et de Busserotte-et-Montenaille sur le territoire desquelles se situe le projet de la société PE du Moulin à Vent, ont vocation à adhérer au parc national de forêts, la commune de Grancey-le-Château-Neuvelle ayant d’ailleurs adhéré à ce parc. Voyez également sur ce point l’avis du 20 juillet 2022 du Parc national des forêts.

Du fait de cette implantation géographique, ce projet entre dans le champ des projets ne pouvant être autorisés que sur avis conforme de l'établissement public du parc émis après consultation de son conseil scientifique dans le cas où le projet est de nature à affecter de façon notable le cœur du parc national.

Sur ce dernier point, nous y reviendrons au stade de l’examen du moyen concernant directement cet aspect.

En deuxième lieu, la société requérante soutient que l’arrêté attaqué est entaché d’une erreur de fait dès lors qu’il vise deux éoliennes alors que le projet a été modifié en mai 2022 en le réduisant à quatre éoliennes.

Toutefois, si l’arrêté attaqué mentionne, à son article 1er, que le projet est composé de 6 éoliennes, cette erreur matérielle est sans incidence sur la légalité de cet arrêté qui a été pris sur le fondement de l’avis conforme du 20 juillet 2022 du PNF, lequel a été rendu sur le projet modifié ramené à 4 éoliennes ainsi qu’en atteste la délibération du 19 juillet 2022 du conseil scientifique du PNF sur le fondement de laquelle a été rendu cet avis.

Vous pourrez écarter le moyen.

En troisième et dernier lieu, la société requérante soutient que l’avis du PNF est illégal dès lors que l’étude d’impact est suffisante au regard des enjeux environnementaux identifiés (pris en compte du parc national et évaluation des atteintes du projet sur le cœur du parc), qu’il n’y a pas de covisibilités et donc d’atteinte visuelle sur le cœur du parc, qu’il n’y a pas de pollution lumineuse, qu’il n’y a pas d’atteinte au paysage et au patrimoine, contre lesquels l’impact brut et l’impact résiduel est nul à modéré, qu’il n’y a pas d’atteinte à le biodiversité, en particulier aux chiroptères, sur lesquels le risque résiduel est nul, et à la cigogne noire, sur laquelle l’impact résiduel est négligeable en raison de la non présence de l’espèce sur le site, de trajectoires de vol ne présentant aucun comportement à risque et de ce que le site d’implantation est en dehors des couloirs de migration, qu’il n’y a pas d’effets cumulés, en particulier barrière, avec les autres parcs éoliens, qui ont été bien pris en compte, et que les impacts du projet sur la Haute-Marne et la région Champagne-Ardennes ont bien été pris en compte.

La société requérante invoque également l’incompétence négative du préfet en indiquant qu’il s’est à tort estimé lié par l’avis conforme du PNF, alors que, comme il a été précédemment démontré, il s’agissait d’un avis simple qui ne saurait lier la compétence du préfet, et que cet avis étant manifestement illégal, le préfet aurait dû l’écarter ou solliciter une nouvelle délibération du PNF.

Il ressort de son courrier de notification du 22 juillet 2022 que l’avis conforme défavorable du PNF a été émis aux motifs prépondérants que le projet est de nature à affecter de façon notable le cœur du parc national en particulier au regard du risque qu’il fait peser sur les populations de cigognes noires et de chiroptères qui peuvent nicher et du fait des impacts paysagers liés à l’existence de co-visibilités depuis le cœur, sous-évalués par l’étude d’impact et les pièces complémentaires.

Concernant l’impact sur la cigogne noire 

L’avis du PNF souligne que le projet est de nature à altérer de façon notable le cœur du PNR au regard des impacts potentiels sur l'avifaune présente en cœur de Parc national de forêts en raison de la localisation, du nombre et de la dimension des éoliennes.

Il mentionne que le fait que cette espèce protégée que constitue la cigogne noire, emblématique du parc, classée en danger pour la population nicheuse et vulnérable pour la population de passage, soit nicheuse au cœur du parc national de forêts à moins de 20 km de distance constituera une atteinte significative aux intérêts protégés par le code de l’environnement et que la a multiplication des éoliennes augmente le risque de collision et limite l’accès aux ressources alimentaires du territoire en fragmentant l’habitat de l’espèce.

Il résulte de l’instruction, en particulier de l’étude d’impact (page 463, page 278 de la partie 2) que l’impact résiduel du projet sur l’avifaune est nul, en tenant compte des mesures d’évitement et de réduction (non démarrage des travaux durant la période de reproduction (début avril à mi-juillet) et mise en place d’un suivi de chantier, conservation des haies, des boisements, des zones humides et des autres habitats importants pour la faune et la flore, dès la conception des voies d'accès du chantier et de l'implantation des machines, choix d’une implantation des éoliennes dans les milieux ouverts, réduction de l’attractivité des zones d’implantation des éoliennes (plateformes) pour les rapaces, arrêt des éoliennes suite aux travaux agricoles, limitation des pratiques agricoles pouvant entraîner des impacts, choix du site d’implantation en dehors des couloirs de migrations identifiés en région, choix d’un agencement du parc permettant la création de trouées de vol libre, suivi de mortalité (avifaune + chiroptères), réduction de l’attractivité des zones d’implantation des éoliennes (plateformes) pour les rapaces et arrêt des éoliennes suite aux travaux agricoles).

L’impact brut (avant mesures) étant négligeable en terme de perte d’habitats et de risque de collision. Le site concerné par le projet du Moulin à Vent ne présente pas d’habitats d’intérêt pour la Cigogne noire. « Durant les campagnes d’expertise menées entre 2018 et 2021 seul un individu de la Cigogne noire a été recensé au nord de l’aire d’étude immédiate. C’est au cours des expertises spécifiques que l’individu a été recensé en migration stricte. L’absence d’individu le reste de l’année et notamment en période de reproduction témoigne de l’absence d’intérêt écologique du secteur d’implantation du parc éolien en tant que zone de nourrissage ou de reproduction. Sur l’ensemble des années de suivi seul un individu en migration a été relevé. Ce constat témoigne que le site d’étude se situe en dehors de l’axe de migration régional de la Cigogne noire. Ces observations concordent avec les données de l’ONF qui indique que le secteur de plateau céréalier ne forme pas un habitat propice pour la Cigogne noire et que seul quelques transits ont été recensés au sein du secteur d’étude. Les enjeux pour l’espèces se situent aux abords des cours d’eau, des prairies, des pâtures ainsi que des massifs forestiers de feuillus relativement âgés. Le plan d’aménagement du projet du Moulin à Vent proposé (nombre d’éolienne, disposition) permet de déduire des impacts négligeables liés aux risques de collisions vis-à-vis de la Cigogne noire » (page 395).

Le volet écologique de l’étude d’impact (étude écologique du projet) année 2018/2020 (document du 28 avril 2022) comporte une étude et un suivi spécifiques de la cigogne noire (pages 99 et 178) dont il ressort qu’aucun nid actuellement occupé n’est recensé à proximité de l’aire d’étude immédiate, qu’aucune référence ne mentionne la reproduction de cet oiseau depuis les années 2000 et 2001 où un individu nicheur s’était reproduit en forêt de Cussey-les-Forges et dans la forêt communale de Minot, et « qu’un seul individu a été constaté dans un rayon de 5 kilomètres de la zone d’implantation potentielle. C’est au cours de la saison postnuptiale, plus particulièrement le 5 septembre 2019, qu’un individu a été constaté en migration stricte. C’est d’ailleurs le seul individu recensé sur l’ensemble du diagnostic écologique du projet du Moulin à Vent. Le voilier est peu représenté dans cette partie du territoire de la Côte d’Or. En revanche, plus au nord dans le chatillonnais, les populations de la Cigogne noire sont bien plus abondantes. Ainsi l’individu migrateur provenait probablement des grands massifs forestiers du nord de la Bourgogne en route vers ses quartiers d’hivernage en Afrique ».

L’étude spécifique sur la cigogne noire de l’ONF (2019) annexée à l’étude écologique souligne que le projet éolien s’inscrit dans un territoire doté d’enjeux majeurs pour la cigogne noire, que l’aire d’étude d’inventaires (AEI) se situe sur le couloir de migration de la cigogne noire mais que la zone potentielle d’implantation des éoliennes est à enjeu faible, que cinq nids sont actifs dans un rayon de moins de 20 km de l’AEI, que le projet, situé sur une aire d’étude d’inventaires essentiellement agricole, ne devrait pas avoir d’impact sur les sites de nidifications de la cigogne noire, mais pourrait avoir un impact sur l’accès aux ressources de la cigogne noire, et que Grancey-le-Château est située sur le corridor principal de migration de cette espèce, qu’en rapport avec les faibles effectifs de l’espèce en France, et compte tenu de son écologie, un projet éolien sur le site étudié semble aller contre les mesures de conservation de l’espèce.

L’étude souligne que la pose de balises permettra d’obtenir des informations précises pour cerner les dangers de l’éolien sur cette espèce.

Dans sa note de synthèse ornithologique de mars 2019 sur le projet éolien, la LPO indique que « Dans la zone tampon de 20 km, un total de 8 nids de cigogne noire ont été découverts depuis 2012 dont 2 à une dizaine de kilomètres du projet (un nid au sud, 2 nids au nord-est en Haute-Marne et 4 nids au nord-ouest). Elle a été observée à 758 reprises dans un rayon de 20 km. Le suivi satellitaire d’oiseaux nicheurs en Côte-d’Or nous informe que ce périmètre de 20 km est pertinent, les adultes en période de reproduction se déplaçant pour se nourrir dans les cours d’eau, très majoritairement dans un cercle de rayon de 10 km autour du nid et pour une faible part jusqu’à 20 km. », que « le projet est situé au milieu de plusieurs domaines vitaux de couples de cigognes noires et présente des risques importants de collision pour l’espèce » et que « c’est sur la Cigogne noire que l’enjeu s’annonce le plus fort et le plus rédhibitoire. En effet de par sa localisation, le projet est susceptible d’être survolé par les oiseaux lors de leur trajet entre leurs nids et les zones de gagnage. Chaque année, 3 à 4 couples nichent simultanément dans un rayon de 20 km autour du site. ».

En défense, le préfet de la Côte-d’Or se prévaut d’une analyse des vols de cigognes noires nicheuses en cœur de parc national et équipées de balises, qui met en évidence les localisations satellitaires de 5 individus différents de cigognes noires à proximité immédiate de la zone potentielle d’implantation du projet, et souligne, en produisant une carte, que cette zone est comprise dans les domaines vitaux de 3 couples de cigognes noires nicheuses en cœur du PNF sur les 7 que compte le parc en 2023, en précisant que pendant la nidification, le domaine vital d’un adulte c’est-à-dire l’espace qu’il utilise pour trouver de la nourriture peut s’étendre jusqu’à 20 km autour du nid et que des zones d’alimentation avérées se situent à proximité et de part et d’autre de la ZPI.

Au final, il nous semble que l’impact potentiel du projet sur la cigogne noire au coeur du PNF a été minimisé par le dossier du pétitionnaire et que le risque que le projet comporte pour cette espèce pouvait fonder l’avis défavorable émis par ce parc.

Concernant l’impact sur le paysage 

L’avis du Parc national des forêts souligne que le projet est de nature à altérer de façon notable le cœur du PNR au regard des effets et impacts sur les paysages du cœur du parc national de forêts et affectant le caractère naturel et forestier, en faisant état des co-visibilités compte tenu de la hauteur des éoliennes, en indiquant que l’évaluation paysagère de ces co-visibilités n’est pas convaincante et qu’il n’est pas démontré que les éoliennes ne seront pas visibles depuis le cœur notamment depuis les axes de circulation qui seront empruntés par les visiteurs, que seuls deux points de vue éloignés ont été considéré, que l’un situé sur la route départementale 428 au niveau de Colmier le Haut et l’autre situé au niveau de la butte de Taloison, que le photomontage n°5 présenté (fig.142) p. 349 montre très clairement la co-visibilité des infrastructures depuis ce point de vue situé à proximité du cœur, et que la seule étude des co-visibilités depuis la butte de Taloison ne permet pas de conclure à l’absence d’effet visuel du projet sur l’ensemble du cœur du parc national de forêts.

Etant précisé que, par délibération du 20 décembre 2021 relative à la position du parc national de forêts concernant le développement de projets industriels éoliens et photovoltaïques au sol dans le périmètre de l’aire optimale d’adhésion, le conseil d’administration de ce parc a indiqué qu’en aire optimale d’adhésion, le parc est de manière générale défavorable au développement de nouveaux sites industriels éoliens. Mais ce positionnement, comme l’indique la délibération elle-même, ne constituant pas un avis se substituant à l’instruction des dossiers sur la base d’une analyse au cas par cas, cette instruction devant confirmer ou infirmer ce principe général.

Il résulte de l’instruction, en particulier de l’étude d’impact, qu’au cœur d’un plateau, la Zone d’Implantation Potentielle, qui est traversée du nord au sud par une route, se décompose en deux zones, qui se situent sur un secteur agricole entre les hameaux de Neuvelle-les-Grancey et celui de Montenaille. Plusieurs petits reliefs (le Plain de Foiseau - 477 mètres, le Plain de Boit - 461 mètres…) structurent le paysage (page 115). Les aérogénérateurs seront implantés dans des parcelles de cultures intensives (page 300).

Les enjeux paysagers sont qualités de modérés à fort par l’étude d’impact (page 344), qui mentionne, comme son volet paysager et patrimonial (page 67), que « l’enjeu est très fort pour le parc national. La Zone d’Implantation Potentielle est concernée par l’aire optimale d’adhésion. La sensibilité est modérée à forte pour l’aire optimale d’adhésion. La sensibilité est faible à modérée pour la zone d’étude de cœur » (page 102) et que concernant le plateau forestier du Langrois, l’enjeu est fort et la sensibilité modérée « pour cette unité paysagère qui compte quelques éléments remarquables et structurants dans le paysage et le cœur du parc national de forêts, que les vastes massifs forestiers du plateau limitent toutes perceptions en direction de la zone d’implantation potentielle » et l’étude recommande de « préciser les visibilités du projet depuis le parc national avec des photomontages appropriés » (page 121).

Toutefois, les effets visuels et les impacts sont nuls pour le cœur du parc dès lors que le couvert forestier du « cœur de parc » limite toutes perceptions en direction du projet éolien du Moulin à Vent (page 370).

L’étude d’impact indiquant que « quelques points hauts comme la Butte de Taloison (cf. photomontage 4) s’ouvrent sur les forêts qui composent la zone cœur du Parc National. Le relief boisé (Le Fays) bloque toute visibilité en direction du projet éolien. Les effets visuels et les impacts sont donc nuls (cf. photomontages 4, 38). Le cœur du Parc National est situé à 6 km de la première éolienne du projet du Moulin à Vent. Par contre, les premières éoliennes du parc de Langres Sud sont à moins d’1 km ».

Elle mentionne également (page 462) que l’impact résiduel du projet après mesures d’évitement et de réduction, est nul à modéré sur le paysage et modéré sur le tourisme en raison de l’absence de visibilité depuis de la zone cœur du Parc National de Forêts qui concentre la majeure partie de la fréquentation touristique.

Les mesures concernant le paysage consistant notamment en un nombre d’éoliennes limité à 4, une implantation des éoliennes en recul de Grancey-le-Château pour éviter les effets de covisibilité, une insertion paysagère et une lisibilité du projet depuis les points de vue haut (mont Aigue), une même trame d’organisation que celle des parcs existants, un recul par rapport au rebord du relief pour limiter les effets de surplomb depuis les lieux de vie).

Le volet paysager et patrimonial de l’étude d’impact reprend les mêmes éléments que cette dernière en faisant d’un impact brut faible à modéré sur le parc national, en ajoutant que « pour l’aire optimale d’adhésion, sur les plateaux boisés, la vision est limitée par la forêt également. Le paysage s’ouvre par endroit à la faveur de parcelle agricole. L’horizon se dégage, le projet éolien du Moulin à Vent est visible (cf. photomontages 5, 7, 8, 9…) » et en revoyant à ces derniers photomontages et au n° 38 (page 176), et mentionnant un impact résiduel modéré sur le paysage, en indiquant notamment que le parc est perceptible mais sans effet de surplomb (page 183). Ce volet de l’étude d’impact conclut à ce que l’implantation du projet éolien du Moulin à Vent est adaptée aux enjeux paysagers du territoire en raison notamment de la distance par rapport à la zone cœur du Parc National de Forêts en préservant l’identité de ses paysages et sa scénographie.

Il ressort du volet paysager et patrimonial de l’étude d’impact, en particulier de la carte n° 26 relative à la zone d’influence visuelle du projet éolien sur le parc national (page 152), que les éoliennes, d’une hauteur de 200 m en bout de pale, sont apparemment visibles depuis plusieurs endroits du cœur du parc, sans toutefois qu’il soit possible de déterminer précisément cet impact visuel. Voyez aussi la carte n° 19 relative à la zone d’influence visuelle du projet éolien (page 118), la carte n° 20 relative à la localisation des photomontages avec la zone d’influence visuelle du projet éolien (page 119), et la carte de localisation des points de prise de vue pour la réalisation des photomontages produite en page 3 du cahier de photomontages. Voyez aussi, en lien avec les certes précédentes, le périmètre du parc national (cœur et aire optimale d’adhésion).

Les photomontages 4 (butte de Talaison à Bay-sur-Aube) et 38 (route départementale 20 à Praslay) font néanmoins apparaître l’absence de visibilité du projet éolien depuis le cœur du parc en raison du relief boisé. La butte de talaison étant située à 17 km du projet selon les intervenants en défense.

Certes, les photomontage 5 (route départementale 428 à Colmier-le-Haut), 7 (route départementale 959 à Marey-sur-Tille), 8 (route départementale 112 à Minot) et 9 (village de Fraignot) font apparaître les éoliennes du projet, mais l’impact est faible (vues lointaines sur les éoliennes) sauf pour la prise de vue 9 où l’impact est modéré, sans qu’il apparaisse que cet impact visuel concerne directement le cœur du parc, même si les intervenants en défense font valoir que le point de vue n° 5 est situé à proximité du cœur du parc, en l’occurrence à 11 km des éoliennes.

Au final, il est permis d’hésiter.

Mais le projet apparait manquer de photomontage concernant le cœur du parc, situé à 6 km de l’éolienne la plus proche. A cet égard, le conseil scientifique du parc, ainsi que celui-ci dans son avis du 20 juillet 2022 et son directeur dans son courrier du 22 juillet 2022, ont relevé l’insuffisance de l’analyse de l’impact visuel du projet depuis le cœur du parc, en relevant notamment que le point du dossier du pétitionnaire consacré à la visibilité n’est pas convaincant et que « la porte de Cœur prévue dans la charte à Chalmessin, commune limitrophe de Grancey-le-Château, n’est pas considérée ».

Ainsi, il n’est pas démontré que le projet ne serait pas de nature à impacter le cœur du parc, même si depuis certaines routes départementales traversant le cœur du parc, les éoliennes ne sont pas visibles selon des photographies produites par la société requérante.

Vous pourrez donc juger que compte tenu de l’impact potentiel vraisemblable du projet sur la cigogne noire nichant au cœur du parc et sur le paysage du cœur du parc, le projet était de nature à affecter de façon notable le cœur du PNF, espace naturel protégé.

Rappelons qu’en vertu de l’article L. 331-1 du code de l’environnement que « Un parc national peut être créé à partir d'espaces terrestres ou maritimes, lorsque le milieu naturel, particulièrement la faune, la flore, le sol, le sous-sol, l'atmosphère et les eaux, les paysages et, le cas échéant, le patrimoine culturel qu'ils comportent présentent un intérêt spécial et qu'il importe d'en assurer la protection en les préservant des dégradations et des atteintes susceptibles d'en altérer la diversité, la composition, l'aspect et l'évolution. Il est composé d'un ou plusieurs coeurs, définis comme les espaces terrestres et maritimes à protéger, ainsi que d'une aire d'adhésion, définie comme tout ou partie du territoire des communes qui, ayant vocation à faire partie du parc national en raison notamment de leur continuité géographique ou de leur solidarité écologique avec le cœur, ont décidé d'adhérer à la charte du parc national et de concourir volontairement à cette protection. (…) ».

Ainsi, quand bien même l’étude d’impact a bien prise en compte l’existence juridique du parc et ses enjeux, bien qu’elle évoque parfois le projet de parc, que le projet aurait un impact faible en terme de luminosité nocturne, notamment sur le cœur du parc, l’impact lumineux ayant bien été pris en compte par l’étude d’impact, que l’impact résiduel du projet sur les chiroptères, estimé par l’étude d’impact comme étant nul, aurait été correctement évalué compte tenu des mesures d’évitement et de réduction prévues par le pétitionnaire (pages 463 et 434 de l’étude d’impact) et que les effets cumulés du projet avec les autres parcs éoliens auraient bien été pris en compte, il résulte de l’instruction que le PNF aurait rendu le même avis s’il s’était seulement fondé sur l’atteinte notable portée par le projet sur la cigogne noire nichant au cœur du par cet, dans un moindre mesure, sur le paysage du cœur du parc.

Vous pourrez donc écarter les moyens.

Par ces motifs, nous concluons au rejet au fond de la requête.

Droits d'auteur

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Éoliennes et zones protégées : L’exigence d’avis conforme du parc national au service de l’affirmation de la protection des zones protégées

Antoine de Griève

Juriste, Ancien étudiant du Master 2 Droit public fondamental de l’université Jean Moulin Lyon 3

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DOI : 10.35562/alyoda.9675

La demande d’implantation d’éoliennes dans un parc naturel est soumise à l’avis conforme de ce dernier qui peut notamment prendre en compte la protection d’espèces protégées inscrites dans sa charte constitutive, comme la cigogne noire.

Partagé entre deux objectifs impérieux que représentent la transition énergétique et la protection des paysages et espèces protégées, l’office du juge en matière de contentieux relatif à l’implantation d’éoliennes dans des zones protégées est particulièrement ardu1.

Cette balance entre deux enjeux majeurs est l’objet de la décision de la cour administrative d’appel de Lyon qui illustre une certaine évolution de la politique jurisprudentielle en la matière.

En effet, la cour administrative d’appel statuait ici en premier ressort - conformément à l’article R. 311-5 du Code de justice administrative - sur le refus opposé par le préfet de la Côte d’Or à un projet d’implantation d’éoliennes dans deux communes faisant partie de l’aire d’adhésion du Parc national des forêts selon la charte constitutive de ce dernier.

En application de l’article L. 331-4 du Code de l’environnement, le préfet a été contraint de s’opposer à la demande déposée par la société PE du Moulin à vent, les quatre éoliennes projetées ayant reçu un avis conforme défavorable du Parc naturel.

Contestant la nécessité d’un tel avis conforme compte-tenu de l’absence d’adhésion d’une des communes au parc naturel, la société requérante a contesté le refus opposé par le préfet, estimant qu’en aucun cas ce dernier n’était tenu de le suivre.

La société requérante remettait également en cause les études d’impact produites par le préfet pour asseoir sa décision, affirmant que celle produite dans son dossier de demande était suffisante et démontrait l’impact limité du projet sur le site en question.

La décision commentée confirme le refus opposé à la société requérante, affirmant ainsi l’avis du parc national comme fondement de cette dernière (I) et illustrant la primauté grandissante de la protection des zones protégées sur l’implantation d’éoliennes au travers d’une étude d’impact approfondie (II).

I. L’avis du parc national comme fondement de la décision de refus

Afin de parvenir à sa décision, la cour rappelle le cadre juridique de l’avis du parc national des forêts (A), avant d’affirmer l’exigence d’un tel avis conforme en l’espèce (B).

A.Le rappel nécessaire du cadre juridique de l’avis du Parc national des forêts

Le principal moyen développé par la société demanderesse tenait donc à la contestation de la nécessité d’un avis conforme du Parc national des forêts.

En effet, la requérante soutenait que l’arrêté préfectoral qui se fonde sur l’avis du parc national des forêts serait illégal dès lors que ce dernier n’était pas conforme et simple, et donc que le préfet avait par là-même vicié sa compétence en se soumettant à l’appréciation du Parc national2.

Après avoir admis l’intervention d’une association compte-tenu de son objet3 et balayé l’erreur sur le nombre d’éoliennes dans l’arrêté comme une « simple erreur de plume sans incidence sur ce dernier »4, la cour s’attache donc à déterminer si l’avis rendu par le Parc national des forêts était simple ou conforme.

Pour ce faire, elle revient aux termes de l’article R.181-34 du code de l’environnement selon lesquels « le préfet est tenu de rejeter la demande d’autorisation environnementale lorsque l’avis de l’une des autorités ou de l’un des organismes consultés auquel il est fait obligation au préfet de se conformer est défavorable »5.

La cour évoque ensuite l’article L. 331-1 du même code qui pose la définition de la notion de parc national et précise que celui-ci « est composé d'un ou plusieurs cœurs, définis comme les espaces terrestres et maritimes à protéger, ainsi que d'une aire d'adhésion, définie comme tout ou partie du territoire des communes qui, ayant vocation à faire partie du parc national en raison notamment de leur continuité géographique ou de leur solidarité écologique avec le cœur, ont décidé d'adhérer à la charte du parc national et de concourir volontairement à cette protection »6, cette délimitation étant réalisée par décret en Conseil d’Etat conformément à l’article L. 331-2 du même code.

Enfin, la cour conclut son développement en soulignant que l’article L. 331-4 dudit code prévoit que « Les travaux ou aménagements projetés en dehors du cœur du parc, sur le territoire des communes ayant vocation à adhérer au parc national […] qui doivent être précédés d'une évaluation environnementale […] et qui sont de nature à affecter de façon notable le cœur ou les espaces maritimes du parc national, ne peuvent être autorisés ou approuvés que sur avis conforme de l'établissement public du parc émis après consultation de son conseil scientifique ».

Ainsi, l’avis conforme du Parc national est exigé non seulement si le projet est implanté au cœur du parc en question mais également au regard de l’impact qu’il pourrait avoir sur ce « cœur » s’il est implanté sur le territoire d’une commune ayant vocation à adhérer au parc.

Il ne reste dès lors à la cour plus qu’à étudier le décret du 6 novembre 2019 portant création du Parc national7, ainsi que l’incidence du projet refusé sur le cœur du parc.

B. L’exigence d’un avis conforme au regard de la nécessité de protéger la cigogne noire

Il revenait donc à la cour de déterminer si le projet porté par la société requérante remplissait les conditions imposant un avis conforme du parc national.

Cette dernière a tout d’abord relevé que le projet en cause se situe en dehors du Parc national des forêts mais sur le territoire de communes ayant vocation à constituer l’aire d’adhésion dudit parc selon le plan annexé au décret du 6 novembre 2019.

Aussi, quand bien même une des deux communes aurait refusé d’adhérer à la charte d’adhésion, la cour estime que la condition est néanmoins remplie 8, suivant ainsi les conclusions du rapporteur public qui soulignait notamment le terme de « vocation » et orientait la cour vers l’avis du parc national du 20 juillet 2022 en ce sens9.

La première condition de « vocation d’adhésion » étant remplie, la cour devait dès lors vérifier si le projet en cause était de nature à affecter le cœur du parc.

Il convient ici de rappeler préalablement que la cigogne noire est une espèce classée en danger sur la liste rouge des oiseaux nicheurs de Bourgogne et qu’elle fait donc l’objet d’une protection particulière.

Cette étape a été plus complexe dès lors que l’impact du projet était discuté, la société requérante s’appuyant sur une étude d’impact de 2021 établissant que la zone d’implantation potentielle du projet (ZIP) est peu favorable à la cigogne noire et à son nichage et qu’aucun spécimen de la cigogne noire n’avait été aperçu dans un rayon de dix kilomètres autour du projet10.

Toutefois – et c’est ici une illustration de l’importance de l’instruction du juge administratif en la matière – la cour relève que « si la ZIP et ses abords immédiats ne sont pas une zone propice au nichage de la cigogne noire, plusieurs couples de cette espèce nichent au sein du cœur du parc, situé au plus près à six kilomètres »11, et divers éléments produits par le préfet et par le parc national, notamment des analyses cartographiées, démontrent que les cigognes noires peuvent s’éloigner de plus de vingt kilomètres de leur nid pour se nourrir et capturer des proies.

Il ressort ainsi de ces éléments que la ZIP se trouve dans les « domaines vitaux »12 de trois couples de cigognes et que l’étude d’impact produite par la société requérante ne rend pas « fidèlement » compte de l’impact du projet sur la cigogne noire.

Par conséquent, au regard de la vulnérabilité de la cigogne noire et à son importance dans le parc national des forêts, la cour en a déduit que la seconde condition relative à l’impact sur le cœur du parc était remplie.

Elle confirme ainsi l’exigence d’un avis conforme et par voie de conséquence la compétence liée du préfet pour refuser la demande formée par la société requérante.

Saisie de moyens contestant également la légalité même de l’avis émis par le parc national, la cour a admis leur recevabilité 13, mais les a néanmoins repoussés sur le fond en soulignant les multiples lacunes de l’étude d’impact composant le dossier de demande et les effets notables du projet sur le cœur du parc.14

II. Une décision illustrant la primauté grandissante de la protection des zones protégées

La décision de la cour administrative d’appel de Lyon est intéressante à deux égards : tout d’abord par son étude d’impact approfondie (A’) mais surtout en ce qu’elle participe d’un élan juridictionnel de renforcement de la protection des zones protégées (B’).

A. Une étude approfondie de l’impact sur l’environnement

Si la cour a, comme nous l’avons vu, effectué une étude de l’impact sur le cœur du parc pour déterminer si l’avis du parc national devait être conforme ou non, elle a poursuivi cette étude de manière plus approfondie sur l’ensemble de l’environnement et non plus uniquement sur la cigogne noire.

Ainsi, après avoir souligné une nouvelle fois l’impact du projet sur l’avifaune en général et les cigognes noires en particulier, la cour retient que l’étude fournie par la société requérante était insuffisante et ne pouvait raisonnablement conclure à de simples impacts « résiduels » 15sur cette dernière.

La cour s’intéresse ensuite à l’impact paysager du projet d’implantation d’éoliennes sur le cœur du parc national.

En préambule, la cour relève que le conseil d’administration a émis, dans une délibération de 2021, un positionnement défavorable au développement de projets industriels éoliens en aire optimale d’adhésion en raison des risques de co-visibilité avec le cœur du parc. 16

Il revenait donc à la cour de déterminer si le projet portait également réellement atteinte au paysage du cœur du parc national, de telle sorte que l’avis rendu par ce dernier était doublement fondé.

Les différents photomontages produits par la société requérante dans son dossier de demande faisaient en effet apparaitre un risque faible de co-visibilité avec le cœur du parc national, mais la cour relève que les lieux depuis lesquels ont été réalisés ces photomontages « ne sont pas révélateurs des atteintes portées au cœur du parc » 17, puisque malgré une prise en compte de la végétation, les éoliennes du parc faisant deux cents mètres en bout pales, seraient « visibles dans différentes zones situées en cœur de parc. »18.

La cour s’est donc montrée très attentive quant au réalisme des photomontages produits, s’attardant sur les angles de vue et leur emplacement précis pour déterminer s’ils étaient représentatifs de l’impact potentiel du projet sur le paysage du cœur du parc national.

Si, comme le soulignait le rapporteur public dans ses conclusions, il est « finalement permis d’hésiter »19 quant à la potentielle co-visibilité du projet avec le cœur du parc, la cour se rattache notamment au cinquième photomontage produit pour déterminer que les éoliennes seraient très visibles.

Elle conclut ainsi que si le parc national a inscrit dans sa charte l’objectif de développer la part des énergies renouvelables et que la création du parc n’a pas vocation à figer les paysages, le parc national a cependant pu, au regard de l’impact sur la biodiversité et sur le paysage de ce dernier, émettre un avis défavorable à l’encontre du projet 20.

Il convient enfin de souligner que cette solution est à mettre en perspective avec d’autres décisions récentes marquant un renforcement jurisprudentiel de la protection des zones protégées.

B. Le renforcement jurisprudentiel de la protection des zones protégées

La décision de la cour administrative d’appel de Lyon est néanmoins loin d’être esseulée et retranscrit en réalité un mouvement jurisprudentiel de prise en compte de plus en plus grande de l’impact des projets éoliens sur les zones protégées.

En effet, il convient notamment d’évoquer une décision de la cour administrative d’appel de Nantes du 27 juin 2023 qui confirme un refus d’implantation d’éoliennes au regard de l’impact du projet sur la biodiversité après une étude particulièrement approfondie de ces derniers.21

Outre une protection des zones au nom de l’environnement, il faut également souligner que le Conseil d’Etat a entendu protéger les zones empreintes d’un patrimoine culturel remarquable en confirmant le refus d’une implantation d’éoliennes dans un paysage inscrit dans les œuvres de Marcel Proust.22

Ainsi, si le vent tourne en faveur des zones protégées, la littérature juridique n’a cependant pas terminé de commenter les décisions relatives aux éoliennes.

Notes

1 Voir en ce sens Alexis FRANK, « Le contentieux des éoliennes », intervention lors de l’audience solennelle de la cour administrative d’appel de Nantes, 29 septembre 2023

2 Exposé des moyens de la société requérante, décision commentée

3 En application de l’article L142-1 du code de l’environnement, pour une application récente voir notamment la décision du TA de Grenoble du 7 mars 2023, n°2005126

4 Décision commentée, §. 3. On peut voir ici une application de la décision CE, 23 décembre 2011, Danthony, au Lebon en ce que le vice de légalité externe est balayé pour son absence d’incidence sur les garanties du requérant

5 Article R.181-34 du code de l’environnement, 2°

6 Article L. 331-1 du code de l’environnement, second alinéa

7 Décret n° 2019-1132 du 6 novembre 2019 créant le Parc national de forêts

8 Décision commentée, §. 7.

9 Conclusions du rapporteur public Christophe RIVIERE

10 Décision commentée, §. 8.

11 Idem, §. 9.

12 Ibid.

13 Décision commentée, §. 12.

14 Décision commentée, §. 13.

15 Décision commentée, §. 14.

16 Décision commentée, §. 15.

17 Décision commentée, §. 16.

18 Idem

19 Conclusions du rapporteur public

20 Décision commentée, §. 17.

21 CAA de NANTES, 5ème chambre, 27 juin 2023, 22NT01802, Inédit au recueil Lebon

22 CE, 4 octobre 2023, n° 464855, au Lebon T.

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