Droit de rétrocession d’une société publique locale sur un terrain acheté par elle puis vendu à un constructeur ne l’ayant pas utilisé

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 21LY03717 – 21 septembre 2023 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 21LY03717

Numéro Légifrance : CETATEXT000048099752

Date de la décision : 21 septembre 2023

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Société publique locale, Concession d’aménagement, L. 327-1 du CGCT, L. 1531-1 du CGCT

Rubriques

Actes administratifs

Résumé

Par une convention conclue le 7 octobre 2009, la ville de Dijon a transféré à la SPLAAD, la réalisation de l’opération d’aménagement dite de « l’Ecoquartier de l’Arsenal » comprenant 25 hectares de friches urbaines à reconvertir, correspondant à trois secteurs opérationnels. Les stipulations de l’article 2.2 de cette convention prévoient notamment, que pour exécuter ses missions, l’aménageur devra « acquérir la propriété, à l’amiable ou par voie de préemption ou d’expropriation (…) les biens immobiliers bâtis ou non bâtis », gérer ces biens, procéder à la réalisation des études de faisabilité, procéder à toutes études opérationnelles et assurer l’ensemble des tâches de conduite et de gestion des opérations.

Il ne résulte pas de ces stipulations que la convention conclue le 7 octobre 2009, puisse être regardée comme ayant en réalité pour objet de confier à la SPLAAD le soin d’agir au nom et pour le compte de la ville de Dijon. La circonstance que l’article 5 de l’avenant n°3 au contrat de concession stipule que le concédant exerce un « contrôle de la société analogue à celui qu’il exerce sur ses propres services », ne permet pas plus de regarder la SPLAAD comme un mandataire de la ville de Dijon.

Il ressort des pièces du dossier et notamment des « charges et conditions » de l’acte authentique du 15 octobre 2014 que si la vente a lieu « sous les charges et conditions ordinaires et de droit en pareille matière », elle est également soumise aux conditions générales et particulières du cahier des charges de cession des terrains l’Ecoquartier de l’Arsenal, qui a été annexé à l’acte. L’article 11 de ce cahier des charges stipule que l’aménageur, la SPLAAD pourra, avant toute revente, « exiger que les terrains lui soient rétrocédés ou soient cédés à un acquéreur désigné ou agréé par lui ». L’article 13 de ce cahier des charges prévoit que la méconnaissance de ces stipulations entraîne la nullité de la revente. La décision en litige du 14 mai 2020 par laquelle la SPLAAD confirme son souhait d’acquérir le bien litigieux, se fonde sur les articles 11 et 13 de ce cahier des charges, dont elle constitue une mise en œuvre. Dans ces conditions, cette décision qui porte sur l’exécution d’un contrat de droit privé ne peut être regardée comme ayant pour objet de préempter le bien litigieux pour le compte d’une personne publique. Les circonstances que les conditions de la cession du bien litigieux entre la SPLAAD et l’ordre des architectes ont été approuvées et agréées par le maire de Dijon, le 4 juillet 2014 et que les deux parties du cahier des charges de cession des terrains de l’Ecoquartier de l’Arsenal à Dijon ont été signées par le seul maire de Dijon ne permettent pas plus de regarder la SPLAAD comme un mandataire de la ville de Dijon, au titre de l’acquisition du bien litigieux.

En vertu de l’article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent créer des sociétés publiques locales dont elles détiennent le capital et qui revêtent la forme de société anonyme régie par le livre II du code de commerce.

La SPLAAD qui a été créée en 2009 a acquis le statut juridique des sociétés publiques locales tel qu’il est prévu par ces dispositions du code général des collectivités territoriales, par l’avenant n°3 au contrat de concession, conclu le 25 juillet 2013. Ainsi créée dans le cadre institué par le législateur pour permettre à une collectivité territoriale de transférer certaines missions à une personne morale de droit privé contrôlée par elle, la SPLAAD ne peut être regardée comme une entité transparente.

En concluant avec le conseil régional de l’ordre des architectes de Bourgogne Franche-Comté, la cession du bien litigieux, le 15 octobre 2014, la SPLAAD a agi en son nom et pour son propre compte1.

17-03-02-03, Compétence, Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction, Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel, Contrats, Acte d’exécution d’une convention d’aménagement,

Notes

1 Cf. S’agissant de la qualification d’un contrat de droit privé signé avec une société publique locale (SPL) TC, 7 février 2022, SARL Guyacom, n° C4233 ; s’agissant de l’absence de caractère transparent CE, 6 novembre 2013, commune de Marsannay-la-Côte, n° 365079, p. 261, jugeant que la commune ne pouvait pas être regardée comme participant, de façon effective, aux organes de direction de la SPLAAD ni, par suite, comme exerçant sur elle, même conjointement avec les autres actionnaires, un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services ; s’agissant de l’absence de mandat dans le cas d’une SPL, TC, 11 décembre 2017, commune de Capbreton, n° C4103, p. 416 ; s’agissant du régime d’une convention d’aménagement signée avec une SPL relevant d’un régime ad hoc de droit privé, CE, 4 mars 2021, société Socri Gestion, n° 437232, Inédit ;

Conclusions du rapporteur public

Mathilde Le Frapper

rapporteure publique à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.9217

La communauté d’agglomération de Dijon et plusieurs communes de l’agglomération, dont celle de Dijon, ont constitué en juillet 2009, sur le fondement de dispositions introduites à titre expérimental à l’article L. 327-1 du code de l’urbanisme, une société publique locale d’aménagement, qui a été pérennisée et transformée en 2013 en société publique locale, dénommée « aménagement de l’agglomération dijonnaise », la SPLAAD, en application des articles L. 1531-1 et suivants du code général des collectivités territoriales. Elle prend la forme d’une société anonyme régie par le code de commerce, dont le capital est détenu en totalité par les collectivités locales et groupements à l’origine de sa création.

Toujours en 2009, la ville de Dijon a alors conclu avec la SPLAAD une concession d’aménagement, sous la forme d’une convention de prestations intégrées, en vue de la réalisation de l’opération d’aménagement dénommée « Territoire Grand Sud ».

Agissant dans ce cadre, la SPLAAD a cédé en octobre 2014 pour 200 000€ à l’ordre des architectes de Bourgogne, pour y accueillir son nouveau siège, un bâtiment à réhabiliter situé 79 avenue Jean Jaurès à Dijon, compris dans le périmètre de la zone d’aménagement concerté « Ecoquartier de l’Arsenal », créée en juin 2011.

N’ayant pu mener à bien son projet, l’ordre a entrepris de remettre en vente ce bien, qui a fini par susciter l’intérêt des consorts X., gérants d’une agence immobilière, pour y transférer leurs activités.

Le notaire a informé de ce projet de vente la SPLAAD qui, par un courrier daté du 14 mai 2020, a informé le conseil régional de l’ordre des architectes de Bourgogne de son intention d’acquérir le bien, selon les modalités prévues notamment à l’article 11 du cahier des charges de cession des terrains applicable à la ZAC dite Ecoquartier de l’Arsenal.

Les consorts X. ont alors contesté cette décision du 14 mai 2020 devant le tribunal administratif de Dijon, qui s’est déclaré incompétent pour en connaître au profit des juridictions judiciaires, ce que contestent à nouveau devant vous les consorts X..

Contrairement à ce qui est soutenu en défense, la requête d’appel comporte selon nous une critique suffisante du jugement de première instance, malgré quelques scories rédactionnelles, et vous pourrez écarter la fin de non-recevoir opposée sur ce point.

Pour trancher la question de compétence, vous devrez en premier lieu déterminer si l’acte en cause est un acte unilatéral ou bien un acte se rattachant au contrat de vente initial.

L’article 11 du cahier des charges de cession des terrains de la ZAC ouvre en effet à l’aménageur, informé d’une intention de revente de la part du cessionnaire d’une vente intervenue antérieurement, la possibilité d’exiger que les terrains lui soient rétrocédés ou bien cédés à un acquéreur désigné ou agréé par lui, à peine de nullité de la vente, sanction prévue à l’article 13.

Le courrier litigieux du 14 mai 2020 fait clairement référence à ce mécanisme, ce dont il se déduit nécessairement, contrairement à ce que soutiennent en premier lieu les consorts X., qu’il ne peut être analysé comme une décision unilatérale de préemption qui aurait été prise par la SPLAAD sur le fondement des articles L. 211-1 et suivants du code de l’urbanisme. De toute évidence, la SPLAAD a uniquement entendu exercer son droit de rétrocession, ou droit de préférence, ce qui est un mécanisme différent quand bien même le résultat obtenu serait identique.

Cette première conclusion n’épuise toutefois pas la question de la nature unilatérale ou contractuelle de l’acte, les consorts X. soutenant alors que le courrier litigieux manifestant l’exercice du droit de préférence n’en demeurerait pas moins un acte unilatéral pris par la SPLAAD dans le cadre d’une mission de service public à caractère administratif et manifestant l’exercice d’une prérogative de puissance publique prévue au cahier des charges de cession des terrains.

Peut-être auriez-vous pu la suivre, au moins en partie, si ce cahier des charges avait constitué la seule base juridique à la disposition de la SPLAAD pour imposer cette rétrocession à son ancien acquéreur.

L’acte de vente du 15 octobre 2014 a toutefois incorporé au contrat ce droit de rétrocession en ce qu’il prévoit notamment, au paragraphe « charges et conditions », que la vente est soumise aux conditions générales et particulières du cahier des charges de cession des terrains, lequel a été annexé à l’acte de vente. Ce droit est ainsi devenu contractuellement consenti par l’acquéreur à son vendeur, qui, par l’acte litigieux du 14 mai 2020, s’est donc borné à faire usage de cette clause contractuelle, sans que la faculté ainsi mise en œuvre puisse, selon nous, être désormais regardée comme détachable du contrat de vente initial.

Si vous nous suivez, vous écarterez l’existence d’une décision administrative unilatérale au profit d’un acte non détachable d’un contrat, dont il vous appartiendra alors de déterminer la nature pour pouvoir statuer sur la compétence juridictionnelle.

Ainsi que le rappellent les parties, un contrat conclu entre deux personnes privées, ce que sont la SPLAAD et l’ordre des architectes, revêt, en principe, un caractère de contrat de droit privé (pex TC, 5 juillet 2021, M.Y.c/ communauté d'agglomération de la Riviera française, n°C4214, publié au Recueil Lebon).

Et si le contrat par lequel une personne publique cède des biens immobiliers faisant partie de son domaine privé, qui est aussi en principe un contrat de droit privé, peut, par exception, revêtir un caractère administratif si le contrat a pour objet l'exécution d'un service public ou s'il comporte des clauses qui impliquent, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs (TC, 4 juillet 2016, commune de Gélaucourt c/ office public d'habitat de la ville de Toul, n°C4057, aux Tables pp. 686-753-823), tel n’est jamais le cas pour un contrat conclu entre deux personnes privées agissant pour leur propre compte : dans cette hypothèse, la présence de clauses qui, si elles avaient figuré dans un contrat passé par une personne publique, auraient été regardées comme des clauses exorbitantes du droit commun justifiant l’application du régime des contrats administratifs ne modifie pas la nature privée du contrat (par ex. TC, 26 mars 1990, AFPA, n° 02596, aux Tables pp. 635-637), pas plus que la circonstance que l’un des cocontractants privés serait chargé d’une mission de service public (TC, 3 mars 1969, société Interlait, n° 01926, publié au Recueil Lebon p. 682).

Précisons néanmoins, à toutes fins utiles, qu’il ne nous semble pas, en tout état de cause, que la clause réservant au cédant un droit de préférence en cas de revente puisse être regardée comme présentant un caractère exorbitant, en l’état de la jurisprudence. Ne présentent ainsi pas un caractère exorbitant, emportant soumission au régime administratif du contrat de vente par une commune de terrains de son domaine privé, les clauses par lesquelles l'acheteur s'engage, sous une condition résolutoire, à construire un hôtel de luxe, à maintenir la destination de l'immeuble pendant dix ans et à le revendre dans un délai de six mois à un sous-acquéreur reprenant l'obligation d'affectation (TC, 4 juillet 2016, société Generim c/ ville de Marseille, n° C4052, aux Tables pp. 685-753-824). La Cour de cassation s’est aussi reconnue compétente pour statuer sur un litige afférent à une clause anti-spéculative de pacte de préférence figurant dans le contrat de cession d’un terrain conclu entre une commune et des particuliers (Cass. civ. 3ème, 23 septembre 2009, n° 08-18.187, Bull. 2009, III n° 203). Cette décision juge implicitement que ne revêt pas un caractère exorbitant du droit commun la stipulation, librement consentie, par laquelle une commune qui vend un terrain nu se réserve pendant vingt ans la faculté, avant toute revente par l’acquéreur à un tiers, de racheter ce bien au prix initial du terrain, majoré, le cas échéant, du coût de la construction, une telle clause ayant pour but d’empêcher la spéculation pour ce bien et les acquéreurs ayant bénéficié de contreparties. Voyez aussi pour une confirmation récente, également pour une clause de rétrocession : TC, 13 mars 2023, commune de Phalsbourg c/ société SGTP 67, venant aux droits de la société Gartiser, n°C4266, aux Tables.

Cette jurisprudence s’explique sans doute par le fait que les clauses temporaires d’agrément, d’inaliénabilité ou d’encadrement de l’usage d’un bien ne sont pas inconnues du droit privé, ni même inhabituelles : voyez par exemple les clauses limitant la faculté de l’actionnaire de revendre ses actions ou celles octroyant aux associés d’une société un droit de préférence pour le rachat des parts d’un associé souhaitant quitter la structure.

Le principe selon lequel un contrat conclu entre deux personnes privées est un contrat de droit privé souffre néanmoins quelques rares exceptions, dont deux seulement méritent d’être signalées ici. La première concerne l’hypothèse dans laquelle ce contrat est accessoire à un contrat de droit public mais il nous semble que vous devrez l’écarter car un contrat de vente d’un bien immobilier, de surcroît conclu cinq ans après la concession d’aménagement, nous paraît difficilement pouvoir être regardé comme un simple accessoire de cette dernière.

La seconde hypothèse, plus pertinente, est celle, invoquée par les consorts X., dans laquelle une personne publique se trouve derrière l’un des cocontractants dans des conditions telles que le critère organique doit être regardé comme rempli, étant précisé qu’il convient alors de s’assurer que le critère matériel du contrat administratif est également rempli. Cette hypothèse se rencontre soit lorsque la personne privée est parfaitement transparente, ce qui n’est pas le cas ici, soit lorsqu’elle dispose d’un mandat civil en bonne et due forme, ce qui n’est pas le cas non plus, soit lorsqu’elle est regardée comme agissant « pour le compte » de la personne publique, cas parfois résumé par l’expression du « mandat administratif » et qui correspond à un courant jurisprudentiel dont les rapporteurs publics devant le Tribunal des conflits s’accordent à dire qu’il a connu un resserrement dans la période récente, justement à l’occasion de litiges se rapportant à des concessions d’aménagement, qui en étaient antérieurement une terre d’élection.

Il a ainsi été jugé que le titulaire d'une convention conclue avec une collectivité publique pour la réalisation d'une opération d'aménagement ne saurait en principe être regardé comme un mandataire de cette collectivité (TC, 11 décembre 2017, commune de Capbreton, n°C4103, publié au Recueil p. 416, et précisant TC, 15 octobre 2012, SARL Port Croisade, n° 03853, aux Tables). Cette même décision « commune de Capbreton » précise qu’il ne peut en aller autrement que dans deux cas : soit en raison des stipulations qui définissent la mission même du cocontractant, soit en raison d’un ensemble de « circonstances particulières » prévues pour l’exécution de la convention. Parmi ces circonstances particulières figurent par exemple le maintien de la compétence de la collectivité publique pour décider des actes à prendre pour la réalisation de l'opération ou la substitution de la collectivité publique à son cocontractant pour engager des actions contre les personnes avec lesquelles celui-ci a conclu des contrats.

Précisons que la solution commune de Capbreton a été réitérée récemment par une décision TC, 7 février 2022, société GUYACOM, société publique locale pour l'aménagement numérique de la Guyane, n°C4233, publiée au Recueil sur un autre point. On peut toutefois imaginer que ce type de litige a vocation à se tarir, au moins en matière d’aménagement foncier, car le code de l’urbanisme, depuis la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, a apporté une clarification en offrant désormais aux collectivités territoriales et à leurs groupements le choix de recourir soit à une convention de mandat, le mandataire agissant en leur nom et pour leur compte (article L. 300-3 du code de l’urbanisme), soit à un traité de concession (L. 300-4 et L. 300-5 du même code).

En l’espèce, la concession d’aménagement étant antérieure à ces modifications, vous devrez appliquer les jurisprudences précitées pour en déterminer la nature. Rien dans la définition de la mission du cocontractant ne permet toutefois de conclure à l’existence d’un mandat administratif. Vous ne devrez donc vous interroger que sur d’éventuelles « circonstances particulières » prévues pour l’exécution de la convention.

La lecture du traité de concession révèle toutefois que la ville ne se réserve à aucun moment le droit d’agir à l’encontre des cocontractants de l’aménageur : bien au contraire, elle ne retrouve cette compétence qu’après achèvement de l’opération d’aménagement. Et si certaines clauses prévoient un accord ou un agrément de la collectivité à certains stades essentiels de l’opération, l’aménageur dispose néanmoins d’une grande liberté de manœuvre et de décision pour mener à bien des opérations qui, soit dit en passant, ne peuvent être engagées qu’avec son accord, après avis d’un comité de contrôle technique et financier et vote du conseil d’administration.

Pour conclure néanmoins à l’existence d’un mandat administratif, les consorts X. font valoir plusieurs arguments. Ils se prévalent d’abord des termes d’un avenant n°3 à la concession d’aménagement, conclu en 2013, portant notamment sur les modalités du « contrôle analogue à celui exercé sur leurs propres services » qu’exercent sur la SPLAAD les actionnaires de cette société. A notre sens, ils en tirent cependant des conclusions erronées.

Cette exigence d’exercice d’un « contrôle analogue » à celui exercé sur les propres services de la personne publique provient, en substance, de la volonté de se conformer à la jurisprudence européenne relative aux règles de mise en concurrence, ou plutôt de dispense de mise en concurrence. Il ne s’en déduit toutefois pas nécessairement l’absence totale d’autonomie décisionnelle du cocontractant. Outre qu’un contrôle analogue n’est ni un contrôle identique, ni un contrôle qui aurait exactement la même nature, vous ne pourrez que constater qu’en l’espèce la collectivité exerce pleinement son contrôle sur la société, mais en qualité d’actionnaire, ce qui nous paraît pouvoir être qualifié ici de contrôle analogue, compte tenu des modalités et conditions dans lesquelles il s’exerce. Il n’empêche en tout cas pas la SPLAAD d’agir pour son propre compte dans la mise en œuvre de la concession d’aménagement qui lui a été confiée.

On ne comprend au demeurant pas bien l’argument des consorts X. tiré de la clause de la convention selon laquelle le dossier préparatoire à toute opération susceptible d’être confiée à la SPLAAD lui est transmis par la collectivité. L’initiative d’une nouvelle opération d’ensemble, en l’occurrence l’ouverture à l’aménagement d’un nouveau « lot », appartient nécessairement à la collectivité, et les requérants font abstraction du processus qui s’ensuit et qui peut conduire la SPLAAD, après saisine du comité de contrôle et du conseil d’administration, à refuser de s’engager sur le projet qui lui est ainsi soumis.

Les requérants se prévalent ensuite de la circonstance que les dispositions tant générales que particulières du cahier des charges de cession du terrain litigieux auraient été signées par le seul maire de Dijon, qui en aurait donc imposé les termes à la SPLAAD et aux acheteurs successifs. Ce faisant, le maire de Dijon s’est cependant borné à faire application des dispositions de l’article L. 311-6 du code de l’urbanisme prévoyant cette faculté d’approbation par la collectivité concernée à l’intérieur des zones d’aménagement concerté. Il ne nous paraît donc pas possible d’en tirer de conclusion sur le degré d’autonomie dont dispose le concessionnaire. Voyez aussi, par analogie, TC, 4 juillet 2022, société Allianz global corporate et Specialty et société Aéroport Toulouse Blagnac c/ société Spie industrie tertiaire et société Ingérop conseil et ingénierie, n°C4247, publié au Recueil, s’agissant d’une concession d’exploitation d’un aérodrome soumise à un cahier des charges type.

Ainsi, nous ne voyons pas, pour notre part, dans les différentes clauses de la concession, qui doivent être lues de manière globale, de « circonstances particulières » conduisant à voir dans cette relation contractuelle un mandat administratif. Vous devrez donc en déduire, s’agissant de la contestation de la mise en œuvre d’une clause d’un contrat de droit privé conclu par deux personnes privées, que la juridiction judiciaire est bien seule compétente pour connaître du litige ouvert par les consorts X., comme l’a jugé le tribunal administratif.

Par ces motifs, nous concluons en conséquence au rejet de la requête, comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, et à ce qu’une somme de 700 euros soit mise à la charge de chacun des requérants au titre des frais liés au litige.

Droits d'auteur

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.

SPL : Sans mandat (de vente), mais toujours bien installée « dans la maison » (de verre administrative)

Christophe Roux

Professeur de droit public, Directeur de l’EDPL (EA 666), Université Jean Moulin Lyon 3

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DOI : 10.35562/alyoda.9678

Le concessionnaire (d’aménagement) n’est – en principe – pas le mandataire de la personne publique concédante ; une société publique locale ne constitue pas une entité transparente. Voilà résumée, en deux assertions épurées, le double apport de la décision du 21 septembre 2023, par laquelle la cour administrative d’appel de Lyon, suivant en cela les conclusions de sa rapporteure publique, a conclu en son incompétence, le contrat à l’origine du litige revêtant une nature privée que seul le juge judiciaire peut connaitre. Rien n’étonnera vraiment à la lecture du présent arrêt, alors même qu’il vient s’inscrire dans une jurisprudence désormais éprouvée en la matière, la constante d’une solution n’ayant cependant jamais eu le pouvoir de priver le droit d’en discuter le bien-fondé.

À l’origine de l’affaire, une concession d’aménagement passée par la Communauté d’agglomération de Dijon avec son « opérateur dédié » (la société publique locale « aménagement de l’agglomération dijonnaise » - SPLAAD), initialement constitué en SPLA puis, à partir de 2013, en SPL, ceci en vue de la réalisation d’une opération d’aménagement (« Territoire Grand Sud »), le contrat donnant pour mission au concessionnaire (ainsi que le reprend la cour), d’acquérir la propriété, à l'amiable ou par voie de préemption ou d'expropriation (...) les biens immobiliers bâtis ou non bâtis, de gérer ces biens, de procéder à la réalisation des études opérationnelles et de faisabilité, et d’assurer l'ensemble des tâches de conduite et de gestion des opérations. C’est dans ce cadre que, en 2014, la société concessionnaire devait procéder à la cession d’un bâtiment à réhabiliter au profit de l’Ordre des architectes de Bourgogne, ceci au sein de l’Ecoquartier de l’Arsenal, l’opération (lovée dans une ZAC) confirmant, au passage le potentiel (bien armé) de reconversion patrimoniale constitué par les anciennes emprises militaires (V. C. Chamard-Heim et Ph. Yolka (dir.), Patrimoine(s) et équipements militaires. Aspects juridiques, IFJD, 2018). Le dessein finalement jeté aux oubliettes, l’Ordre des architectes décidait de revendre le bien, jusqu’à susciter l’attention des requérants d’espèce, les Consorts X, leur projet étant néanmoins stoppé net par un courrier du 14 mai 2020, par lequel la SPLAAD faisait valoir son droit de rétrocession à l’égard de l’actif en passe d’être revendu, ceci au titre des articles 11 et 13 du cahier des charges annexé au contrat de concession. C’est précisément cette décision que les Consorts X. entendaient contester, le tribunal administratif de Dijon venant toutefois rejeter leurs prétentions, déportées ce faisant en appel auprès de la Cour lyonnaise.

Sans qu’il ne soit nécessaire de s’épancher sur le fond de l’affaire, il appartenait avant toute chose à la cour d’établir sa compétence pour connaître du litige, la question revenant à déterminer si, à la base, le contrat de vente pouvait être regardé comme administratif, l’hypothèse étant au final écartée. Précisons au préalable que, certes, une autre solution aurait pu se concevoir : comme tentait de le faire valoir les requérants, la cour aurait pu arrimer sa compétence à la nature unilatérale du courrier en date du 14 mai 2020, analysée par les Consorts X. comme une décision de préemption, au sens des articles L. 211-1 et suivants du Code de l’urbanisme. Sans que l’arrêt d’espèce ne s’y attarde longuement (v. § 5 : « Dans ces conditions, cette décision qui porte sur l'exécution d'un contrat de droit privé ne peut être regardée comme ayant pour objet de préempter le bien litigieux pour le compte d'une personne publique »), force est d’admettre que les juges s’en sont remis à l’appréciation – convaincante – de la rapporteure publique pour balayer la conjoncture : outre que le courrier prenait expressément appui sur les stipulations du cahier des charges de la concession, ces dernières avaient, elles-mêmes, été insérées par renvoi au sein du contrat de vente signé entre la SPLAAD et l’Ordre des architectes bourguignon. En bref, le courrier entendait seulement manifester l’exercice d’une clause contractuelle ; autrement dit, il se contentait de mettre en œuvre un droit de rétrocession – ou de préférence – contractuellement prédéfini. Il restera cependant à convaincre qu’une autre solution n’aurait pas été envisageable : le courrier n’aurait-il pas pu être considéré « par anticipation » (ou par « retour » à l’ancien état) comme un acte détachable de la gestion du domaine privé (intercommunal) ? À suivre cette hypothèse, force est d’admettre que l’acte aurait pu, alors, relever de la compétence du juge administratif, lors même qu’il entrait – de notre point de vue – évidemment dans le giron de ceux ayant pour objet ou pour effet d’affecter « le périmètre et la consistance du domaine privé », quand bien même se serait-il agi « virtuellement » de revenir à l’existant passé – via rétrocession (v. TC, 22 nov. 2010, n° 3764, Sté Brasserie du théâtre c/ Cne Reims, Leb. 591 ; AJDA, 2010, p. 2423, chron. D. Botteghi et A. lallet ; BJCP, 2011, p. 55, concl. P. Collin ; BJCL, 2011, p. 439, note J. Martin ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 26, note P. Devillers ; JCP A, 2011, n° 2041, note J.-G. Sorbara ; Dr. adm., 2011, comm. 20 et GADABB, Dalloz, 4e éd., 2022, n° 72, note F. Melleray).

Quoi qu’il en soit, c’est donc de la nature du contrat de cession que dépendait l’issue du litige, étant entendu que plusieurs hypothèses pouvaient se présenter pour entériner son caractère administratif. Rappelons au préalable que, par principe, un contrat signé entre personnes privées (comme c’était le cas en l’espèce) revêt une nature privée (TC, 5 juill. 2021, M.Y.c/ communauté d'agglomération de la Riviera française, n° C4214, Leb.), quand bien même, bientôt, le législateur pourrait venir fragiliser cette équation, en revenant sur l’existant au sujet des contrats de la commande publique – signées par des personnes privées (V. sur la question, L. Cochet, Les contrats privés de la commande publique : les clairs-obscurs d’un régime juridique après la réforme de la commande publique : JCP A 2022, n° 2132 – G. Eckert, Unifier le contentieux de la commande publique : une fausse bonne idée ?, CMP, 2024, étude 6 – J. Martin, Juge administratif, juge judiciaire et contrats de la commande publique : un fauteuil pour deux ? : JCP A, 2024, n° 2176 – N. Symchowicz, Une réforme inopportune. L’unification du régime des contrats de la commande publique, AJDA, 2024, p. 1197). À ce stade cependant, la circonstance qu’un tel contrat confie l’exécution d’un service public au cocontractant (TC, 3 mars 1969, n° 01926, Sté Interlait, Leb. 682 ; AJDA, 1969, p. 307, concl. J. Kahn, note A. de Laubadère) ou qu’il comprenne une clause exorbitante du droit commun (TC, 26 mars 1990, AFPA, n° 02596, Leb. T., pp. 635-637 ; Dr. adm. 1990, comm. 341) demeure indifférente. À supposer la première objection bravée, il aurait été, en tout état de cause, pour le moins constructif de déceler ici l’existence d’une telle clause, lors même que, en matière patrimoniale du moins, le juge judiciaire comme son homologue administratif s’adonnent à une pêche – récréative – loin d’être miraculeuse. Ainsi, une clause rétrocessive ou « de préférence » n’est nullement regardée ainsi, pas davantage qu’une clause anti-spéculative (Civ. 3e, 23 sept. 2009, n° 08-18.187, Bull. 2009, III n° 203) ou, encore, une clause résolutoire (TC, 13 mars 2023, n° 4266, Cne Phalsbourg : AJCT 2023, p. 447, note Ch. Otero ; AJDA 2023, p. 473, obs. J.-M. Pastor ; JCP A 2023, act. 207, act. L. Ernstein ; Contrats-Marchés publ. 2023, comm. 185, note J. Diettenhoffer). On s’attardera en revanche davantage sur la seconde hypothèse, tirée du potentiel lien d’accessoriété entre le contrat de vente et la concession d’aménagement dont la nature, administrative, quant à elle, aurait pu attraire l’accessoire au principal (v. TC, 8 juill. 2013, n° C3906, SEEP, leb. 371 ; Contrats-Marchés publ. 2013, comm. 141, note P. Devillers ; JCP A, 2014, n° 2213, note O. Renard-Payen ; Dr. adm. 2013, comm. 78, note Y. Simmonet). Si l’arrêt fait mention de l’hypothèse, il s’en désintéresse globalement par la suite. On le regrettera mais, pour en approcher les raisons de plus près, on fera œuvre utile à se déporter, une fois encore, vers les conclusions de la rapporteure publique, cette dernière plaidant pour la mise à l’écart de l’hypothèse en ces termes : « un contrat de vente d’un bien immobilier, de surcroît conclu cinq ans après la concession d’aménagement, nous paraît difficilement pouvoir être regardé comme un simple accessoire de cette dernière ». On en tirera deux remarques : d’une part, le lien d’accessoriété se prêterait à la variable temporelle, l’écoulement du temps semblant irrémédiablement rompre les attaches ; d’autre part, l’accessoriété semble appréciée objectivement et ne pouvoir se comprendre qu’en présence d’une convention véritablement « périphérique » à la principale, ce qui ne serait donc nullement le cas, intrinsèquement, d’un contrat de vente : ici se love le paradoxe de la théorie, laquelle présuppose certes une dissociabilité entre deux objets (contractuels, en l’espèce)… mais pas trop, la relation d’interdépendance devant rester nourrie. C’est éminemment discutable mais l’on se contentera, plutôt, de relever que la solution vient confirmer, en premier lieu, la rareté des hypothèses positives en la matière (v. B. Blaquière, La théorie de l’accessoire en droit administratif, LGDJ, BDP, t. 332, 2022) ; en deuxième lieu, que la théorie de l’accessoire contractuel reste d’essence moins conceptuelle que volontariste, sa substance pouvant être, somme toute, résumée par l’idée selon laquelle elle n’est – comme la technique (cousine) de la détachabilité ou de la rattachabilité – rien d’autre… que ce que le juge décide d’en faire (V. en ce sens, M. Ubaud-Bergeron, note sous TA Strasbourg, 31 mars 2016, n° 1601218, Sté Eiffage Energie Alsace Franche-Comté : Contrats-Marchés publ. 2016, comm. 131).

Ces deux hypothèses écartées, deux échappatoires restaient toutefois potentiellement à emprunter : l’une tirée de l’existence d’un mandat implicite liant la SPL à l’EPCI dijonnais ; l’autre exhumée de la « transparence » de cette même SPL à l’égard de ce même EPCI, les contrats qu’elles passent devant être – diaphanes – arrimés de nouveau au critère organique. Peine perdue, cependant, la Cour administrative d’appel de Lyon venant, au sujet de la première (I) comme de la seconde hypothèse (II), rejeter les prétentions.

I. Le concessionnaire n’est pas (implicitement) le mandataire de la personne publique

Le premier véritable argument des requérants résidait dans le bénéfice de la théorie du mandat « administratif », celle-ci obligeant à regarder le cocontractant privé, par-delà l’écran de sa personnalité morale, comme ayant agi « au nom et pour le compte de la personne publique ». Nul n’ignore que, en 1975, le Conseil d’État y donnait corps, jugeant ainsi que, au regard d’une pluralité d’indices (travaux contrôlés par la personne publique ; travaux dont les constructions deviendraient la propriété de la collectivité ; substitution de responsabilité), une personne privée peut-être considérée comme le mandataire « implicite » d’une personne publique (CE, sect., 30 mai 1975, Sté d’équipement de la région montpelliéraine, Leb. 326 ; AJDA, 1975, p. 3456, chron. M. Franc et M. Boyon ; D., 1976, p. 3, note F. Moderne), le contrat revêtant alors un caractère administratif sans qu’il ne soit – au surplus – nécessaire de cocher l’un des critères alternatifs. La théorie devait par la suite connaître quelques prolongations : elle resta globalement cantonnée aux contrats de travaux publics (routiers), leur « attractivité » légendaire contribuant sans doute à une telle destinée (v. par ex., CE, sect., 27 nov. 1987, n° 38318, Société provençale d’équipement, Leb. 383 ; Dr. adm. 1988, comm. 32, concl. Fornacciari, note F. Moderne ; AJDA, 1987, p. 716, chron. M. Azibert et M. de Boisdeffre ; D., 1989, jurispr. p. 261, note B. Thomas Tual ; D.n 1988, somm. p. 255, obs. Ph. Terneyre), quand bien même le juge départiteur s’autorisa quelques évasions ailleurs (v. not. CE, 3 juin 2009, n° 323594, Sté ADP, Leb. 216 ; RJEP 2009, comm. 19, concl. B. Dacosta ; Contrats-Marchés publ. 2009, comm. 368, note W. Zimmer).

Nul n’ignore cependant aussi combien cette force d’attraction s’est flétrie par la suite, bien aidée par l’idée selon laquelle les contrats de travaux publics ne relèvent plus, « par nature », de l’État et de la compétence du juge administratif (TC, 9 mars 2015, Rispal c/ Sté ASF ; RFDA, 2015, p. 265, concl. N. Escaut, note M. Canedo-Paris ; BJCP, 2015, p. 309, concl. ; AJDA, 2015, p. 1204, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe ; Contrats-Marchés publ., 2015, comm. 110, note P. Devillers ; Dr. adm. 2015, comm. 34, note F. Brenet ; JCP A, 2015, n° 2156, note J.-Fr. Sestier ; ibid. n° 2157, note S. Hul ; GAJA, dalloz, 24e éd., 2023, n° 114). Le Conseil d’État, en premier lieu, retînt que son bénéfice doit être subordonné au fait que les constructions – issus des travaux – relèvent exclusivement de la propriété d’une personne publique, condamnant ainsi presqu’ipso facto, les contrats arrimées directement ou indirectement à une concession d’aménagement (CE, 11 mars 2011, n° 330722, Cnté d’agglomération du Grand Toulouse : Leb. T. 843 : 1003, 1093 ; AJDA, 2011, p. 534, obs. R. Grand ; RDI, 2011, p. 278, note R. Noguellou ; Contrats-Marchés publ. 2011, comm. 130, note P. Devillers ; Constr.-Urb. 2011, comm. 67, note L. Couton). Le coup de grâce vînt, en second lieu, du Tribunal des conflits, lequel devait estimer que la théorie du mandat implicite ne peut plus être retenue, sauf à ce que les stipulations du contrat elles-mêmes laissent entendre le contraire (eu égard aux missions confiées au cocontractant de la personne publique). Ou, alternativement, s’il apparaît que les conditions d’exécution du contrat sont agrémentées de « circonstances particulières », telles qu’elles témoigneraient de la volonté – de la personne publique – d’être représentée, en son nom et pour son compte, par son propre cocontractant, y compris dans les autres relations contractuelles qu’il engagerait (TC, 11 déc. 2017, n° C4103, Cne Capbreton : Contrats-Marchés publ., 2018, comm. 30, note M. Ubaud-Bergeron ; AJDA, 2018, p. 267, chron. S. Roussel et C. Nicolas ; RDI, 2018, p. 1222, obs. M. Revert). La même décision devait enfin préciser que, au nombre de ces circonstances particulières, figurent notamment le maintien de la compétence de la collectivité publique pour décider des actes à prendre pour la réalisation de l'opération ou la substitution de la collectivité publique à son cocontractant pour engager des actions contre les personnes avec lesquelles celui-ci a conclu des contrats.

Depuis, c’est dès lors sans discontinuité que cette nouvelle approche a été reprise, réduisant à peau de chagrin la théorie du mandat implicite, son absence semblant affectée d’une présomption lourde, susceptible de n’être renversée qu’en de rares occasions (CE, 25 oct. 2017, n° 404481, Sté Les Compagnons Paveurs : JurisData n° 2017-021610 ; Contrats-Marchés publ. 2017, comm. 269, note H. Hoepffner ; AJDA, 2018, p. 254 ; RTD com., 2018, p. 72, obs. F. Lombard - TC, 7 février 2022, n° C4233, Sté GUYACOM ; JCP A, 2023, n° 2303, note S. Bernard ; AJDA, 2022, p. 740, chron. D. Pradines et T. Janicot ; AJCT 2022, p. 269, obs. G. Le Chatelier ; ibid. p. 635, étude M.-C. Rouault ; Contrats-Marchés publ. 2022, comm. 165, note J. Dietenhoffer). La même approche est, du reste, retenue en matière de travaux publics – et s’agissant des responsabilités afférentes – le concessionnaire de l’Administration ne pouvant être assimilé – sauf éléments probants contraires – à un mandataire de la personne publique (TC, 15 oct. 2012, n° 3853, Sté Port Croisade, Leb. T. : Contrats-Marchés publ. 2013, comm. 17, note G. Eckert ; AJDA, 2012, p. 1982, note D. Poupeau – TC, 16 juin 2014, n° 3944, Sté d’exploitation de la Tour Eiffel c/ Sté Séchaud-Bossuyt et a. : JurisData n° 2014-013528 ; Contrats-Marchés publ., 2014, comm. 220, note P. Devillers ; RJEP 2014, n° 725, comm. 52, note M. Sirinelli ; BJCP, 2014, p. 426, concl. N. Escaut – TC, 10 janv. 2022, n° 4228, Sté Café Bar Pyxide : Contrats-Marchés publ. 2022, comm. 93, note C. Chamard-Heim ; JCP A 2022, act. 66, obs. L. Ernstein – TC, 4 juill. 2022, n° 4247, Sté Alliance global corporate et specialty et Sté Aéroport Toulouse Blagnac : Contrats-Marchés publ. 2022, comm. 274 ; AJDA, 2022, p. 1361, obs. J.-M. Pastor), la circonstance autorisant à le maintenir en qualité de maître de l’ouvrage. De tels éléments n’ont, en tout état de cause, pas été jugés suffisamment probants ici pour faire vaciller la présomption. Ainsi, la circonstance que le maire de Dijon ait approuvé et agréé une telle cession, n’a pas été considérée comme telle ; pas davantage que les stipulations mêmes de la convention d’aménagement ou de son cahier des charges, celles-ci révélant tout au contraire le maintien de l’autonomie du cocontractant (celui-ci devant, selon ses termes et répétons-les, « assurer l'ensemble des tâches de conduite et de gestion des opérations »). C’est dire, en somme, que la présente convention reste certes bien en deçà d’un quelconque transfert de compétences mais, sans doute, au-delà d’une simple délégation d’activités, le caractère « concessif » semblant, par ailleurs, implicitement jouer à plein, comme si l’existence d’un transfert de risques sur ses épaules suffisait à démontrer l’autonomie décisionnelle et gestionnaire du concessionnaire. C’est enfin sans succès que les requérants ont tentèrent, ici, de se prévaloir du « contrôle analogue » (à celui mise en œuvre sur ses propres services) exercé par l’EPCI sur sa propre SPL pour en déduire la présence d’un mandat implicite, ce moyen autorisant à faire transition avec le second intérêt majeur de la présente décision.

II. Une société publique locale n’est pas (explicitement) une entité « transparente ».

À défaut, en effet, d’emporter la persuasion des juges quant à l’existence d’un mandat administratif, le second moyen d’envergure consistait à tenter de convaincre de la « transparence » de la présente SPL (v. sur le sujet J.-M. Auby, La théorie des institutions transparentes en droit administratif, RDP, 1988, p. 265 ; F. Lichère, Le renouvellement de la théorie de la transparence des personnes privées, Contrats-Marchés publ., 2007, étude 14 ; S. Damarey, Association transparente : le critère du contrôle exercé par l’administration éclairé par la jurisprudence du Tribunal des conflits, JCP A, 2020, n° 2284. V. également P. Levallois, L’association, gestionnaire de service public, in C. Meurant et Ch. Roux (dir.), Associations et droit public, IFJD, 2024, à paraître). Par ce biais, les requérants souhaitaient donc exporter en la matière la théorie de « l’association transparente » par laquelle, en présence d’un certain nombre d’indices (création, financement, modalités de contrôle de l’association) le juge administratif s’autorise à retrouver la fragrance de la personnalité publique derrière le « faux-nez » associatif (CE, 21 mars 2007, n° 281796, Commune de Boulogne-Billancourt ; Contrats-Marchés publ., 2007, comm. 137, note G. Eckert; AJDA, 2007, p. 663 et 975, note J.-D. Dreyfus ; D., 2007, p. 1937, note J.-D. Dreyfus ; BJCP, 2007, n° 52, p. 230, concl. N. Boulouis ; CP-ACCP, 2007, n° 68, p. 58, note F. Brenet). Ce voile levé, la marionnette confondue, le juge administratif en tire la conclusion que les contrats adoptés par ces associations peuvent souffrir l’administrativité, pourvu que ces derniers répondent, en sus, au critère alternatif, la théorie connaissant également des excroissances sur le plan humain et financier, seul le champ fiscal (v. TA Limoges, 3 mars 2022, n° 1902240, Dpt de la Haute-Vienne : JurisData n° 2022-003403 ; Dr. adm., 2022, alerte 75, obs. Ch. Roux) et patrimonial y semblant pour l’heure rétifs (N. Foulquier, Le domaine public transparent, in Mél. É. Fatôme : Dalloz, 2011, p. 141).

L’argument ne manque évidemment pas de bon sens : par définition (légale : CGCT, art. L. 1531-1), les SPL sont en effet créées sur l’initiative de personnes publiques, lesquelles en sont, au demeurant, les seuls actionnaires ; en outre, exerçant sur ces SPL un « contrôle analogue » à celui qu’elles exercent sur leurs propres services, l’autonomie décisionnelle, gestionnaire et financière des SPL peut paraître douteuse, ceci d’autant plus qu’elles ne peuvent agir que pour le compte des collectivités publiques actionnaires. En bref, les indices mobilisés dans le cadre de la théorie de l’association transparente pourraient parfaitement être décalquées aux SPLA et SPL, ce qu’une doctrine – qu’on qualifiera de « réaliste » – admet depuis longtemps (V. S. Brameret, Prestations intégrées et transparence organique : pour une convergence des jurisprudences : AJDA 2021, p. 900. – S. Damarey, La société publique locale ou la fin des associations transparentes : AJDA 2011, p. 15). D’un autre côté, sans du reste infirmer la validité du raisonnement, une frange de la doctrine a toutefois bien marqué les inconvénients qui en résulteraient, s’il était admis : indéniablement, ce serait intégrer dans le fruit (du droit privé) un ver (d’exorbitance) ruinant presqu’entièrement l’intérêt de recourir à ces outils sociétaires. Ajoutons à cela que l’intention du législateur n’a vraisemblablement jamais été celle-ci, la constitution des SPL portant tous les stigmates relatifs à la volonté de cadrer avec les conditions de l’exception « in house », issues de l’arrêt Teckal (CJCE, 18 nov. 1999, aff. C-107/98, Rec. CJCE, p. 1-8121 ; BJCP, 2000, p. 43, concl. G. Cosmas, note Ch. Maugüé ; Europe, 2000, comm. 28, note F. Kauff-Gazin) et désormais codifiées (CCP, art. L. 2511-1 et s., pour les marchés publics ; CCP, art. L. 3123-1 et s., pour les concessions). On a mis encore en relief le fait que le « phénomène SPL » n’aurait, contrairement à celui des associations para-administratives, rien de « pathologique » (J.-Fr. Lafaix et R. Léonetti, A la recherche du droit d'exploitation dans les contrats immobiliers : AJDA 2021, p. 1986), ce qu’il sera loisible de discuter, d’une part, au regard de leur tendance à l’hypertrophie – et à la filialisation ; d’autre part, sous l’angle de l’exigence de publicité et mise en concurrence préalables. De manière plus convaincante, on a surtout pu avancer que la transparence n’aurait pas de sens, dès lors qu’on investit une SPL ou une SPLA d’une mission d’intérêt général (voire de service public), le pont étant alors jeté avec la solution précédente : à partir du moment où le concessionnaire (de service public) n’est pas le mandataire d’une personne publique, une même logique devrait être mise à l’œuvre (G. Le Chatelier, Une SPLA n'est pas une entité transparente, AJCT, 2021, p. 312).

C’est certainement pour l’ensemble de ces raisons que le Cour administrative d’appel, suivant en cela le Conseil d’État et le juge départiteur qui s’étaient déjà prononcés en ce sens (CE, 4 mars 2021, n° 437232, Sté Socri gestion : JurisData n° 2021-003347 ; AJCT 2021, p. 312, note G. Le Chatelier ; AJDA 2021, p. 1986, note J.-Fr. Lafaix et R. Léonetti ; JCP A 2021, 2161, note F. Lichère ; Contrats-Marchés publ. 2021, comm. 156, note P. Soler-Couteaux – TC, 7 février 2022, n° C4233, Sté GUYACOM, préc. – v. également, de manière bien plus contestable au sujet d’un SEM : TA Nice, 11 avril 2023, n° 1905577, Société PSI), est venu écarter, ici, la transparence de la SPLAAD. Indubitablement l’argumentation des requérants flirtait avec le mélange de genres, mobilisant tour-à-tour la transparence, l’exception in house et la théorie du mandat administratif, sans véritable cohérence (v. sur ces confusions, L. Richer, De l'analogie. À propos de la jurisprudence Teckal, in Mél. Ph. Godfrin : Mare & Martin, 2014, p. 491 ; Ch. Roux, Le(s) in house, au-delà du droit de la commande publique : JCP A 2020, n° 2202), ce qu’il faudra aussi, peut-être, mettre sur le compte des atermoiements du passé (v. pour un tel cocktail indigeste, CE, Sect., 6 avril 2007, n° 284736, Commune d’Aix-en-Provence, Leb. 155 ; JCP A, 2007, n° 2111, note M. Karpenschif ; Contrats-Marchés publ., 2007, comm. 191, note G. Eckert ; RFDA, 2007, p. 812, concl. F. Séners; AJDA, 2007, p. 1020, chron. F. Lénica et J. Boucher). Il restera cependant, en guise d’ultime tempérament, à pointer la motivation un brin tautologique servie pour justifier une telle solution, depuis la décision du 4 mars 2021 (préc.). Reprise ici par la Cour administrative d’appel de Lyon, elle consiste, après avoir cité l’article L. 1531-1 du CGCT, à relever que « ainsi créée dans le cadre institué par le législateur pour permettre à une collectivité territoriale de transférer certaines missions à une personne morale de droit privé contrôlée par elle, [une SPL] ne peut être regardée comme une entité transparente ». Que le législateur ait créé les SPL pour un tout autre dessein est une chose ; qu’il ne supporte pas la rançon juridictionnelle du « contrôle analogue » en reste une autre…

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