Cette affaire pose à juger la question, inédite, de savoir si le préfet pouvait valablement refuser d’admettre au séjour un étranger qui s’était vu accorder une protection au titre de l’asile conventionnel par la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) au motif que ce même étranger était simultanément sous le coup d’une interdiction judiciaire du territoire français.
Les faits sont simples. Mme A., ressortissante guinéenne est entrée en France le 12 février 2018 selon ses déclarations, démunie de tout document l’autorisant à voyager. Placée sous mandat de dépôt, elle a été déférée devant le tribunal correctionnel de Créteil en comparution immédiate et a été condamnée à une peine d’emprisonnement de quatre mois, assortie d’une interdiction du territoire national d’une durée de cinq ans. Le jour de la levée d’écrou le 28 avril 2018, elle s’est maintenue irrégulièrement sur le territoire national. Interpellée en juin 2018 et placée en rétention, elle a alors formulé une demande d’asile qui lui a été accordée par une décision de la CNDA du 30 janvier 2019. Mais par une décision du 23 mars 2021, le préfet de la Savoie a refusé d’admettre au séjour Mme A. en qualité de réfugiée.
Le tribunal administratif a d’abord commencé par relever que le préfet était en situation de compétence liée pour refuser d’admettre au séjour un étranger sous le coup d’une interdiction judiciaire du territoire français.
Cette situation de compétence liée découle de la lettre de l’article 131-30 du code pénal : l’interdiction du territoire français prononcée par le juge pénal à l'encontre d'un étranger « entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière ». Ces dispositions étaient d’ailleurs reproduites à l’article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur.
Le préfet devait donc tenir compte de l’autorité absolue de la chose jugée au pénal et se trouvait donc en situation de compétence liée pour refuser à Mme A. un titre de séjour, quel que soit le fondement, quand bien même celle-ci a été admise au statut de réfugié par une décision définitive de la CNDA.
En conséquence, les moyens tirés de la motivation insuffisante de la décision et de l’erreur et l’examen insuffisant de la demande par le préfet étaient inopérants.
Le tribunal administratif a ensuite relevé que si le 8° de l’article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, prévoyait la délivrance de plein droit d’un titre de séjour à l’étranger reconnu réfugié, cette délivrance de plein droit était assortie de deux conditions tenant d’une part à la menace à l’ordre public et d’autre part à la régularité du séjour.
Le première réserve n’était pas en jeu en l’espèce ; en revanche, la seconde condition n’était pas remplie. Mme A. a été placée, par arrêté du 6 juin 2018 du préfet de l'Isère, en rétention pendant le temps nécessaire à l’examen de sa demande par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ; elle n’était donc pas munie d’un récépissé de demande d’asile ou d’une autorisation provisoire de séjour le temps de l’examen de sa demande.
Par suite, Mme A. ne pouvait être regardée comme ayant séjournée régulièrement à la date de sa demande de titre de séjour sur le fondement du 8° de l’article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Là aussi, le tribunal administratif n’a pu que constater que le préfet n’était pas tenu de l’admettre au séjour de plein droit sur le fondement de ces dispositions, à la suite de la décision de la CNDA, dont l’autorité n’a ainsi pas été méconnue, notamment en raison de l’absence d’obligation de quitter le territoire français.
En conséquence, le tribunal a également écarté les moyens tirés de l’erreur de droit et de l’erreur manifeste d'appréciation.
335-05, Etrangers, Réfugiés