Dans le cadre d’un recours « Béziers II » en reprise des relations contractuelles, le tribunal administratif de Lyon précise les conditions dans lesquelles une personne publique peut résilier unilatéralement un contrat administratif auquel elle est partie pour irrégularité. Il précise notamment, enrichissant la jurisprudence du Conseil d’État société Comptoir Négoce, qu’il revient à la personne publique, de vérifier que la résiliation n’emportera pas une atteinte excessive à l’intérêt général.
Le contentieux contractuel est devenu si complexe qu’il peut se figurer sous la forme d’une toile d’araignée en construction. Sitôt un fil tissé, un nouveau est mis sur le métier, ouvrant une voie contentieuse inédite, bien souvent incertaine car encore inaboutie. Mais pour que l’ensemble tienne, encore faut-il que des liens soient établis entre tous ces chemins, liens qui s’incarnent par des décisions de justice que l’on peut dire « d’articulation » et dont on se prête à rêver qu’elles fassent un jour l’objet d’une étude propre. Le jugement ici commenté, rendu par le tribunal administratif de Lyon le 17 mars 2002, société Grintek SAS, fait partie de ces décisions, puisqu’il se situe à la confluence des jurisprudences Béziers II (CE, Sect., 21 mars 2011, n° 304806, commune de Béziers, Lebon p. 117) et société Comptoir Négoce (CE, 10 juil. 2020, n° 430864, société Comptoir Négoce Équipements, Lebon). Cette articulation était attendue, le recours Béziers II en reprise des relations contractuelles étant le recours naturel pour contester une mesure de résiliation unilatérale pour irrégularité du contrat sur le fondement de société Comptoir Négoce.
Mais avant d’en dire plus, rappelons brièvement les faits. Quelques jours avant son départ de l’établissement, le directeur des travaux du centre hospitalier du Vinatier à Bron signait, le 12 août 2020, trois devis présentés par la société requérante d’un montant total de 228 492, 6 € en vue de la réalisation de travaux d’isolation. « Effet d’aubaine », affirmait justement le rapporteur public dans ses conclusions : selon ces devis, aucune somme ne resterait à la charge de l’hôpital, les travaux devant être financés par le reversement de la prime des certificats d’économie d’énergie. Mais en signant ces devis, le directeur des travaux concluait, sans aucune procédure de publicité et de mise en concurrence, un marché public de travaux excédant le seuil de passation de 100 000 € et aurait donc dû diligenter une procédure adaptée. Un mois plus tard, l’hôpital faisait savoir à la société qu’il n’entendait pas donner suite au motif, notamment, que le marché n’avait fait l’objet d’aucune mise en concurrence. La résiliation fut – à nouveau – formalisée par deux décisions des 20 avril et 4 juin 2021. Le 17 juin 2021, la société Grintek formait un recours en reprise des relations contractuelles. S’il est – à juste titre – rejeté pour tardiveté par le tribunal (la lettre du 11 septembre 2020 valait bien décision de résiliation et mentionnait du reste les délais et voies de recours et il était établi que la société avait, au plus tard le 2 mars 2021, eu connaissance de cette décision), le juge prend tout de même soin, en tout état de cause, de statuer au fond, ce qui laisse entrevoir la posture que pourra adopter le juge du fond dans cette nouvelle configuration contentieuse.
Un mot, pour rappeler la teneur de ces « fils » contentieux. S’agissant de Béziers II, on se souvient qu’avant qu’elle n’intervienne, les parties à un contrat administratif ne pouvaient contester la validité d’une mesure d’exécution, résiliation comprise, étant seulement admises à former un recours indemnitaire. Mais en 2011, « coup de tonnerre jurisprudentiel » (F. Linditch, « Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, la nouvelle jurisprudence commune de Béziers », JCP A, 2011, n° 18, 2171) : dans une décision qui, comme son aînée (CE, Ass., 28 déc. 2009, n° 304802, commune de Béziers, Lebon p. 509 – dite Béziers I), convoque les désormais incontournables loyauté des relations contractuelles et objectif de stabilité des relations contractuelles, le Conseil d’État permet au cocontractant de « former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ». Saisi d’un tel recours, le juge procède en deux temps. D’abord, s’il constate que la mesure de résiliation est entachée de vices relatifs soit à sa régularité, soit à son bien-fondé, il vérifie si la demande n’est pas devenue sans objet. Ensuite, dans la négative, il lui revient d’apprécier, au regard de la gravité des vices allégués, des éventuels manquements du cocontractant à ses obligations contractuelles et des motifs de la résiliation, si la reprise des relations contractuelles n’est pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général, en particulier dans le cas où un nouveau contrat aurait été conclu avec un autre opérateur. Ce faisant, le juge fait un bilan entre les avantages et les inconvénients, au regard de l’intérêt général, que comporterait la reprise des relations contractuelles.
Venons-en à société Comptoir Négoce. Dans cette décision de l’été 2020, rendue sur un recours Béziers II devenu sans objet, le Conseil d’État « aligne [quoiqu’imparfaitement] le pouvoir de résiliation de la personne publique pour invalidité du contrat sur celui du juge et le soumet d’ailleurs aux mêmes exigences » (F. Brenet, « La résiliation pour invalidité du contrat », Dr. adm., 2020, n° 10, p. 36), celles issues de la jurisprudence Béziers I. Certes, le Conseil d’État avait déjà retenu le pouvoir de l’administration contractante de résilier un contrat pour irrégularité (CE, 10 juil. 1996, n° 140606, Tables), le rattachant d’ailleurs au pouvoir de modification unilatérale pour motif d’intérêt général. Il l’avait même confirmé, en l’an 2 après Béziers II (CE, 7 mai 2013, n° 365043, société auxiliaire de parc de la région parisienne, Lebon p. 137). Dans l’arrêt société Comptoir Négoce, le Conseil d’État précise que ce pouvoir – qu’il rattache encore au pouvoir de résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général – ne peut être mobilisé, sous réserve de l’exigence de loyauté des relations contractuelles, que face à « une irrégularité d’une gravité telle que, s’il était saisi, le juge du contrat pourrait […] prononcer l’annulation ou la résiliation » du contrat. On notera que l’alignement avec la jurisprudence Béziers I n’est pas total pour deux raisons. D’une part, là où, saisi d’un recours en contestation de la validité d’un contrat, le juge dispose, outre de la possible régularisation, des sanctions de résiliation et d’annulation, l’administration ne peut résilier le contrat que pour l’avenir, la résolution unilatérale pour irrégularité étant inenvisageable (récemment, le Conseil d’État a précisé que, même s’agissant d’une seule clause, la personne publique contractante ne peut « d’elle-même qu’en prononcer la résiliation » : CE, 13 juin 2022, n° 453769, Centre hospitalier d’Ajaccio, Tables). D’autre part, il n’est nullement question, pour l’administration, de veiller à ce que la résiliation ne porte une atteinte excessive à l’intérêt général, alors qu’il revient au juge du contrat d’y être attentif selon les termes de la jurisprudence Béziers I, pour éventuellement prononcer la poursuite de l’exécution. Dès lors, face à un contrat gravement irrégulier, l’arrêt société Comptoir Négoce laisse à penser que l’administration n’a d’autre alternative que la résiliation.
On entrevoit déjà les difficultés d’une articulation entre ces deux jurisprudences. Par exemple, quelle doit-être l’attitude du juge si, saisi d’un recours en reprise des relations contractuelles, il constate que le vice invoqué par l’administration au soutien de sa résiliation unilatérale est certes d’une gravité telle qu’il justifierait d’une résiliation ou d’une annulation au contentieux, mais que dans les circonstances de l’espèce, la résiliation emporterait une atteinte excessive à l’intérêt général ? Dans le jugement ici commenté, le tribunal administratif de Lyon procède à une articulation tendant à rapprocher encore plus le pouvoir de résiliation unilatérale pour irrégularité de l’office du juge de la validité du contrat. Ce faisant, il nous donne à voir un fragment de notre toile d’araignée en action. Si, en l’espèce, la résiliation apparaît parfaitement justifiée au regard de la gravité des vices (I), le tribunal précise qu’il revient à la personne publique de veiller à ce que la résiliation ne porte pas une atteinte excessive à l’intérêt général (II).
I – Les vices : la résiliation unilatérale englobante
Pour rappel, dans le contentieux de la validité des contrats administratifs, la sanction d’annulation est encourue « en raison seulement d’une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par [le juge], tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement » (CE, Ass., 28 janv. 2009, commune de Béziers, op. cit.). Si la notion de contenu du contrat a pu être précisée par le Conseil d’État, dans un sens restrictif comme correspondant à l’objet du contrat (CE, 9 nov. 2018, n° 420654, société Cerba, Lebon), celle de vice d’une particulière gravité conserve un fort degré d’incertitude quant à son périmètre (v. D. Thébault, « Les ‘‘vices d’une particulière gravité’’ affectant le contrat administratif : tentative de clarification. D’un juge réparateur à un juge censeur », RDP, 2021, p. 945). Et pour cause, elle n’est pas seulement mobilisée dans le cadre du recours des parties en contestation de la validité d’un contrat, elle l’est aussi dans le cadre du recours Tarn-et-Garonne (CE, Ass., 4 avr. 2014, n° 358994, département de Tarn-et-Garonne, Lebon ; au GAJA) ouvert aux tiers. La difficulté tient au fait que la notion n’est pas employée de manière tout à fait analogue dans les deux contentieux. En effet, dans le recours des parties, l’exigence de loyauté contractuelle (absente des débats lorsqu’un tiers intente le recours) fait obstacle à ce que l’une d’entre elles – généralement la personne publique – se prévale d’une irrégularité qui lui est imputable et qui est soulevée dans le seul but d’obtenir la cessation de la relation contractuelle. Ceci explique que les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence ne soient, sauf circonstances particulières, généralement pas retenus au soutien d’une demande en annulation du contrat – ou de sa mise à l’écart pour trancher un litige d’exécution –, ainsi que le juge le Conseil d’État depuis 2011 : « les parties à [un] contrat ne peuvent invoquer un manquement aux règles de passation, ni le juge le relever d’office, aux fins d’écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, par exception, il en va autrement lorsque, eu égard d’une part à la gravité de l’illégalité et d’autre part aux circonstances dans lesquelles elle a été commise, le litige ne peut être réglé sur le fondement de ce contrat » (CE, 12 janv. 2011, n° 338551, Lebon. Nous soulignons). La logique ici suivie consiste à « empêcher les invocations à la fois opportunistes et particulièrement illégitimes de certaines irrégularités » (G. Pellissier, « Concl. sur CE, 10 juil. 2020, n° 430864, Société Comptoir Négoce », ArianeWeb), tout en ménageant au juge la possibilité de, tout de même, censurer un contrat du fait de manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence à raison de circonstances particulières ne témoignant d’aucune volonté d’entraver la loyauté des relations contractuelles.
L’espèce offre justement un exemple d’un tel manquement aux obligations de mise en concurrence d’une gravité telle qu’il entraînerait, au contentieux, l’annulation du contrat, ce qui, en soi, est assez rare pour être souligné (il a déjà pu être jugé que l’absence totale de publicité et de mise en concurrence n’était pas constitutive d’un vice d’une particulière gravité : v. par exemple en contentieux de l’exécution CAA Marseille, 16 fév. 2015, n° 13MA00902, société Siemens Lease Services). Si les motifs du jugement ne qualifient pas expressément les manquements affectant la passation des marchés en cause de « vices d’une particulière gravité », les conclusions du rapporteur public s’évertuent à justifier une telle qualification. Ainsi note-t-il qu’il y a lieu de « relever comme circonstances très particulières que les devis ont été présentés par la société Grintek en pleine période estivale et sans commande du centre hospitalier. Ils ont été signés par un directeur qui quittait son poste quelques jours après et sans avertir le responsable des achats », le tout ayant abouti non seulement à la conclusion d’un marché public de travaux sans publicité ni mise en concurrence, mais encore à un contenu contractuel ne respectant pas les prescriptions du code de la commande publique, l’ensemble étant, bien évidemment, non régularisable. Ces arguments sont repris par la formation de jugement qui rejette la demande de reprise des relations contractuelles au regard, notamment, des « conditions particulières de l’espèce ».
Outre l’intérêt pratique d’un cas d’espèce révélant des manquements à l’obligation de publicité et de mise en concurrence qui, dans la logique Béziers I et au regard de circonstances particulières, constituent un vice d’une particulière gravité, il convient de s’interroger sur un effet inévitable et peut-être indésirable de la jurisprudence société Comptoir Négoce. En englobant sous le pavillon de la seule résiliation unilatérale les vices susceptibles, devant le juge de la validité, d’aboutir soit à la résiliation, soit à l’annulation, n’aboutit-on pas, d’une part, à brouiller encore davantage la notion de vices d’une particulière gravité et, d’autre part, à rendre en pratique d’autant plus marginale l’hypothèse de l’annulation d’un contrat administratif ?
S’agissant de la première interrogation, étant entendu que la résolution unilatérale n’est pas envisageable et que le juge, saisi d’un recours à l’encontre d’une mesure de résiliation ne peut prononcer l’annulation du contrat sauf à violer la règle de l’interdiction de statuer ultra petita, l’on peut s’interroger sur la pertinence, dans l’argumentaire du juge, de la recherche de la qualification de vice d’une particulière gravité étant entendu que cette qualification n’a pas d’incidence sur la validité de la mesure de résiliation unilatérale. Au mieux, elle justifie par surabondance une telle mesure, mais au risque, on l’aura compris, de rendre encore plus fluide la distinction des vices justifiant la résiliation et de ceux pouvant entraîner l’annulation au contentieux.
Concernant la seconde interrogation, dans tous les contentieux de la validité, l’on assiste au déploiement d’une « appréciation rigoureuse du vice d’une particulière gravité » (L. Sourzat, « Appréciation d’une mesure d’annulation d’une concession d’aménagement et de ses effets à l’égard de l’intérêt général », AJDA, 2019, p. 1459), à tel point que l’on a pu parfois parler d’« effondrement du droit de la commande publique » (F. Linditch, « Tarn-et-Garonne, trou noir du droit administratif ? », JCP A, 2019, n°51-52, 2362) au profit d’une sécurité juridique recherchée coûte-que-coûte. Il n’est pas interdit de penser qu’en pratique, cette assimilation des vices aboutisse à une réduction empirique des cas d’annulation, notamment dans l’hypothèse de la personne publique qui, constatant que le contrat est gravement vicié, décide de le résilier pour éviter une annulation contentieuse. On en convient, une telle hypothèse se rencontrera rarement et laisse une forte prise à un éventuel cynisme administratif, mais elle reste théoriquement envisageable.
II – Les conséquences : la balance des intérêts généraux
Le jugement l’énonce clairement : il revient à la personne publique, « en tenant compte de l’objectif de stabilité des relations contractuelles », de vérifier « que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général » avant de prononcer la résiliation unilatérale du contrat, une précision pourtant absente des motifs de la décision Sté Comptoir Négoce. Dans la vaste galaxie des contentieux contractuels où la question de la validité se pose, un seul autre exemple de cette absence de l’intérêt général comme soupape permettant la poursuite de l’exécution du contrat existe. Il est prévu par l’arrêt Béziers I dans l’hypothèse où la contestation de validité du contrat intervient à l’occasion d’un litige portant sur l’exécution du contrat : « lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l’exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l’exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d’office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d’une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ». Si cette absence peut apparaître paradoxale, elle est en réalité parfaitement logique et justifiée en ces termes par G. Pellissier dans ses conclusions sur l’arrêt SMPAT de 2017 : « poursuivre l’exécution matérielle d’un contrat n’implique pas nécessairement d’en faire application pour déterminer les droits et obligations des parties » (G. Pellissier, concl. sur CE, Sect., 30 juin 2017, n° 398445, Syndicat mixte de promotion de l’activité transmanche », ArianeWeb). Ainsi, à raison des mêmes vices, un contrat peut donc parfaitement être maintenu en vie, au nom de l’intérêt général, dans un pur contentieux de la validité, et écarté dans un contentieux indemnitaire de l’exécution.
Cependant, l’absence d’une telle réserve liée à l’intérêt général ne se comprend guère s’agissant de la résiliation unilatérale, puisque, précisément, il s’agit ici aussi d’une question de maintien ou non d’une relation contractuelle qui a théoriquement l’intérêt général comme fondement. Une partie de la doctrine a pu tenter d’apporter une explication, à l’image de D. Pouyaud, qui justifie, quoique de façon prudente, cette absence par le fait « difficilement compréhensible que la résiliation pour motif d’intérêt général puisse se heurter à un motif d’intérêt général qui justifierait la poursuite de l’exécution du contrat » (D. Pouyaud, « La résiliation pour irrégularité du contrat administratif », RFDA, 2021, p. 275). Mais cet argument n’emporte pas la conviction tant il relève par nature de l’action publique d’opérer des arbitrages d’intérêt général. Par ailleurs, la mention de l’intérêt général est bien présente dans la rédaction de l’arrêt Béziers II puisqu’il incombe au juge saisi d’un recours en reprise des relations contractuelles de veiller à ce qu’une « telle reprise [ne soit] pas de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général ». Le paradoxe est donc davantage lié à l’absence de cette référence dans les motifs de la décision société Comptoir Négoce, puisqu’une interprétation littérale de cette jurisprudence pourrait conduire à une situation dans laquelle, dans un premier temps, la personne publique résilie un contrat au regard de ses seuls vices non-régularisables, sans tenir compte de l’intérêt général s’attachant au maintien, ou non, dudit contrat et dans un second temps, le juge annule la mesure de résiliation et prononce la reprise du même contrat au nom de l’intérêt général.
L’on comprend d’autant moins cette absence que dans ses conclusions sur l’arrêt société Comptoir Négoce, G. Pellissier précisait, lorsqu’il esquissait les contours de ce pouvoir de l’administration contractante que « toutes les circonstances qui pourraient faire obstacle à ce que le juge prononce la résiliation – caractère régularisable du vice ; intérêt général – limiteront l’exercice de ce pouvoir » (G. Pellissier, « Concl. sur CE, 10 juil. 2020, n° 430864, société Comptoir Négoce », op. cit. Nous soulignons). Du reste, la doctrine considérait également que « même si l’arrêt ne le précise pas […] il y a tout lien de penser que la résiliation ne pourra pas être prononcée […] si elle est de nature à porter une atteinte excessive à l’intérêt général » (F. Brenet, « La résiliation pour invalidité du contrat », op. cit.). En mentionnant ainsi la réserve d’intérêt général, à la suite d’autres décisions de juges du fond (v. notamment CAA Douai, 4 fév. 2021, n° 19DA00456, société Buromatic 59), le juge lyonnais gomme un paradoxe induit de la jurisprudence du Conseil d’État et participe d’autant plus à la « rationalisation » (I. Michalis, « La rationalisation du régime de résiliation unilatérale du contrat administratif par l’administration », RFDA, 2021, p. 290) opérée par la jurisprudence société Comptoir Négoce. En l’espèce, il était évident, du fait de l’absence de commencement d’exécution et que le contrat ne précise pas « les conditions d’exécution des prestations s’agissant notamment des contraintes particulières liées aux activités de l’hôpital », que la mesure de résiliation unilatérale n’emportait pas d’atteinte excessive à l’intérêt général, bien au contraire.
L’assimilation du pouvoir de résiliation unilatérale et de l’office du juge de la validité du contrat se trouve ainsi renforcée.