Taxe sur les salaires : présomption d'affectation au secteur financier aux directeurs généraux de SAS

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Décision de justice

TA Lyon – N° 2002303 – Société de participation lyonnaises industrielles et commerciales – 14 septembre 2021 – C+

Jugement frappé d’appel n°21LY03679

Juridiction : TA Lyon

Numéro de la décision : 2002303

Date de la décision : 14 septembre 2021

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Taxe sur les salaires, Société par actions simplifiée

Rubriques

Fiscalité

Résumé

L’article L. 225-56 du code de commerce qui définit les pouvoirs des dirigeants de sociétés anonymes, n’est pas applicable aux sociétés par actions simplifiée : pour déterminer les attributions des directeurs généraux de sociétés par actions simplifiée, il convient de de se reporter aux statuts de la société.

La société par actions simplifiée (SAS) Société de participations lyonnaises industrielles et commerciales (SPLIC), holding mixte, a saisi le tribunal administratif d’une demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2016, 2017 et 2018 ainsi que des pénalités correspondantes.

Pour rejeter la requête, le tribunal administratif estime tout d’abord que lorsque les activités d'une entreprise sont, pour l'exercice de ses droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), réparties en plusieurs secteurs distincts au sens de l'article 213 de l'annexe II au code général des impôts, la taxe sur les salaires doit être déterminée par secteur, en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécifiquement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Toutefois, la taxe sur les salaires des personnels concurremment affectés à plusieurs secteurs doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la TVA et le chiffre d'affaires total.

Il considère ensuite, qu’il résulte des dispositions de l’article L. 227-1 du code de commerce que l’article L. 225-56 du même code, qui définit les pouvoirs des dirigeants de sociétés anonymes, n’est pas applicable aux sociétés par actions simplifiée. S’agissant de ces sociétés, l’article L. 227-6 prévoit que le président est investi des pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société et confie aux statuts le soin de déterminer les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier. Il convient donc, pour déterminer les attributions des directeurs généraux de sociétés par actions simplifiée, de se reporter aux statuts de la société.

19-05-01, Taxe sur les salaires, Holding, SAS, Société par actions simplifiée, L. 225-56 du code de commerce, L. 227-1 du code de commerce, Article 213 de l'annexe II au code général des impôts

Taxe sur les salaires : application de la présomption d'affectation au secteur financier aux directeurs généraux de SAS

Sonia Boufeldja

Doctorante et chargée d’enseignement à l’Université Jean Moulin Lyon 3, Elève-avocat à l’EFB

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DOI : 10.35562/alyoda.8093

Pour la détermination des rémunérations à intégrer dans l’assiette de la taxe sur les salaires des sociétés holdings mixtes, par un jugement du 14 septembre 2021, le tribunal administratif de Lyon clarifie l’application de la présomption d’affectation au secteur financier aux directeurs généraux de sociétés par actions simplifiées en jugeant que les concernant, la présomption peut se déduire des statuts.

Dans le cadre de la détermination de l’assiette de la taxe sur les salaires des sociétés holdings mixtes, il résulte d’une jurisprudence constante une présomption d’affectation des directeurs généraux de société anonyme ou de société par actions simplifiée à l’ensemble des secteurs d’activité de l’entreprise, laquelle est déduite du caractère transversal des attributions des dirigeants.

La présente affaire concernait la Société de participations lyonnaises industrielles et commerciales (ci-après, la société SPLIC), société par actions simplifiée ayant la qualité de holding animatrice du groupe LEPINE. Cette dernière exerçait, d’une part, une activité de fourniture de prestations au profit de ses filiales, activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et, d’autre part, une activité purement financière de gestion de prise de participation dans d’autres sociétés, activité non soumise à la TVA. La part de son activité soumise à TVA étant inférieure à 90% de son chiffre d’affaires, la société SPLIC se trouvait assujettie à la taxe sur les salaires en vertu de l’article 231 du Code général des impôts au titre des années 2016 à 2018.

Dans le cadre du litige l’opposant à l’administration, la société soutenait que ses directeurs généraux ne percevaient aucune rémunération au titre de leur activité de direction et étaient uniquement en charge des aspects techniques et commerciaux des activités opérationnelles. Dès lors, la rémunération qu’ils percevaient devait être exclue de l’assiette de la taxe sur les salaires.

Pour rappel, il est tenu compte pour le calcul de la taxe sur les salaires de l’éventuelle existence de secteurs distincts d’activité au sens de la TVA (BOI-TPS-TS-20-30, n° 0190 et 200) . Dans une telle situation, les entreprises doivent déterminer la taxe sur les salaires par secteur d’activité, c’est-à-dire en appliquant aux rémunérations des salariés affectés spécialement à chaque secteur le rapport d'assujettissement propre à ce secteur. Lorsque les salariés d’une entreprise sont affectés à plusieurs secteurs d’activité, le Conseil d’État considère de longue date que la taxe sur les salaires doit être établie en appliquant à leurs rémunérations le rapport existant pour l'entreprise dans son ensemble entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la TVA et le chiffre d'affaires total (CE, 28 juill. 1999, n° 0164100, Ministre c/ Sté Boone et Cie, au Lebon T. et n° 0144542, SA Financière Bayard, au Lebon T.) . Concernant les dirigeants de holdings mixtes, par plusieurs décisions du 8 juin 2011, le Conseil d’Etat a consacré à leur égard une présomption d’affectation à l’ensemble des secteurs d’activité de la société (CE, 8 juin 2011, n° 0331848, Sté Sofic, Lebon T. ; n° 0340863, SA Balsa, au Lebon T. ; n° 0331849, SAS Holding Rousseau HCP, inédit ; n° 0341018, Sté P2C Investissement, inédit ; Droit fiscal 2011, n° 029, comm. n° 0425, concl. N. Escaut) .

Ces principes rappelés, le présent litige semble devoir se limiter à une question relevant exclusivement de l’appréciation des faits d’espèce, étant précisé que la présomption d’affectation des dirigeants à l’ensemble des secteurs d’activité peut être écartée par la preuve contraire, appréciée au regard des pouvoirs juridiques des dirigeants et non de leur activité réelle. Toutefois, un doute est permis quant à l’application des textes, à la lecture du considérant de principe posé en 2011 faisant référence aux pouvoirs que les dirigeants de société tiennent de la loi, comme suit : « Considérant, d'autre part, que les fonctions de directeur général d'une société anonyme ou d'une société par actions simplifiée confèrent à leurs titulaires, en vertu de l'article L. 225-56 du code de commerce, les pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société et que le président du conseil d'administration est investi, aux termes de l'article L. 225-51 du même code, d'une responsabilité générale ; que, s'agissant d'une société holding, ces pouvoirs s'étendent en principe au secteur financier, même si le suivi des activités est sous-traité à des tiers ou confié à des salariés spécialement affectés à ce secteur et si le nombre des opérations relevant de ce secteur est très faible ; que, toutefois, s'il résulte des éléments produits par l'entreprise que certains de ses dirigeants n'ont pas d'attribution dans le secteur financier, notamment lorsque, compte tenu de l'organisation adoptée, l'un d'entre eux est dépourvu de tout contrôle et responsabilité en la matière, la rémunération de ce dirigeant doit être regardée comme relevant entièrement des secteurs passibles de la taxe sur la valeur ajoutée et, par suite, comme placée hors du champ de la taxe sur les salaires » (nous avons surligné l’extrait) .

Dans ces quatre affaires, le Conseil d’État avait privilégié une rédaction que l’on peut qualifier d’englobante, faisant référence aux dirigeants de société anonyme et société par actions simplifiée, en se fondant sur les dispositions des articles L. 225-51 du Code de commerce (concernant le président du conseil d’administration) et L. 225-56 du même code (concernant le directeur général), les formes sociales des sociétés requérantes étant celles susmentionnées. Ce point est par ailleurs confirmé par les conclusions de Madame le rapporteur public Nathalie Escaut, indiquant que « les sociétés par actions simplifiées sont en principe soumises au même régime que les sociétés anonymes en vertu de l’article L. 227-1 du Code de commerce  ». C’est là que le bât blesse puisque l’alinéa 3 de ce même article dispose que l’article L. 225-56 du code de commerce n’est pas applicable aux sociétés par actions simplifiées.

À cet égard, plusieurs arrêts de juges du fond ont proposé un autre fondement pour retenir le caractère transversal des attributions des dirigeants de société par actions simplifiée, à savoir celui de la responsabilité du dirigeant, en se référant aux articles L. 225-51, L. 225-51-1 et L. 227-8 du Code de commerce (v. en ce sens : CAA Lyon, 8 janv. 2019, n° 017LY02510, SAS HMD ; CAA Lyon, 9 juill. 2020, n° 018LY04476, SAS Groupe confiance) . Ce fondement peut être justifié, comme l’indiquait Madame Escaut dans ses conclusions précitées, par le « pouvoir d’ « initiative et de contrôle » du dirigeant ». Or, la responsabilité du dirigeant est le corollaire de l’attribution de pouvoir qu’il convient donc de fixer au préalable. De plus, si l’on entrevoit enfin dans ces arrêts une référence à l’article L. 227-6 du Code de commerce, celle-ci demeure à la lecture insuffisante (voir également : CE, 19 juin 2017, n° 0406064, SAS ICMI ; Droit fiscal 2017, n° 051-52, comm. n° 0595, concl. E. Cortot-Boucher) .

L’intérêt du jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 septembre 2021, fiché en C+, réside dans cette référence explicite et complète aux termes de l’article L. 227-6 du Code de commerce intéressant le cas des directeurs généraux de société par actions simplifiée du point de vue de l’assiette de la taxe sur les salaires. Pédagogique, la rédaction du jugement rappelle tout d’abord le champ du renvoi pouvant être effectué, pour les sociétés par actions simplifiées, au cadre juridique des sociétés anonymes. Il indique ensuite qu’aux termes de l’article L. 227-6 du Code de commerce, les statuts peuvent prévoir les conditions dans lesquelles une ou plusieurs personnes autres que le président, portant le titre de directeur général ou de directeur général délégué, peuvent exercer les pouvoirs confiés à ce dernier. Les pouvoirs des directeurs généraux de SAS sont ainsi explicitement évoqués.

Enfin, au cas d’espèce, le tribunal retient que les directeurs généraux de la société SPLIC sont « réputés investis des pouvoirs les plus étendus dans la direction de la société », faute pour la société d’apporter des éléments démontrant qu’ils seraient dépourvus de tout contrôle et responsabilité s’agissant du secteur financier de la holding. Le tribunal présume donc que les directeurs généraux de la société requérante, dont les pouvoirs sont confiés par les statuts, ne sont bornés d’aucune limite. La formation de jugement écarte à cette occasion les pièces versées aux débats, et notamment, un organigramme et des fiches de poste concernant le groupe LEPINE, en ce qu’elles ne permettent pas d’établir que les directeurs généraux de la société SPLIC seraient dépourvus de tout contrôle et responsabilité s’agissant du secteur financier de la société holding. De plus, le jugement indique qu’il n’a pas été répondu à une mesure d’instruction aux fins d’apprécier les pouvoirs des directeurs généraux à l’aune des statuts de la société dans leur version applicable au litige ou des actes extrastatutaires procédant à la désignation des intéressés. On voit ainsi des pistes qui auraient permis à la société requérante d’écarter la présomption de principe.

En conclusion, si la balle est désormais dans le camp de la société SPLIC ayant interjeté appel de ce jugement, cette affaire aura, quelle qu’en soit l’issue, eu l’avantage de clarifier la position de principe du Conseil d’État.

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