Permis de construire : contrôle de la conformité des travaux

Lire les commentaires de :

Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 17LY02910 – 16 octobre 2018 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 17LY02910

Numéro Légifrance : CETATEXT000037513298

Date de la décision : 16 octobre 2018

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Permis de construire, Contrôle des travaux, Certificat de conformité

Rubriques

Urbanisme et environnement

Résumé

Il résulte des dispositions de l’article L461‑1 du code de l'urbanisme que les agents chargés par le maire de visiter une construction en cours et de procéder aux vérifications utiles, disposent, y compris lors des opérations de récolement effectuées en application de l’article R462‑8 et dans la mesure où la nature des travaux autorisés l’exige, du droit de pénétrer à l’intérieur des constructions afin de contrôler la conformité des travaux aux règles visées à l’article L421‑6 du code de l’urbanisme dont le permis de construire vise à assurer le respect. Lorsque le propriétaire s’oppose à ce que les agents chargés du récolement pénètrent à l’intérieur de la construction afin de contrôler la conformité des travaux, l’autorité administrative est fondée à prendre une décision refusant de se prononcer en l’état sur la déclaration d’achèvement et de conformité faute d’avoir pu procéder à la visite et à inviter le pétitionnaire à déposer une nouvelle déclaration, sans préjudice des poursuites pénales qui peuvent être engagées pour obstacle au droit de visite sur le fondement de l’article L480‑12 du code de l'urbanisme.

Note

Pauline Chardonnet

Elève avocate

Autres ressources du même auteur

  • IDREF

DOI : 10.35562/alyoda.6478

Le maire peut refuser de se prononcer sur la délivrance de l’attestation de non-contestation de conformité en cas d’opposition aux opérations de récolement en raison du comportement du bénéficiaire du permis de construire refusant que les agents chargés du contrôle de conformité accèdent à l’intérieur de sa construction.

Le maire d’une commune délivre un permis de construire puis un permis de construire modificatif, les travaux portant sur la réalisation d’annexes d’une habitation.  Une déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux est enregistrée en mairie. Par arrêté, le maire refuse de délivrer l’attestation de non-contestation de la conformité des travaux en raison de l’impossibilité, imputable au bénéficiaire du permis de construire, de pénétrer dans le bâtiment et donc d’effectuer une visite de récolement des travaux.  Le pétitionnaire relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble rejette sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.

L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Lyon répond à la question suivante : à supposer qu’il soit établi, le comportement consistant à refuser aux agents assermentés de pénétrer à l’intérieur d’une construction, dans le cadre d’une opération de récolement, justifie-t-il que le maire refuse de se prononcer sur la délivrance d’une attestation de non-contestation de la conformité des travaux en dépit de la procédure pénale prévue en cas d’obstacle au droit de visite ?

Pour répondre à cette problématique, la cour administrative d’appel de Lyon devait prendre position sur deux points. Premièrement, la cour devait se prononcer sur la possibilité pour des agents assermentés de pénétrer à l’intérieur d’une construction afin d’y vérifier la conformité des travaux. Deuxièmement, la cour devait statuer sur la faculté pour un maire de refuser de se prononcer sur la délivrance d’une attestation de non-contestation de la conformité des travaux du fait du mauvais déroulement d’un récolement de travaux alors que l’obstacle au droit de visite est puni dans le cadre d’une procédure pénale.

Afin d’aborder ces deux points, il s’agira tout d’abord de rappeler les conditions dans lesquelles l’administration peut mener des contrôles de conformité d’une construction (I) et la possibilité de pénétrer à l’intérieur d’une construction lors de son contrôle (II) pour exposer ensuite l’arrêt de la cour portant les conséquences du refus de l’occupant de laisser les agents de pénétrer dans la construction (III). Enfin, les dispositions du code de l’urbanisme ayant été modifiées depuis, il est opportun d’évoquer la réforme des contrôles de conformité (IV).

I) Les contrôles administratifs de la conformité d’une construction

L’article L. 421-6 du code de l’urbanisme rappelle qu’un permis de construire ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes à la réglementation en matière d’urbanisme. Pour veiller à cette conformité, l’administration peut mener plusieurs contrôles. Ses agents effectuent, pendant le chantier et après achèvement, un droit de visite (I.1) et, seulement une fois les travaux terminés, un récolement des travaux (I.2).

I. 1 Dans le cadre de leur droit de visite et de communication, les agents administratifs peuvent visiter la construction, procéder à des vérifications et exiger la communication des documents techniques se rapportant à la réalisation des bâtiments. Ils vérifient la conformité des constructions en cours ou achevées, durant la durée du chantier et jusqu’à trois ans après l’achèvement des travaux, conformément à l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme dans sa version applicable au cas d’espèce.

Le code de l’urbanisme pose peu de conditions quant au déroulement de ce contrôle. Ce droit est en effet régi, au moment de faits, par le seul article L. 461-1 qui dispose que les agents peuvent « procéder aux vérifications qu’ils jugent utiles ».

La jurisprudence encadre ce contrôle en précisant qu’il peut être exercé dans différents lieux, notamment un domicile ou une construction affectée à un usage d’habitation. Elle fixe également des limites. En effet, afin de respecter l’inviolabilité du domicile, il a été jugé et rappelé dans une réponse ministérielle de 2006, que les agents publics ne peuvent pénétrer dans la propriété de l’occupant avant d’avoir recueilli et consigné son consentement dans un procès-verbal.

I. 2 Après l’achèvement des travaux, les mêmes agents peuvent effectuer le récolement des travaux pour contrôler la conformité des travaux aux dispositions de l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme précité.

Cette opération se déroule après le dépôt en mairie de l’attestation d’achèvement des travaux. Si, à la suite de ce contrôle, l’administration constate que les travaux ne sont pas conformes à l’autorisation délivrée, le maître d’ouvrage peut être mis en demeure de déposer un dossier modificatif ou de mettre les travaux en conformité.  L’administration peut également décider de contester la conformité en refusant de délivrer une attestation de non-contestation de conformité. Si l’administration n’effectue aucune vérification dans le délai qui lui est imparti, une attestation de non-contestation de conformité est délivrée.

Eu égard à ces modalités de contrôles, la cour administrative d’appel de Lyon devait se prononcer sur la faculté pour les agents d’accéder à l’intérieur d’une construction et sur les conséquences à tirer du comportement de l’occupant s’opposant à cet accès.

II) La possibilité de pénétrer à l’intérieur d’une construction lors de son contrôle

En l’espèce, la décision attaquée est fondée sur l’impossibilité de procéder au contrôle « en l’absence d’autorisation de pénétrer dans la construction ».

Les conditions du déroulement du droit de visite et du récolement n’étant pas strictement précisées par le code de l’urbanisme, la cour devait donc déterminer si dans le cadre du droit de visite et de récolement, les agents assermentés peuvent s’introduire à l’intérieur de locaux.

Le rapporteur public a considéré que « l’ensemble de la construction doit être accessible, c’est-à-dire les parties extérieures comme les parties intérieures ». Il a néanmoins admis une restriction de l’accès au domicile au nom de la liberté fondamentale qui garantit en sa protection.

La cour a finalement jugé que « les agents commissionnés par la commune pour l’exercice du droit de visite, de vérification et de communication disposent, y compris lors des opérations de récolement effectuées en application de l’article R. 462-8 et dans la mesure où la nature des travaux autorisés l’exige, du droit de pénétrer à l’intérieur des constructions afin de contrôler les travaux aux règles mentionnées à l’article L. 421-6 du code de l’urbanisme dont le permis de construire vise à assurer le respect ».

En l’espèce, ont été autorisés des travaux spécifiques qui nécessitaient que les agents entrent à l’intérieur du bâtiment à savoir notamment la création d’un garage, une terrasse couverte et la création d’un conduit de cheminée. C’est bien la nature des travaux qui justifie ce droit d’accès à l’intérieur des constructions.

En conclusion, si la nature des travaux autorisés le nécessite, les agents assermentés peuvent pénétrer à l’intérieur du bâtiment dans le cadre de contrôles administratifs de conformité à savoir pendant leur droit de visite et pendant le récolement de travaux.

III) Les conséquences du refus de l’occupant de laisser les agents de pénétrer dans la construction

En l’espèce, l’arrêté contesté est fondé sur l’impossibilité de pénétrer à l’intérieur des bâtiments lors de la visite de récolement du fait du comportement de l’occupant.

La cour devait déterminer si l’obstacle au droit de visite pouvait justifier que le maire prenne une décision refusant de se prononcer sur la déclaration d’achèvement et de conformité des travaux, alors qu’un délai lui est imparti pour ce faire après le dépôt de déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux.

Tout d’abord, ces faits sont matériellement incontestables puisqu’il ressort d’un procès-verbal d’infraction que l’occupante s’est opposée, tant avant que pendant l’opération, à ce que les agents pénètrent à l’intérieur du bâtiment.

Ensuite, l’article L. 480-12 du code de l’urbanisme incrimine le fait de faire obstacle au droit de visite. Le Conseil Constitutionnel a d’ailleurs jugé que cet article ne porte pas atteinte à l’inviolabilité du domicile (CC, n° 2015-464 QPC 9 avril 2015) . L’appelant conteste la légalité de l’arrêté en soutenant que le maire aurait dû engager cette procédure pénale.

Néanmoins, la cour a jugé qu’aucune disposition n’empêchait le maire de constater, eu égard à un tel comportement, son impossibilité de se prononcer sur la conformité des travaux.

La cour a en effet jugé que : « si le fait de faire obstacle au droit de visite prévu à l’article L. 461-1 du code de l’urbanisme constitue un délit réprimé par l’article L. 480-12 du même code et si l’administration peut en conséquence en saisir le ministère public, cela n’interdit pas l’autorité compétente de prendre, comme en l’espèce, une décision refusant en l’état de se prononcer sur la déclaration d’achèvement et de conformité faute d’avoir pu procéder à la visite de récolement ».

En conclusion, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé que l’opposition de la pétitionnaire de pénétrer à l’intérieur de la construction pouvait autoriser le maire, d’une part, à prendre une décision refusant en l’état à délivrer l’attestation de non-contestation de conformité des travaux, d’autre part, à engager une procédure pénale prévue en cas d’opposition au droit de visite.

IV) La réforme des contrôles de visite

La Cour européenne des droits de l’Homme a récemment jugé que les visites domiciliaires sont contraires à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’Homme (CEDH, 16 mai 2019, 66554/14, X.c/ France) .

Plus précisément, elle considère que l’ancienne version de l’article L. 461-1 « ne précise les modalités d’intervention des agents de l’urbanisme qu’en termes très généraux, sans indiquer les garanties qui encadrent leur intervention ». Elle observe également que les visites de domicile s’effectuent sans l’accord de l’occupant ni sans avoir été préalablement autorisées par un juge. Enfin, elle considère que le droit de s’opposer à la visite est purement théorique dans la mesure où un tel refus constitue une infraction pénale.

Anticipant, probablement, cette condamnation, le législateur français est venu réformer ces visites domiciliaires par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique afin de mieux encadrer les modalités des contrôles.

Des garanties liées à la protection du domicile sont ajoutées. En effet, l’article L. 461-2 exige désormais la présence et le consentement de l’occupant d’une construction ayant vocation à devenir un domicile. Le consentement de l’occupant est désormais exigé par la loi. Enfin, l’article L. 461-3 innove par l’intervention du juge des libertés et de la détention qui peut autoriser les visites en cas de refus à l’accès à un domicile.

Droits d'auteur

CC BY-NC-SA 4.0