OQTF : un engagement de service civique n'a pas d'incidence sur le droit au séjour

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Décision de justice

CAA Lyon, 1ère chambre – N° 17LY03583 – M.X. – 27 mars 2018 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 17LY03583

Numéro Légifrance : CETATEXT000036795999

Date de la décision : 27 mars 2018

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

OQTF, Légalité interne, L.121-1 du CESEDA, Engagement de service civique

Rubriques

Etrangers

Résumé

Le ressortissant d’un état membre de l’Union européenne qui a signé avec une association un engagement de service civique, lequel est exclusif de tout lien de subordination en vertu de l’article L. 120-7 du code du service national, ne peut être regardé comme exerçant une activité professionnelle au sens et pour l’application du 1° de l’article L. 121-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni comme poursuivant des études ou une formation professionnelle au sens et pour l’application du 3° du même article. Dès lors que, par ailleurs, il ne justifie pas disposer de ressources suffisantes, il peut faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 1° de l’article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Conclusions du rapporteur public

Véronique Vaccaro-Planchet

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6440

M. X., ressortissant roumain, vous saisit d’un recours contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation des décisions du préfet de l’Isère du 16 janvier 2017 l’obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office à l’expiration de ce délai.

M. X. soutient que l’OQTF contestée comporterait des mentions erronées quant aux conditions de son interpellation et sa mise en cause pour des faits de recel de véhicule volé et conduite sans permis.

Cependant, il ne s’agit pas là du motif de l’OQTF, qui est fondée sur le fait que M. X. ne justifiait pas d’un droit au séjour en vertu de l’article L. 121-1 du CESEDA.

Cet article prévoit que « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, tout citoyen de l'Union européenne, (…) a le droit de séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois s'il satisfait à l'une des conditions suivantes : 1° S'il exerce une activité professionnelle en France ; 2° S'il dispose pour lui et pour les membres de sa famille (…) de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assistance sociale, ainsi que d'une assurance maladie ; 3°S’il est inscrit dans un établissement fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires pour y suivre à titre principal des études ou, dans cadre, une formation professionnelle (…)  ».

M. X. soutient qu’il justifie d’une activité professionnelle (1° de l’article L. 121-1) de ressources suffisantes (2° de l’article L. 121-1) et suit une formation (3° de l’article).

Toutefois, vous ne pourrez que constater que M. X. ne justifie pas d’une inscription dans un établissement « pour y suivre à titre principal des études ou, dans ce cadre, une formation professionnelle ».

M. X. fait en réalité surtout valoir qu’il a conclu le 21 décembre 2016 et pour une durée de 8 mois un contrat d’engagement de service civique de 26 heures par semaine, au sein de l’association SOS Racisme.

Selon l’article R. 121-4 du CESEDA, le caractère suffisant des ressources exigé ne peut excéder celui du RSA, qui était de 536, 78 euros par mois à la date de la décision contestée.

L’indemnité versée à M. X. au titre de son contrat de service civique n’est que de 513 euros bruts par mois. En outre, à la date de la décision contestée, M. X. n’avait pas encore perçu le premier versement. Dans ces conditions, nous sommes d’avis que M. X. ne justifiait alors pas disposer de ressources suffisantes.

Reste donc la question de savoir si le service civique constitue une activité professionnelle, au sens et pour l’application du 1° de l’article L. 121-1 du CESEDA.

Le service civique est défini par l’article L. 120-1 du code du service national comme « un engagement volontaire d’une durée continue de six à douze mois donnant lieu à une indemnisation prise en charge par l’Agence du service civique. ».

La contrepartie financière de l’engagement n’est donc pas une rémunération, mais une indemnité. Cette indemnité n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu, ni prise en compte pour le calcul des minimas sociaux.

D’ailleurs, le titulaire d’un contrat de service civique qui serait par ailleurs inscrit comme demandeur d’emploi à Pôle Emploi continue de bénéficier de cette inscription ; seul le versement de ses allocations est suspendu (article L. 120-11).

En outre, l’article L. 120-7 prévoit expressément que le contrat de service civique « organise une collaboration exclusive de tout lien de subordination » et qu’il ne relève pas des dispositions du code du travail.

Or en matière d’exercice d’une activité professionnelle par un travailleur communautaire, la CJUE a rappelé dans l’arrêt Lawrie B. du 3 juillet 1986, aff 66/85 que le statut de travailleur suppose une prestation de travail, une rémunération et un lien de subordination.

Au vu de ces éléments, il ne fait guère de doute que le contrat de service civique ne peut être regardé comme un contrat de travail.

M. X. ne nous parait donc pas pouvoir être regardé comme exerçant une activité professionnelle.

Enfin, M. X. tire des dispositions du code du service national selon lesquelles le service civique est réservé aux étrangers en situation régulière une présomption de régularité de sa situation. Mais, le fait qu’il bénéficie d’un contrat de service civique ne suffit pas à justifier de la régularité de sa situation au regard du droit au séjour. Au demeurant, pour les ressortissants communautaires, l’article L. 120-4 se borne à indiquer que le service est ouvert à ces ressortissants, sans plus de précisions.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

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