Option pour un avantage fiscal : cas de l’option pour le régime d’imposition des sociétés-mères

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Décision de justice

CAA Lyon, formation de chambres réunies 2ème et 5ème chambre – N° 16LY02176 – SCI MJFVM – 30 novembre 2017 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 16LY02176

Numéro Légifrance : CETATEXT000036205070

Date de la décision : 30 novembre 2017

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Avantage fiscal, Option pour un avantage fiscal soumis à déclaration, Délai de réclamation, Régime d’imposition des sociétés-mères

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Contributions et taxes - Règles générales d’établissement de l’impôt - Option pour un avantage fiscal soumis à déclaration - Possibilité pour le contribuable d’exercer l’option dans le délai de réclamation - Cas de l’option pour le régime d’imposition des sociétés-mères

La filiale d’une SCI soumise à l’impôt sur les sociétés lui a consenti une avance, comptabilisée comme « avance de trésorerie », que l’administration a regardée comme un revenu distribué, imposable. La SCI bénéficiaire peut, dans le délai de réclamation (1), opter pour le régime d’imposition des sociétés-mères (prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts), alors même que l’option pour ce régime d’imposition est qualifiée de décision de gestion (2), opposable au contribuable et à l’administration.

(1) Cf. CE, 11 mai 2015, Min. c/ SCS Sicli, n° 372924, T. pp. 615-630.CE, 14 juin 2017, Ministre des finances et des comptes publics N° 397052, B ; RJF 2017.938 &960, conclusions B. Bonhert.

(2) Cf. CE, 25-3-2013, Société Merlett France, 355035, B, RJF 6/13 no 589, concl. N. EscautBDCF 6/13 no 67) CE, (na) 9-1-2008, SARL 2 MCS, 302092, RJF 4/08 no 412CE, 16-11-2016, SA Havas, 387576, RJF 2010.111 ; Droit des sociétés n° 2, Février 2017, comm. 35 Comp. : CAA Nantes, 14 juin 2010, n° 09NT0946

Conclusions du rapporteur public

Isabelle Bourion

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6411

Une SCI qui n’a pas déclaré une avance de trésorerie consentie par sa société filiale, alors qu’elle constitue des revenus distribués, a-t-elle de ce fait, pris une décision de gestion ?

Peut-elle, dans ce cas, et dans le délai de réclamation, opter pour l’imposition de ces revenus au régime des sociétés mères filles, prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts ?

Autrement dit, les jurisprudences CE Min délégué, chargé du budget c/ société Sicli n° 372924 du 11 mai 2015 et CE Min des finances c/ M. et Mme L. n° 397052 du 14 juin 2017examinée dans les précédentes affaires 15LY02884 et 15LY03745, dans un domaine distinct de celui du régime fiscal mère-fille, sera-t-elle applicable dans le cas d’une décision de gestion ?

Telle est la question que vous aurez à trancher dans ce litige.

La SCI MJFVM est possédée à 90% par son gérant, M. M.. Elle a opté dès sa création pour l’assujettissement à l’impôt sur les sociétés. Elle possède 52% des titres de la société SCI FIRMA, sa filiale.

Cette filiale a réalisé une plus-value immobilière en avril 2011. En juillet 2011, elle a consenti à la société mère, la SCI MJFVM, une « avance de trésorerie » de 330 000 euros.

Cette dernière n’a déposé pour l’exercice 2011 aucune déclaration de résultats. Son gérant a reçu le 11 juillet 2012 une mise en demeure de déposer sous trente jours ladite déclaration. L’administration fiscale indique ne l’avoir reçue que le 11 novembre 2012.

Par ailleurs, la société a fait l’objet d’une vérification de comptabilité, en décembre 2012, relative à l’exercice clos en 2011.

A la suite de ce contrôle, l’avance de trésorerie de 330.000 euros a été considérée par l’administration fiscale comme constituant un revenu distribué imposable.

Compte tenu de l’absence de dépôt de la déclaration de résultats de 2011 dans les trente jours de la mise en demeure, les services fiscaux ont enclenché une procédure de taxation d’office et refusé à la société l’accès à l’interlocuteur départemental. Par ailleurs, à l’issue de la réclamation contentieuse, l’administration a refusé à la société la possibilité d’opter, à la suite du rehaussement, pour l’imposition selon le régime dérogatoire des sociétés mères.

Par un jugement n° 1309092 du 7 juin 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge des impositions supplémentaires d’impôt sur les sociétés pour 2011 et des pénalités correspondantes tant pour des raisons d’irrégularité de la procédure que de bien fondé de l’imposition et, à titre subsidiaire, à l’application du régime dérogatoire des sociétés mères.

S’agissant tout d’abord de la régularité de la procédure :

La SCI MJFVM conteste, dans un premier temps, la procédure de taxation d’office prise sur le fondement des articles L. 66 et L. 68 du livre des procédures fiscales selon lesquels les personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés sont taxées d'office lorsqu’elles n'ont pas régularisé leur situation en déposant leur déclaration dans le délai légal soit dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure.

Elle estime à ce titre, d’une part, que la déclaration de résultats a bien été déposée dans le délai de trente jours et, d’autre part, que la mise en demeure a été adressée de manière irrégulière au domicile de M. M. et à son nom, sans aucune référence à sa qualité de représentant légal de la société.

* S’agissant tout d’abord de la régularité de la mise en demeure, il résulte de la jurisprudence que l’avis de vérification et la mise en demeure doivent être adressés, « s'agissant d'une société, soit au nom de la société elle-même, soit à celui de son dirigeant ou de l'un de ses dirigeants ; » (CE 19 juin 1991 n° 64176) CE 19 juin 1991 n° 64176)

Ainsi la validité de la mise en demeure a été reconnue « lorsqu’elle a été adressée à M. X, en sa qualité de gérant représentant légalement cette dernière » (CAA Lyon 2ème Ch, 28/06/2011 n° 09LY01802)

A l’inverse, l’envoi a été jugé irrégulier, lorsque  « la mise en demeure de déclarer les bases imposables à l’impôt sur les sociétés (…) n’a pas été adressée au nom de l’association, ni de son président, mais au nom du centre dentaire […], simple dénomination du dispensaire géré par l’association requérante » (CAA Paris 31 mai 2001 n° 97PA01318) .

En l’espèce, il est exact que seul le nom de M. M. figure dans le cadre d’envoi de la mise en demeure du 6 juillet 2012.

Cependant, M. M. est domicilié à la même adresse que la société, il détient avec son épouse 90% du capital de la société MJVFM et la mise en demeure précisait le nom de la société et son numéro de SIRET, la date limite de dépôt ainsi que la période de la déclaration et elle rappelait que la déclaration non déposée était afférente à l’impôt sur les sociétés.

Par ailleurs, il ne fait aucun doute que le gérant a accusé réception de la mise en demeure, sa signature apparaissant sur l’accusé de réception.

Dans ces conditions, malgré l’erreur d’intitulé du destinataire sur la mise en demeure, il convient de considérer que celle-ci n’était pas irrégulière.

Par suite, vous pourrez écarter ce moyen.

* La société requérante conteste ensuite le fait que la déclaration n’aurait pas été déposée dans le délai de 30 jours de la mise en demeure. Elle produit une attestation de son conseil, qui indique qu’il a envoyé la déclaration le 27 juillet 2012 en lettre simple.

Cependant la jurisprudence affirme de manière constante que la preuve de dépôt de la déclaration dans le délai légal ou dans les 30 jours de la réception d’une mise en demeure incombe au contribuable. Voir en ce sens CE 15 juin 1987 n° 44905..

En l’espèce, il résulte de l’instruction que la déclaration a été envoyée par lettre simple et que la seule preuve de son envoi réside dans une attestation de son conseil.

Or, le CE a déjà eu à se prononcer sur le fait que la simple attestation d’un tiers qui affirme avoir adressé la déclaration du contribuable par lettre simple ne suffit pas. Voir CE 27 juin 1981 n° 19812.

En tout état de cause, la date portée sur la déclaration, le 8 nov 2012, excède les 30 jours après la réception de la mise en demeure, le 11 juillet 2012.

Par suite, vous pourrez écarter ce moyen.

* la société requérante estime ensuite que la procédure est irrégulière car la saisine de l’interlocuteur départemental lui a été refusée.

Vous pourrez cependant écarter ce moyen comme étant inopérant dès lors que « si la possibilité, prévue aux termes mêmes de la "Charte des droits et obligations du contribuable vérifié", de faire appel, en cas de désaccord persistant avec le vérificateur, au supérieur hiérarchique puis, le cas échéant, à l'interlocuteur départemental, constitue une garantie substantielle de procédure, cette garantie ne bénéficie qu'au contribuable relevant d'une procédure contradictoire » (Voir en ce sens CE 18 décembre 2014 n° 356856).

Or, nous sommes en l’espèce en situation de taxation d’office.

En outre, la demande de saisine de l’interlocuteur départemental était tardive, dès lors qu’elle était parvenue au service postérieurement à la réception par la société de l’avis de mise en recouvrement.

* La société requérante estime ensuite que la procédure est irrégulière, au regard de l’article 57 du livre des procédures fiscales en raison de la motivation insuffisante de la ROC.

Vous pourrez écarter ce moyen, dès lors, d’une part, que l’obligation de notifier les bases d’imposition prévu par l’article L. 76 du LPF n’a pas pour effet d’ouvrir au contribuable le dialogue (qui est propre à la PRC) ; le service vérificateur n’était donc pas tenu de répondre aux éventuelles observations que le contribuable a pu formuler en réponse à la proposition de rectification, et d’autre part, que «  lorsque le contribuable a fait l’objet d’une procédure d’imposition d’office, la régularité de la motivation de la proposition de rectification résultant de la mise en œuvre de cette procédure doit être appréciée au regard des dispositions de l’article L. 76 du livre des procédures fiscales, celles de l’article L. 57 du même livre étant applicables aux seuls rehaussements d’imposition notifiés dans le cadre de la procédure contradictoire » (CAA Nantes 14 septembre 2017 n° 16NT02258)

Ce moyen est donc inopérant.

* Enfin, la société soutient qu’elle aurait fait l’objet d’une double Vérification du fait qu’elle a reçu deux avis de vérification de comptabilité le 8 novembre puis le 3 décembre 2012 se référant au même impôt et à la même période d’imposition.

Or, en vertu de l’article L. 51 LPF « Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. »

Cependant, la société ne dément pas le fait que le deuxième avis de vérification a fait suite à la demande de la société de reporter la date d’intervention, que le second avis de vérification indique qu’il annule et remplace le premier et que la société n’a pas allégué que l’inspecteur était intervenu sur place avant la date prévue par le deuxième avis de vérification.

Dans ces conditions, le moyen n’est pas fondé.

S’agissant à présent de la contestation du bien-fondé des impositions :

La requérante estime que la somme de 330.000 euros qu’elle a reçue de la société FRIMA constitue une avance de trésorerie comptabilisée chez cette dernière au compte 267100 « créance rattachée participation » que les associés de la société FRIMA ont décidé par AGO du 30 juin 2012 de distribuer au titre de l’exercice clos en 2011.

De telle sorte que la société requérante a comptabilisé cette somme en produit au titre de l’exercice clos en 2012, avec option pour le régime mère-fille.

Cependant, l’administration puis le Ta ont considéré, sur le fondement de l’article 111 a du CGI, que la somme de 330 000 € constituait déjà, au titre de l’exercice 2011, un RD.

En vertu de l’article 111 a du code général des impôts : « Sont notamment considérés comme revenus distribués, sauf preuve contraire, les sommes mises à la disposition des associés directement ou par personnes ou sociétés interposées à titre d'avances, de prêts ou d'acomptes. »

Ainsi, La SCI MJFVM supporte la charge de la preuve à double titre, en raison de la présomption de distribution édictée par l’article précité et également en raison de la procédure de TO.

Pour faire valoir que la somme en cause constitue une avance de trésorerie non imposable et non un revenu distribué, la société requérante indique que cette somme a été versée en juillet 2011 dans l’intérêt de sa propre activité puisqu’elle était destinée à financer l’acquisition d’un bien immobilier situé à Châteauneuf les Martigues. Elle ajoute que la société FRIMA ne pouvait anticiper de distribuer ces dividendes, dans la mesure où elle ignorait si son activité lui permettrait de dégager des résultats suffisants et qu’elle a comptabilisé cette somme au compte 267100 « créance rattachée participation ».

Elle n’étaye son argumentation d’aucun autre élément particulier.

Or, d’une part, il est constant que la somme en litige a donné lieu à une inscription au débit du compte courant d’associé que la SCI MJFVM détenait dans la comptabilité de la SCI Frima. Est ainsi sans incidence le fait que la société FRIMA ait inscrit cette somme au compte 267100 « créance rattachée participation ».

D’autre part, cette somme n’a fait l’objet d’aucun acte écrit (telle que convention de trésorerie, autorisation du CA etc) qui préciserait la nature et fixerait la date de son remboursement ; or la JP regarde ces sommes comme constituant des distributions de bénéfices. Voir en ce sens CAA Bordeaux N° 11BX01586 du 28 février 2013 ou CE 13 juillet 1962 n° 51461 Aux tables p. 669.

Par ailleurs, la circonstance que la société requérante ait régularisé la situation de manière rétroactive après décision de l’AGO de 2012 est sans incidence sur le caractère de revenus distribués de cette somme versée à la société MJFVM en juillet 2011, quand bien même ce serait en raison d’une impossibilité supposée pour la SCI FRIMA de pouvoir anticiper sur la distribution de ces dividendes. Voir en ce sens CAA Nantes SARL SLOBIC du 14 juin 2010. C’est ce que nous examinerons dans le point suivant pour savoir si la société MJFVM   peut demander le bénéficie du régime mère-fille.

Ainsi, à ce stade, l’administration était fondée à imposer la somme en litige, au titre de l’exercice 2011, en tant que RD au sens de l’article 111 a du CGI.

D’ailleurs, l’acquisition par la société MJFVM d’un bien à Châteauneuf les Martigues en avril 2011 ne fait que confirmer son besoin d’un financement définitif, auquel ne répond pas une simple avance de trésorerie.

La qualification de RD étant retenue, la SCI MJFVM sollicite toutefois, de manière rétroactive, le bénéfice du régime des sociétés mère-filles prévu par les articles 145 et 216 du code général des impôts.

Ce régime permet aux sociétés qui détiennent, en participations, au moins 5% du capital de la société émettrice, de retrancher de leur bénéfice net, les produits nets des participations, défalcation faite d’une quote-part de frais et charges. Ce régime permet d’éviter une double imposition des bénéfices qui ont été réalisés par une société puis qui sont distribués à la société mère de celle-ci : les produits perçus ne sont taxés à l’IS qu’à hauteur d’une quote-part.

L’application de ce régime résulte d’une option formulée par la société mère.

Avant la loi du 30 décembre 1992, l’application de ce régime était automatique dès lors que les conditions d’éligibilité posées par la loi étaient réunies. Mais depuis l’entrée en application de cette loi, au 1er janvier 1993, le bénéfice de cette option est devenu optionnel.

Cette option, qui concerne tous les titres d’une société, est annuelle et est uniquement concrétisée par la mention des produits correspondant sur une ligne spécifique de l’imprimé de détermination du résultat imposable. Les articles 54 et 55 de l’annexe II au CGI prévoient simplement que les titres de participation doivent être conservés pendant 2 ans au moins et que cet engagement doit faire l’objet d’une déclaration au service des impôts. Ainsi, cette option n’est soumise à aucune obligation déclarative particulière et aucune disposition ne prévoit que la mise en œuvre soit exercée dans un délai déterminé.

Dans notre espèce, la SCI n’a pas déclaré la somme de 330 000 € en tant que RD et donc n’a pas exercé l’option. Mais elle nous indique en se fondant sur l’arrêt de la CAA de Nantes du 14 juin 2010 n° 09NT00946 SARL SLOBIC que dans la mesure où elle n’a pas dissimulé l’avance de trésorerie, puisque sa filiale l’a comptabilisée au compte 267100 «  créance rattachée participation », elle pouvait exercer l’option pour le régime mère-fille, comme un droit au remords en quelque sorte.

La JP a tout d’abord considéré que le fait de ne pas avoir exercé l’option, le silence du contribuable, constituait une décision de gestion opposable à l’entreprise qui ne peut donc plus demander à l’administration de lui faire bénéficier de cette option. La société ne peut donc plus revenir sur son choix.

Ainsi la Cour administrative d’appel de Nantes dans son arrêt SARL 2 MCS du 27 décembre 2006 et la Cour administrative d’appel de Bordeaux dans son arrêt Sté Charentaise d’investissement hôtelier du 25 oct 2007 ont jugé qu’ aucune déclaration n’ayant été déposée par les sociétés au titre des revenus réputés distribués, que les déclarations de résultats souscrites par les sociétés requérantes ne faisant état ni desdits revenus, ni de la quote-part de frais et charges de 5 % prévue par l’article 216 du Cgi, les sociétés ne peuvent utilement faire valoir qu’elles ont déposé, postérieurement à la notification de redressements et après un entretien avec le chef de brigade, une déclaration rectificative aux fins de réparer l’erreur qu’elles auraient commises dès lors qu’ en ne déclarant pas leur quote-part du boni de liquidation et, par là-même en n’exerçant pas l’option prévue par l’article 216 lors de la souscription de sa déclaration de résultat initiale, elles ont pris une décision de gestion qui leur est opposable.

C’est également la solution retenue par la CAA de Versailles du 15 novembre 2011 n° 10VE03955.

Dans une affaire qui n’était pas relative à un régime mère-fille et qui ne mettait donc pas en œuvre le concept de décision de gestion, l’affaire SICLI n° 372924 du 11 mai 2015, n° 372924 du 11 mai 2015, le CE avait également considéré que lorsque la loi offre au contribuable une option entre différentes modalités d’imposition et que le contribuable n’a pas formulé d’option par voie déclarative, il ne peut pas régulariser sa situation dans le délai de réclamation prévu à l’article R. 196-2 du Lpf. Cette non-option devient en quelque sorte irrévocable

Cependant, face à cette JP, une autre tendance plus nuancée est intervenue. Et c’est sur cette JP que la société MJFVM entend se fonder pour bénéficier du droit à l’option.

Le CE dans l’affaire Ministre de l'économie des finances et de l'industrie c/ société Arcadèle du 21 mai 2007 n° 278275 a considéré que la société Arcadèle n’ayant déposé ses déclarations de résultats ni pour l’année close en 1993, année de  réalisation de la plus-value, ni pour l’année en cause, close au 31 mars 1994, ni pour les années suivantes, elle devait nécessairement être considérée comme ayant dissimulé lesdits résultats, et notamment la plus-value en cause. Cette plus-value ne lui a pas été révélée par le redressement, dès lors que la société savait parfaitement qu’elle l’avait réalisée en cédant, en 1993, le droit au bail sur le local commercial qu’elle détenait au Touquet. Il y a bien là une dissimulation volontaire de la plus-value, qui justifie de considérer que c’est également volontairement que cette plus-value n’a pas été inscrite à la réserve spéciale, la société ayant pris une décision de gestion en ce sens, qui lui est opposable » Voir sous cet arrêt les conclusions de M. Emmanuel GLASER.

Ainsi, une société peut opter pour le régime des sociétés mères-filles, sur la base de ces 2 critères : au titre de distributions, non dissimulées, dont le caractère imposable a été révélé dans le cadre d’un rehaussement postérieur de ses bénéfices, car en ce cas, l’absence d’option ne constitue pas une décision de gestion opposable à l’entrepriseVoir CAA de Nantes dans un arrêt du 14 juin 2010 n° 09NT00946 SARL SLOBIC

Dans notre cas d’espèce, l’option pour le régime dérogatoire des sociétés mères a été refusée à la requérante au motif qu’elle n’avait pas déclaré les sommes en tant que revenus distribués imposables et qu’elle n’avait donc pas exercé l’option, ce qui s’apparentait à une décision de gestion qui lui était opposable.

Elle fait valoir qu’elle n’a pas volontairement dissimulé les sommes en cause et qu’elle a découvert le caractère imposable de celles-ci au cours du contrôle ;

Elle se fonde sur la similarité de son cas avec celui de la SARL SLOBIC, en insistant sur le fait que si les sommes versées ont servi à l’acquisition d’un bien par elle-même, cela ne suffit pas à considérer qu’il s’agirait d’une distribution volontairement dissimulée. Par suite, les conditions dans lesquelles s’est réalisée l’opération n’ouvrant pas la possibilité d’exercer cette option, elle ne peut être regardée comme ayant, en s’abstenant de l’exercer, pris une décision de gestion faisant obstacle à ce qu’elle dépose une déclaration rectificative pendant le délai de réclamation.

Le contexte est le suivant : la SCI FRIMA sous-louait à la SCI FRIMA CONCEPT un bâtiment industriel qui faisait l’objet d’un contrat de crédit-bail conclu avec la société Solybail. La société FRIMA a acquis ce bien de la société Solybail le 5 juillet 2011 au prix de 112 814 € et l’a revendu le même jour à la société CMCICLEASE au prix de 1 135 000 €.

Dans le même mois, elle versait à la société MJFVM une somme de 330 000 €.

Pour soutenir qu’à cette date les associés ignoraient le résultat de l’exercice et ne pouvaient pas prendre la décision de distribuer les dividendes, la société requérante fait alors valoir que cette opération d’achat revente s’est effectuée dans le cadre d’un refinancement et que la SCI FRIMA n’a jamais cessé son activité. Ainsi ce même bâtiment aurait refait l’objet d’un nouveau contrat de crédit-bail entre la société FRIMA avec la société CMCICLEASE ; la société FRIMA le sous-louant de nouveau à la SA FRIMA concept.

Quel que soit la vraisemblance de l’indécision supposée des associés quant à la distribution à accorder à la société requérante, il n’en demeure pas moins, ainsi qu’on l’a vu précédemment, que la société ne s’est pas ménagé de preuve susceptible de renverser la présomption de distribution posée par l’article 111 a) du code général des impôts, qu’ elle n’a pas déposé de déclaration de résultat pour l’exercice 2011 dans le délai imparti, ni avant l’expiration du délai de trente jours accordé par une mise en demeure, que la somme allouée permettait l’acquisition d’un bien immobilier par la SCI MJFVM auquel une simple avance de trésorerie ne répond pas et surtout, que contrairement à l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes cité, les versements auxquels a procédé la SCI FRIMA ont été effectués à tous ses associés et pas seulement à la société MJFVM et dans des proportions proches de leur participation dans son capital ; de telle sorte la société MJFVM ne pouvait pas ne pas savoir que la somme perçue en 2011 n’avait pas le caractère d’une avance en trésorerie, mais constituait un acompte sur dividende constitutif d’une distribution imposable.

Dans ces conditions, vous pourriez considérer qu’elle a omis de mentionner volontairement la plus-value qui lui a permis de procéder à l’acquisition du bien sur Châteauneuf les Martigues. De sorte, qu’en application de la JP SARL SLOBIC de la CAA Nantes et Soc Arcadèle du CE, la société MJFVM en s’abstenant de déclarer les sommes en tant que revenus distribués imposables et donc en s’abstenant d’exercer une option, a adopté une décision de gestion qui lui est opposable.

En conséquence, elle n’est pas fondée à solliciter le bénéfice de déposer une déclaration rectificative pendant le délai de réclamation.

Toutefois, parallèlement et postérieurement, dans une affaire qui n’avait pas trait au régime des sociétés mères-filles, aff CE Ministre des Finances C/ M. et  Mme L. N° 397052 du 14 juin 2017, le CE a assoupli la possibilité de régulariser la situation par voie de réclamation, en n’exigeant pas que l’omission de mention de la plus-value n’ait pas été volontaire.

Ainsi le CE a considéré qu’alors même que l’article 163 bis du code général des impôts prévoyait que des prestations de retraite versées sous forme de capital peuvent sur demande expresse et irrévocable être soumises à un prélèvement au taux de 7, 5%, le contribuable qui a omis de mentionner le  revenu en cause dans sa déclaration de revenu global ne peut être regardé comme ayant choisi l’assujettissement des sommes concernées au barème progressif de l’impôt sur le revenu et renoncé au bénéfice du prélèvement libératoire. Ainsi, pour le bénéfice d’un avantage fiscal, le contribuable peut régulariser son droit d’option par voie de réclamation, jusqu’à l’expiration du délai imparti pour présenter une telle réclamation.

Ce régime est ainsi moins restrictif que celui appliqué au régime mère-fille.

Aussi, à titre subsidiaire, si vous estimiez que la  jurisprudence CE Min des finances c/ M. et Mme L. n° 397052 du 14 juin 2017du 14 juin 2017 n° 0397052, plus récente et plus souple devait étendre son application au cas des sociétés invoquant le régime des sociétés mère-fille, il conviendrait de rappeler, ainsi qu’on l’a vu dans les 2 affaires précédemment appelées, que « les dispositions qui prévoient que le bénéfice d’un avantage fiscal est demandé par voie déclarative n’ont, en principe, pas pour effet d’interdire au contribuable de régulariser sa situation dans le délai de réclamation prévu à l'article R. 196 du livre des procédures fiscales, sauf si la loi a prévu que l’absence de demande dans le délai de déclaration entraîne la déchéance du droit à cet avantage, ou lorsqu’elle offre au contribuable une option entre différentes modalités d’imposition dont la mise en œuvre impose nécessairement qu’elle soit exercée dans un délai déterminé.

Or, dans notre cas d’espèce, le législateur n’a pas encadré le délai pour opter ni imposé des modalités d’option dont la mise en œuvre imposerait nécessairement qu’elle soit exercée dans un délai déterminé. Dans ces conditions, la société serait alors fondée à formuler une demande pour obtenir le régime des sociétés mères dans sa réclamation contentieuse, dans le délai de l’article R. 196-1 livre des procédures fiscales.

Par suite, vous pourriez faire droit à la demande de la société au bénéfice du régime mère-fille prévu par les dispositions des articles et 145 et 216 du CGI.

La société se retrouverait, alors qu’initialement elle n’avait pas déclaré ces distributions, et suite à un rehaussement de ses bénéfices par l’administration, et à l’exercice d’« un droit au remords », en situation de bénéficier de nouveau de l’option pour le régime mère-fille, comme si de rien n’était…. Ou presque, parce qu’elle a toutefois été assujettie à une majoration de 40% prévue par l’article 1728 du code général des impôts au motif qu’elle n’a pas déposé sa déclaration de résultat pour l’exercice 2011 dans le délai de 30 jours de la mise en demeure.

Il nous semble toutefois que la JP CE Min des finances c/ M. et Mme L. n° 397052 du 14 juin 2017 que nous avons appliquée à MM Charon et Grenouiller n’est pas applicable dans le cas des sociétés soumises au régime mère –fille dont la JP est clairement balisée par les arrêts société Arcadèle du CE du 21 mai 2007 n° 278275 et SARL SLOBIC de la CAA de Nantes dans un arrêt du 14 juin 2010 n° 09NT00946.  de la CAA de Nantes dans un arrêt du 14 juin 2010 n° 09NT00946.

D’ailleurs l’arrêt Havas du CE du 16 nov 2016 n° 387576 avait fait montre d’une rigueur constante à ce sujet lorsqu’en matière de régime mère-fille, il avait jugé pour le cas où la société Havas s’engageait à renoncer explicitement, par un courrier du 29 nov. 2002 au bénéfice du régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du Cgi, qu’elle avait pris une décision de gestion qui lui était opposable, et ce, alors même que cette décision aurait été motivée par l’interprétation administrative donnée à ces dispositions, interprétation qui a ensuite été infirmée par le CE.

Par ces motifs nous concluons au rejet de la requête.

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