1. La SNC Ultramarine 1101 a pour objet la location simple ou de longue durée à des entreprises exerçant leur activité dans les départements et territoires d’outre-mer, de tous biens d’équipements ou immobiliers à destination professionnelle éligibles aux dispositions de l’article 199 undecies B du code général des impôts, relatives à l’aide fiscale à l’investissement dans les départements et territoires d’outre-mer.
Elle a acquis un véhicule de tourisme et une pelle hydraulique et les a donnés en location à deux entreprises implantées en Nouvelle-Calédonie.
La SNC Ultramarine 1101 a son siège à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône). Elle a été assujettie, dans les rôles de cette commune, à une cotisation foncière des entreprises au titre des années 2012 et 2013.
La SNC Ultramarine 1101 relève appel du jugement du 28 avril 2015 qui a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces cotisations.
Cette affaire constitue une tête de série. Le tribunal administratif de Lyon a enregistré environ soixante dossiers et une centaine de dossiers ont été présentés au niveau national, posant la même question de la territorialité de la cotisation foncière des entreprises. Il faut noter que le tribunal administratif de Basse-Terre a déjà traité lui aussi quelques dossiers en rejetant les demandes (voir par exemple Tribunal administratif de Basse-Terre 16 juillet 2015 société Ultramarine 0820 n° 1300269).
2. Il résulte des dispositions de l’article 1447 du code général des impôts que :
« I. La cotisation foncière des entreprises est due chaque année par les personnes physiques ou morales (…) qui exercent à titre habituel une activité professionnelle non salariée. (…) III. - Les personnes et sociétés mentionnées au I ne sont pas soumises à la cotisation foncière des entreprises à raison de leurs activités qui ne sont assujetties ni à l'impôt sur les sociétés ni à l'impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à ces impôts. »
La société requérante fait valoir qu’elle ne doit pas être soumise à la cotisation foncière des entreprises à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône) dès lors qu’elle n’a pas d’activité sur le territoire français et n’y est imposée à l’impôt sur le revenu qu’en raison du statut fiscal de la société et de la situation de ses associés qui sont résidents en France.
La société indique que tous les biens donnés en location le sont hors de France en Nouvelle-Calédonie.
Il faut rappeler que la Nouvelle-Calédonie n’est pas un territoire français au sens du droit fiscal. Il existe une convention, signée en 1983, entre le gouvernement de la République Française et le Conseil de Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôt sur le revenu.
La requérante fait valoir que son siège en France n’est pas un siège de direction effectif mais une adresse de domiciliation.
Elle précise qu’elle ne dispose d’aucun moyen matériel, ni humain en France pour exercer son activité.
Elle soutient que le lieu de dépôt des déclarations des bénéfices n’est pas un élément permettant de retenir qu’elle devait être soumise à la cotisation foncière des entreprises (CFE), qu’elle a un établissement stable en Nouvelle-Calédonie au sens de la convention précitée.
Contrairement à ce que soutient la société les règles de territorialité de la CFE ne sont pas identiques à celles de la TP.
Depuis 2010, avec la substitution à la taxe professionnelle, de la cotisation foncière des entreprises par l'article 2 de la loi de finances pour 2010 (L. n° 2009-1673, 30 déc. 2009, art. 2) un nouveau régime a été codifié à l'article 1447, III du CGI.
Il exclut de la CFE les entreprises non assujetties à l’impôt sur les sociétés ou à l’impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité.
Nous sommes dans un régime de preuve objective.
La requérante, société de personnes qui a une personnalité distincte de celle de ses membres, a été imposée en France, parce qu’il a été considéré qu’elle exerçait une activité en France (voir CE 13 février 2013 n° 342085, 9e et 10e s.-s., min. c/ Barlow : RJF 5/13 n° 506).
La société n’a pas contesté son assujettissement à l’impôt sur le revenu en France.
La société fait valoir qu’elle a pour activité la location de matériel en Nouvelle-Calédonie.
Le critère des lieux de location du matériel, qui peuvent être très divers, ne nous semble pas déterminant. Ce qui doit être apprécié, c’est le lieu de la gestion locative en elle-même et de l’activité qui est en lien et qui consiste en l’espèce pour la SNC Ultramarine à chercher les personnes susceptibles d’investir dans ces locations pour obtenir une défiscalisation.
Nous avons peu d’informations de la société sur les conditions de son fonctionnement, son rôle concret, notamment, dans la gestion locative, la recherche des investisseurs, des investissements et leur gestion.
Or la société était la mieux placée pour donner des précisions sur ces points.
Même si s’applique un régime de preuve objective, nous rappelons souvent dans nos conclusions, que « les éléments de preuve qu’une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu’à celle-ci » (Voir CE 16 janvier 2006, Lefebvre, RJF 4/06 n° 377, concl. L. Vallée BDCF 4/06 n° 46).
Selon les éléments produits au dossier, l’activité est gérée par la SNC Ultramarine, dans les locaux de laquelle elle est domiciliée. La SNC est dirigée par M. R., domicilié dans le Rhône. L’ensemble des associés de la SNC sont domiciliés sur le territoire métropolitain, à l’exception de l’un d’entre eux, qui est domicilié sur l’île de la Réunion.
Il n’est pas allégué que la requérante aurait des locaux, des associés ou du personnel en Nouvelle-Calédonie. Elle se borne à se prévaloir d’un siège de direction effectif en Nouvelle-Calédonie, sans apporter d’éléments qui pourrait permettre d’établir l’existence de ce siège de direction.
Elle invoque la convention précitée pour faire valoir qu’elle a établissement stable en Nouvelle-Calédonie.
Il incombe au juge de l’impôt de rechercher si une convention internationale relative aux doubles impositions fait obstacle à l’imposition en France de revenus qui y sont imposables en application du droit interne. (Voir Min.c/sté Schneider Electric 28 juin 2002 n° 232.276, RJF 10/02 n° 1080)
Aux termes du 1 de l’article 7 de la convention fiscale signée entre la France et la Nouvelle‑Calédonie : « Les bénéfices d’une entreprise d'un territoire ne sont imposables que dans ce territoire, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre territoire par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé. Si l'entreprise exerce son activité d'une telle façon, les bénéfices de l'entreprise sont imposables dans l'autre territoire mais uniquement dans la mesure où ils sont imputables à cet établissement stable (…) » ; qu’aux termes de l’article 5 de la même convention : « 1. Au sens de la présente convention, l'expression « établissement stable » désigne une installation fixe d'affaires par l'intermédiaire de laquelle une entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 2. L'expression "établissement stable" comprend notamment : / a. Un siège de direction ; / b. Une succursale ; / c. Un bureau ; / d. Une usine ; / e. Un atelier, et / f. Une mine, un puits de pétrole ou de gaz, une carrière ou tout autre lieu d'extraction de ressources naturelles (…) ».
Il n’est pas allégué d’un dépôt d’une déclaration d’activité ou de résultats en Nouvelle-Calédonie.
Les biens que la société donne en location ne sauraient, à eux-seuls, constituer des installations fixes d’affaires.
La SNC Ultra Marine, ne peut être regardée, selon nous, comme disposant en Nouvelle-Calédonie d’un établissement stable.
La requérante ne peut se prévaloir de dégrèvements non motivés prononcés en faveur d’autres contribuables qui auraient été dans une situation analogue.
Elle ne peut non plus utilement invoquer la doctrine, dès lors que l’article L.80 A du livre des procédures fiscales n’est applicable qu’en cas de rehaussement d’imposition.
Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d’égalité des contribuables devant les charges publiques ne peut qu’être écarté.
Ainsi, l’activité de la société Ultramarine doit être regardée comme assujettie à l'impôt sur le revenu en raison des règles de territorialité propres à cet impôt, notamment en application des stipulations précitées de l’article 7 de la convention. Par suite, en application des dispositions précitées des I et III de l’article 1447 du code général des impôts, cette société était donc redevable, comme il a été jugé, de la cotisation foncière en application desdites dispositions.
Si vous nous suivez, vous ne pourrez mettre à la charge de l’Etat le versement à la requérante de la somme sollicitée en application de l’article L761-1 du CJA.
Par ces motifs nous concluons au rejet de la requête.