Monsieur C. a été détaché sur l'emploi fonctionnel de secrétaire général adjoint du SIVOM de l’agglomération annemassienne jusqu’au 1er novembre 1990, date à laquelle il a été déchargé de ses fonctions. Il a alors été pris en charge par le Centre de Gestion du Rhône (CDG 69) sur le fondement de l’article 97 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale.
Le 5 septembre 2011, Monsieur C. a adressé au Président de la Communauté de Communes Annemasse Agglo (qui s’est substituée au SIVOM) une demande de congé spécial prévu aux articles 53 et 99 de la loi du 26 janvier 1984, et aux articles 6 et suivants du décret n° 88-614 du 6 mai 1988 pris pour l'application des articles 98 et 99 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée et relatif à la perte d'emploi et au congé spécial de certains fonctionnaires territoriaux.
Pour mémoire, l’agent placé en congé spécial voit sa rémunération prise en charge par son employeur d’origine et a vocation à l’issue de celui-ci à être admis d’office à la retraite.
La demande de congé spécial a été rejetée le 24 octobre 2011. Il s’agit de la décision contestée par le CDG 69.
Le débat contentieux s’est vite cristallisé sur le point de savoir si le Centre de Gestion avait un intérêt à contester le refus opposé par la Communauté d’agglomération à la demande de congé spécial de Monsieur C. C’est en effet pour défaut d'intérêt à agir que le recours du CDG a été rejeté en première instance par le Tribunal administratif de Grenoble (TA Grenoble, 2 octobre 2013, n° 1106701).
L’intérêt à agir du CNFPT et des CDG, tiers aux décisions concernant les relations entre les collectivités affiliées et leurs agents susceptibles d’être pris en charge, a toujours été apprécié restrictivement par les juridictions administratives.
En effet, si la décision par laquelle une collectivité territoriale radie des cadres un de ses agents pour qu’il soit pris en charge par le CNFPT peut être contestée par ce dernier (CAA Paris, 1er février 2005, n° 02PA01781), celui-ci ne peut en revanche attaquer la décision mettant fin au détachement d’un agent sur un emploi fonctionnel (CAA Paris, 8 octobre 2003, n° 99PA04150), ou la décision décidant de la suppression d’un emploi (CE, 13 décembre 1996, n° 147707), alors même qu’elle préfigure de la prise en charge de l’agent par le CNFPT, ou le CDG.
L’intérêt à agir du CNFPT (ou des CDG) n’est pas reconnu contre une décision qui « n’impliqu[e] pas par elle-même que [l’]agent soit mis à la disposition du CNFPT » (CAA Paris, 8 octobre 2003, précité) . Si la décision n'a pas pour conséquence immédiate et directe la prise en charge de l’agent par le CNFPT ou le CDG (dans le cas par exemple d’agent qui peut être reclassé ou maintenu en surnombre dans un premier temps), leur intérêt à agir ne sera pas reconnu.
La situation dont a eu à connaître la Cour administrative d’appel de Lyon est nouvelle dans la mesure où il n’est pas question d’une éventuelle prise en charge à venir d’un agent mais bien de la fin de sa prise en charge actuelle.
Le CDG 69 faisait état pour sa part des incidences financières du refus de placer un agent en congé spécial, identiques selon lui à une décision mettant un agent à disposition d’un centre de gestion (décision contre laquelle il a intérêt à agir).
La Communauté d’Agglomération assimilait quant à elle la décision de refus du congé spécial à une décision de ne pas recruter M. C. afin de le placer en congé spécial, alors selon elle qu’un employeur territorial n’a pas intérêt à demander l’annulation du refus opposé par un autre employeur territorial de recruter un agent placé sous son autorité.
Le rapporteur public (que nous remercions pour la communication de ses conclusions) reconnaît d’abord que « la décision de la communauté d’agglomération a bien une incidence sur la prise en charge par le centre de gestion de M. C. puisque si le congé spécial est accordé alors cette prise en charge sera terminée ». Néanmoins, il estime, après avoir souligné que le centre de gestion disposait d’autres moyens pour mettre fin à sa prise en charge (refus de trois offres d’emplois permanents), que cet impact ne saurait lui conférer un intérêt direct à contester cette décision prise à la demande de l’agent et dont les « effets positifs[escomptés] ne constituent pas un droit pour le centre de gestion ».
Dans son arrêt commenté du 16 février 2016, la Cour administrative d’appel a suivi son rapporteur public, considérant que la seule circonstance que la décision attaquée entrainerait le maintien de la prise en charge de l’agent « ne suffit pas à conférer au centre de gestion un intérêt suffisamment direct pour former un recours en excès de pouvoir contre un tel refus ».
Il faut comprendre que la volonté de la juridiction a été de limiter la possibilité du CDG de tirer parti de la demande de congé spécial de l’agent afin de tenter de mettre un terme de façon anticipée à son obligation de prise en charge.
Ce dernier pourra néanmoins y mettre fin sur le fondement de l’article 97 de la loi du 26 janvier 1984 (IIe ou IIIe) mais devra supporter personnellement le risque juridique lié à cette démarche, notamment dans le cas prévu par l’article 97 IIIe (licenciement suite à trois refus d’offres) du fait du contrôle par le juge de l'adéquation entre les trois offres d’emploi proposées et les fonctions précédemment exercées.
Le Centre de gestion se consolera toutefois du fait de la modification (moins de deux mois après l’arrêt commenté) par la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, des conditions financières de prise en charge des agents territoriaux. Désormais, au-delà d’une durée de prise en charge à taux plein pendant les deux premières années, la rémunération versée aux agents diminuera de cinq pourcents chaque année jusqu’à atteindre le taux de cinquante pourcents.