Les indemnités de transfert constituent des produits normaux entrant dans le calcul du chiffre d’affaire d’un club de football

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 12LY02444 – 17 octobre 2013 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 12LY02444

Numéro Légifrance : CETATEXT000028143241

Date de la décision : 17 octobre 2013

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Taxe professionnelle, Indemnités, SAOS, Footballeur professionnel, Club de football

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Les indemnités de transfert perçues par un club de football constituent des produits normaux, compte tenu notamment de leur caractère récurrent. Ils doivent, dès lors, être pris en compte pour le calcul de la valeur ajoutée servant à la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle.

Conclusions du rapporteur public

Virginie Chevalier-Aubert

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.6130

La SAOS (société anonyme à objet sportif) AJ AUXERRE FOOTBALL a fait l'objet d'une vérification de comptabilité pour la période du 1er juillet 2005 au 30 juin 2008, à l'issue de laquelle a été rehaussé, notamment, le montant de ses cotisations de taxe professionnelle au titre des années 2006 à 2008.

Est en litige, dans cette affaire, la prise en compte des indemnités de transfert perçues à l'occasion de la cession de joueurs composant l'effectif du club de football professionnel géré par la société pour la détermination de la valeur ajoutée servant au calcul d'une cotisation minimale de taxe professionnelle.

L'administration a considéré que ces indemnités ne devaient pas être exclues du calcul de cette valeur ajoutée, dès lors qu'elles ne constituaient pas des produits exceptionnels.

La société requérante relève appel du jugement du Tribunal administratif de Dijon, du 26 juin 2012, qui a rejeté sa demande tendant pour les années 2006 et 2008, à la décharge et pour l'année 2007, à la réduction des impositions supplémentaires de taxe professionnelle.

L'article 1647 E du code général des impôts fixe une cotisation minimale pour la taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros, égale à 1, 5 % de la valeur ajoutée produite.
L'article 1647 B sexies du même code fixe la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle.

Pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, il y a lieu de se reporter aux dispositions du plan comptable général, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée. (Voir en ce sens par exemple CE 4 août 2006 n° 267150 min/c société foncière Ariane RJF 11/06 n° 1370) .

La requérante soutient qu'en application de l'instruction administrative A-13-05 § 27 du 30 décembre 2005 « les indemnités de mutation des joueurs » perçues par le club ont la nature comptable et fiscale de produits de cession d'immobilisations incorporelles.

Elle ne peut cependant, sur le fondement de l'article L80 A du livre des procédures fiscales, utilement se prévaloir de l'instruction précitée; qui ne concerne pas les indemnités reçues, comme en l'espèce par le club, mais celles versées.

Les dispositions de l'article 5 de l'annexe du règlement n° 2004-07 du 23 novembre 2004 du comité de règlementation comptable, dont se prévaut par ailleurs la société requérante, se bornent à indiquer que les indemnités de mutation reçues d'autres clubs doivent être comptabilisées en « résultat », sans préciser leur qualification de produits exceptionnels ou de produits courants.

Les autres dispositions de ce règlement concernent le traitement comptable des indemnités versées, et non pas de celles perçues, par les sociétés à objet sportif.

Toutefois nous pensons que la société a raison de considérer que les indemnités de transfert de joueurs doivent être regardées comme des immobilisations sur le plan comptable.

Aux termes des dispositions du règlement du 23 novembre 2004 précité les opérations de mutations d'un joueur professionnel sont assimilées à la vente ou à l'acquisition d'un élément d'actif correspondant aux droits contractuels détenus par les clubs sportifs.

Un actif peut être défini comme un élément identifiable du patrimoine ayant une valeur économique positive pour l'entité, c'est-à-dire un élément générant une ressource que l'entité contrôle du fait d'évènements passés, et dont elle attend des avantages économiques futurs.

Les joueurs professionnels, noyaux durs des clubs de football, doivent être regardés comme des immobilisations, et les indemnités de mutation de joueurs perçues présentent le caractère de produits de cession d'immobilisations incorporelles.

Nous divergeons cependant sur les conséquences que la société requérante en tire.

En principe, il est vrai que la cession d'un élément d'actif n'entre pas dans la « production de l'exercice » au sens de l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

La cession d'une immobilisation est un produit exceptionnel, mais il peut en être autrement selon les circonstances de l'espèce et notamment selon l'activité de la société.

Aussi le Conseil d'Etat dans sa décision du 6 décembre 2006 n° 280800, 9e et 10e s.-s., SA Algeco (RJF 3/07 n° 289) a estimé que les biens qualifiés éventuellement d'immobilisations, s'ils sont donnés en location et donc utilisés par l'entreprise pendant plus d'un an, ne constituent pas, du seul fait que la cession porte sur une immobilisation, un produit à caractère exceptionnel insusceptible d'être regardé comme une vente au sens de la production de l'exercice mentionnée à l'article 1647 B sexies du code général des impôts. Encore faut-il que la cession de ces immobilisations ne constitue pas l'objet même de l'activité de la société (Cas en l'espèce des « Algeco », d'abord utilisés puis vendus).

Il faut donc examiner si les cessions de joueurs (les transferts), se rattachent à l'activité normale et ordinaire des clubs de football.

De nombreuses jurisprudences de cours ou de tribunaux le considèrent pour la détermination du seuil d'assujettissement à la cotisation minimale de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée.

La cour administrative d'appel de Nantes a ainsi décidé que devaient être intégrées dans le chiffre d'affaires d'une société de gestion et d'animation d'un club de football professionnel, pour apprécier le seuil d'assujettissement à la cotisation minimale, les indemnités de mutation des joueurs qui représentent pour le club des recettes régulières se rattachant à son activité professionnelle normale et courante.

(CAA Nantes 9 décembre 2010 n° 09NA02549, 1e ch., SAS FC Lorient Bretagne Sud : RJF 3/11 n° 0317) .Dans le même sens : CAA Nancy 20 octobre 2011 n° 10NC01217, 2e ch., SASP Club Sportif Sedan Ardennes : RJF 3/12 n° 0256.

La Mission d'information sur les conditions de transfert des joueurs professionnels de football a déposé le 20 février 2007 devant l'Assemblée Nationale un rapport dans lequel il est indiqué que si parmi les missions de la FIFA créée en 1904 figurait déjà la régulation des transferts ceux-ci ont pris une ampleur particulière avec la médiatisation et la mondialisation des événements sportifs et l'apparition d'un véritable « système », voire d'un « marché » des transferts pour acheter les meilleurs joueurs disponibles, garantir leurs résultats sportifs et maximiser les recettes.

Ce rapport rappelait que par exemple l'Olympique Lyonnais, dans la brochure éditée à l'occasion de son introduction en Bourse, indiquait que : « La politique de cession de joueurs fait partie intégrante de l'activité normale du Groupe Olympique Lyonnais. »

Nous pensons donc que les transferts de joueurs professionnels sont désormais au cœur de l'activité de la plupart des clubs de football, contrairement à ce que soutient la société requérante.

Il vous faut cependant examiner la situation de l'espèce, tous les clubs de football, selon leur dimension et leur positionnement, n'ayant pas forcément une organisation économique semblable.

La SAOS AJ AUXERRE FOOTBALL fait valoir que son activité est celle d'une entreprise de spectacles à objet sportif dont les recettes habituelles et ordinaires sont constituées de recettes de match, de publicité, de droits de diffusion et de redevances de licences de marques.

Elle soutient que son activité ne consiste pas à acheter et à vendre des joueurs, que ces derniers sont libres de consentir au transfert ou non vers d'autres clubs et qu'ils sont liés à ces derniers par des contrats de travail.

La circonstance que les joueurs soient liés par des contrats de travail et qu'ils soient libres de consentir aux transferts ne nous paraît pas être un élément déterminant.

Le Tribunal administratif a quant à lui relevé, et la société ne conteste pas ces énonciations en appel, que la vente des joueurs est susceptible d'intervenir à deux reprises aux cours de l'année civile, à l'intersaison en mai et août ou lors de la pause hivernale, et qu'au cours de la période vérifiée, soit trois années, il y a eu 12 cessions de joueurs, les « indemnités de mutation » perçues lors de ces cessions s'élevant à 52 014 000 euros, soit 56 % du chiffre d'affaires réalisé au titre des exercices clos en 2006, 2007 et 2008.

Ainsi, en l'espèce, les cessions présentent un caractère récurrent sur plusieurs exercices et représentent une part importante du chiffre d'affaires.

La dimension exceptionnelle qui caractérise la cession d'immobilisation n'est pas présente dans ces cessions.

Ainsi nous croyons qu'en l'espèce l'administration fiscale a pu estimer, à bon droit, que les recettes correspondant aux indemnités des cessions des joueurs comptabilisées au compte n° 775110710 « Produits de cession indemnités de mutation » ne constituent pas des produits à caractère exceptionnel, insusceptibles d'être pris en compte pour la détermination de la cotisation minimale de taxe professionnelle, mais des produits d'exploitation devant être pris en compte pour la détermination du chiffre d'affaires visé par l'article 1647 E du code général des impôts.

Il n'y a pas lieu de mettre les dépens (le droit de timbre en l'espèce), à la charge de l'Etat.

La demande de la société tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative pourra ainsi être écartée, l'Etat n'étant ni la partie perdante ni la partie tenue aux dépens.

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

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