L’incompétence du maire en matière de réglementation des OGM

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Décision de justice

CE, sous-sections réunies – N° 342990 – commune de Valence – 24 septembre 2012 – A

Juridiction : CE

Numéro de la décision : 342990

Numéro Légifrance : CETATEXT000026410515

Date de la décision : 24 septembre 2012

Code de publication : A

Index

Mots-clés

Police générale, Police spéciale, Compétence du maire, OGM, Article 5 de la Charte de l’environnement, Principe de précaution, L. 533-3 du code de l’environnement

Rubriques

Institutions et collectivités publiques, Police administrative, Urbanisme et environnement

Résumé

Le maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, à qui il appartient de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, ne saurait en aucun cas s'immiscer, par l'édiction d'une réglementation locale, dans l'exercice de la police spéciale de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés (OGM), confiée à l'Etat (articles L. 533-3 et suivants du code de l'environnement).

1) Par les dispositions des articles L. 533-3 et suivants du code de l'environnement, le législateur a organisé une police spéciale de la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés (OGM), confiée à l'Etat. Rappr., s'agissant de la police spéciale des communications électroniques, CE, Assemblée, 26 octobre 2011, commune de Saint-Denis, n° 326492, à publier au Recueil.

2) Les autorités nationales ayant en charge cette police, dont l'objet est de prévenir les atteintes à l'environnement et à la santé publique pouvant résulter de l'introduction intentionnelle d'OGM dans l'environnement, ont pour mission d'apprécier, au cas par cas, éclairées par l'avis scientifique d'un organisme spécialisé et après avoir procédé à une analyse approfondie qui doit prendre en compte les spécificités locales, y compris la présence d'exploitations d'agriculture biologique, s'il y a lieu d'autoriser la dissémination. 3) Le maire ne saurait en aucun cas s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale par l'édiction d'une réglementation locale.

49-04, Pouvoirs de police générale du maire, Articulation avec la police spéciale de la dissémination volontaire d'OGM conférée aux autorités de l'Etat par la loi (1)

49-05, 03-05-10, Pouvoir de police générale du maire, Polices spéciales, Police de la dissémination volontaire d'OGM, 1) Police spéciale confiée par le législateur aux autorités de l'Etat, 2) Teneur, 3) Conséquences sur les compétences des maires au titre de leur pouvoir de police générale (1)

Police de la dissémination volontaire d'OGM

Élise Untermaier-Kerléo

Maître de conférences en droit public à l’Université Jean Moulin Lyon 3

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DOI : 10.35562/alyoda.5996

Saisi d’un pourvoi formé à l’encontre d’un arrêt commune de Valence rendu par la cour administrative d’appel de Lyon le 30 juin 2010 (CAA Lyon, 5ème chambre, 30 juin 2010, commune de Valence, n° 09LY01065), le Conseil d’État s’est prononcé pour la première fois dans cet arrêt du 24 septembre 2012, classé en A, commune de Valence, sur la légalité d’un arrêté réglementaire par lequel le maire a interdit sur plusieurs parties du territoire de la commune, la culture en plein champ de plantes génétiquement modifiées, à quelque fin que ce soit, pour une durée de trois ans. À l’instar du juge lyonnais, il affirme que l’existence d’une police spéciale des organismes génétiquement modifiés, confiée à l’État, exclut toute réglementation locale qui serait édictée par le maire au titre de ses pouvoirs de police générale, y compris sur le fondement du principe constitutionnel de précaution.

Si le Conseil d’État a confirmé l’arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon, il en a modifié les motifs justifiant son dispositif. En effet, après avoir rappelé l’exclusivité de la compétence des autorités centrales, la cour avait réservé l’hypothèse du « péril imminent » qui aurait pu justifier une intervention résiduelle du maire, au titre de ses pouvoirs de police générale. Alors que la commune invoquait le fait que Valence était située dans la vallée du Rhône, l’une des régions les plus ventées de France, ce qui était de nature à accroître le risque de dissémination des cultures OGM, la cour avait toutefois conclu en l’espèce à l’absence de péril imminent.

C’était déjà en ce sens que s’était prononcé le juge lyonnais dans deux arrêts de 2009, commune de Grigny (C.A.A. Lyon, 4ème chambre, 8 oct. 2009, Commune de Grigny, n° 07LY00757, Rev. jurisp. ALYODA 2011 n° 1, note V. Revol) et de 2005, commune de Ménat (C.A.A. Lyon, 26 août 2005, commune de Ménat, n° 03LY00696 ; AJDA 2006, p. 38, chron. E. Kolbert), en précisant que « les perspectives de développement de l'agriculture traditionnelle ou la nécessité de respecter le principe de précaution » ne permettaient pas d’établir un risque de survenance d’un péril imminent.

Le juge d’appel entendait ainsi appliquer à la police spéciale des OGM la jurisprudence applicable à la police des installations classées (CE, 15 janvier 1986, société Pec-Engineering, n° 47836, T. Leb. p. 425 ; CE 29 septembre 2003, Houillères du bassin de Lorraine, n° 218217, T. Leb. p. 677) ou à la police de l’eau (CE, 2 décembre 2009, commune de Rachecourt-sur-Marne, n° 309684, Leb. p. 481).

Mais le Conseil d’État en a décidé autrement : à l’instar de la police spéciale des communications électroniques (CE, Ass., 26 octobre 2011, commune de Saint-Denis, n° 326492 ; AJDA 2011, p. 2219, chron. J.-H. Stahl et X. Domino ; AJCT 2012. 37, obs. M. Moliner-Dubost ; RDI 2012, p. 153, note A. Van Lang), la police spéciale des OGM commande une exclusivité absolue, proscrivant toute intervention réglementaire du maire, même en cas de péril imminent. La Haute juridiction n’a pas voulu laisser aux autorités locales le soin de réglementer l’utilisation des OGM, dans un domaine scientifique très incertain.

Reste en suspens la question de la légalité des mesures de police individuelles ou concrètes qui pourraient être édictées par le maire à l’encontre d’autorisations particulières de cultures d’OGM délivrées par les autorités titulaires de la police spéciale des OGM.

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