En application de la jurisprudence Danthony, la 5ème chambre de la Cour administrative d’appel de Lyon décide d’écarter le vice de procédure entachant la décision du préfet du Rhône refusant à la requérante un titre de séjour en sa qualité d’étranger malade. La Cour était confrontée au cas particulier d’une modification des règles applicables à une procédure en cours.
La Cour administrative d’appel de Lyon était saisie du recours d’une ressortissante azerbaïdjanaise contre le refus d’un titre de séjour en qualité d’étranger malade assorti d’une obligation de quitter le territoire. Mais, entre le début de ses démarches et l’arrêté préfectoral contesté, en date du 22 septembre 2010, les dispositions du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (art. L. 313-11 CESEDA) ont été modifiées par l’ordonnance du 23 février 2010 qui a confié aux agences régionales de santé (ARS) le soin de prononcer l’avis médical concernant les demandes de titre de séjour des étrangers malades. Or, le refus du titre de séjour a été prononcé par le préfet au vu d’un avis médical émis le 18 décembre 2009 par un médecin inspecteur de santé publique de la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales du Rhône, à l’époque compétent pour émettre un tel avis. Dès lors, pouvait-on considérer que la décision contestée se trouvait entachée d’un vice de procédure ?
La Cour répond à cette question en deux temps.
Elle commence d’abord par rappeler l’orthodoxie juridique : « la régularité d'une décision administrative s’apprécie en fonction des dispositions applicables à la date à laquelle celle-ci intervient et (…), sauf dispositions transitoires applicables aux procédures en cours, les actes de procédure qui avaient été régulièrement accomplis au regard de la réglementation en vigueur à la date à laquelle ils ont été faits doivent être repris en cas de changement de ces dispositions antérieurement à l’édiction de la décision administrative ».
Puis, faisant prévaloir, à l’instar de la juridiction suprême de l’ordre auquel elle appartient, le pragmatisme sur les exigences qu’imposerait le strict respect du principe de légalité, elle reprend le considérant de principe de l’arrêt Danthony (C.E., Assemblée, 23 décembre 2011, Danthony, n° 335033) : « considérant, toutefois, que, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu’il a privé les intéressés d’une garantie ; que l’application de ce principe n’est pas exclue en cas d’omission d’une procédure obligatoire, à condition qu’une telle omission n’ait pas pour effet d’affecter la compétence de l’auteur de l’acte ».
On remarquera que le considérant en question se trouve enrichi par l’apport de l’arrêt Société Chiesi du 17 février 2012 (C.E., 17 février 2012, Société Chiesi, n° 332509) dans lequel le Conseil d’État a précisé que la décision du juge d’écarter un moyen tiré d’un vice de procédure au regard du principe dégagé dans l’arrêt Danthony, ne constitue pas un moyen d’ordre public que le juge serait tenu de communiquer préalablement aux parties en application de l’article R. 611-7 du Code de justice administrative.
La solution retenue en l’espèce paraît difficilement contestable. La cour de Lyon prend soin de souligner que l’avis au vu duquel le préfet s’est prononcé le 22 septembre 2010 a été rendu par un médecin inspecteur de santé publique qui, une fois créée l’Agence régionale de santé du Rhône, a été désigné par le directeur général de cette agence, pour rendre les avis médicaux prévus pour l’application de l’article L. 313-11 CESEDA précité. En outre, cette désignation est intervenue le 3 juin 2010, c’est-à-dire avant même que le refus du préfet de délivrer le titre de séjour demandé ne soit prononcé. Que l’on se place sous l’empire des anciennes dispositions du CESA, antérieures à la création des Agences régionales de santé ou sous celui de la nouvelle législation, c’est toujours le même médecin qui est compétent pour émettre l’avis médical requis pour la délivrance du titre de séjour demandé par la requérante. La cour en conclut qu’« il ne ressort pas des pièces du dossier que le vice dans le déroulement de la procédure consultative, qui ne concerne pas la compétence de l’auteur de l’acte, ait pu exercer une influence sur le sens de la décision prise par le préfet du Rhône ou priver l’intéressée d’une garantie ; que, par suite, le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure consultative doit être écarté ».
On ne manquera pas de mettre en lien cet arrêt rendu par la 5ème chambre de la Cour administrative d’appel de Lyon avec celui rendu par sa 1ère chambre peu de temps après (C.A.A. Lyon, n° 011LY02039, 24 avril 2012, Commune de Roybon, avec un commentaire de C. Testard). Il est curieux de constater que dans ces deux espèces, les juges d’appel ont été amenés à appliquer la jurisprudence Danthony dans le cas particulier d’une modification des règles de procédure applicables, intervenue au cours de leur application. Ces deux arrêts, dont la similarité met en évidence que les actes administratifs ne se font pas en un jour mais sont, au contraire, édictés à l’issue de procédures longues et donc exposées au risque d’un changement de législation, peuvent contribuer à rassurer ceux – dont nous sommes – inquiets du sort réservé au vice de procédure (V. notamment HOSTIOU (R.), « Simplification du droit, sécurité juridique et nouvel office du juge administratif », RFDA 2012, p. 424 ; SEILLER (B.), « L’illégalité externe, commode bouc émissaire », AJDA 2012, p. 1609) . En effet, dans les deux cas d’espèce, la procédure consultative n’a pas été omise par l’administration. Ainsi la décision d’écarter le vice de procédure prise par les 1ère et 5ème chambres de la cour administrative d’appel de Lyon apparaît totalement justifiée, non seulement parce qu’elle répond à un pragmatisme certain mais aussi parce qu’elle ne compromet pas – ou très peu – le principe de légalité.