L’exigence de motivation des impositions d’office

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Décision de justice

CAA Lyon, 5ème chambre – N° 11LY01168 – 16 février 2012 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 11LY01168

Numéro Légifrance : CETATEXT000025386068

Date de la décision : 16 février 2012

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Imposition d’office, Redressement fiscal, Proposition de rectification, Motivation, Droits de la défense

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Redressement fiscal, Proposition de rectification, Omission des modalités de détermination retenues par le vérificateur, Non-respect des droits de la défense

Il résulte des dispositions des articles L57 et L76 du livre des procédures fiscales que lorsque l’administration procède à une imposition d’office, elle est tenue d’adresser au contribuable une notification de redressement suffisamment motivée permettant ainsi au contribuable, de faire connaître son acceptation ou, le cas échéant, de formuler des observations.

En l’espèce, la Cour juge que malgré l’indication des redressements qui ont servi de base à l’établissement de l’imposition d’office, l’administration fiscale a omis de préciser les modalités de détermination des coefficients de marge retenus par le vérificateur pour reconstituer le chiffre d’affaire réalisé par le contribuable et n’a, dès lors, pas mis ce dernier en mesure de formuler ses observations en connaissance de cause contrairement aux prescriptions de l’article L57 du livre des procédures fiscales.

Conclusions du rapporteur public

Pierre Monnier

Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.5950

I) PRESENTATION DES LITIGES

M. P. qui exerce depuis 1985 l'activité de marchand forain en confection féminine sur les marchés a fait l'objet d'une vérification de comptabilité diligentée du 7 juin au 7 août 2007 et couvrant la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005.

L'examen de la comptabilité présentée a permis au vérificateur de constater pour l'ensemble des exercices vérifiés les anomalies et irrégularités suivantes :

- le contribuable n'a pas été en mesure de produire de pièces justificatives détaillant les recettes journalières réalisées sur les marchés. Il a en effet admis ne pas avoir tenu de brouillard de caisse et n'avoir pas eu recours à une caisse enregistreuse au cours de la période soumise à contrôle.

- Le chiffre d'affaires comptabilisé correspond uniquement aux sommes inscrites au crédit d’un compte bancaire alors qu'une partie des recettes constituées majoritairement de remises d'espèces a été portée sur deux autres comptes dont les relevés n'avaient pas été présentés au cours du contrôle.

- Enfin, la comptabilisation, au débit du compte fournisseur Volte Face, de règlements en regard desquels aucune facture de ce fournisseur n'avait pu être mise en relation, a révélé l'existence d'achats non facturés et non comptabilisés.

Dans ce contexte, le vérificateur, considérant que la comptabilité n’était ni régulière ni sincère ni probante, l’a rejetée avant d’opérer une reconstitution de chiffre d'affaires selon la méthodologie suivante :

Une comptabilité matière a été élaborée à partir des factures d'achats des exercices 2004 et 2005 produites à l'appui de la comptabilité examinée, auxquelles s'ajoutent les règlements correspondant aux achats sans facture, en tenant compte de l'état des stocks en début et fin d'exercice tels qu'ils résultent des documents d'inventaire.

A défaut de justification du détail des recettes réalisées, aucune étude de marge n'a pu être opérée au titre des exercices vérifiés d'autant que M. P. n'a pas répondu à la demande écrite de la vérificatrice l'invitant à préciser, pour chaque article commercialisé en 2004 et 2005, son prix d'achat et de vente, la date et la durée des soldes, le pourcentage de réduction usuellement accordé à la clientèle.

Dès lors il a été procédé en présence du contribuable à un relevé de prix le 5 août 2007 sur le marché de G. qui a eu pour but de recenser une soixantaine d'articles proposés à la vente (chemisiers, débardeurs, ensembles, jupes, robes, tuniques, tops, tee-shirts, pulls, pantalons). A partir du prix d'achat communiqué par l'exploitant, un coefficient de marge par grande famille de vêtement ou d'accessoire a ainsi été déterminé puis appliqué aux achats revendus des exercices 2004 et 2005.

Les rectifications en matière d’impôt sur le revenu et de tva ont été notifiées au contribuable par lettre le 27 octobre 2007.

Au titre de la tva, a été mise en oeuvre la procédure contradictoire de l'article L55 du L.P.F. Il en va de même pour l’impôt sur le revenu au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2004, dès lors que M. P. avait déposé sa déclaration de résultat le 9 juin 2005 dans le délai de 30 jours de la notification d'une première mise en demeure du 4 juin 2005. En revanche, au titre de l’impôt sur le revenu afférent à l'exercice clos le 31 décembre 2005, la déclaration de résultats ayant été déposée le 11 août 2006, soit plus de 30 jours après la notification d'une première mise en demeure le 4 juillet 2006, les services fiscaux ont suivi la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 73-2° du L.P.F.

Niant la pratique d'achats sans facture, revendiquant celle d'un taux de marge unique de 2, 50, le contribuable, dans sa réponse du 23 novembre 2007, sollicitait, en outre, une réfaction de 25 % sur les résultats de la reconstitution pour tenir compte de la démarque inconnue et des périodes de soldes. A défaut d'éléments de preuve, les redressements contestés ont été entièrement confirmés le 18 décembre 2007.

Les suppléments d'impôt sur le revenu mis à la charge des contribuables ont été mis en recouvrement le 8 août 2008 en matière de tva et le 30 septembre 2008 s’agissant de l’impôt sur le revenu.

Après avoir obtenu partiellement gain de cause au stade de la réclamation préalable, M. P. a saisi le tribunal administratif de Lyon de deux demandes en décharge, enregistré sous le n° 093825 pour l’impôt sur le revenu, et le n° 0903826 pour la tva.

Par deux jugements du 8 mars 2011, ce tribunal a décidé qu'il convenait d'appliquer un abattement de 10 % aux bases d'imposition reconstituées au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2004 pour tenir compte des vols et des soldes, avant de rejeter, dans les articles 3 des deux jugements, le surplus des conclusions de la requête. M. P. interjette régulièrement appel des ces deux articles 3 en présentant des moyens identiques. Nous ferons donc des conclusions communes.

Reprenant ses moyens de première instance, M. P. soutient, d’une part, que la proposition de rectification est insuffisamment motivée ; d’autre part, que la comptabilité a été rejetée à tort au seul motif que la totalité des factures d'achats n'aurait pas été comptabilisée.

II) SUR LE FOND DU LITIGE

a. Sur la motivation des redressements

Le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure n’est pas très précisément articulé. Il critique manifestement l’insuffisante motivation de la proposition de rectification mais sans préciser s’il est fondé sur l’article L57 du livre des procédures fiscales, afférent à la procédure contradictoire, ou sur l’article L76 relatif à la procédure de taxation d’office. Or, ainsi que nous l’avons déjà dit, la procédure contradictoire a été utilisée sauf pour l’impôt sur le revenu de l’année 2005. En outre, le CE a jugé, d’une part, que Lorsque le contribuable a fait l'objet d'une procédure d'imposition d'office, la régularité de la motivation de la notification de redressement qui lui a été adressée doit être appréciée au regard des dispositions de l'article L76 du LPF et non de celles de l'article L57 du même Livre, lesquelles ne sont applicables que dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire. (CE 11 avril 2001, n° 191386, 9e et 10e s.-s., S. ; RJF 7/01 n° 900) et, d’autre part, qu’En cas d'imposition d'office, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la notification de redressement adressée au contribuable au regard des exigences de l'article L 57 du LPF relatif à la procédure contradictoire, est inopérant, dès lors que le caractère suffisant d'une notification des bases imposées d'office ne doit être apprécié qu'au regard des exigences de l'article L 76 du LPF relatif aux impositions d'office. (CE, 9e et 8e sous-sect., 12 avr. 1996, req. N° 126337, M. M. : Dr. Fisc. 1996, n° 23, comm. 731/732 ; RJF 6/96 n° 776)

En l’espèce, les deux requêtes s’achèvent par la formule suivante : « au regard de la jurisprudence précitée, nous contestons l’intégralité des rappels, respectivement, de TVA et d’impôt sur le revenu, réclamés à notre client ». Or, parmi les deux jurisprudences du CE invoquées dans les requêtes, la première (9e et 7e ss-sect. 14 avr. 1986, req. N° 60710 : Dr. fisc. 1986, n° 45, comm. 1959 ; RJF 6/86 n° 632) concerne l’article L76 tandis que la seconde (et 8e sous-sect., 12 févr. 1986, req. n° 47904 : Dr. fisc. 1986, n° 20-21, comm. 1027 ; RJF 4/86 n° 412) a trait à la procédure contradictoire.

Nous vous proposons donc de considérer que le requérant invoque la méconnaissance des articles L57 et L76 du livre des procédures fiscales.

M. P. reproche à la proposition de rectification de ne pas préciser comment l’administration avait calculé les coefficients de marge qu’elle a appliqués lors de sa reconstitution matière.

Autrement dit, l’administration doit-elle, outre la méthode - ou pour reprendre un terme mathématique, l’équation - préciser non seulement les différents termes de cette équation mais également la manière dont elle a obtenu chacun des facteurs figurant dans l’équation.

C’est là précisément l’un des points nous semble-t-il délimitant la ligne de démarcation entre la motivation au sens de l’article L57 du livre des procédures fiscales et la notification au sens de l’article L76 du même livre.

C’est ainsi que la Cour administrative d'appel de Nantes a jugé qu’Est régulière au regard des dispositions de l'article L76 du LPF la notification qui, suite à l'application de la procédure d'imposition d'office, indique au contribuable le détail des bases d'imposition retenues par le vérificateur, ainsi que le coefficient de marge utilisé pour les calculer. En revanche, cette même notification est irrégulière au regard des dispositions de l'article L 57 du même livre, dès lors qu'elle ne comporte aucune indication sur les modalités de détermination de ce même coefficient de marge. (8 décembre 1993 n° 092NT00284 et 92NT00285, 1e ch., M. : Dr. fisc. 1994, N° 16-17, comm. 813 ; RJF 2/94 n° 172.)

Vous avez vous-mêmes validé cette jurisprudence s’agissant de l’article L57 en estimant qu’Une notification de redressement qui ne retrace pas, fût-ce de manière succincte, les modalités essentielles du calcul ayant présidé à la détermination du coefficient de marge utilisé pour la reconstitution des recettes de l'entreprise est insuffisamment motivée, même si cette notification fait par ailleurs référence aux indications orales données par le vérificateur lors du débat oral et contradictoire. (CAA Lyon 7 juin 2000 n° 096LY01253, 2e ch., P. :JurisData n° 2000-170358 ; RJF 12/00 n° 1502.)

Et le CE a de son côté validé la position de la Cour administrative d'appel de Nantes concernant l’article L. 76 en jugeant que L'administration n'est pas tenue, pour satisfaire aux exigences de l'article L76 du LPF, d'indiquer dans la notification des bases imposées d'office les modalités de détermination du coefficient de marge nette retenu. (CE 2 juin 1999 n° 194694, 8e et 9e s.-s., D. : RJF 7/99 n° 902 ; Dr. fisc. 1999, n° 52, comm. 955, concl. J. Arrighi de Casanova). Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement a adoubé la solution de la Cour administrative d'appel de Nantes ainsi que le montre le passage suivant de ses conclusions :

Contrairement à ce que qu'a jugé la cour, nous ne voyons pas sur quel fondement, compte tenu des termes de l'article L. 76 du LPF, on pourrait exiger du vérificateur, en matière d'imposition d'office portant, comme en l'espèce, sur une reconstitution de BIC, qu'il indique préci­sément les raisons qui le conduisent à retenir le coefficient de marge nette permettant de passer des recettes déclarées aux bénéfices impo­sables. (…) En matière d'imposition d'office il n'existe, à proprement parler, aucune obligation de motivation préalable des redressements. Les notifications correspondantes sont régies par l'article L76, du LPF, qui exige seulement que les bases ou les éléments servant au calcul des impositions soient portés à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant leur mise au recouvrement au moyen d'une notification précisant les modalités de leur détermination. Une telle définition du contenu de la notification n'impose pas d'indiquer comment a été établi le coefficient de marge servant aux reconstitutions (CE, I8 janv. 1989, req. n° 077610 : RJF 3/89, n° 345) . Faire peser sur l’Administration des contraintes comme celles que la cour a retenues, conduisant à informer aussi le contribuable sur les modalités de détermination des éléments servant au calcul des bases, revient à appliquer aux impositions d’office des exigences de motivations que la loi ne prescrit que pour les redressements effectués selon la procédure contradictoire régie par l’article L. 57 du LIVRE DES PROCEDURES FISCALES.

En d'autres termes, insiste le président Arrighi de Casanova, la notification de l'article L. 76 n’a pas la même portée que celle de l'article L57 parce qu'elle n'a pas la même fonc­tion. Il ne s'agit pas d'engager un débat contradictoire. Il s'agit seule­ment de fournir un minimum d'informations au contribuable avant la mise en recouvrement, pour qu'il puisse savoir ce que l'Ad­ministration a retenu pour calculer le bénéfice ou revenu impo­sable, à partir des éléments qu'elle doit indiquer.

Dans son article intitulé « La motivation des propositions de rectification : une garantie perfectible » (BF 4/10), le Professeur Thierry LAMBERT regrette du reste que « Quand il est fait usage de l'article L76 du LPF, les modalités mises en œuvre par l'administration pour déterminer un coefficient de marge nette restent souvent mystérieuses. »

En défense, le ministre fait d’abord valoir que M. P. ne pouvait ignorer l'existence du relevé de prix établi contradictoirement consigné dans un procès-verbal du 5 août 2007 revêtu de sa signature auquel la proposition de rectification fait expressément allusion. Commerçant de longue date, il ne pouvait, selon le ministre, méconnaître sa finalité, à savoir : réaliser une étude de marge in situ, pour définir les coefficients pratiqués en 2007 et les appliquer aux achats revendus des exercices antérieurs faute d'éléments plus précis fournis par la comptabilité.

Or la seule allusion explicite au procès-verbal du 5 août 2007, du reste erronée puisque c’est l’année 2005 qui est mentionnée dans la proposition de rectification, est le suivant : « par ailleurs, lors des relevés des prix effectués sur le marché de G., le 5 août 2005, avec Mme J., contrôleur principal des impôts, il a été constaté à plusieurs reprises l’absence d’affichage de prix sur les articles exposés et l’absence de précisions quant aux pris des articles soldés ». Cette référence fait allusion au rejet de la comptabilité et non au calcul des coefficients de marge. Contrairement à ce que soutient, le ministre, M. P. n’était pas censé deviner que les coefficients utilisés dans la proposition de rectification provenaient des données collectées le 5 août 2007, ils auraient tout aussi bien pu être tirés de monographies professionnelles ou extrapolés à partir d’un autre commerçant.

Le ministre soutient enfin que cette lacune n'a pas empêché M. P. de formuler ses observations sur les coefficients en cause. En effet, dans sa réponse du 23 novembre 2007, le contribuable a fait observer que son entreprise applique un taux de marge HT/TTC unique de 2, 50.

Certes, mais M. P. a contesté le coefficient en lui-même et non la méthode par laquelle l’administration était arrivée à un résultat différent du coefficient de 2, 5 qu’il revendiquait. Dès lors qu’il n’a pas pu critiquer « utilement » les coefficients retenus en soutenant par exemple, que le taux de marge constaté le 5 août 2007 était particulièrement élevé par rapport à ceux pratiqués d’habitude, notamment en 2005 et 2006, nous vous proposons de juger que la proposition de rectification est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l’article L57 du livre des procédures fiscales.

Même si la question ne se pose pas dans le présent du litige, on pourrait se poser la question de savoir quelle motivation aurait été suffisante au regard de l’article L57 du livre des procédures fiscales.

Selon la Cour administrative d'appel de Paris, il aurait suffi que le ministre dise que les coefficients découlaient des relevés effectués le 5 août 2007. Selon cette cour en effet, Est suffisamment motivée, tant au regard de l'article L57 que de l'article L76 du LPF, la notification de redressement qui indique, s'agissant de la détermination des bases d'imposition, que les deux coefficients utilisés pour reconstituer les recettes proviennent d'un relevé de prix effectué contradictoirement sur place avec le contribuable. (25 mai 1993, n° 91PA01140, 2e ch., N., RJF93, RJF 10/93 n° 1350) .

Nous ne sommes pas sûr de partager cette position. Ce qui est certain, ainsi que vous l’avez vous-même reconnu dans l’arrêt Pean, c’est que l’explication des coefficients peut être succincte. Il est intéressant à cet égard de noter que la jurisprudence estime qu’Est suffisamment motivée une notification de redressement qui indique les modalités essentielles du calcul du taux de marge ayant permis de reconstituer le chiffre d'affaires du contribuable, l'administration fiscale n'étant pas tenue de mentionner, en outre, le détail de la pondération ayant affecté ce taux de marge et les raisons de son extrapolation à l'ensemble des années vérifiées. (CE, 3e et 8e ss-sect., 24 nov. 2003, n° 241664, M. et Mme C. : JurisData n° 02003-080464 ;Dr. fisc. 2004, n° 020, comm. 486, concl. E. Glaser ; RJF 2/04 n° 157, concl. E. Glaser BDCF 2/04 n° 24).

Bref, il résulte de la jurisprudence que la proposition de rectification aurait dû, s’agissant des redressements notifiés selon la procédure contradictoire, au minimum, mentionner que les coefficients de marge avaient été calculés à partir des données relevées de manière contradictoire le 5 août 2007 mais elle n’avait pas, en revanche, à préciser tous les éléments de calcul ayant abouti à ces coefficients.

L’affaire que vous avez à juger n’appelle pas de précisions supplémentaires mais nous pensons, comme le CE, que les modalités essentielles du calcul du taux de marge doivent figurer dans une proposition de rectification contradictoire.

Faute d’avoir respecté le standard minimal, nous vous proposons de décharger le requérant des rappels de tva ainsi que des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu au titre de l’année 2004 pour défaut de motivation.

Reste à examiner le second moyen à l’appui des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu de l’année 2005 dont les rappels nous semblent suffisamment motivés au regard de l’article L76 du livre des procédures fiscales.

b. Sur le rejet de la comptabilité

Ce second moyen nous retiendra moins longtemps. Le requérant prétend que le rejet de sa comptabilité repose sur le seul motif unique et erroné, tiré de l'absence de comptabilisation de tous les achats de marchandises destinées à la revente.

Or, ainsi que l’a fait valoir le ministre en défense, il a été constaté que les recettes ont été globalisées sans que des justifications aient pu être produites quant à leur détail de sorte qu'il été impossible de vérifier la cohérence et la vraisemblance des énonciations de la comptabilité.

Or, le ministre se prévaut à bon droit d’une jurisprudence constante en vertu de laquelle, Au cas où le commerçant enregistre globalement ses recettes en fin de journée, l'absence de pièces justifiant le détail des recettes est de nature à priver la comptabilité de sa valeur probante et à autoriser l'administration à suivre la procédure de rectification d'office. (CE, 8e et 9e ss-sect., 9 juill. 1997, n° 160433, M. M. : Dr. fisc. 1998, n° 7, comm. 105 ; RJF 10/97 n° 983).

Pour faire bon poids, le ministre ajoute que la comptabilité de M. P. n'a enregistré dans ses écritures que les recettes portées sur un seul compte bancaire alors que deux autres comptes bancaires accueillaient des recettes constituées principalement d'espèces. Ce constat signifie que la comptabilité présentée était incomplète et ne rendait pas compte de toutes les opérations de l'entreprise P. en éludant certains produits et flux financiers liés à son activité commerciale.

Par suite, et dès lors que la comptabilité présentait un caractère incomplet et non probant, le service était bien en droit de l'écarter et de procéder à une reconstitution des recettes de l'entreprise. Nous ajouterons que cette comptabilité manquait pour le moins de sincérité ainsi que le relève la proposition de rectification.

Enfin, M. P. ne formule en appel aucune critique à l’encontre de la reconstitution de recettes dont il a fait l'objet au titre de la période en litige, alors même que, s'agissant de l'année 2005, la preuve lui incombe en vertu de l’article L193 du livre des procédures fiscales de prouver l'exagération de son imposition dès lors que son bénéfice a régulièrement été évalué d'office en application des dispositions de l'article L73 du L.P.F. Dans ces conditions, sa demande au titre de l’impôt sur le revenu de l’année 2005 ne peut qu'être rejetée.

III) SUR LES FRAIS IRREPETIBLES

Vous pourrez condamner l’Etat à verser à M. P., dans chacune des affaires, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative.

Par ces motifs, nous concluons à la décharge (pour méconnaissance de l’article L57 du livre des procédures fiscales) des rappels de tva (dans l’ affaire n° 11LY01169) ainsi que des cotisations supplémentaires à l’impôt sur le revenu de l’année 2004 (dans l’affaire n° 11LY01168), à l’annulation des jugements du 8 mars 2011 en tant qu’ils sont contraires, à la condamnation de l’Etat à verser à M. P., dans chacune des affaires, la somme de 1 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative et au rejet du surplus des conclusions des deux requêtes.

Droits d'auteur

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