Statue à tort le tribunal administratif qui met à la charge du requérant la totalité des frais d’expertise sans distinguer selon que ces frais sont afférents à la demande du requérant ou à celle du défendeur. Par un jugement avant dire droit, la Cour demande à l’expert de réaliser un état de ses frais et honoraires en distinguant ceux qui résultent de la demande du requérant de ceux qui résultent de la mise en œuvre par une commune d’une procédure administrative prévoyant obligatoirement le recours à un expert.
Détermination de la charge des frais d’expertise entre les parties
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Résumé
Conclusions du rapporteur public
François Pourny
Rapporteur public à la cour administrative d'appel de Lyon
DOI : 10.35562/alyoda.5925
Les requérants, M. M.... et Mme T..., sont propriétaires d’un tènement immobilier sur lequel est implanté une maison d’habitation 45 rue de L’Etraz à TH..., dans le département de l’Ain. Leur propriété est bordée le long de cette rue, qui est une route départementale, par un mur d’une hauteur pouvant dépasser quatre mètres. L’apparition de désordres sur ce mur a conduit M. M.... et Mme T... à saisir le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon d’une demande d’expertise pour en déterminer les causes et les conséquences. Un expert a été désigné par une ordonnance du 12 novembre 2009 et sa mission a été étendue à la demande de la commune de TH... par une ordonnance en date du 10 février 2010. Cet expert a constaté l’imminence d’un péril et la nécessité de procéder à une destruction partielle de l’ouvrage, ce qui a conduit la commune à prendre un arrêté de péril imminent. Il a ensuite déposé son rapport le 22 octobre 2010 et le président du Tribunal administratif de Lyon a liquidé et taxé les frais et honoraires de cet expert à la somme de 12 809, 55 euros, en les mettant à la charge de M. M.... et Mme T....
Les requérants ont contesté cette ordonnance en tant qu’elle mettait à leur charge la totalité desdits frais devant le Tribunal administratif de Lyon, qui a transmis leur demande au Tribunal administratif de Grenoble, lequel l’a rejetée par le jugement n° 1100491 du 9 juin 2011 dont ils interjettent appel.
Ils soutiennent que le litige est un litige de plein contentieux et que l’expertise a été étendue à la demande de la commune de TH..., qui en a tiré profit puisqu’elle s’est fondée sur l’expertise pour prendre un arrêté de péril imminent.
Ces deux moyens nous paraissent fondés, mais il n’en résulte pas nécessairement que la charge des frais et honoraires en question doivent être répartie entre les différentes parties à l’expertise.
Sur le premier point, il est vrai que le litige est un litige de plein contentieux, mais les premiers juges n’ont pas méconnu leur office en laissant les frais en question à la charge des demandeurs.
Sur le second point, il résulte des règles générales de procédure que c’est aux demandeurs qu’il appartient d’avancer les frais des mesures d’instruction réclamées par eux ou ordonnées d’office par le juge comme l’a rappelé le Conseil d’Etat dans une décision du 20 janvier 1984 n° 50561 ministre de l’urbanisme et du logement publié au recueil. L’article R621-13 du code de justice administrative laisse au président du Tribunal administratif la possibilité de déroger à ces règles, étant précisé que la charge définitive desdits frais pourra éventuellement être modifiée ultérieurement si le tribunal est saisi d’un litige suite à l’expertise réalisée. Le fait que l’expertise soit utile à un tiers ne fait donc pas nécessairement obstacle à ce que les frais et honoraires de l’expert soient laissés à la charge du demandeur initial.
Le problème en l’espèce est que vous êtes en présence de plusieurs litiges distincts. Au départ, les requérants ont demandé une expertise afin de rechercher l’éventuelle responsabilité de la commune de TH... dans les désordres apparus sur leur mur. Il apparaît logique que les frais de cette expertise soient laissés à leur charge en attendant une éventuelle décision du Tribunal administratif de Lyon statuant sur une action en responsabilité des requérants contre la commune de TH... ou le département de l’Ain s’ils estiment que ces personnes publiques sont responsables de la dégradation du mur. Toutefois, l’expert s’est éloigné de sa mission initiale, à la demande de la commune de TH..., afin d’apprécier l’existence d’un péril imminent. Il apparaît donc que, pour cette partie de l’expertise, c’est la commune de TH... qui est demanderesse, ce qui conduirait à mettre les frais afférents à cette extension de la mission de l’expert à sa charge, même si les frais d’expertise afférents à une procédure d’immeuble menaçant ruine peuvent être mis à la charge du propriétaire de l’immeuble.
Dès lors, il nous semble que vous avez le choix entre deux possibilités.
La première consisterait à laisser les choses en l’état en considérant que les requérants sont demandeurs de l’expertise initiale et qu’ils doivent supporter les frais afférents à l’extension de la mission de l’expert, puisque les frais afférents à l’existence d’une procédure de péril imminent peuvent être mis à la charge du propriétaire de l’immeuble concerné. La seconde consisterait à laisser à la charge des requérants les seuls frais afférents à la mission initiale de l’expert, en mettant les frais résultant de l’extension de sa mission à la charge de la commune, puisque ces derniers font partie des frais mentionnés à l’article L511-4 du code de la construction et l’habitation que la commune pourra ensuite recouvrer si elle s’y croit fondée. Cette seconde solution supposerait que vous soyez en mesure de distinguer entre les frais afférents à l’expertise initiale et ceux afférents à la procédure de péril prévue par les articles L511-1 et suivants du code de la construction et de l’habitation, ce qui n’est pas possible en l’état actuel du dossier. Il vous faudra donc procéder à un supplément d’instruction en demandant à l’expert de ventiler ses frais et honoraires entre sa mission initiale et la mission complémentaire qui lui a été confiée. A première vue, l’intérêt d’un tel supplément d’instruction ne nous a pas paru évident, puisqu’il nous semble que la commune pourra se retourner contre M. M.... et Mme T... pour recouvrer les frais d’expertise mis à sa charge mais, en cas d’action en responsabilité introduite par M. M.... et Mme T... contre la commune ou le département de l’Ain en raison des dommages subis par leur mur du fait d’une faute de ces collectivités, le juge du fond, s’appuyant sur le rapport d’expertise, aura besoin de pouvoir distinguer la part des frais et honoraires de l’expert utile à la solution du litige dont il aura été saisi de celle afférente à la procédure de péril. Il nous semble donc opportun d’obtenir ces précisions au plus vite.
Par suite nous vous proposons d’ordonner cette mesure d’instruction par un jugement avant dire droit en réservant l’examen des droits et moyens des parties jusqu’à la réponse de cet expert.
Par ces motifs, nous concluons à ce qu’il soit demandé à M. C…, expert, de fournir à la Cour un état de ses frais et honoraires distinguant ceux afférents à la demande présentée par les requérants de ceux afférents à la procédure de péril mise en œuvre par la commune de TH...
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