Le dispositif légal de subventionnement de l’ADEME déroge à la loi de 1905

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Décision de justice

CAA Lyon, 3ème chambre – N° 10LY02754 – Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ADEME – 07 juin 2011 – C+

Arrêt annulé en cassation : voir CE - 28 juin 2013 - N°351263

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 10LY02754

Numéro Légifrance : CETATEXT000024226360

Date de la décision : 07 juin 2011

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Lieu de culte, Environnement, Loi 1905, ADEME, Laïcité, Séparation Eglises-Etat, Liberté de religion, Egalité, Non-discrimination, Financement des cultes, Association cultuelle, Congrégation religieuse, Subvention

Rubriques

Aides publiques et économie

Résumé

Le Conseil d’Etat juge que les dispositions des articles L. 131-3 et L. 131-6 du code de l’environnement n’ont ni pour objet, ni pour effet, de déroger aux dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ; que, dès lors, en jugeant que, par ces dispositions, le législateur avait autorisé l’ADEME à accorder des subventions à toute personne physique ou morale, y compris à une personne ayant des activités cultuelles, sans qu’y fassent obstacle les dispositions des articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905, la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen du pourvoi, être annulé.

Arrêt CAA Lyon : annulé

Le code de l’environnement autorise l’ADEME à accorder des aides ou subventions à toutes personnes physiques ou morales, y compris celles ayant des activités cultuelles, sans qu’y fasse obstacle la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Eglises et de l’Etat.

Aux termes de l’article L. 131-3 II du code de l’environnement, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’Energie (ADEME) exerce des actions dans des domaines tels que la prévention et la lutte contre la pollution de l’air et la réalisation d’économies d’énergie et de matières premières et le développement des énergies renouvelables. L’article L. 131-6 du même code dispose que l’agence « peut attribuer des subventions et consentir des avances remboursables » dans le cadre des missions qui lui incombent.

Ces dernières dispositions législatives permettent à l’ADEME d’« accorder des aides ou subventions à toutes personnes physiques ou morales, y compris celles ayant des activités cultuelles ». Les dispositions des articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905 prohibant le versement de subventions par des personnes publiques à des associations cultuelles ne font donc pas obstacle à ce que la Communauté des Bénédictins puisse bénéficier du versement par l’ADEME d’une subvention pour la réalisation d’une chaudière automatique à bois déchiqueté destinée à chauffer les bâtiments de l’Abbaye, dès lors qu’une telle opération concourt à la satisfaction des objectifs légalement assignés à l’ADEME, notamment en visant à développer l’utilisation d’une source d’énergie renouvelable. Le refus de subvention opposé par cette dernière à la Communauté des Bénédictins est donc illégal.1

Notes

1 CAA Lyon, 3ème chambre - N°09LY01351- ADEME - 17 septembre 2010 - R : annulé en cassation : voir CE, 26 novembre 2012 -N°344379 Retour au texte

CAA Lyon, 3ème chambre – N°09LY00186 - communauté des Bénédictins de l’Abbaye Saint Joseph de Clairval - 17 septembre 2010 - R : annulé en cassation : voir CE, 26 novembre 2012  - N°0344378 - ADEME

Les subventions publiques de l'ADEME au secours des dépenses d'investissement d'associations cultuelles

Paul-Maxence Murgue-Varoclier

Etudiant en Master 2 recherche Droit public fondamental à l’Université Jean Moulin Lyon 3

DOI : 10.35562/alyoda.5907

La Cour administrative d’appel de Lyon a enjoint à l’ADEME, par un arrêt du 7 juin 2011, de verser une subvention à la communauté des Bénédictins, sur le fondement des articles L.131-3 II et L.131-6 du Code de l’environnement, destinée à financer l’installation d’une chaufferie-bois. Par une lecture téléologique contestable de ces articles, le juge de Lyon a estimé que le législateur avait entendu déroger au principe d’interdiction de subventionner les cultes, énoncé à l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905. Si le principe d’abstention financière en matière cultuelle connaît des limites concernant les possibilités d’aides « indirectes » aux congrégations (BEA, garantie d’emprunt), le Conseil d’Etat a strictement encadré les possibilités d’aides « directes » à ces associations. Le juge lyonnais, en dérogeant de la sorte au principe d’abstention financière, conforte dès lors un nouvel élargissement des possibilités de subventions directes aux associations cultuelles en plus de celles prévues par la loi ou tolérées par la jurisprudence.

Le contentieux administratif opposant l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie (ADEME) aux associations religieuses ne cesse de s’étoffer dans la région Rhône-Alpes en particulier. Issue de la fusion d’organismes de préventions de l’environnement et de maîtrise de l’énergie, l’ADEME, créée par la loi du 19 décembre 1990, a, parmi ses missions, pour vocation d’aider les associations à progresser dans leur démarche environnementale. Certaines associations cultuelles ont alors sollicité l’aide de cet établissement public pour améliorer leurs systèmes de chaufferie vétustes et polluants. La question s’est alors posé de savoir si l’ADEME, en tant que personne publique, pouvait verser des subventions à des associations cultuelles. La réponse de l’ADEME fut négative. Saisi par les communautés religieuses, le juge administratif est intervenu pour faire droit aux associations cultuelles enjoignant à l’ADEME de verser l’aide publique d’investissement demandée. Cependant, l’ADEME a persisté en appel à soutenir l’impossibilité de verser une telle subvention et a continué à refuser l’octroi de moyens financiers aux nouvelles associations cultuelles la sollicitant, comme en témoigne l’arrêt commenté.

C’est ainsi que, par un jugement en date du 10 avril 2007, le tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de la Communauté des Bénédictins de la Rochette d’annuler le refus de l’ADEME d’accorder à cette association une subvention en vue de l’installation d’une chaufferie-bois. Interjetant appel devant la Cour administrative d’appel de Lyon, l’établissement public fonde son refus sur la loi du 9 décembre 1905 arguant que ses articles 2 et 13 interdisent le versement de subventions publiques à des associations cultuelles « alors même que l’objet [de ces subventions] est l’intérêt général ». Le 7 juin 2011, le juge lyonnais confirme la décision du tribunal administratif de Grenoble par un raisonnement en deux temps.

Il rappelle en premier lieu que l’ADEME concourt à « la réalisation d'économies d'énergie et de matières premières et [au] développement des énergies renouvelables » (Article L131-3 II, 4° du Code de l’environnement) en attribuant à cette fin « des subventions » (Article L131-6 du Code de l’environnement) . Par ces dispositions, la Cour a considéré que le législateur avait entendu « autoriser l'ADEME à accorder des aides ou subventions à toutes personnes physiques ou morales, y compris celles ayant des activités cultuelles, sans qu'y fassent obstacle les dispositions des articles 2 et 19 de la loi […] du 9 décembre 1905 prohibant le versement de subventions par des personnes publiques à des associations cultuelles ». Elle observe en second lieu que l’installation d’une chaufferie-bois « visant à développer l'utilisation d'une source d'énergie renouvelable concourt à la satisfaction des objectifs assignés [à l’ADEME] ». Partant, l’ADEME n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble autorisant la Communauté des Bénédictins de la Rochette à percevoir une subvention visant à l’installation d’une chaufferie-bois.

La Cour administrative d’appel de Lyon s’inscrit, par cette décision, dans la droite ligne de sa jurisprudence « [en persistant] à autoriser le subventionnement d’associations à objet cultuel pour financer des activités environnementales » (Fanny Tarlet, « La carte (de la laïcité) et le territoire (de l’environnement) : vers une réécriture de la règle de non-financement des associations à objet cultuel ? », note sous C.A.A. Lyon, 3ème chambre, 17 septembre 2010 n° 009LY01351, ADEME, Rev.jurisp. ALYODA 2011, n° 02) . Par une lecture téléologique des articles L 131-3 II et L 131-6 du Code de l’environnement, le juge consacre une dérogation au principe d’abstention financière en matière cultuelle (I) confortant un nouvel élargissement des aides directes aux investissements cultuels (II) .

I - La dérogation au principe d’abstention financière en matière cultuelle

L’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 dispose que « la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». Cet énoncé de principe est complété par l’article 19 de la même loi précisant que « [les associations cultuelles] ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes ». L’article poursuit cependant en ces termes : « Ne sont pas considérées comme subventions, les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques ». Relevant cette combinaison des articles 2 et 19 de la loi, la Cour rappelle le principe d’abstention financière en matière cultuelle à l’aune duquel certains auteurs ont pu « parfois soutenir que l'interdiction de toute subvention est consubstantielle au principe de laïcité » (O. Schrameck, Laïcité, neutralité et pluralisme, Mélanges Jacques Robert, Paris, Montchrestien, 1998, p. 202) . A cet égard, aucune subvention ne peut, par exemple, être consentie à une association cultuelle en vue d’acquérir « un ensemble immobilier pour en faire un lieu de culte » (TA Grenoble 31 décembre 1991, Fourel, Rec. CE, p. 632) .

Si cette règle vaut en matière de subventions « directes » d’associations cultuelles, elle est à relativiser en pratique. En effet, des techniques juridiques existent permettant de contourner le principe d’abstention financière et de participer « indirectement » au financement de nouveaux édifices de culte. Le bail emphytéotique administratif (BEA) permet ainsi aux communes de mettre des terrains à la disposition d’associations cultuelles, pour une durée maximum de 99 ans et moyennant la rémunération symbolique d’un euro par an, en vue de l’édification de lieux de culte. Le Conseil d’Etat a validé ce dispositif en énonçant que « le juge administratif n'a pas à contrôler la légalité d'un [BEA] à objet cultuel au regard des dispositions de la loi de 1905 : il doit la contrôler uniquement au regard des dispositions de l'article L 1311-2 du Code général des collectivités territoriales propres à ce contrat » (Frédéric Dieu, Le bail emphytéotique administratif : un outil de financement des nouveaux édifices cultuels, JCP A, n° 039, 26 Septembre 2011, p. 2308, note sous CE, ass., 19 juillet 2011, n° 320796, Mme V c/ Commune Montreuil-sous-Bois) . En l’espèce, la commune de Montreuil-sous-Bois avait conclu un BEA avec la Fédération cultuelle des associations musulmanes de Montreuil pour édifier une mosquée. De même, les associations cultuelles bénéficient, depuis la loi du 19 juillet 1961 codifiée aux articles L 2252-4 et L 3231-5 du CGCT, de garanties d’emprunt par les collectivités territoriales et l’Etat à l’occasion de la construction de nouveaux lieux de culte.

En matière de subventions directes, le juge suprême a dans un premier temps affirmé une interdiction de principe du financement par des personnes publiques des associations cultuelles « de quelque nature que ce soit » (Conseil d’Etat, 9 octobre 1992, Association Siva Soupramanien St-Louis) . Cependant, le Conseil d’Etat a, dans un second temps, tempéré sa propre jurisprudence par un arrêt du 16 mars 2005, Ministre de l’Outre-mer c/ Gouvernement de la Polynésie française, en affirmant « que le principe constitutionnel de laïcité […] implique [la] neutralité de l'État et des collectivités territoriales de la République et [un] traitement égal des différents cultes » mais qu’il « n'interdit pas, par lui-même, l'octroi dans l'intérêt général et dans les conditions définies par la loi, de certaines subventions à des activités ou équipements dépendant des cultes » (CE, 16 mars 2005, Ministre de l'Outre-mer c. Gouvernement de la Polynésie française, AJDA 2005, p. 1463, note C. Durand-Prinborgne) . On conclura dès lors en affirmant « que la valeur constitutionnelle du principe de laïcité ne peut être étendue à la règle d'abstention financière » (M. Le Roux, La règle d'abstention financière des pouvoirs publics en matière cultuelle, RDP 2007, p. 279).

Si le principe d’abstention financière n’a qu’une valeur législative, le juge peut être amené à réduire son champ d’application en présence de lois spéciales dérogatoires, conformément à l’adage selon lequel « la loi spéciale postérieure prime sur la loi générale à laquelle elle déroge ». Le juge de Lyon avait donc à examiner si les textes invoqués par la Communauté des Bénédictins, en l’occurrence les articles L131-3 II et L131-6 du Code de l’environnement étaient constitutifs d’une dérogation au principe d’abstention financière en matière cultuelle. Par un arrêt du 17 septembre 2010, la Cour d’Appel de Lyon avait déjà estimé, par un considérant de principe repris dans sa décision du 7 juin 2011, que ces articles du Code de l’environnement « autorisent l'ADEME à accorder des aides ou subventions à toutes personnes physiques ou morales, y compris celles ayant des activités cultuelles, sans qu'y fassent obstacle les dispositions des articles 2 et 19 de la loi susvisée du 9 décembre 1905 prohibant le versement de subventions par des personnes publiques à des associations cultuelles ». La Cour note que cette dérogation au principe d’abstention financière résulte de la loi, alors même «qu’aucune disposition du Code de l'environnement, ne déroge expressément au principe d'abstention financière » (M. Audard et R. Féral, L’équilibre fragile de la loi de 1905 mis à mal ?, JCP A, n° 018, 2 mai 2011, 2175 note sous CAA Lyon, 17 sept. 2010, Communauté des bénédictins de l'abbaye Saint Joseph de Clairval c/ ADEME) .

En recherchant le but escompté par le législateur, le juge n’aurait-il pas dénaturé la portée des articles L131-3 II et L131-6 du Code de l’environnement ? En effet, comment, en l’absence de dispositions dérogeant explicitement à la loi du 9 décembre 1905, peut-il considérer que le législateur avait cependant l’intention d’y déroger ? Par conséquent, le législateur devra-t-il, à l’avenir, préciser explicitement son intention de se conformer à la loi de séparation des Églises et de l’État pour empêcher les dérogations au principe d’abstention financière ? En procédant de la sorte, la Cour opère « une véritable révolution copernicienne » (M. Audard et R. Féral, op. cit.), revisitant la hiérarchie entre le principe d’abstention financière et la protection de l’environnement : « c’est la valeur juridique de la protection de l’environnement qui semble s’imposer à celle de la non-intervention financière » (Fanny Tarlet, op. cit) .

Quelle que soit la démonstration juridique retenue par la Cour, il n’en demeure pas moins que cette dérogation au principe d’abstention financière élargit les possibilités d’aides directes aux investissements cultuels.

II - L’élargissement des possibilités d’aides directes aux investissements cultuels

En acceptant le caractère dérogatoire des articles L131-3 II et L131-6 du Code de l’environnement par rapport au principe d’abstention financière, la Cour autorise la communauté des Bénédictins à percevoir directement une subvention « visant à développer l'utilisation d'une source d'énergie renouvelable ». Le juge de Lyon relève aussi que cette subvention « concourt à la satisfaction des objectifs assignés à [l’ADEME] » et qu’elle n’est, par suite, pas fondée à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble. Cette possibilité nouvelle, ouverte par la Cour administrative d’appel de Lyon, permettant aux associations cultuelles de recevoir des aides de personnes publiques, sous certaines conditions, découle directement de la loi du 9 décembre 1905. En effet, le juge reprend à son compte l’article 19 qui précise que « ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques ». En reprenant cette disposition, modifiée par la loi du 25 décembre 1942, la Cour administrative d’appel de Lyon semble avoir entendu faire entrer dans la catégorie des aides directes, autorisées pour les investissements cultuels, les subventions consenties sur le fondement des articles L131-3 II et L131-6 contribuant « à développer l’utilisation d’une source d’énergie renouvelable ».

La jurisprudence en la matière n’est d’ailleurs pas nouvelle. La loi de 1905 « mentionnait déjà des exceptions à la règle d’abstention financière comme la possibilité de financer des activités d’aumôneries, l’affectation au culte de bâtiments publics, [ou encore] des exonérations d’impôts » (L. Eck, « Les associations cultuelles à l’épreuve du principe de laïcité », note sous CAA Lyon, 3ème ch., 17 septembre 2010, n° 009LY00185, Communauté des Bénédictins de l’Abbaye de Clairval c/ Région Bourgogne, Rev.jurisp. ALYODA 2011, n° 02) . En outre, ces exceptions ne se limitent pas aux seules « réparations » des édifices cultuels (J. Fiallaire, Les collectivités territoriales et les cultes, Encyclopédie Dalloz, n° 02007-1, p. 82). En effet, la Cour administrative d’appel de Nantes a pu, par deux arrêts en date du 31 juillet 2002, autoriser le versement de subventions à des associations cultuelles aux motifs que ces subventions « ne se rattachaient pas directement à l’exercice d’un culte » (CAA Nantes, 31 juillet 2002, Région Bretagne et association Ti Mamm Doué c/ Préfet de la Région Bretagne et CAA Nantes, 31 juillet 2002, Département du Morbihan et autres) . De la même façon, la Cour administrative d’appel de Lyon a jugé que l’octroi de subventions à une association cultuelle en vue de l’installation d’un ascenseur pour atteindre la basilique de Fourvière revêt « un caractère d’intérêt général » : il n’est en effet pas destiné qu’à l’exercice du culte et permettra aux personnes à mobilité réduite de visiter l’édifice (CAA Lyon, assemblée plén., 26 juin 2007, Fédération de la libre pensée et d'action sociale du Rhône et autres, AJDA 2007, p. 1652) . Le Conseil d’Etat a confirmé cette analyse (CE 19 juillet 2011, Fédération de la libre pensée et d'action sociale du Rhône et autres) . Comme nous l’avons montré, la démarche du juge lyonnais, dans l’arrêt commenté, diffère par rapport à celle du juge de cassation. En effet, la dérogation au principe d’abstention financière ne résulte pas d’un « motif d’intérêt général » mais trouve son fondement dans la loi. Le raisonnement retenu par le juge conduit cependant au même résultat : un nouvel élargissement des possibilités d’aides directes aux investissements des associations cultuelles.

Ces possibilités de subventionnement tendent d’ailleurs à être de plus en plus fréquemment exploitées par ces associations, ce qui confirme s’il le fallait encore, que « l'interdiction de subventionner les cultes n'est pas un principe fondamental reconnu par les lois de la République » (Rapport « Machelon », Les relations des cultes avec les pouvoirs publics, documentation française, 2006, p. 23) . Quels sont aujourd’hui les contours de cette règle d’interdiction ? Par cinq arrêts d’assemblée en date du 19 juin 2011, le Conseil d’Etat est venu de façon générale préciser solennellement la portée de la règle de non-subventionnement de l’exercice du culte (J.-F. Amédro, Les collectivités territoriales et les cultes : le Conseil d'État précise la portée et les limites de la règle de non-subventionnement de l'exercice du culte, JCP A, n° 039, 26 Septembre 2011, p. 2307, note sous les arrêts ci-après) . Cette règle ne fait ainsi pas obstacle à la valorisation des édifices de culte par les collectivités que ce soit par l’installation d’un orgue (CE Ass, 19 juillet 2011, n°308544, Commune de Trelazé) ou d’un ascenseur (CE Ass, 19 juillet 2011, n°308817, Fédération de libre-pensée et de l'action sociale du Rhône précédemment cité) dans un lieu de culte. Elle ne fait pas non plus obstacle à l’utilisation cultuelle de locaux appartenant aux collectivités territoriales. Il est ainsi possible pour une commune d’aménager un de ses locaux en abattoir et de le mettre ensuite à la disposition d’une association cultuelle en vue d’y effectuer des abattages rituels (CE Ass, 19 juillet 2011, n°309161, Communauté urbaine du Mans) ou encore de construire une salle polyvalente et de la mettre à la disposition, non-exclusive, d’une association cultuelle (CE Ass, 19 juillet 2011, n°313518, Commune de Montpellier) . Ces arrêts récents du Conseil d’Etat participent sans doute « à la démythification du droit français des cultes » (J.-M. Woehrling, Le rapport Machelon : une utile contribution à la démythification du droit français des cultes, JCP A, n° 048, 27 novembre 2006, p. 1292) tout comme l’arrêt commenté de la Cour administrative d’appel de Lyon autorisant le versement de subventions par l’ADEME dans un but de protection de l’environnement et de maîtrise de l’énergie./?page=redirect&document=1541

La région Rhône-Alpes, qui compte un grand nombre d’associations cultuelles et de congrégations dont l’influence tant sociale que culturelle est importante, constitue sans doute un territoire fertile pour le contentieux et l’harmonisation de la jurisprudence administrative en matière de subventions versées aux associations cultuelles par l’ADEME. Le caractère essentiellement lyonnais de ce contentieux ainsi que l’indéfectible résistance opposée par l’ADEME dans la délivrance d’aides financières aux congrégations, malgré les appels renouvelés de la Cour administrative d’appel de Lyon et des tribunaux administratifs de la région depuis quelques années (TA Lyon, 26 mars 2009, Chartreuse des Portes, note J. Moreau, Subventions avec des liens avec un culte, JCP A, n° 030, 20 juillet 2009, 2194 et CAA, 17 septembre 2010, ADEME c/ Chartreuse des Portes : par ces deux arrêts, les juridictions administratives lyonnaises ont enjoint à l’ADEME de verser une subvention à une association cultuelle, malgré les conclusions en sens contraire de Mme Schmerber) pourraient donner l’impression d’un réveil de querelles religieuses enterrées depuis plus d’un siècle.

Au début du XXème siècle, Lyon fut en effet le théâtre de la scission entre « les deux Frances » : l’une républicaine anticléricale, l’autre catholique concordataire. En 1896, alors que le Président de la République Félix Faure inaugurait les facultés lyonnaises, symbole d’émancipation de la pensée, l’archevêque invitait les fidèles à prier « de préserver la France [de l’invasion] des doctrines impies qui prétendent donner congé à Dieu ». Avec l’illumination des fenêtres de la ville en hommage à la Vierge, le 8 décembre devint le point de cristallisation des tensions voyant s’opposer manifestants catholiques et républicains dans de violents heurts faisant un mort en 1903. Encore aujourd’hui, les monuments de la « capitale des Gaules » témoignent de cette histoire. La basilique de Fourvière côtoie la tour métallique de Fourvière (réplique lyonnaise de la tour Eiffel) : « La République dispute le ciel à la Vierge » (P. Dujardin et P.-Y. Saunier (dir.), Lyon (1850-1914). L’âme d’une ville, Lyon, ELAH, 1997, p. 114 in J.-D. Durand, La Laïcité à Lyon) .

Preuve s’il en est que ces plaies, apaisées depuis lors, sont peut-être encore visibles. Le Conseil d’Etat, n’ayant pas encore eu l’occasion de se pencher sur cette question, sera peut-être amené à trancher cet épineux débat qui ravive les braises de l’histoire de Lyon.

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