La Cour administrative d’appel de Lyon vient préciser les limites de la règle d’appréciation globale des capacités des candidats se présentant en groupement : les effectifs du co-traitant ne disposant pas de la spécialité requise pour l’exécution du marché ne peuvent être retenus
La société Soprema SA a été candidate à l’attribution du lot « étanchéité » d’un marché de travaux lancé par la Ville d’ANNECY. Son offre, classée en deuxième position, a été rejetée au profit d’un groupement momentané d’entreprises constitué des sociétés Ceccon Frères et APC Etanch’.
Le candidat évincé a engagé un recours indemnitaire à l’encontre de la collectivité fondé sur l’irrégularité de l’attribution et demandé l’indemnisation du préjudice subi en raison de ses chances sérieuses de remporter le marché.
Par un jugement n° 0043094 en date du 15 février 2008, le Tribunal Administratif de GRENOBLE a fait droit à cette demande et condamné la Ville d’Annecy à verser à la société Holding Soprema SA la somme de 33 650 euros outre intérêts au taux légal capitalisables, en indemnisation des conséquences de son éviction irrégulière du marché de travaux.
La société requérante estimant que sa demande n’avait été que partiellement satisfaite, a fait appel de cette décision notamment pour solliciter un montant indemnitaire plus important. La Cour fait droit à cette demande en réformant le jugement de première instance et en portant le montant octroyé de 33 650 euros à 53 216, 45 euros.
L’intérêt de cet arrêt réside principalement dans la précision des limites du l’appréciation globale que doit porter le pouvoir adjudicateur sur les capacités d’un groupement. Si la décision a été rendue sous l’empire des dispositions du Code des marchés publics du 7 janvier 2004, il n’en demeure pas moins que la solution est entièrement transposable aux dispositions du Code des marchés publics actuellement en vigueur.
On rappellera que l’article 52, I, alinéa 5 de ce même code précise que : “l'appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières d'un groupement est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des compétences techniques requises pour l'exécution du marché.”
En l’espèce, le règlement de la consultation relatif au lot étanchéité exigeait, au titre des pièces de la candidature, des « qualifications et classification (Qualibat) 3212 (étanchéité en matériaux bitumeux en feuilles) », ainsi qu’un effectif minimum de 16 personnes.
En premier lieu, la Cour fait application de la règle de l’appréciation globale des capacités du groupement attributaire. En effet, elle admet implicitement que le groupement attributaire puisse comporter un co-traitant, en l’espèce la société Ceccon Frères, entreprise spécialisée en maçonnerie, ne produisant ni certification, ni références en matière de travaux d’étanchéité.
Toutefois, et c’est là tout l’intérêt de la décision, le juge refuse de considérer que les effectifs propres de ce co-traitant puissent être englobés dans la capacité minimale de production, en l’occurrence les effectifs minimums exigés, dont devait disposer le groupement.
Autrement dit, s’il est admis qu’un co-traitant ne présente pas les qualifications requises, notamment au titre des capacités techniques, encore faut-il que les moyens humains exigés soient ceux du co-traitant disposant de telles qualifications dès lors que ces dernières conditionnent l’exécution du marché.
En l’espèce, la Cour a ainsi estimé que le groupement attributaire ne disposait pas, dans la spécialité requise pour l’exécution du marché, de l’effectif minimum exigé. On notera dans cette affaire, que les effectifs du deuxième co-traitant, présentant seul des qualifications en étanchéité, étaient au maximum de 11 personnes. Par conséquent, la Cour a considéré le groupement attributaire avait été irrégulièrement retenu et la société requérante irrégulièrement évincée.
On peut supposer qu’une telle solution applicable aux moyens humains des membres du groupement pourra également s’appliquer aux moyens matériels dès lors que le règlement de la consultation formulera des exigences dans ce sens.
Une telle solution ne pourra qu’appeler les pouvoirs adjudicateurs à être particulièrement vigilant lors de l’analyse des candidatures des groupements candidats, surtout au moment de la rédaction de leurs dossiers de consultation des entreprises. Pour éviter toute interprétation susceptible de mener le pouvoir adjudicateur et les candidats évincés au contentieux, un règlement de consultation très précis sur les exigences en termes de moyens humains et/ou matériels des membres des groupements candidats par rapport à la spécialité requise pour l’exécution du marché, sera le bienvenu.