Instruction en famille : procédure avant un refus d’autorisation

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Décision de justice

CAA Lyon, 6éme chambre – N° 23LY02550 – 03 juin 2024 – C+

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 23LY02550

Numéro Légifrance : CETATEXT000049663932

Date de la décision : 03 juin 2024

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

Scolarité obligatoire, Instruction en famille, L. 131-10 du code de l’éducation, D. 131-11-10, D. 131-11-11 du code de l’éducation

Rubriques

Droits sociaux et travail

Résumé

Un recours administratif contre une décision portant refus d’autorisation d’instruction en famille, dès lors qu’il est formé dans le délai de 15 jours prévu à l’article D. 131-11-10 du code de l’éducation, doit être regardé comme le recours administratif préalable obligatoire, prévu par les dispositions cet article, et la commission compétente doit se réunir pour en connaître.

L’absence de réunion de cette commission préalablement au rejet de ce recours administratif constitue un vice de procédure, privant l’auteur du recours de la garantie que constitue l'examen de son dossier par cette commission.

30-01-03, Enseignement et recherche, Questions générales, Questions générales concernant les élèves

Conclusions du rapporteur public

Cécile Cottier

rapporteure publique à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.9846

Les deux appels introduits par M. et Mme X. vont vous permettre d’apporter des éléments jurisprudentiels à une thématique celle de l’instruction en famille qui a fait l’objet de modifications récentes par le législateur. Nous prononcerons des conclusions communes pour ces deux appels.

La loi du 28 mars 1882 sur l’organisation de l’enseignement primaire dite loi « Jules Ferry a instauré nous citons « L'instruction primaire obligatoire pour les enfants des deux sexes, français et étrangers, âgés de six à quatorze ans révolus ; elle peut être donnée soit dans les établissements d'instruction primaire ou secondaire, soit dans les écoles publiques ou libres, soit dans les familles, par le père de famille lui-même ou par toute personne qu'il aura choisie. Un règlement déterminera les moyens d'assurer l'instruction primaire aux enfants sourds-muets et aux aveugles ».

Il résulte de cette loi que l’instruction obligatoire ne voulait pas dire scolarisation obligatoire, une instruction à domicile restant possible.

Ce texte a peu évolué pendant plus d’un siècle. L’article L. 131-2 du code de l’éducation dans sa rédaction antérieure à la loi n°2021- 1109 du 24 août 2021 disposait ainsi que : « L’instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l’un d’entre eux, ou toute personne de leur choix ». Il résultait de telles dispositions que cette instruction en famille pouvait être réalisée sur simple déclaration.

La loi n°2021- 1109 du 24 août 2021 vient profondément modifier le régime de l’instruction en famille en instaurant un régime d’autorisation administrative préalable dérogatoire. La rédaction de l’article L. 131-2 du code de l’éducation est ainsi modifiée. Cet article prévoit désormais que « l’instruction obligatoire est donnée dans les établissements ou écoles publics ou privés. Elle peut également, par dérogation, être dispensée dans la famille […] sur autorisation délivrée dans les conditions fixées à l’article L. 131-5. ». Cet article L. 131-5 fixe de manière limitative les possibilités d’octroi d’une telle autorisation au nombre desquelles figurent l’état de santé de l’enfant, le handicap, la pratique d’activités sportives ou artistiques intensives, la protection de l’enfant en cas de violences ou de harcèlement scolaire. Cette autorisation est délivrée pour une durée n’excédant pas un an sauf pour le motif santé ou handicap.

L’entrée en vigueur de ce régime d’autorisation a été fixée à la rentrée scolaire 2022 (IV de l'article 49). Le législateur a prévu un régime transitoire pour les enfants étant déjà dans un régime d’instruction en famille sous réserve de résultats suffisants aux contrôles pédagogiques au moins annuels instaurés par la loi du 18 décembre 1998 et la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

Ainsi, par dérogation, l'autorisation prévue à l'article L. 131-5 du code de l'éducation est accordée de plein droit, pour les années scolaires 2022-2023 et 2023-2024, aux enfants régulièrement instruits dans la famille au cours de l'année scolaire 2021-2022 et pour lesquels les résultats du contrôle organisé en application du troisième alinéa de l'article L. 131-10 du même code ont été jugés suffisants.

L’article L. 131-5 précise qu’en cas de silence gardé pendant 2 mois par l'autorité de l'État compétente en matière d'éducation sur une demande d'autorisation formulée en application du premier alinéa du présent article vaut décision d'acceptation et La décision de refus d'autorisation fait l'objet d'un recours administratif préalable auprès d'une commission présidée par le recteur d'académie, dans des conditions fixées par décret.

C’est dans un tel contexte que s’inscrivent les deux requêtes d’appel de M. et Mme X. lesquelles concernent respectivement leurs deux enfants nés respectivement en 2009 et 2011 qui, instruits en famille en 2021-2022, devaient bénéficier d’une autorisation de plein droit de la rentrée 2022 à juin 2024 sous réserve de résultats suffisants aux contrôles pédagogiques et l’enfant née en décembre 2019.

Examinons d’abord la requête portant sur les enfants.

Au titre de l’année scolaire 2021/2022, les enfants sont instruits en famille en application de la réglementation alors en vigueur au titre de laquelle l’instruction en famille reposait sur un mode déclaratif. Le 25 janvier 2022, ils sont l’objet, l’un et l’autre d’un contrôle pédagogique te que l’exige l’article L. 131-10 du code de l’éducation. Ces contrôles étaient prévus initialement le 14 décembre 2021 ; toutefois ; les parents n’ont pas souhaité qu’ils aient lieu, alléguant de risques liés à la pandémie. Les conclusions du contrôle font état de résultats insuffisants pour chacun des deux enfants (pièces n°8-1 ET 8-2 de la partie adverse). Un second contrôle est programmé le 20 mai 2022 pour chacun des enfants (pièce 1). Toutefois, ce second contrôle ne pourra pas se dérouler, les parents et les enfants étant absents à ce contrôle sans qu’aucune information sur une telle absence n’ait été portée à la connaissance des services de l’académie.

Par deux décisions du 23 juin 2022, l’inspectrice d’académie, directrice académique des services de l’éducation nationale de l’Isère, a mis en demeure M. et Mme X. de scolariser leurs deux enfants dans un établissement d’enseignement public ou privé dans un délai de 15 jours. Par un jugement du 29 juin 2023, dont M. et Mme X. font, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l’annulation de ces décisions.

Vous écarterez sans difficulté l’argumentation des requérants contestant la régularité du jugement. Ils font ainsi valoir que les 1ers juges auraient méconnu le principe du contradictoire dès lors que les mémoires en défense du rectorat en date du 13 octobre et 21 décembre 2022 ne leur auraient pas été communiqués. Toutefois, ce moyen manque en fait. Il ressort en effet des pièces du dossier que les mémoires en défense produits par le recteur de l’académie de Grenoble accompagné de deux pièces jointes ont été mis à disposition du conseil de M. et Mme X. respectivement les 19 octobre 2022 à 14h43 et 21 décembre 2022 à 14h09 par l’intermédiaire de l’application Télérecours. La lettre de notification de ces mémoires invitait par ailleurs leur conseil à produire, le cas échéant, ses observations « dans les meilleurs délais ».

Passons maintenant au bien-fondé du jugement.

Les requérants soutiennent en premier lieu que ces deux décisions les mettant en demeure d’inscrire leurs enfants sont insuffisamment motivés. Toutefois, vous noterez que ces décisions sont suffisamment motivées en droit car elles mentionnent les dispositions du code de l’éducation applicables sur les contrôles pédagogiques et exposent un raisonnement juridique. En ce qui concernent les faits, elles rappellent qu’un premier contrôle pédagogique, relatif à l’instruction des enfants de M. et Mme X. nés respectivement en 2009 et 2011, a eu lieu à leur domicile le 25 janvier 2022 et que les résultats de ces contrôles, jugés insuffisants, leur ont été notifié le 5 mars 2022. Elles indiquent, que bien que M. et Mme X. aient été informés d’un second contrôle pédagogique programmé pour le 20 mai 2022, les personnes en charge de ce contrôle n’ont pu y procéder, faute de pouvoir accéder au domicile des parents, que par suite ils n’ont pu constater d’amélioration leur permettant d’apprécier si l’enseignement dispensé était conforme au droit de l’enfant à l’instruction tel que défini à l’article L. 131-1-1 du code de l’éducation. Elles mentionnent en outre qu’aucune justification, même a postériori, n’a été apporté à l’absence de présentation à ce contrôle. Elles mettent, en conséquence, en demeure M. et Mme X. d’inscrire leurs enfants dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé dans un délai de 15 jours ou les enfants devront être scolarisés au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire 2023-2024. Elles mentionnent également les sanctions prévues par les dispositions du premier alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal en cas de refus de se conformer à la mise en demeure. Dès lors, nous vous invitons à juger que ces décisions étant motivées en droit et en fait, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l’administration manque en fait.

Les requérants contestent en deuxième lieu les modalités du 1er contrôle ayant été réalisé le 25 janvier 2022 en indiquant que les personnes en charge du contrôle n’ont pas respecté les dispositions de l’article L. 131-10 du code de l’éducation selon lesquelles le contrôle « est adapté à l'âge de l'enfant et, lorsqu'il présente un handicap ou un trouble de santé invalidant, à ses besoins particuliers. Ils font valoir au soutien de cette argumentation que leurs deux enfants souffriraient de troubles de nature autistiques et se prévalent d’un certificat médical sur la forme inadaptée de ce contrôle. Toutefois, une telle argumentation n’est pas convaincante dès lors qu’il ressort des pièces du dossier que le contrôle du 25 janvier 2022 organisé par les services de l’éducation nationale a été conduit par un inspecteur spécialisé dans l’adaptation scolaire et la scolarisation des élèves handicapés, assisté d’un conseiller pédagogique possédant la même spécialité.

L’administration expose sans être contestée qu’une expertise psychiatrique a été diligentée par le procureur de la République en juillet 2020 et que les conclusions de l’expertise telle que retranscrites par le procureur de la République indiquaient que les deux enfants étaient en capacité d’être soumis aux contrôles pédagogiques diligentés par l’académie de Grenoble.

Le certificat médical dont les requérants se prévalent se borne à faire état pour un des enfants de conditions de contrôle tels qu’exposés dans la convocation qui ne seraient pas adapté à son état de santé à savoir des troubles anxieux du fait d’un spectre autistique. Tel que rédigé, un tel certificat ne saurait remettre en cause les conclusions de l’expertise psychologique réalisée les 21 et 27 juillet 2020 portant sur les modalités du contrôle défini à l’article R. 131-14 de ce code. Cet article prévoit que le contrôle est fondé sur un entretien oral « …avec au moins l’une des personnes responsables de l’enfant soumis à l’obligation scolaire, le cas échéant en présence de ce dernier, la présentation contrôle des travaux réalisés par l’enfant au cours de son instruction et un contrôle sur la manière dont l’enfant effectue des exercices écrits ou oraux, adaptés à son âge et à son état de santé... » En l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des rapports établis à la suite du contrôle du 25 janvier 2022, que les troubles présentés par les enfants des requérants auraient fait obstacle à ce qu’ils soient soumis aux modalités de ce contrôle.

Les requérants soutiennent en troisième lieu que l’administration a méconnu les dispositions de l’alinéa 7 de l’article L. 131-10 du code de l’éducation dès lors qu’elles ont été prises à l’issue d’un seul contrôle et que leur refus de se soumettre au contrôle était fondé sur un motif légitime.

Toutefois là encore, cette argumentation ne nous semble pas fondée. L’article L. 131-1 prévoit ainsi un contrôle au moins une fois par an. Il est précisé dans cet article que « Le contrôle est prescrit par l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation selon des modalités qu’elle détermine. Il est organisé en principe au domicile où l’enfant est instruit » et (…) Les résultats du contrôle sont notifiés aux personnes responsables de l’enfant. Lorsque ces résultats sont jugés insuffisants, les personnes responsables de l’enfant sont informées du délai au terme duquel un second contrôle est prévu et des insuffisances de l’enseignement dispensé auxquelles il convient de remédier. Elles sont également avisées des sanctions dont elles peuvent faire l’objet, au terme de la procédure, en application du premier alinéa de l’article 227-17-1 du code pénal. Si les résultats du second contrôle sont jugés insuffisants, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation met en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé et de faire aussitôt connaître au maire, qui en informe l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation, l’école ou l’établissement qu’elles auront choisi. Les personnes responsables ainsi mises en demeure sont tenues de scolariser l’enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé au moins jusqu’à la fin de l’année scolaire suivant celle au cours de laquelle la mise en demeure leur a été notifiée. Lorsque les personnes responsables de l’enfant ont refusé, sans motif légitime, de soumettre leur enfant au contrôle annuel prévu au troisième alinéa du présent article, elles sont informées qu’en cas de second refus, sans motif légitime, l’autorité de l’État compétente en matière d’éducation est en droit de les mettre en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé dans les conditions et selon les modalités prévues au septième alinéa.

Dès lors, il ressort de telles dispositions que l’administration pouvait imposer un second contrôle en cas de résultats insuffisants et mettre en demeure les parents d’inscrire dans un établissement scolaire l’enfant concerné par ce contrôle et dont les résultats restaient insuffisants à l’issue de ce second contrôle.

En l’espèce, M. et Mme X. ont été informés que le second contrôle aurait lieu à leur domicile le 20 mai 2022 par un courrier du 4 mai 2022 dont ils ont accusé réception le 7 mai suivant. Ils ne contestent pas avoir été absents de leur domicile à la date de ce second contrôle et n’établissent pas avoir informés l’administration, ni antérieurement ni postérieurement à la date du contrôle, du motif pour lequel ils s’y sont soustraient. Dans ces conditions, ils ne peuvent se prévaloir d’aucun motif légitime ayant empêché leurs enfants de participer à ce second contrôle. Par suite, en l’absence de réalisation de ce second contrôle lié à cette absence au contrôle des deux enfants, l’administration n’a pas commis d’erreur de droit en estimant que chacun des deux enfants devait être regardé comme ayant eu là encore des résultats insuffisants à ce second contrôle et en procédant à de telles mises en demeures.

En quatrième lieu, les requérants font valoir que ces décisions de mise en demeure seraient entachées d’une erreur manifeste d’appréciation. Toutefois, le Conseil d’Etat a jugé par une décision du 6 février 2024 n° 476988 qu’il appartient en principe à cette autorité, dans l’intérêt même de l’enfant et afin d’assurer son droit à l’instruction, de mettre en demeure les personnes responsables de l’enfant de l’inscrire, dans les quinze jours suivant la notification de cette mise en demeure, dans un établissement d’enseignement scolaire public ou privé. Vous constaterez d’une part que les parents n’apportent aucun élément de nature à contredire utilement les résultats du premier contrôle sur des résultats insuffisants des deux enfants. D’autre part, si les requérants indiquent que l’organisation familiale serait perturbée car deux autres enfants font l’objet d’une instruction à domicile, ceci ne nous semble pas faire obstacle à une scolarisation des deux enfants concernés. Plus sérieuse selon nous est leur argumentation concernant des difficultés des deux enfants à intégrer un établissement scolaire dès lors que leurs états de santé impliqueraient la mise en place d’assistantes vie scolaire pour les aider eu égard notamment à la phobie scolaire de l’un et de ses difficultés d’apprentissage et du délai administratif d’obtention d’une assistante vie scolaire. Toutefois, ces allégations sur de telles lenteurs administratives pour bénéficier d’une telle aide pour les deux enfants au sein d’établissements scolaires ne sont pas corroborées par les pièces au dossier. Vous noterez de plus que ces deux enfants ne se sont pas vu accorder le renouvellement de l’allocation enfant handicapé par la maison départementale des personnes en situation de handicap (MDPH) en 2023. Dès lors, nous vous invitons à écarter ce moyen sur l’erreur manifeste d’appréciation.

Les requérants font ensuite état de différentes conventions internationales ou de principes concernant l’éducation des enfants pour contester de telles mises en demeure d’inscription dans un établissement scolaire.

Ici, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les stipulations de l’article 28 de la convention internationale des droits de l’enfant n’ont pas pour objet d’interdire à un État de rendre l’instruction obligatoire. Par suite, l’exception d’inconventionnalité de l’article L. 131-1 du code de l’éducation et, en conséquence, le moyen tiré de l’illégalité, par la voie de l’exception, des dispositions réglementaires qui le complètent, doivent être écartées.

La déclaration universelle des droits de l’Homme ne figurant pas au nombre des traités et accords qui ont été régulièrement ratifiés ou approuvés dans les conditions fixées par l’article 55 de la Constitution, M. et Mme X. ne peuvent utilement se prévaloir de la méconnaissance de ce texte par les décisions en litige.

Les décisions en litige ne mettant pas en œuvre le droit de l’Union européenne, le moyen tiré du fait qu’elles méconnaîtraient les stipulations du 3 de l’article 14 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, doit être écarté comme inopérant.

Enfin, les décisions contestées ne portent pas refus de délivrance de l’autorisation d’instruction en famille prévue par l’article L. 131-5 dans sa version issue de l’article 49 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

Dès lors, tous les moyens de M. et Mme X. concernant les mises en demeures concernant leur deux enfants, doivent être écartés.

Vous rejetterez donc la première requête formulée par M. et Mme X. y compris leurs conclusions à fin d’injonction et au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Passons maintenant à la seconde requête qui concerne un autre enfant.

M. et Mme X. ont sollicité, en mars 2022, en raison de son état de santé et de sa situation de handicap, l’autorisation d’instruire en famille leur enfant née en décembre 2019 au titre de l’année scolaire 2022-2023. Par une décision du 15 avril 2022, l’inspectrice d’académie, directrice académique des services de l’éducation nationale de l’Isère a opposé un refus à leur demande. Par un courrier du 20 avril 2024, M. et Mme X. ont présenté un recours administratif à l’encontre de ce refus auquel il n’a pas été répondu. Par un jugement du 29 juin 2023, dont M. et Mme X. interjettent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l’annulation de ces décisions.

Ici, vous écarterez selon nous sans difficultés la fin de non-recevoir soulevée par l’administration et tirée de ce que les conclusions à fin d’annulation pour excès de pouvoir présentées par les requérants sont irrecevables faute d’exercice du recours administratif préalable obligatoire prévu par les articles R. 313-11-10 et 13 du code de l’éducation. En effet, il ressort des pièces du dossier que M et Mme X. ont formé auprès de l’inspectrice d’académie, directrice académique des services de l’éducation nationale de l’Isère un recours administratif contre la décision du 15 avril 2022 par laquelle cette autorité leur a refusé l’autorisation d’instruire leur enfant en famille. Ce recours administratif, notifié le 4 mai 2022, bien qu’adressé à une autorité incompétente, a fait naître, en application des dispositions précitées de l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration une décision implicite de rejet le 4 juillet 2022 qu’il leur était loisible de contester au contentieux.

Pour les mêmes motifs, la fin de non-recevoir tirée de ce que la demande, enregistrée le 27 juillet 2022, serait prématurée, doit également être rejetée.

Ici, contrairement à la première requête, nous irons beaucoup plus rapidement dans l’étude des moyens car un des moyens nous semble suffisamment solide pour annuler le jugement du tribunal administratif et la décision implicite de rejet du recours administratif préalable obligatoire.

En l’espèce, comme indiqué, les requérants ont bien contesté le refus leur ayant été opposé dans le cadre d’un recours administratif. Ici, il importe peu que ce recours ait été adressé à une personne incompétente pour ce faire, dès lors que l’administration a une obligation de transmission à la bonne personne. Par suite, ce recours administratif préalable obligatoire (RAPO) aurait dû être transmis pour examen à la commission mentionnée à l’article D. 131-11-10 du code de l’éducation. Or en l’espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette commission, dont la saisine constitue une garantie pour les personnes s’étant vu refuser l’autorisation d’instruire leur enfant en famille, ait été saisie avant la naissance, le 4 juillet 2022, de la décision implicite de rejet du recours de M. et Mme X. .

Vous noterez que s’il résulte des pièces du dossier que la commission, qui s’est tenue le 13 octobre 2022, a autorisé les requérants à instruire leur enfant en famille, cette décision n’a été prise qu’en exécution de l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Grenoble du 12 août 2022 suspendant la décision du 15 avril 2022 et non pas pour statuer sur le recours présenté le 4 mai 2022.

Dès lors, vous constaterez que la commission n’a pas été saisie et n’a pas statué sur ce RAPO du 4 mai 2022. Les requérants ont donc été privés d’une garantie, ce qui en application de la logique de la jurisprudence Danthony conduit à l’annulation de cette décision implicite de rejet.

Nous précisons à titre d’information qu’en l’état actuel du dossier, aucun des moyens de légalité interne présenté par les requérants ne nous semblait fondé.

Vous aurez ensuite à statuer sur les conclusions à fin d’injonction de M. et Mme X. tendant à ce qu’ils soient autorisés à instruire leur enfant en famille pour l’année scolaire 2022-2023. Toutefois, comme vous le savez, en matière d’injonction, vous agissez en tant que juge de plein contentieux. Or, ici, en avril 2024, vous ne pourrez que constater que l’année scolaire 2022-2023 a expiré et que vous ne pouvez pas enjoindre de manière rétroactive à l’administration de délivrer une telle autorisation pour une année scolaire définitivement achevée. De telles conclusions à fin d’injonction ont donc perdu leur objet en cours d’instance et doivent être rejetées.

Nous concluons donc pour cette seconde requête :

- premièrement à l’annulation du jugement du 29 juin 2023 du tribunal administratif de Grenoble et de la décision refusant à M. et Mme X. l’autorisation d’instruire en famille leur enfant née en décembre 2019, au titre de l’année scolaire 2022-2023

- secondement au rejet du surplus des conclusions présentées par M. et Mme X. à savoir leurs conclusions à fin d’injonction et au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Droits d'auteur

Ces conclusions ne sont pas libres de droits. Leur citation et leur exploitation commerciale éventuelles doivent respecter les règles fixées par le code de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, toute rediffusion, commerciale ou non, est subordonnée à l’accord du rapporteur public qui en est l’auteur.

RAPO : un pas supplémentaire vers la protection du justiciable

Estéban PIAT

Doctorant contractuel, Université Jean Moulin Lyon 3, EDPL

DOI : 10.35562/alyoda.9816

Quelle importance accorder à la forme d’un recours administratif préalable obligatoire ? Aucune, répond la cour administrative d’appel de Lyon. Dans cette affaire, la cour est amenée à apprécier la légalité du refus d'instruction en famille opposée par l’Éducation nationale aux requérants. Elle annule la décision administrative en raison d’un vice de procédure de nature à entacher d’illégalité l’acte en question. En effet, la cour considère que tout recours administratif contre une décision portant refus d’autorisation d’instruction en famille — quels que soient sa forme, son destinataire et sa base juridique —, dès lors qu’il est formé dans le délai de 15 jours, doit être regardé comme un recours administratif préalable obligatoire. En ne respectant pas la procédure prévue préalablement au rejet du recours, l’administration a privé le requérant de la garantie que constitue la réunion d’une commission ad hoc.

En France, la scolarisation des enfants est obligatoire dès l’âge de 3 ans. Si l’inscription au sein d’un établissement scolaire est la règle, les parents peuvent solliciter une autorisation d’instruction en famille auprès du directeur académique des services de l’Éducation nationale (DASEN) du département concerné. Si celle-ci est accordée, un tel enseignement fait l’objet d’un contrôle régulier assuré par la commune de résidence. Avec l’adoption de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, un régime d’autorisation s’est substitué au régime de déclaration précédemment applicable.

Ainsi, en mars 2022, M. et Mme A. ont sollicité une autorisation pour scolariser à domicile leur fille au titre de l’année scolaire 2022-2023 en raison de l’état de santé et de la situation de handicap de celle-ci. Le tribunal administratif a souligné que cette autorisation devait être accordée au regard de l’article L. 131-5 1° du Code de l’éducation si « l’état de santé de lenfant concerné rend impossible sa scolarisation dans un établissement denseignement public ou privé ou lorsque linstruction dans sa famille est, en raison de cet état de santé, la plus conforme à son intérêt .»1. Un refus leur a été opposé par décision du 15 avril 2022. Les parents ont formé un recours gracieux devant la DASEN de l’Isère. Le recours intenté par leur avocat auprès de la rectrice et notifié le 4 mai 2022, ne cite pas explicitement les dispositions réglementaires et ne mentionne pas la saisine de la commission chargée d’examiner les recours administratifs préalables obligatoires portant sur un refus d’instruction en famille. Bien que notifié après l’expiration du délai de 15 jours prévu par l’article D. 131-11-10 du Code de l’éducation, ce recours n’est pas regardé, en l’espèce, comme tardif2. La cour ne s’est pas réunie pour statuer sur cette situation et un refus implicite est donc né le 4 juillet 2022, deux mois après l’introduction du recours comme le prévoit l’article L. 231-4 du Code des relations entre le public et l’administration.

Les parents ont alors formé un recours devant le tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté leur requête en écartant les vices de procédure soulevés. Ils forment appel de ce jugement devant la cour administrative d’appel de Lyon. Dans sa décision du 3 juin 2024, la cour annule le jugement du 29 juin 2023 du Tribunal administratif de Grenoble ainsi que le refus de l’administration d’autoriser l’instruction en famille de B. au titre de l’année scolaire 2022-2023.

Au-delà de ces annulations dont la portée in concreto est limitée puisque l’administration avait postérieurement donné son accord et que l’année scolaire en question était terminée, l’intérêt de l’arrêt de la cour est d’ordre procédural dans la mesure où celui-ci vient préciser les modalités d’exercice des recours administratifs préalables obligatoires (ci-après « RAPO »). Ces recours désignent la procédure par laquelle une personne conteste une décision administrative qu’elle estime préjudiciable, directement auprès de l’administration qui en est l’auteure. Cette contestation est une étape préalable obligatoire avant tout recours devant une juridiction. Le CRPA le définit comme « le recours administratif auquel est subordonné lexercice dun recours contentieux à lencontre dune décision administrative. »3. Cet arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon aborde la question des règles formelles et procédurales régissant les RAPO sous l’angle de la garantie qu’ils constituent pour le justiciable. Statuant en matière d'instruction en famille, la cour assouplit les modalités de recours (I.) et l’établit comme une véritable garantie pour les familles (II.).

I. L’assouplissement des modalités d’introduction d’un recours administratif préalable obligatoire

La contestation des refus d’instruction à domicile fait l’objet d’une procédure particulière définie à l’article D. 131-11-10 du Code de l’éducation. En effet, cet article dispose que « Toute décision de refus d'autorisation d'instruction dans la famille peut être contestée dans un délai de quinze jours à compter de sa notification écrite par les personnes responsables de l'enfant auprès d'une commission présidée par le recteur d’académie. ». Ce faisant, il introduit un recours administratif préalable obligatoire devant une commission ad hoc. Selon l’article D. 131-11-12 du même code, « La commission se réunit dans un délai d'un mois maximum à compter de la réception du recours administratif préalable obligatoire. La décision de la commission est notifiée dans un délai de cinq jours ouvrés à compter de la réunion de la commission. ».

En l’espèce, le recours des parents a été porté devant une autorité incompétente puisque ceux-ci ont saisi la DASEN de l’Isère par courriel le 21 avril 2022. De même, le recours présenté par un avocat et notifié le 4 mai 2022 était personnellement adressé au recteur et ne mentionnait pas la saisine de la commission. Il ne se présentait pas expressément comme le RAPO visé par l’article D. 131-11-10. Ainsi, l’administration a considéré dans ses conclusions que la requête des parents était irrecevable faute d’exercice d’un tel recours.

Toutefois, le juge administratif invoque l’article L. 114-2 du Code des relations entre le public et l’administration qui prévoit que « Lorsqu’une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l’administration compétente et en avise l’intéressé. ».

Ce faisant, par cet arrêt, le juge administratif lyonnais affirme que tout recours administratif contre une décision portant refus d’autorisation d’instruction en famille, quelle que soit sa forme ou son destinataire, doit être considéré comme constituant le recours administratif préalable obligatoire, à condition d’être intenté dans le délai de quinze jours. Il en conclut que l’administration doit réunir la commission dans le délai d’un mois imparti. En concluant dans ce sens, le juge administratif libéralise l’accès au juge administratif et atténue les exigences formelles et procédurales d’un RAPO qui peuvent s’avérer complexes pour un administré non-initié à la procédure administrative. Il se fonde sur cette exigence légale de transmission du recours à l’autorité compétente par l’administration saisie, bien que celle-ci, en pratique, soit nécessairement inégalement pratiquée. Cette double atténuation des exigences n’est pas sans conséquence pour les agents de l’inspection académique qui doivent en déduire que tout mail de contestation — ou autre contestation écrite — d’une telle décision constitue un RAPO et devra être transmise rapidement au rectorat pour permettre la réunion de la commission.

Nous pouvons, néanmoins, nous interroger sur l’articulation entre la position soutenue par la cour et la jurisprudence du Conseil d’État4 selon laquelle l’existence d’un RAPO n’empêche pas l’administré de former parallèlement un recours administratif — gracieux ou hiérarchique — étant entendu qu’un tel recours de droit commun ne conserve pas le délai du recours contentieux. Or, la position des juges lyonnais semble transformer tout recours gracieux en recours administratif préalable obligatoire s’il est formé dans les délais. Cela ne conduirait-il pas à supprimer la possibilité d’exercer un recours administratif parallèle puisqu’il serait requalifié en un RAPO ?

Par ailleurs, le délai faisant naître une décision implicite de rejet commence à courir à compter du dépôt de la demande devant l’administration initiale selon l’article L. 114-3 du CRPA. Selon l’article L. 231-4 du même code, une décision de rejet implicite naît après expiration d’un délai de deux mois. C’est pour cette raison qu’une décision implicite de rejet est née, en l’espèce, le 4 juillet 2022 comme le souligne le juge administratif. Pourtant, les dispositions réglementaires du Code de l’éducation ne prévoient pas la possibilité d’une décision implicite. En effet, l’article D. 131-11-12 accorde un délai à la commission d’un mois maximum après réception du RAPO pour statuer, puis la décision doit être communiquée sous cinq jours ouvrés. La décision de l’Éducation nationale sur ce type de recours doit donc, dans tous les cas, intervenir avant la naissance d’un refus implicite. Ainsi, deux délais cohabitent étrangement en cette matière et la possibilité qu’une décision implicite puisse naître en l’absence de réunion de la commission compétente paraît incohérente avec l’esprit des dispositions du code de l’éducation. Si comme le TA, la cour validait la décision, l’exigence de convocation de cette commission semblerait, de fait, devenir facultative dans la mesure où son absence conduirait à un rejet de la demande. Toutefois, la naissance de cette décision implicite traduit nécessairement le non-respect du cadre réglementaire et la CAA de Lyon considère qu’il s’agit d’un vice de procédure. Elle neutralise, ainsi, cette incohérence. Se pose alors la question de l’application de la jurisprudence Danthony.

II. Le RAPO comme « garantie » pour le justiciable

La philosophie originelle du recours administratif préalable obligatoire repose sur la volonté de « déjuridictionnaliser » certains litiges en favorisant l’émergence d’une solution amiable entre les deux parties afin de réguler et désencombrer les juridictions. Une autorité administrative est, en effet, chargée d’arrêter définitivement la position de l’administration sur la demande contestée. Cette procédure tend, toutefois, à s’ériger comme une véritable garantie pour le justiciable, comme en témoigne cet arrêt de la cour administrative d’appel de Lyon du 3 juin 2024.

Par définition, le défaut d’exercice de ce recours avant la saisine du juge administratif n’est pas susceptible d’être régularisé en raison de son caractère préalable et obligatoire5. Comme le rappelle la cour, le requérant peut « de sa propre initiative ou le cas échéant à la demande du juge […] et, le cas échéant après que le juge l’y a invité, [produire] la preuve de l’exercice de ce recours ». Ainsi, le juge administratif souligne que l’absence de preuve de l’exercice d’un RAPO dans la requête initiale peut être régularisée en cours d’instance spontanément par le requérant ou à la demande de la juridiction6. Par ailleurs, la décision prise sur le recours administratif se substitue à la décision initiale7. Le recours doit donc être formé contre cette seconde décision issue du RAPO. Le juge lyonnais a, toutefois, considéré que si le recours était formé contre le rejet initial, il ne pouvait déclarer la requête irrecevable et devait « regarder les conclusions dirigées formellement contre la décision initiale comme tendant à l’annulation de la décision, née de l’exercice du recours, qui s’y est substituée » conformément à la jurisprudence du Conseil d’Etat8. Ainsi, la jurisprudence fait preuve d’une certaine souplesse sur la forme que prennent les recours juridictionnels à la suite d’un RAPO et en consacre toute l’importance. Par conséquent, en l’espèce, les arguments soulevés par le rectorat selon lesquels l’absence de RAPO et les conclusions dirigées uniquement contre la décision initiale emporteraient l’irrecevabilité du recours de M. et Mme. A. sont écartés.

L’arrêt du 3 juin 2024 s’inscrit dans ce qui s’apparente à un mouvement jurisprudentiel qui tend à faire du RAPO une véritable garantie pour le justiciable, un outil pour la protection de ses droits et de ses intérêts. En effet, la cour devait s’interroger : Le RAPO en matière d’instruction en famille constitue-t-il une garantie pour les administrés ?

Évidemment, comme tout recours administratif, il permet aux justiciables de plaider leur cause une seconde fois en espérant avoir gain de cause. Les recours hiérarchiques ou devant une autorité dédiée permettent de voir sa situation étudiée par d’autres personnes que l’auteur et légitimement d’espérer une décision divergente. Le délai de réponse — a minima implicite — à ces recours est aussi un avantage considérable en comparaison des délais de jugement devant les tribunaux administratifs. Malgré cela, il semble de prime abord difficile de voir ce qui constituerait une véritable « garantie » en la notion de recours administratif.

Pourtant, en l’espèce, le juge administratif lyonnais a été amené à se questionner sur l’importance du vice de procédure que constitue la non-réunion de la commission ad hoc pour les requérants. Son absence a-t-elle privé les requérants d’une garantie ? En effet, il cite et fait application de la jurisprudence Danthony9, dans laquelle le Conseil d’Etat affirme que /

« S'agissant des irrégularités commises lors de la consultation d'un organisme, une règle qui s'inspire du principe selon lequel, si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire. »10

Par conséquent, elle est amenée à s’interroger sur l’influence de ce vice de procédure sur la décision et sur la privation de garantie qu’il a pu impliquer. Le juge administratif ne s’appuie pas sur l’influence que l’absence de réexamen par la commission a nécessairement eue sur le rejet implicite du recours de M. et Mme A. Il préfère affirmer que la convocation de la commission d’examen des RAPO « constitue une garantie pour les personnes s’étant vu refuser l’autorisation d'instruire leur enfant en famille ». Il en résulte qu’en raison de ce vice de procédure — non « Danthonysable » — la décision implicite de rejet opposée à leur recours est entachée d’illégalité.

Néanmoins, le juge ne développe pas la teneur de ce qu’il qualifie comme garantie ni les raisons pour lesquelles il considère que cette commission en constitue une. En effet, tous les RAPO ne constituent pas une garantie comme le précise le Conseil d’État en incluant les recours suivis « à titre obligatoire ». D’ailleurs, si une décision implicite de rejet avait été opposée à M. et Mme A. avant une réunion tardive de la commission, on peut raisonnablement penser que le juge n’aurait pas annulé la décision sur le seul motif que les délais de convocation n’avaient pas été respectés.

Ainsi, il semble que ce cas particulier doive légitimement être appréhendé comme une garantie dans la mesure où la composition de la commission est plus large et diverse avec quatre membres que l’auteur initial de la décision. La demande d'instruction en famille est fondée sur l’article L. 131-5 1°du Code de l’éducation qui la justifie en raison de l’état de santé de l’enfant. Or, l’article D. 131-11-11 du même code prévoit la présence du « médecin de l’éducation nationale ». Par conséquent, la saisine de cette commission — au-delà de la seule possibilité de voir sa situation réexaminée — permet aux familles de voir la situation de leur enfant étudiée par un professionnel de santé, en toute logique plus à même que les inspecteurs de l’Éducation nationale qui n’ont pas accès au dossier médical, d’apprécier la nécessité de l’instruction en famille. C’est en cela que la convocation de la commission prévue à l’article D. 131-11-10 constitue une véritable garantie dont le non-respect est de nature à entacher la décision d’illégalité. La cour perçoit le RAPO comme une garantie protégeant les droits du justiciable avant l’intervention du juge. En l’absence de sa saisine, M. et Mme A. ont été privés de ce réexamen par un professionnel de santé. Un tel vice de procédure n’est pas « Danthonysable ».

Ainsi, il ressort de cet arrêt qu’en vertu des dispositions du Code des relations entre le public et l’administration, tout recours introduit dans les délais impartis à l’encontre d’une décision de refus d’instruction en famille doit être regardé comme un recours administratif préalable obligatoire et transmis à l’autorité administrative compétente. Dès lors, la commission doit se réunir préalablement au rejet de la requête, faute de quoi l’éventuelle décision de rejet du recours est entachée d’un vice de procédure emportant son illégalité.

Notes

1 tribunal administratif de Grenoble, n° 2204776 du 29 juin 2023

2 L’arrêt n’apporte pas de précision sur ce point mais on peut noter que l’expiration du délai du RAPO est apprécié à la date d’envoi du recours et non à sa date de réception par l’administration. Voir Conseil d’État, n°271916, 27 juillet 2005, recueil Lebon. De même, si le refus initial ne précisait pas la nécessité d’introduire un tel recours administratif, le délai de recours contentieux ne peut pas courir. Voir CE, n°88068, 1er avril 1992, recueil Lebon ; CE, n°248175,19 mai 2004, recueil Lebon ; CE, n°316784, 22 juillet 2009 ; art. L. 412-2, CRPA

3 Art. L. 410-1 du Code des relations entre le public et l’administration

4 CE, n°248175,19 mai 2004, recueil Lebon

5 CE, 95585, 26 avril 1976, recueil Lebon

6 CE, n°374850, 14 octobre 2015, T. recueil Lebon

7 CE, n°80680, 30 mars 1973, recueil Lebon ; art. L. 412-7, CRPA

8 CE, n°297187, 19 décembre 2008, recueil Lebon

9 CE, n°335033, 23 décembre 2011, Danthony, recueil Lebon

10 CE, n°335033, 23 décembre 2011, Danthony, recueil Lebon

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