Par une délibération du 14 mai 2018, le conseil municipal de la commune de Grenoble, a approuvé la mise en place d’une tarification des prestations effectuées d’office pour l’enlèvement des déchets abandonnés sur la voie publique et sur les autres lieux. Par un courrier du 18 mars 2021, notifié le 24 mars 2021, le préfet de l’Isère a demandé au maire de Grenoble d’inviter le conseil municipal à abroger cette délibération.
Une décision implicite de rejet est intervenue le 24 mai 2021.
Le préfet de l'Isère vous demande d’annuler la décision implicite rejetant sa demande d’abrogation.
En premier lieu, le préfet soutient qu’est en cause un pouvoir de police du maire et par conséquent que le conseil municipal de la commune était incompétent pour délibérer.
En effet, il résulte des dispositions combinées des articles L. 2212-2 5° du code général des collectivités territoriales et L. 541-3 du code de l’environnement que le maire est compétent pour la lutte contre les dépôts irréguliers de déchets (CE, 13 octobre 2017, n° 397031, B).
Cependant, la délibération dont il est demandé l’abrogation ne concerne pas directement la définition ou la mise en œuvre des pouvoirs de police du maire en matière de lutte contre les dépôts irréguliers de déchets mais a un objet strictement financier. Elle a pour objet de fixer le tarif des prestations effectuées d’office pour l’enlèvement des déchets abandonnés sur la voie publique.
A cet égard, l’article L. 2311-1 du code général des collectivités territoriales prévoit que « Le budget de la commune est l'acte par lequel sont prévues et autorisées les recettes et les dépenses annuelles de la commune ». Par ailleurs, il résulte de l’article L. 2312-1 du même code que si le budget de la commune est proposé par le maire, il est voté par le conseil municipal.
Sur ce fondement, il appartient au conseil municipal d’établir le tarif des redevances des services publics municipaux, qui font partie des recettes communales. Cependant, à cette occasion, le conseil municipal ne peut pas excéder ses compétences et empiéter sur les pouvoirs de police du maire (CAA de Douai, 10 février 2000, ville d’Amiens, n° 96DA01868).
En l’espèce, compte tenu de sa compétence budgétaire, le conseil municipal était seul compétent pour fixer le tarif pour l’enlèvement des déchets abandonnés sur le territoire de Grenoble.
Vous écarterez donc le premier moyen tiré de l’incompétence de l’assemblée délibérante.
En second lieu, le préfet soutient que la délibération, qui prévoit un mécanisme de sanctions pécuniaires basé sur le coût d’enlèvement des déchets par les services de la commune, est illégale en ce que, d’une part, aucune disposition légale ou règlementaire, ne permet aux collectivités territoriales d’instituer une tarification des opérations d’enlèvement des déchets et, d’autre part, l'article L. 541-3 du code de l’environnement édicte le régime de sanctions administratives applicable en la matière. Il fait également valoir que le maire, en sa qualité d’officier de police judiciaire, peut relever les infractions prévues par le code pénal.
A titre liminaire, vous noterez que lorsque vous êtes saisis de conclusions aux fins d’annulation d’un refus d’abroger un acte réglementaire, vous appréciez la légalité de cet acte au regard des règles applicables à la date de votre décision (CE, Assemblée, 19 juillet 2019, association des américains accidentels, n°424216, A).
Par ailleurs, la marge de manœuvre dont dispose l’autorité de police administrative pour fixer le régime de sanctions administratives dépend de la nature du pouvoir de police qui est en cause. Comme l’a clairement exposé M. C... dans ses conclusions sous la décision Mme A... (CE, 19 mars 2007, n°300467, A), si est en cause un domaine de police spéciale, dans ce cas, eu égard aux atteintes aux libertés qu’implique un tel régime, seul le législateur est compétent pour en poser les principes. En revanche, si est en cause un domaine de police générale, dans ce cas l’intervention éventuelle du législateur ne prive pas le pouvoir réglementaire de ses propres prérogatives pour en fixer le régime.
En l’espèce, le pouvoir du maire de prendre des mesures d’élimination des déchets relève de ses pouvoirs de police spéciaux (CE, 18 novembre 1998, n° 161612, B).
A ce jour, l’article L. 541-3 du code de l’environnement prévoit notamment que lorsque des déchets sont abandonnés (…) l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai de dix jours, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut lui ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 15 000 € et le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé.
Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours :
1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l'exécution de ces mesures.
2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ;
(…)
4° Ordonner le versement d'une astreinte journalière au plus égale à 1 500 € courant à compter d'une date fixée par la décision jusqu'à ce qu'il ait été satisfait aux mesures prescrites par la mise en demeure. Le montant maximal de l'astreinte mise en recouvrement ne peut être supérieur au montant maximal de l'amende applicable pour l'infraction considérée ;
5° Ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 150 000 €. (…) ».
Ces dispositions prévoient donc le paiement d’une amende qui est initialement d’un montant pouvant atteindre 15 000 euros mais qui peut être portée à 150 000 euros si la personne concernée n’a pas procédé d’elle-même à l’enlèvement des déchets. Ces dispositions prévoient également que l’enlèvement des déchets par l’autorité de police peut s’effectuer aux frais de l’intéressé ; possibilité déjà prévue dans la version en vigueur de cet article le 14 mai 2018 lors de l’adoption de la délibération litigieuse.
Or, en l’espèce, l’objet de la délibération est de fixer précisément le montant du tarif appliqué en cas d’intervention des services de la Ville pour procéder à l’enlèvement des déchets. Ces tarifs sont de 150 euros TTC pour les déchets et encombrants de moins d’un mètre cube, transportables par un agent seul avec un véhicule classique ; 300 euros TTC pour les déchets de plus d’un mètre cube, ou à chaque fois que l’intervention nécessitera la présence de deux agents et /ou l’utilisation d’un véhicule spécifique ; enfin d’un montant à calculer en coût réelle (en fonctions des moyens humains et matériels mobilisés) pour les déchets particulièrement conséquents ne pouvant être enlevés par les moyens courants de la Ville.
Aussi, et contrairement à ce qui est soutenu, la délibération attaquée n’institue pas une sanction pécuniaire de nature administrative ni même pénale. Conformément aux dispositions précitées, notamment celles du 2° de l’article L. 541-3 du code de l’environnement, la délibération fixe le tarif qui sera facturé à l’intéressé pour l’enlèvement à ses frais des déchets qu’il a abandonnés. En effet, il faut nécessairement une base légale (en l’espèce une délibération) pour pouvoir appliquer un tarif.
Nous pensons donc que la délibération dont le préfet demande l’abrogation, est parfaitement légale. Vous écarterez alors ce second moyen.
Et si vous nous suivez, vous rejetterez alors la requête en toutes ses conclusions.
Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.