Opérations soumises à la TVA : prestations d’escort

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Décision de justice

CAA Lyon, 2ème chambre – N° 22LY00075 – 19 octobre 2023 – C+

Pourvoi en cassation non admis : CE, 11 juin 2024, n° 490290

Juridiction : CAA Lyon

Numéro de la décision : 22LY00075

Numéro Légifrance : CETATEXT000048256820

Date de la décision : 19 octobre 2023

Code de publication : C+

Index

Mots-clés

TVA, Opérations soumises à la TVA, Activité d’escort

Rubriques

Fiscalité

Résumé

Constituent des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée, effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel, les prestations d’escort consistant à entretenir des relations avec des personnes plus âgées en échange de paiements en nature ou en numéraire dès lors que l’activité est exercée de manière habituelle, qu’il n’est pas soutenu qu’elle n’est pas exercée à titre indépendant et que, ne pouvant être regardée comme illicite par principe, elle entre en concurrence avec des activités licites1.

19-06-02-01, Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, Personnes et opérations taxables, Opérations taxables, Activité d’escort

Notes

1 Cf CJUE, 13 décembre 2007, Landesanstalt für Landwirtschaft c/ Franz G., C-408/06 sur l’activité économique lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération ; CJUE, 20 janvier 2022, Apcoa Parking Danmark, C-90/20 CJUE sur la prestation de service effectuée à titre onéreux lorsqu’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective d’un service individualisable fourni au bénéficiaire. Retour au texte

Conclusions du rapporteur public

Sophie Lesieux

rapporteure publique à la cour administrative d’appel de Lyon

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DOI : 10.35562/alyoda.9377

Mme X. a fait l’objet, en 2016, d’un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2013 à 2015 après que l’administration fiscale a été informée, sur le fondement de l’article L. 101 du livre des procédures fiscales, de l’ouverture à son encontre d’une procédure judiciaire pour abus frauduleux de l’ignorance ou de la faiblesse d’une personne vulnérable. Au cours de ce contrôle, la vérificatrice a considéré, au vu des pièces pénales auxquelles elle a eu accès, que Mme X. avait exercé, de manière habituelle, une activité professionnelle non commerciale non déclarée d’« escort girl ». Faisant alors application du délai spécial de reprise prévu à l’article L. 188 C du livre des procédures fiscales, la vérificatrice a procédé à un contrôle sur pièces des déclarations de revenus souscrites par Mme X. au titre des années 2007 à 2012. A l’issue de ces contrôles, l’administration a soumis à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux (BNC), les revenus tirés de cette activité, qu’elle a évalués d’office sur le fondement du 2° de l’article L. 73 du livre des procédures fiscales et a taxé d’office Mme X. à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur le fondement du 3° de l’article L. 66 du même livre. En conséquence, Mme X. a été assujettie à des compléments d’impôt sur le revenu au titre des années 2007 à 2015 et s’est vue réclamée des droits de TVA au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2015. Ces impositions ont été assorties de la majoration de 80% prévue par le c du 1 de l’article 1728 du code général des impôts en cas de découverte d’une activité occulte. Mme X. relève appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à la décharge de ces impositions et pénalités.

Nous comprenons des écritures que Mme X. ne conteste pas que les sommes à raison desquelles elle a été assujettie à des compléments d’impôt sur le revenu relèvent de la catégorie des BNC sur le fondement de l’article 92 du code général des impôts. Elle fait seulement valoir qu’elle n’exerçait pas une activité professionnelle d’escort girl mais qu’elle devait être regardée comme une « femme entretenue », par des amis ou des amants, c’est-à-dire comme une personne dont le train de vie est assuré par des subsides et avantages reçus de tiers, n’ayant pas le caractère de pure libéralité (V. CE, Plénière, 25 novembre 1981, n°15495, A).

Vous pourrez donc confirmer l’imposition de Mme X. dans la catégorie des BNC à raison des sommes perçues des relations qu’elle a entretenues avec plusieurs hommes au cours de la période vérifiée.

Vous ne pourrez néanmoins vous abstenir de préciser si Mme X. exerçait ou non une activité professionnelle non commerciale compte tenu des incidences de cette qualification notamment sur la méthode de reconstitution des recettes employée par le service, sur la taxation à la TVA ou encore sur la majoration de 80% pour activité occulte.

Il résulte de l’instruction que Mme X. a reconnu, à plusieurs reprises au cours de la procédure pénale, avoir entretenu des relations tarifées avec des hommes qu’elle a clairement identifiés. Par un courrier du 18 juin 2015, adressé à la juge d’instruction, son conseil indiquait qu’elle exerçait une activité d’escort girl, distincte, précisait-il, de la prostitution dès lors que ses prestations ne se limitaient pas à des relations sexuelles tarifées.

Postérieurement à l’établissement des impositions en litige, Mme X. est revenue sur ses aveux. Il n’y a pas d’obstacle de principe à ce que l’administration fiscale se fonde sur l’aveu d’un contribuable pour établir une imposition, sous réserve que cet aveu ne soit pas entaché d’un vice de consentement (V. par exemple CE, 9 novembre 1984, n°52844, C). En l’espèce, Mme X. joint à sa requête un article de presse intitulé « Pourquoi les innocents passent-ils aux aveux ? ». Pour instructif qu’il soit, cet article ne permet pas, au vu de l’instruction, de considérer que Mme X. était sous contrainte ou dans un état de faiblesse tel que ses aveux circonstanciés, dans le cadre de la procédure judiciaire, devaient être écartés par l’administration fiscale.

Au demeurant, ils sont corroborés par d’autres éléments tirés de la procédure d’imposition tel que le constat d’encaissements réguliers de sommes d’argent sur les comptes bancaires de Mme X. reçues des messieurs identifiés par elle.

En outre, la circonstance que Mme X. a été relaxée des faits de l’infraction reprochée par un jugement correctionnel du tribunal judiciaire de Chambéry du 21 janvier 2021 est sans incidence. L’autorité de la chose jugée au pénal ne s’attache pas aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité (CE, 23 février 1979, SARL Rena, n°7307, B).

Nous considérons donc que Mme X. exerçait, de manière habituelle, au titre de la période vérifiée, une activité professionnelle non commerciale ayant pour objet, en échanges d’un paiement en nature ou en numéraire, d’entretenir des relations avec des hommes plus âgés, que ces relations soient au demeurant amicales, affectives ou sexuelles.

A ce titre, et contrairement à ce que soutient Mme X., la circonstance que le ministre ait pu, dans ses écritures, insister sur le caractère sexuel de certaines prestations délivrées par Mme X. ne relève pas d’un discours injurieux, outrageants ou diffamatoires qu’il vous appartiendrait de supprimer sur le fondement de l’article L. 741-2 du code de justice administrative.

S’agissant de la méthode de reconstitution des recettes tirées de cette activité, il résulte de l’instruction que le service a reconstitué les recettes de Mme X. à partir des encaissements relevés sur ses comptes bancaires et des constatations opérées au cours de la procédure judiciaire, révélant que l’intéressée avait perçu d’importantes sommes en espèces et bénéficié de paiements en nature, en particulier des pièces d’or et des bijoux découverts à son domicile et dans un coffre-fort détenu dans un établissement bancaire. Le service a affecté à chaque année concernée les revenus encaissés et portés au crédit de ses comptes bancaires personnels, au titre de chacune des années en cause pour un montant total de 326 662 euros. Pour les autres revenus, il a affecté à chacune des années concernées, les revenus dont la date de mise à disposition était connue et ce, pour un montant total de 56 910 euros et, pour le surplus, soit 540 825 euros, dès lors que la date de mise à disposition de Mme X. n’était pas connue, il a réparti cette somme de manière égale entre les neuf années concernées par le contrôle.

Cette méthode de reconstitution de recettes professionnelles dissimulées, qui se fonde sur l’enrichissement personnel de Mme X., n’est pas critiquable dès lors qu’en l’absence de comptabilité, cette dernière n’est pas en mesure d’établir que la séparation entre son patrimoine personnel et celui de son activité professionnelle a été respectée (CE, 25 mars 1983, n°29109, C). Par ailleurs, le principe de l’annualité de l’impôt ne fait pas obstacle à l’utilisation d’une méthode de répartition forfaitaire de sommes que l’administration est dans l’incapacité de rattacher à une année donnée (CE, 28 mars 1984, n°39259, A).

S’agissant de son assujettissement à la TVA, Mme X. tout en dénonçant vigoureusement exercer une activité de prostitution, fait de longs développements pour vous expliquer que la prostitution doit être regardée comme une activité illicite insusceptible d’être taxée à la TVA. D’abord, le principe de neutralité fiscale s’oppose à une différenciation généralisée entre les transactions illicites et les transactions licites. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) juge de manière constante qu’une telle différenciation n’est autorisée que dans les cas dans lesquels, en raison des caractéristiques des marchandises ou des prestations de service, toute concurrence entre un secteur économique licite et un secteur illicite est exclue. Peu importe que la prostitution soit une activité licite ou une activité illicite, la question est de savoir si elle entre en concurrence avec une activité licite. Mais nous ne rentrerons pas dans ce débat dès lors qu’il est constant que Mme X. n’exerçait pas une activité prostitutionnelle. Elle exerçait une activité d’« escort girl » selon la qualification employée par son conseil dans son courrier adressé en juin 2015 à la juge d’instruction. Nous n’avons pas trouvé de définition officielle de ce terme mais dans l’esprit de l’avocat de Mme X. devant les instances pénales, il s’agissait de qualifier une activité d’accompagnement de messieurs dans une relation amicale et affective, voire plus, mais qui n’était pas nécessairement sexuelle.

Pour mémoire, et ainsi que le rappelle d’ailleurs Mme X., pour qu’une opération entre dans le champ de la TVA, doit être en cause une livraison de biens ou une prestation de services « effectuée à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel » (article 256 du code général des impôts)

Selon une jurisprudence constante de la CJUE, une prestation de service n’est effectuée « à titre onéreux » que s’il existe entre le prestataire et le bénéficiaire un rapport juridique dans le cadre duquel des prestations réciproques sont échangées, la rétribution perçue par le prestataire constituant la contre-valeur effective d’un service individualisable fourni au bénéficiaire (V. par exemple CJUE, 20 janvier 2022, Apcoa Parking Danmark, C 90/20, point 27 et jurisprudence citée)

Par ailleurs, la notion d’assujetti est définie, à l’article 256 A du code général des impôts, comme renvoyant aux personnes qui effectuent de manière indépendante une activité économique de prestation de services notamment. En règle générale, une activité est qualifiée d’économique lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération (CJUE, 13 décembre 2007, Landesanstalt für Landwirtschaft c/ Franz G., C-408/06, point 18)

Au cas d’espèce, nous l’avons dit, Mme X. exerce, de manière habituelle et indépendante, une activité de prestation de service, consistant à tenir compagnie à des hommes plus âgés, dans le cadre d’une relation amicale, affective ou sexuelle, contre une rémunération en nature ou en numéraire. Cette activité est exercée, de manière indépendante, à titre onéreux et présente un caractère permanent et pas seulement ponctuel. Telle qu’elle a été décrite par Mme X. et son conseil, elle entre en concurrence avec d’autres activités économiques licites.

Dans ces conditions, elle est assujettie à la TVA et vous pourrez confirmer le jugement sur ce point, qui n’est entaché d’aucune insuffisance de motivation.

S’agissant du délai de reprise, il résulte de l’instruction que l’administration a fait application des dispositions de l’article L. 188 C du livre des procédures fiscales qui prévoient que même si les délais de reprise, prévus à l’article L. 169 du livre des procédures fiscales, sont écoulés, c’est-à-dire en principe, pour l’impôt sur le revenu, à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due, les omissions ou insuffisances d’imposition révélées par une instance devant les tribunaux ou par une réclamation contentieuse, peuvent être réparées par l’administration des impôts jusqu’à la fin de l’année suivant celle de la décision qui a clos la procédure et, au plus tard, jusqu’à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est due. La circonstance que Mme X. n’aurait pas, selon elle, exercé une activité professionnelle occulte est donc sans incidence sur l’application par l’administration du délai de reprise spécial prévu par ces dispositions.

Enfin s’agissant de la majoration de 80% pour découverte d’une activité occulte, l’administration s’est fondée sur l’exercice par Mme X. d’une activité imposable à l’impôt sur le revenu et taxable à la TVA, au titre de laquelle elle n’a pas déposé les déclarations qu’elle était tenue de souscrire. Mme X. ne fait pas valoir qu’elle aurait commis une erreur justifiant qu’elle ne se soit acquittée d’aucune de ses obligations déclaratives. Son activité est donc réputée occulte et la majoration appliquée aux impositions litigieuses est justifiée (CE, 7 décembre 2015, Ministre c/société Frutas y Hortalizas Murcia SL, n°368227, A).

Par ces motifs, nous concluons au rejet de la requête.

Droits d'auteur

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To Tax, Or Not To Tax ? Les prestations d’escort sont soumises à la TVA

Alexis Quantin

Étudiant en Master 2 Droit public fondamental, Université Jean Moulin Lyon 3

Autres ressources du même auteur

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Maxime Massot

Étudiant en Master 2 Droit public fondamental, Université Jean Moulin Lyon 3

Autres ressources du même auteur

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DOI : 10.35562/alyoda.9500

Les prestations d’escort sont-elles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ? To tax, or not to tax, telle était la question soumise à la cour administrative d’appel de Lyon.

Alors que l’intéressée faisait l’objet d’une procédure pénale pour abus de faiblesse sur personne vulnérable, le tribunal de grande instance de Grenoble a informé l’administration fiscale, sur le fondement de l’article L. 101 du Livre des procédures fiscales (LPF), de la procédure en cours. Enclenchant un examen contradictoire de la situation personnelle puis un contrôle sur pièces, l’administration a considéré qu’elle exerçait d’une « manière habituelle une activité d'escort » entre 2007 et 2015. Le total des revenus générés s’élevant à plus de 700 000 €, l’administration fiscale a décidé de taxer « d'office l'intéressée à la taxe sur la valeur ajoutée » en application de l'article L. 66 du LPF en plus d’assujettir cette somme à l’impôt sur le revenu.

Estimant que la « preuve de l'exercice d'une activité professionnelle d'escort n'est pas rapportée et qu'elle doit être regardée comme une femme entretenue, percevant des subsides non imposables », la plaignante a alors demandé au tribunal administratif de Grenoble, qui l’a déboutée, de la décharger du paiement de cette somme. Elle a alors interjeté appel devant la CAA de Lyon.

Dans son arrêt du 19 octobre 2023, les juges administratifs lyonnais, dans les pas de leurs homologues marseillais1, ont rejeté l’appel. Après avoir qualifié l’activité exercée par la plaignante d’escorting, ils confirment que l’administration pouvait valablement assujettir d’office celle-ci au paiement de la TVA et de l’impôt sur le revenu.

Non définie et non encadrée, l’activité d’escort reste relativement ignorée, si ce n’est évitée, par le droit positif français. Il revenait donc au juge administratif de délimiter les contours de cette notion.

La requérante a nié durant toute la procédure qu’elle exerçait une telle activité, arguant que les relations en cause étaient désintéressées, alors même que son avocat l’avait reconnu. Toutefois, la cour constate que l’appelante se prêtait à « l'exercice, de manière habituelle, (…) d'une activité professionnelle non commerciale ayant pour objet, en échange d'un paiement en nature ou en numéraire, d'entretenir des relations avec des personnes, peu important, à cet égard, que ces relations soient amicales, affectives ou sexuelles ».

Pour définir l’activité en question, les juges lyonnais se conforment à la jurisprudence communautaire. En effet, les juges européens considèrent qu’une activité économique doit présenter un caractère permanent et être effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération2. Pour que cette activité puisse être qualifiée de prestation de service, la rémunération perçue doit constituer la contrepartie du service fourni au bénéficiaire3.

Dès lors que l’appelante a entretenu plusieurs relations, dont le caractère n’était pas uniquement sexuel, pendant plus de 10 ans et qu’elle a perçu pour cela plus de 700 000 €, la cour en a déduit que l’activité exercée s’apparentait à une activité économique et pouvait donc être soumise au paiement de la TVA.

De plus, selon la cour, « dès lors que l’autorité de la chose jugée au pénal ne s’attache pas aux motifs d’un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu’un doute subsiste sur leur réalité, la seule circonstance que Mme B... a été relaxée (...) des faits de l’infraction reprochée n’est pas, en soi, de nature à remettre en cause la réalité des éléments relatés ci-dessus ». Il s’agit de l’application, de jurisprudence constante4, de l’autonomie de la procédure fiscale vis-à-vis de la procédure pénale. Ainsi, le jugement de relaxe au pénal doit être « sans influence sur l'appréciation par le juge administratif de la matérialité et de la qualification des faits au regard de la loi fiscale »5, bien que le juge administratif soit tenu par les constatations matérielles en cas de condamnation6. La requérante ne saurait dès lors se prévaloir d’un tel jugement au pénal pour échapper à la qualification des bénéfices dégagés en vue de l’application des taxes envisagées.

Enfin, cet arrêt illustre le concept de « neutralité fiscale ». Dans ses conclusions sur cette affaire, la rapporteure publique Sophie Lesieux précisait que « le principe de neutralité fiscale s’oppose à une différenciation généralisée entre les transactions illicites et les transactions licites. (...) Peu importe que la prostitution soit une activité licite ou une activité illicite, la question est de savoir si elle entre en concurrence avec une activité licite ». Ainsi, avec Rémi Gouyet il est possible de considérer que « les préoccupations premières du droit fiscal ne sont assurément pas d’ordre moral. En effet, sa mission principale est d’assurer la pérennité des rentrées budgétaires et de garantir au mieux la rentabilité de l’impôt »7. La question de la licéité de l’activité en cause est indifférente pour l’administration, qui, se départissant de tout moralisme, jouera son rôle et soumettra les revenus à imposition. En définitive, cet arrêt est une parfaite illustration de l’idée selon laquelle l'argent n'a pas d'odeur, qu’importe son origine, il intéressera nécessairement l'administration fiscale.

Notes

1 CAA Marseille, 4e chambre, 20 avril 2021, n° 19MA05589. Retour au texte

2 CJUE, 13 décembre 2007, Landesanstalt für Landwirtschaft c/ Franz G., C-408/06. Retour au texte

3 CJUE, 20 janvier 2022, Apcoa Parking Danmark, C-90/20. Retour au texte

4 Dégagée dans l’arrêt CE, 9/8 SSR, 23 février 1979, SARL Rena, n°07307, mentionné aux tables du recueil Lebon. Retour au texte

5 Ibidem Retour au texte

6 CE, Section, 16 février 2018, n°395371, publié au recueil Lebon Retour au texte

7 Gouyet Rémi, « Le droit fiscal est-il amoral ? », Revue Petites Affiches, n°91, 7 mai 1999, Lextenso. Retour au texte

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