L’association motocycliste de Pont-de-Vaux organise annuellement une manifestation sportive, le « Mondial du Quad » d’une durée de quatre jours à la fin du mois d’août, sur un circuit aménagé en bordure de Saône mis à disposition par la commune. Cette manifestation est organisée depuis plusieurs décennies. L’association a été mise en demeure de solliciter une autorisation par un arrêté préfectoral du 7 août 2018.
Par un arrêté du 18 novembre 2020, le préfet de l’Ain a autorisé l’aménagement des circuits motorisés ainsi que la tenue de la manifestation sportive et fixé des prescriptions.
L’association citoyenne Bresse & Saône et autres vous demandent d’annuler cet arrêté.
Le premier moyen est tiré de l’insuffisance de l’étude d’impact. Toutefois, en se bornant à alléguer que l’étude est insuffisante concernant la prise en compte des espèces protégées présentes sur le site, les effets de l’installation sur le site protégé en vertu de la législation et de la réglementation environnementale, le risque d’inondation, les nuisances sonores, la préservation des sols et des eaux souterraines, et de ce qu’elle « ne justifie pas suffisamment en quoi le projet est retenu eu égard à ses effets sur l’environnement dans un contexte de stratégie nationale de préservation des zones naturelles et des risques et enjeux de l’adaptation aux effets du changement climatique », les requérants n’assortissent pas leur moyen de précisions suffisantes pour que vous en appréciez le bien-fondé.
Les requérants invoquent ensuite une atteinte excessive à la sécurité des populations riveraines eu égard aux risques d’inondation en se prévalant de l’interdiction de construire en zone inondable du plan de prévention des risques naturels Confluence Saône Reyssouze.
Le projet se situe en zone rouge de ce plan. Il ressort toutefois des dispositions de l’article 2.1 de ce plan que les espaces ouverts de plein air ne sont pas interdits. Selon le lexique du plan un espace ouvert de plein air est un « espace à usage récréatif, sportif ou de loisirs, ouvert au public, pouvant recevoir des équipements légers, fixes ou provisoires, strictement nécessaires aux activités, tels que : tribune, gradin, chapiteau, vestiaire, sanitaire, mobilier de jeux ou de loisirs, hangar à bateaux, installation nécessaire à l’accostage des bateaux, observatoire pédagogique, local strictement destiné au stockage de matériel ou à assurer la sécurité du public, etc. ». Contrairement à ce que font valoir les requérants, un espace peut être considéré comme ouvert au public quand bien même son accès serait payant. Le moyen sera par suite, en tout état de cause, écarté.
Les requérants invoquent ensuite une incompatibilité avec la disposition 8-03 du schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée.
L’autorisation est soumise à un simple rapport de compatibilité avec le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (voyez CE, 25 septembre 2019, Association syndicale autorisée de Benon et ministre de la transition écologique et solidaire, nos 418658-418706, en B).
Le point 8-03 du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Rhône-Méditerranée, approuvé le 21 mars 2022, qui correspond à la version applicable au litige, prévoit que « Tout projet soumis à une procédure règlementaire applicable aux décisions prises au titre de la loi sur l’eau (…) doit chercher à éviter les remblais en zone inondable. Si aucune alternative au remblaiement n’est possible, le projet doit respecter l’objectif de limitation des impacts sur l’écoulement des crues en terme de ligne d’eau et en termes de débit. (…) ».
Précisons tout d’abord que certains des remblais ont été réalisés antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 3 janvier 1992 sur l’eau. Or les dispositions du II de l’article L. 214-6 du code de l’environnement précisent que « Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. ». En l’espèce, il ne résulte pas de l’instruction que les remblais créés étaient soumis à une déclaration ou une autorisation en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992. Dans ces conditions, le préfet a pu considérer qu’ils n’étaient pas inclus dans le champ de la demande d’autorisation.
Les requérants font valoir qu’aucun autre site n’a été envisagé pour accueillir le circuit alors qu’un autre circuit existe déjà à proximité du site. Il est vrai qu’aucun autre site ne semble avoir été envisagé. Toutefois, ce circuit existe depuis plusieurs décennies. Ainsi que nous l’avons dit, des remblais avaient déjà été réalisés avant l’entrée en vigueur de la loi sur l’eau. Dans ces circonstances particulières, il nous semble que le porteur du projet a pu, sans méconnaître le SDAGE, faire le choix de conserver le même site.
Nous en venons aux mesures de compensations. Le point 8-03 du schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux Rhône Méditerranée prévoit que « (…) La compensation en volume correspond à 100% du volume prélevé sur le champ d’expansion de crues pour la crue de référence et doit être conçue de façon à être progressive et également répartie pour les évènements d’occurrence croissante : compensation ‘côte pour côte’. ».
Le circuit se situe dans le périmètre du champ d’expansion des crues de la Saône. L’autorisation délivrée comporte deux prescriptions pour compenser le volume total des remblais réalisés après l’entrée en vigueur de la loi sur l’eau. La première mesure compensatoire consiste à maintenir un volume de 550 m3 disponible pour l’expansion des crues de la Saône dans les fossés sur une surface de 1 832 m². La seconde consiste en la restitution au champ d’expansion des crues de la Saône d’un volume de 5 179 m3 sur une surface de 3 890 m². Pour mettre en œuvre cette dernière mesure, le déplacement d’une déchetterie est prévu. Il ne résulte pas de l’instruction que ces mesures compensatoires seraient insuffisantes au regard des exigences du SDAGE Rhône Méditerranée. Par ailleurs, l’arrêté accorde un délai de deux ans pour réaliser les déblais nécessaires. La circonstance que le délai ne serait pas respecté est sans incidence sur la légalité de l’arrêté. Il s’agit d’un problème d’exécution de cet arrêté.
Dès lors l’arrêté attaqué n’est pas incompatible avec le point 8-03 du SDAGE Rhône-Méditerranée.
Les requérants invoquent ensuite, s’agissant de la protection de la zone humide, une incompatibilité avec le point 6B-03 du SDAGE Rhône Méditerranée. Ces dispositions prévoient que « (…) lorsque la réalisation d’un projet conduit à la disparition d’une surface de zones humides ou à l’altération de leurs fonctions, les mesures compensatoires prévoient la restauration de zones humides existantes dégradées (…). Cette compensation doit viser une valeur guide de 200% de la surface perdue selon les règles suivantes : - une compensation minimale à hauteur de 100% de la surface détruite, par la restauration de zone humide fortement dégradée, en visant des fonctions équivalentes à celles impactées par le projet (…) ; - une compensation complémentaire par l’amélioration des fonctions de zones humides partiellement dégradées situées prioritairement dans le même sous bassin (…) ».
Selon l’étude d’impact, une surface de 1,086 hectares de zone humide a été détruite après le 29 mars 1993 et une surface de 1,536 hectares de zone humide a été dégradée.
Comme précédemment, compte tenu des aménagements réalisés, avant même l’entrée en vigueur de la loi sur l’eau, le préfet a pu estimer que le même site devait être conservé.
S’agissant des mesures de compensation, l’étude d’impact indique qu’une parcelle de 13,3 hectares de maïs présente dans l’emprise du projet a été supprimée pour être remplacée par une prairie de fauche tardive, ce qui a permis, selon cette étude d’impact, de restaurer 507 % de la surface de zone humide détruite ou dégradée. Les requérants n’apportent pas d’éléments démontrant que cette mesure serait insuffisante pour restaurer les fonctionnalités de la zone, en sachant que le site est situé en zone inondable.
Si les requérants invoquent également un risque de pollution aux hydrocarbures, le risque de pollution aux hydrocarbures du site a été évalué comme étant faible par l’étude d’impact. L’arrêté comporte des prescriptions relatives aux opérations de maintenance, de réparation, de vidange ou de ravitaillement des véhicules ainsi qu’au stockage des carburants. Les requérants ne démontrent pas que ces prescriptions seraient insuffisantes.
Dès lors, l’autorisation environnementale n’est pas incompatible avec le point 6B-03 du SDAGE Rhône-Méditerranée.
Les requérants invoquent ensuite une atteinte aux espèces protégées.
S’agissant de la protection de la flore et de la faune, l’article L. 411-1 du code de l’environnement prévoit que « I. - Lorsqu'un intérêt scientifique particulier, le rôle essentiel dans l'écosystème ou les nécessités de la préservation du patrimoine naturel justifient la conservation de sites d'intérêt géologique, d'habitats naturels, d'espèces animales non domestiques ou végétales non cultivées et de leurs habitats, sont interdits : / 1° La destruction ou l'enlèvement des oeufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l'enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation d'animaux de ces espèces (…) ; / 2° La destruction, la coupe, la mutilation, l'arrachage, la cueillette ou l'enlèvement de végétaux de ces espèces (…) ; / 3° La destruction, l'altération ou la dégradation de ces habitats naturels ou de ces habitats d'espèces ; (…) ».
Selon l’étude d’impact, la présence de plusieurs espèces protégées a été constatée sur le site s’agissant tant de la flore que de la faune. Il est constant que la compétition et les phases de montage et démontage des installations temporaires ont lieu après la période de floraison. Par ailleurs, l’arrêté prévoit un balisage des « stations de flore protégée », le maintien d’une prairie naturelle permanente d’une superficie minimale de 8,37 hectares avec une fauche centrifuge après le 15 juillet et le maintien de « zones refuges non fauchées ou fauchées plus tardivement en cas de nidification avérée ». Il réglemente en outre la circulation et le stationnement des véhicules en phase de montage des installations temporaires. Les requérants ne démontrent pas que ces mesures seraient insuffisantes pour préserver les espèces et leurs habitats. Le moyen sera par suite écarté.
Les requérants invoquent ensuite une atteinte aux objectifs de préservation de la zone Natura 2000 et des zones naturelles d'intérêt écologique, faunistique et floristique.
Deux sites Natura 2000 sont présents à proximité du site de la manifestation : le site « Prairies humides et forêts alluviales du Val de Saône » et le site « Val de Saône ». Un document d’évaluation des incidences au titre de Natura 2000 a été réalisé. Il conclut à une absence d’impact significatif sur les habitats et espèces et indique que sous réserve de mise en œuvre des mesures d’évitement et de réduction les impacts résiduels de la manifestation du mondial du quad de Pont de Vaux « ne remettent pas en question la pérennité des espèces » identifiées sur les sites Natura 2000. Les mesures devant être mises en œuvre consistent en une réutilisation du circuit d’une année sur l’autre, le maintien de zones de refuges enherbées non fauchées si le Cuivré des marais est présent, une fauche centrifuge postérieure au 15 juillet. Les prescriptions prévues dans l’arrêté attaqué et que nous avons évoquées permettent de respecter les objectifs de préservation des zones Natura 2000.
Par ailleurs, si les requérants font également valoir qu’il n’a pas été tenu compte des impacts cumulés avec le projet de reconstruction du pont de Fleurville, ils ne contestent pas que l’autorisation qui avait été accordée pour ce projet a été annulée.
Le moyen sera par suite écarté.
Nous en venons à la problématique des bruits de voisinage.
Les requérants invoquent une méconnaissance des dispositions de l’article R. 1336-7 du code de la santé publique relatifs aux valeurs limites d’émergence.
Selon l’article R. 1336-5 du code de la santé publique « Aucun bruit particulier ne doit, par sa durée, sa répétition ou son intensité, porter atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme, dans un lieu public ou privé, qu'une personne en soit elle-même à l'origine ou que ce soit par l'intermédiaire d'une personne, d'une chose dont elle a la garde ou d'un animal placé sous sa responsabilité. ». L’alinéa 1er de l’article R. 1336-6 de ce code précise que : « Lorsque le bruit mentionné à l'article R. 1336-5 a pour origine (…) une activité sportive, culturelle ou de loisir, organisée de façon habituelle ou soumise à autorisation, l'atteinte à la tranquillité du voisinage ou à la santé de l'homme est caractérisée si l'émergence globale de ce bruit perçu par autrui, telle que définie à l'article R. 1336-7, est supérieure aux valeurs limites fixées au même article. ». Enfin, l’article R. 1336-7 du même code prévoit que « L'émergence globale dans un lieu donné est définie par la différence entre le niveau de bruit ambiant, comportant le bruit particulier en cause, et le niveau du bruit résiduel constitué par l'ensemble des bruits habituels, extérieurs et intérieurs, correspondant à l'occupation normale des locaux et au fonctionnement habituel des équipements, en l'absence du bruit particulier en cause. / Les valeurs limites de l'émergence sont de 5 décibels pondérés A en période diurne (de 7 heures à 22 heures) et de 3 décibels pondérés A en période nocturne (de 22 heures à 7 heures), valeurs auxquelles s'ajoute un terme correctif en décibels pondérés A, fonction de la durée cumulée d'apparition du bruit particulier : (…) / 7° Zéro pour une durée supérieure à 8 heures. ».
Le préfet devait-il prendre en compte ces dispositions dans le cadre de l’autorisation environnementale ?
L’article L. 181-3 du code de l’environnement qui liste les intérêts que doit prendre en compte l’autorisation environnementale ne fait pas référence aux bruits de voisinage. Toutefois, l’article L. 181 4 du même code précise que « Les projets soumis à autorisation environnementale en application de l'article L. 181-1 restent soumis, sous réserve des dispositions du présent titre: / (…) / 2° Aux législations spécifiques aux autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments dont l'autorisation environnementale tient lieu lorsqu'ils sont exigés et qui sont énumérés par l'article L. 181-2, ainsi que, le cas échéant, aux autres dispositions législatives et réglementaires particulières qui les régissent. ». Par ailleurs, l’article L. 571-6 de ce code prévoit que « Sans préjudice des autres dispositions législatives et réglementaires applicables, les activités bruyantes, exercées dans les entreprises, les établissements, centres d'activités ou installations publiques ou privées établis à titre permanent ou temporaire, et ne figurant pas à la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement, peuvent être soumises à des prescriptions générales ou, lorsqu'elles sont susceptibles, par le bruit qu'elles provoquent, de présenter les dangers ou de causer les troubles mentionnés à l'article L. 571-1, à autorisation. / Peuvent être soumises aux mêmes dispositions les activités bruyantes sportives et de plein air susceptibles de causer des nuisances sonores. / (…) ». Enfin, l’article R. 571-31 du même code précise que les dispositions qui sont relatives à la lutte contre les bruits de voisinage figurent aux articles R. 1336-4 à R. 1336 11 du code de la santé publique.
Le simple constat d’un dépassement est-il suffisant ?
Dans sa décision du 23 avril 2021 n° 436282, concernant un arrêté portant homologation d’un circuit, le Conseil d’Etat a examiné si l’arrêté « autoriserait le circuit à fonctionner dans des conditions qui conduiraient, de façon structurelle, au non-respect des valeurs limites d’émergence fixées aux articles R. 1336-7 et R. 1336-8 du code de la santé publique ».
Il nous semble que vous pouvez juger qu’il résulte des dispositions du code de l’environnement et du code de la santé publique que nous avons mentionnées qu’une autorisation environnementale ne doit pas être accordée lorsqu’elle a pour effet de permettre à l’activité en cause de fonctionner dans des conditions qui conduiraient de façon structurelle au non-respect des valeurs prévues à l’article R. 1336-7 du code de la santé publique.
En l’espèce, il résulte des études réalisées en 2016 et 2021 que les émergences sonores globales résultant du fonctionnement du circuit motorisé de Pont-de-Vaux sont supérieures aux seuils fixés par cet article. Les seuils sont dépassés tant en période nocturne qu’en période diurne dans les habitations les plus proches du site.
L’arrêté comporte un certain nombre de prescriptions. Il impose des actions de sensibilisation du public, l’obligation de réaliser une étude acoustique à chaque tenue de l’évènement et prévoit un objectif de non dégradation de l’ambiance sonore telle que décrite dans le dossier d’enquête publique. Le niveau sonore des moteurs des véhicules est réglementé, la réalisation des travaux de montage et démontage des installations est interdite entre 20h et 7h et les dimanches et jours fériés. Toutefois, et ainsi qu’en témoignent les résultats de l’étude acoustique réalisée en 2021, ces obligations sont insuffisantes pour assurer le respect des dispositions du code de la santé publique. L’arrêté autorise le circuit à fonctionner dans des conditions qui conduisent, de façon structurelle, au non-respect des valeurs limites d’émergence sonore prévues à l’article R. 1336-7 du code de la santé publique. L’autorisation méconnaît ainsi cet article.
L’article L. 181-18 du code de l’environnement prévoit que : « I.- Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre une autorisation environnementale, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés : (…) 2° Qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par une autorisation modificative peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. (…) ».
En l’espèce, le vice semble être susceptible d’être régularisé. Vous pourrez donc faire application de ces dispositions. Ajoutons que dans les circonstances de l’espèce et la compétition n’ayant lieu qu’en août il n’y a pas lieu de suspendre l’exécution de l’arrêté.
Par ces motifs, nous concluons à ce qu’il soit sursis à statuer sur la requête en application des dispositions du 2° du I de l’article L. 181-18 du code de l’environnement et à l’octroi d’un délai de cinq mois à compter de la notification du jugement pour régulariser l’irrégularité relevée tirée de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 1336 7 du code de la santé publique.